LES PRISONNIERS D'ABD-EL-KAKER
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Et d'abord, le nom seul de prisonnier est un mot nouveau dans la langue de ces sauvages combattants du désert; à Abd-el-Kader appartient la gloire de l'y avoir introduit. Avant lui leurs prisonniers se comptaient par les têtes qu'ils rapportaient suspendues à la selle sanglante de leurs chevaux ; c'étaient leurs trophées de gloire , et chacun de ces trophées se soldait par un riche salaire.
Abd-el-Kader eut le premier la généreuse audace d'abolir , chez ces hordes fanatiques, cette prime du sang chrétien.
Au risque de compromettre sa puissance et sa popularité, il alla jusqu'à substituer le châtiment à la récompense ; et le salaire accordé auparavant à chaque tète coupée, il le tripla pour chaque prisonnier qu'on lui amènerait sain et sauf. Un de ses soldats lui ayant demandé avec étonnement ce qu'il donne rait pour un prisonnier fait sur l'ennemi, il répondit : « Huit douros.»
Et pour chaque tête coupée? ajouta le soldat.
« Vingt-cinq coups de bâton sous la plante des pieds » , « reprit tranquillement l’Émir. »
Ce mot devint une loi sans appel.
Une telle révolution dans les mœurs militaires des Arabes faillit causer un soulèvement général contre le jeune et chevalière que Sultan. II assemble un conseil formé de tous les khalifas et des principaux chefs de tribus , il les électrise par un discours qui restera un des beaux monuments de sa magnanimité , et les contraint à sanctionner et à publier dans toute l'Algérie le décret ainsi conçu :
Tout Arabe qui amènera vivant un soldat français ou chrétien recevra pour récompense la somme de huit douros , etc. Tout Arabe qui aura un Français en sa possession sera tenu de le bien traiter et de le conduire, le plus promptement possible, soit devant le khalifa, soit devant le Sultan lui même.
Dans le cas où le prisonnier aurait à se plaindre de mauvais traitements, l'Arabe n'aura droit à aucune récompense.
De ce jour, le respect et le soin des prisonniers remplacèrent dans toute l'armée musulmane les massacres quotidiens qui s'y commettaient sous la double consécration de la loi religieuse et de la tradition séculaire.
Écoutons maintenant le fier disciple du Coran recevant deux prisonniers que venaient de faire ses réguliers : « Sultan , nous voulons nous faire musulmans; nous sommes prêts à faire profession de ta religion. »
« Si c'est de bonne foi , c'est bien ! leur répond-il. Si c'est par une frayeur exagérée de votre nouvelle position, c'est mal ; ne le faites point.
» Ne craignez point, d'ailleurs, qu'il tombe, par mes ordres ou moi le sachant,un seul cheveu de votre tête par-ce que vous êtes et resterez chrétiens.
Considérez plutôt ce qui vous arriverait si jamais vous retourniez vers les Français, si vous veniez à tomber entre leurs mains, après avoir renié votre foi.
Ne seriez-vous pas traités , s'ils le savaient , comme de coupables déserteurs ?
Et, si quelque échange de prisonniers avait lieu, pourriez-vous espérer d'en faire partie et de revoir jamais vos frères ? Et ce n'est pas une seule fois qu'il tint ce langage sublime et qu'il épargna à des chrétiens la honte d'une lâche apostasie.
Un jour Escoffier, bondissant à ce seul mot d'apostasie, s'écriait : «Pour moi, je ne serai pas plus parjure à ma religion qu'à mon pays ; on peut me couper la tête, mais me rendre renégat, jamais! »
Abd-el-Kader, souriant de ce noble emportement, lui dit : «Sois tranquille, la vie est sacrée pour moi , et j'aime à t'entendre parler ainsi. Tu te conduis en brave, et tu mérites mon estime. J'honore plus encore le courage dans la foi que le courage dans la guerre. »
Il demandait à Mgr Dupuch de lui députer un de ses prêtres investi de toute sa confiance pour être dans son camp L’aumônier des PRISONNIERS FRANÇAIS.
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