| | La vie intérieure selon Sedir | |
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rosedumatin Administrateur - Fondateur
| Sujet: La vie intérieure selon Sedir Jeu 21 Jan 2010, 13:46 | |
| [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]LA PRATIQUE QUOTIDIENNE DE LA VIE INTÉRIEURE Notre expérience de chaque jour nous démontre l'utilité, la nécessité d'une vie intérieure robuste. A toute minute, la vie extérieure nous entame comme l'incessant assaut des vagues entame le rivage, qu'il soit de sable ou de granit; à toute minute, nous laissons accrochés aux ronces du chemin des lambeaux d'intelligence, des flocons d'énergie et les minutes exceptionnelles où nous nous affirmons plus forts que le milieu rongeur sont tellement rares que nous les tenons pour héroïques, alors qu'elles devraient être les plus communes, alors que leurs victoires continues devraient remplir notre existence. Tout être normal ressent profondément la détresse de ses perpétuelles défaites. Mais on a beau savoir d'instinct que la vie, c'est de la force, que plus la vie est profonde, plus elle est puissante, et que la plus essentielle des mille vigueurs qui circulent en nous, c'est l'énergie morale, on ne se résout pas à vouloir, on ne considère pas cette énergie morale comme la plus nécessaire. L'exemple des grands hommes nous démontre pourtant cette primauté; c'est par le moral que l'athlète arrache de ses muscles recrus la suprême tension qui lui donne le triomphe; c'est par le moral que l'explorateur surmonte la faim, la terrible soif et l'affreuse solitude; c'est par le moral que le soldat épuisé remporte la victoire. Aujourd'hui règne une sourde crainte générale de l'avenir; on ne l'avoue pas, mais elle nous étreint tous, et nous cherchons avec inquiétude un code d'éducation morale, et mieux qu'un code, la force préalable de se soumettre à ses prescriptions. Vous voyez aux étalages des libraires de nombreux manuels qui offrent des recettes pour acquérir toutes les variétés d'énergies physiques, psychiques, intellectuelles; et ils trouvent des acheteurs dont beaucoup essaient d'appliquer ces diverses méthodes; bien souvent incomplètes ou fausses, elles se réduisent à des suggestions systématiques de confiance en soi ou en son étoile. Cet optimisme aveugle supprime l'idée de forces supérieures à nous, et biffe la notion du divin; tout cela est un peu rudimentaire, un peu barbare. Cependant, il faut l'avouer, les synthèses d'athlétisme moral que les Anciens nous ont transmises ne rendent tout le fruit que leurs inventeurs nous promettent, que si elles sont appliquées à des individus très exceptionnels; encore ces fruits se gâtent-ils à un certain moment. Prenez Pythagore et Socrate, Epictète et Marc-Aurèle, prenez Goethe et Emerson, pour ne pas citer leurs plagiaires contemporains; étudiez les psychiatres et les psycho-thérapeutes, les officiels des universités, les empiristes américains, les vulgarisateurs trop souvent incompréhensifs des méthodes orientales; chez tous vous trouverez ou bien l'exagération du moi ou bien son esclavage, sous l'empire de forces occultes imprudemment sollicitées. De ces deux récifs l'un, l'orgueil, nous pétrifie et nous aveugle, l'autre, la superstition, fait de nous des choses amorphes et divagantes. Quelque robuste, en effet, que soit la confiance d'un individu en sa propre valeur, il peut rencontrer des obstacles infranchissables, des ouragans qui l'abattent, des luttes qui l'épuisent; tôt ou tard, l'orgueilleux se voit renversé par la réaction irrésistible des êtres qu'il s'est indûment asservis. La justice immanente ne s'endort jamais; si la catastrophe ne se produit pas durant sa vie terrestre, elle n'en éclate qu'avec une violence plus implacable dans le Royaume des morts. Oui, la Providence nous conduit tous par le même chemin; elle nous laisse d'abord jouer avec des hochets : la richesse, le pouvoir, l'amour, la réputation; pour les conquérir nous violons toutes les lois et, comme des enfants têtus, rebelles aux remontrances, nous ne nous arrêtons que lorsque notre indiscipline nous a mis en danger; il faut que le malheur nous frappe, il faut que la douleur nous renverse, pour que nous consentions à reconnaître des forces plus fortes que nous et des maximes plus sages que nos impulsions. « Le bon chevalier Malheur » doit souvent enfoncer sa lance jusqu'à ce que notre orgueil crie miséricorde; mais cette minute de désarroi, où nous tendons désespérément les mains vers l'espoir imprécis d'une aide surhumaine, si tardive soit-elle, c'est la minute du salut, c'est l'aurore enfin de notre future sagesse; et cette agonie nous annonce une royauté lointaine, mais indubitable. Le recours à des êtres plus puissants que l'homme, voilà le principe du