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 HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.

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Pierresuzanne

Pierresuzanne



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MessageSujet: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 03:57

06.04.2014


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HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES : archéologie, sciences et spiritualité.


INTRODUCTION : page 1 : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

1. LA CRÉATION. De 13 milliards d'années à 3000 avant l'ère commune.
page 1 :
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2 . ABRAHAM ET LES PATRIARCHES. De 3000 à 1700 avant l'ère commune.
page 1 :
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3 . L'EXODE ET L'INSTALLATION DES HÉBREUX EN CANAAN. De 1700 à 1050 avant l'ère commune.
page 1 :
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4 . LES DEUX ROYAUMES HÉBRAÏQUES : DAVID, SALOMON, LA REINE DE SABA... De 1025 à 727 avant l'ère commune.
page 1 :
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5 . LA CROYANCE EN UN DIEU DES COMBATS : LE DERNIER ROYAUME HÉBRAÏQUE, CELUI DE JUDA, MET LA BIBLE PAR ÉCRIT. De 727 à 7 avant l'ère commune.
page 1 :
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6 . LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST : HUMANITÉ, DIVINITÉ. De 7 avant l'ère commune à 30 après.
page 1 :
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7 . LE CHRIST ET LA LOI : IL LA MAINTIENT POUR LES JUIFS, L'ACCOMPLIT ET LA TRANSGRESSE AVEC SES DISCIPLES. De 31 à 33 de l'ère commune.
page 1 :
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8 . LE CHRIST INSTAURE LA NOUVELLE ALLIANCE POUR L'HUMANITÉ. Avril 33.
page 1 :
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9 . LES DÉBUTS DE L'ÈRE CHRÉTIENNE. De 33 à 130.
page 2 :
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10 . LES RELIGIONS PRÉISLAMIQUES. De 130 à 610.
page 2 :
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11 . Mohamed À LA MECQUE. De 610 à 622.
page 2 :
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12 . Mohamed À MÉDINE. De 622 à 632.
page 2 :
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13 . DEUX CIVILISATIONS S’AFFRONTENT. De 632 à 1099.
page 2 :
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14 . DEUX VISIONS DE LA SCIENCE. De 1099 à 1798.
page 3 :
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15 . LA DÉMOCRATIE : JUSTICE... ÉGALITÉ ET LIBERTÉ ? De 1798 à nos jours.
page 3 :
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CONCLUSION : page 3 : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

BIBLIOGRAPHIE : page 3 :


Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 08:27, édité 21 fois
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Pierresuzanne

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:00



INTRODUCTION :



Le monothéisme est la foi en un Dieu unique. S'il peut sembler banal de croire en un seul Dieu, l’émergence d'une telle croyance n'est pas si ancienne que cela, surtout si on la met en perspective avec l'histoire - ou la préhistoire – humaine.


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Aurochs de Lascaux (15 000 ans avant le présent).

La croyance en un Dieu unique n'est pas une croyance universelle. Ni les animistes, ni les hindouistes, ni les shintoïstes, ni les bouddhistes, ne croient en un Dieu unique individualisé. L'idée d'un Dieu unique a donc émergé dans l'histoire de l'humanité comme un concept original et atypique.

Depuis quelques dizaines d'années, en Europe, les brassages culturels ont mis - ou remis - en présence les trois grands monothéismes historiques : le judaïsme, le christianisme et l'islam. S'interroger sur les répercussions de ces religions sur les civilisations est d'autant plus intéressant que ces rencontres culturelles suscitent des émotions contrastées. Face à l'évolution brutale des structures traditionnelles, certains semblent pris d'une inquiétude sans doute irraisonnée et d'autres semblent témoigner d'un enthousiasme peut-être naïf.

Dire qu'il n'y a qu'un seul Dieu est de l'ordre de la foi. Nous n'essayerons pas de démontrer une conviction qui, par nature, n'est pas rationnelle mais résulte d'un choix individuel. Il s'agit davantage de comprendre comment est défini ce Dieu unique dans les différents monothéismes et quelles sont les répercussions de ces perceptions multiples sur les civilisations. Pour étudier le contenu dogmatique de ces trois religions, leur livre saint et leur Tradition sont les sources naturelles. Par exemple, il semble légitime d'examiner ce que l'islam affirme de lui-même, d'abord dans le Coran, mais également dans les textes de la Sunna ; il ne serait pas logique d'essayer de comprendre l'islam à partir de ce qu'en disent les chrétiens. De même, le christianisme ne peut être compris d'après ce qu'en pensent les musulmans. Il faut regarder les Évangiles, les Épîtres et la Tradition chrétienne. Les religions, en particulier monothéistes, suscitent souvent l'inquiétude, comme si elles étaient porteuses de fanatisme ou d'intolérance. Elles sont suffisamment anciennes pour que leur analyse soit plus complexe et leur bilan plus contrasté.