sentiment religieux; la crainte est bien le commencement de la sagesse, mais on ne doit pas s'y abandonner; elle se transforme avec lenteur, par la reconnaissance, puis par l'obéissance, en cette foi, en cet amour qui constituent la perfection morale. Tous les cultes sont nés de notre impuissance; mais seul le christianisme conduit nos frayeurs jusqu'au courage invincible de Celui qui, par l'ardeur de Son humanité, par la profondeur de Son humilité, S'est montré l'Enfant de Dieu et le Ministre de Ses sollicitudes. Dans la religion du Christ, seule, on trouve une aide toujours prête, toujours à point, toujours surabondante, toujours inépuisable, à la condition unique de faire le geste nécessaire pour saisir ce salut. En effet, si soigneusement recuits, si puissamment tendus qu'on les imagine, les ressorts de notre volonté restent soumis aux influences du temps, de la matière, des conditions organiques; l'homme n'est pas un pur esprit, sa santé corporelle réagit sur sa santé intellectuelle, sur sa santé morale; toutes les forces qui le composent appartiennent au relatif, et sont sujettes à l'usure; dans quel étau les fixer alors, à quel feu les soumettre et à quel forgeron ? Un étau solide dans tous les ébranlements de la création, un feu inextinguible et qui se nourrisse de lui-même, un ouvrier sans impatience et qui ne se repose jamais. Qu'y a-t-il de fixe dans l'Univers, sinon la loi divine ? Quel feu surnaturel, sinon l'Amour ? Quel ouvrier parfait, sinon le Christ ? |
| | | abraham
| Sujet: Re: La vie intérieure selon Sedir Dim 24 Jan 2010, 15:11 | |
| LA PRATIQUE QUOTIDIENNE DE LA VIE INTÉRIEURE
suite:
Non, quand la mauvaise fortune nous accable, quand nous tombons d'épuisement, quand tout paraît perdu sans recours, quand on touche le fond, alors, parmi les milliards d'êtres qui pourraient nous secourir, croyez-le bien, il n'y eu a qu'un seul qui cherche à nous sauver, il n'y en a qu'un seul qui puisse nous sauver, il n'y en a qu'un seul de qui la toute-puissante compassion soit gratuite, il n'y en a qu'un seul qui soit constamment à coté de chacun de nous : cet unique-là, c'est Dieu, et Sa figure de sauveur, c'est le Christ.
[...]
L'Évangile nous propose deux principes issus tous deux de la Réalité divine, humaine et naturelle, je veux dire du Verbe. Le premier, c'est que tout vit; le second, c'est que rien n'existe que par Dieu.
Du premier principe découle le sentiment, le respect et l'amour de la vie dans toutes ses formes particulières; d'où l'obligation de la fraternité. Du second naissent le sentiment de notre néant propre et la certitude de ne rien pouvoir qu'avec Dieu; d'où la prière et l'humilité.
Or, aimer la vie, c'est aider à ce qu'autour de soi tout vive mieux; c'est aussi bien replacer dans le champ une motte de terre lancée sur la route que mettre un tuteur à une branche froissée, secourir un animal malade, vêtir un pauvre, consoler un chagrin que répandre une découverte ou lancer une industrie qui donnera de l'aisance à quelque bourg famélique.
Or, demander de l'aide implique qu'on se fasse entendre du Protecteur suprême duquel on espère tout; il faut donc que notre esprit entre dans le royaume de Dieu, c'est-à-dire que nous en observions la loi, et que notre coeur soit assez pur pour que ses supplications montent vers les cieux immatériels.
Ces deux choses : la prière et la charité vous semblent-elles trop simples et bonnes pour les enfants ? Essayez-les donc. Que diriez-vous de ce jeune homme qui, désirant renouveler les exploits des athlètes célèbres, se bornerait à lire des manuels de culture physique ? L'athlétisme moral exige aussi des entraînements effectifs. Et, si l'énergie avec une sensibilité riche et délicate sont les caractères d'une personne morale puissante et noble, je ne connais pas d'école d'énergie supérieure à l'exercice de l'amour du prochain, je ne connais pas de culture de la sensibilité plus intense et plus fructueuse que la pratique attentive et quotidienne de la prière.
Si ces déclarations vous surprennent, c'est que nous n'attribuons pas le même sens à ces deux mots. Expliquons-nous.
* Etre charitable, ce n'est pas laisser tomber deux sous dans la casquette du mendiant qui chante sous vos fenêtres; ce n'est pas donner cent sous aux Petites-Soeurs des Pauvres quand elles viennent; c'est prendre souci d'un affligé comme vous aimeriez que l'on s'occupe de vous si vous étiez à sa place. L'Évangile nous parle de notre prochain; qu'on se dérange donc, qu'on se prive même, qu'on fasse tout pour quiconque est proche de nous, voisin ou passant ou parent, mais qu'on ne croie pas avoir satisfait au précepte en gémissant sur le malheur des temps ou en plaignant les infortunes éloignées, ainsi que je vois faire à beaucoup de bonnes âmes.
Jésus ne demande pas, comme le Bouddha ou le Bab, qu'on aime son prochain plus que soi-même, mais tout simplement comme soi-même, ce qui est déjà bien difficile, très difficile. Restons simples, pratiques, et de sens rassis; sans rien exagérer, connaissant quel travail nous incombe, décidons nettement de le mener à bien malgré tout; ceux qui s'y essaient savent les fatigues incessantes de l'entreprise. Interrogez vos souvenirs; vous avez tout regardé vivre autour de vous et vous-mêmes vous avez votre bagage d'expériences; or, combien nommeriez-vous de personnes desquelles vous pourriez dire qu'elles aiment réellement leur prochain, qu'elles le traitent comme elles-mêmes, sans calcul, sans amertume, sans lassitude ? Si, à nous tous, nous parvenons à réunir deux ou trois noms, ce sera tout; le travail demandé par l'Évangile suffit donc amplement à notre état actuel.
L'amour du prochain peut être négatif et d'abstention, ou positif et d'action : ne pas nuire, puis aider.
Ne pas nuire ni par l'acte, ni par la parole, ni par la pensée; que voilà déjà une entreprise qui semble au-dessus des forces humaines à quiconque s'y essaie, et quelle école pour la paresse, pour la cupidité, pour toutes les petites mesquineries qui pullulent dans chacune de nos heures ! Que nos actes ne nuisent point, c'est endiguer l'avarice et l'ambition; que nos paroles ne soient pas nuisibles, c'est supprimer l'envie, la jalousie, la vaine suffisance; que nos pensées ne nuisent plus, c'est semer de la bénévolence, de l'ardeur et de l'allégresse.
Avez-vous essayé ? Pouvez-vous apaiser votre impatience lorsqu'un importun vous fait perdre votre temps ? Vous êtes-vous rendus insensibles aux piqûres de l'ingratitude ? Parvenez-vous à ne pas vous défendre quand on vous calomnie ? Faites-vous en cachette le travail que tel camarade paresseux n'expédie pas en temps voulu au risque de se faire renvoyer et de ne plus pouvoir nourrir sa famille ? Avez-vous soigné un enfant souffre-douleur de camarades ou de parents brutaux ? Savez-vous inventer des excuses pour ceux que l'on blâme justement, ou des défenses pour ceux que l'on persécute injustement ? Or, si vous faites toutes ces choses d'une façon habituelle, avez-vous remarqué comme de telles coutumes vous procurent un sentiment fort de bien-être intime et de paix ? Si même votre coeur, peu entraîné à la grande et douce indulgence des âmes qui ont beaucoup souffert, se trouve inapte à fournir spontanément ces gestes fraternels, contraignez-le de les accomplir, faites-lui violence; vous récolterez de votre despotisme contre vous-même les fruits les plus beaux de stabilité, d'énergie, d'humilité.
La pratique de l'amour fraternel développe toutes les richesses de la sensibilité sentimentale ou esthétique, fertilise l'intelligence, et renferme tous les entraînements moraux. Des chercheurs non-chrétiens s'étonnent que l'Évangile ne parle pas des animaux, et tirent de ce silence un argument en faveur du bouddhisme. Mais l'Évangile n'énonce pas tout le détail infini de nos devoirs; et ces critiques, probablement, n'ont pas mis à l'essai les formules qu'ils déprécient. J'ai bien souvent vu telle amie des chats ou des chiens laisser sans secours sa voisine malade; mais je n'ai jamais vu un homme capable de donner son lit à un misérable ramassé dans la rue se montrer cruel pour l'animal. Qui peut le plus peut le moins.
L'amour du prochain le plus facile, c'est celui de la famille; toutes sortes d'attractions venues de la chair et du sang aident les époux, les pères, les mères, les enfants à s'entr'aimer. Mais la facilité implique la fragilité et le véritable amour conjugal ou familial commence avec les tentations de devenir infidèle ou impatient. Aimer des étrangers, des inconnus devient plus difficile; aussi cet exercice développe-t-il davantage le sens de la Vie. Quiconque se penche sur la douleur humaine apprend à soigner la plus infime créature, apprend à l'admirer, à vénérer Celui de qui elle exprime une parole ineffable, à découvrir en tout la Lumière originelle et le secret divin. Le contemplateur mystique fera donc aussi l'aumône aux êtres immatériels : aux mauvais destins, aux complications, aux incommodités, aux inimitiés, à tout enfin ce qu'engendre de désagréable le siècle et le milieu social.
Voilà le rôle secret, le rôle essentiel de l'homme. Voilà par quels exercices il atteint sa stature entière et répond aux espérances que fondent sur lui les innombrables créatures. Si Dieu est Amour, l'homme, Son enfant, ne devrait être que charité. |
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