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Les symboles des trois principaux monothéismes réunis à Jérusalem.

L’Histoire, qui aspire à restituer le passé, ne peut s’affranchir de la chronologie. Pour comprendre le passé, il faut saisir ses articulations logiques, et c'est bien la chronologie qui permet cet exercice trop oublié. Nous allons donc aborder les faits historiques par leur date de survenue avant de les classer par thèmes. Par ailleurs, même dans une Histoire des monothéismes, il ne s'agit pas de réciter un conformisme de foi. L'histoire se veut une science et non une idéologie ou une croyance. Les outils qu'elle emploie sont donc objectifs. Depuis plus d'un siècle, toutes les ressources de la science se sont mises au service des progrès historiques. L'ancienneté des sources est connue avec une précision de plus en plus fine. Parmi les techniques de datation, le dosage du carbone 14 est la méthode la plus connue. En outre, la méthodologie qui préside aux fouilles archéologiques est désormais suffisamment exigeante pour restituer l'âge des strates fouillées avec fiabilité. Dans un domaine complémentaire, l’épigraphie est l'étude des textes anciens qui permet de déchiffrer des écrits rédigés il y a des millénaires sur des supports durables : parois rocheuses, poteries, papyrus ou parchemins. Ces textes conservent le témoignage des convictions et du savoir de nos lointains ancêtres, non tels que notre idéologie du XXIe siècle aimerait les imaginer, mais tels qu'ils étaient réellement.
Il ne s'agit donc pas seulement de regarder ce que disent les textes saints ou les traditions religieuses, mais de faire la synthèse de ce que nous ont appris la science et l'histoire. Par exemple, il existe des données objectives sur la création du monde. N'est-il pas intéressant de lire les textes saints en parallèle avec les événements objectifs que la cosmologie et l'astrophysique modernes nous ont appris à connaître. Pour chaque période de notre histoire, que ce soit l'Exode conduit par Moïse, la fondation des Royaumes d'Israël et de Juda, la vie de Jésus ou celle de Mohamed, la science, l'histoire, l'épigraphie ou l'archéologie ont quelque chose à nous dire. Parmi ces personnages historiques, le prophète de l'islam est de nos jours nommé M ahomet en français. Ce nom n'est pas péjoratif, mais il incommode certains de nos amis musulmans. En effet, il semblerait signifier en arabe « n'est pas loué » alors que Mohamed signifie « le digne de louange ». Le mot « M ahomet » provient en fait du nom turc Mehmet et n'a pas ce sous-entendu irrespectueux. Mais, soucieux de ne pas irriter inutilement les lecteurs musulmans pour une question de vocabulaire, nous nommerons donc le prophète de l'islam, Mohamed. Notre réflexion vise à mettre en évidence les liens entre les faits historiques et ne recherche pas une quelconque agressivité envers des hommes de foi.

Nos religions monothéistes, - essentiellement le judaïsme, le christianisme et l'islam - se disent inspirées par Dieu. Les historiens ne les qualifient pas de mythologies, car nos textes saints ne contiennent pas, ou peu, d'éléments fantastiques. Une lecture naturelle des textes saints peut conduire à rechercher leur contenu historique. En effet, la Bible et le Coran évoquent des événements qu'ils présentent comme réels et les archéologues ont confirmé leur survenu. Mais on doit également constater que ce n'est pas toujours le cas. Comment expliquer ce décalage ? L'hypothèse la plus vraisemblable veut que le passage du temps a rendu le souvenir des hommes imprécis ou même impossible.
On peut donc faire une lecture historique des textes saints, mais également une lecture de foi en supposant qu'ils exposent des vérités spirituelles. Ainsi la Bible ou le Coran nous diraient-ils quelque chose sur Ce Dieu unique et sur les moyens d’accéder au salut.
Une autre lecture, dite littérale, veut que les textes saints, Bible et Coran, soient parfaitement exacts, et ceci dans leurs moindres détails. La science des hommes se fourvoierait alors en croyant restituer un passé en contradiction avec la lettre des textes saints.
Mais, que l'on parle de lecture spirituelle ou de lecture littérale des textes saints, ce sont là des lectures de croyants. Une lecture athée ou agnostique supposera simplement que les hommes qui ont rédigé ces textes y ont introduit leur imagination, leurs hypothèses spirituelles, leurs désirs inconscients ou peut-être même leurs idées politiques.

En tant que chrétien, je ne prétends pas à une stricte neutralité, puisque j'ai une foi, mais les éléments, rapportés ici sont tous authentiques. Ils sont simplement classés par ordre chronologique, ce qui permet d’appréhender facilement l'évolution de chaque culture. Il est possible que ma façon de lire l'histoire suscite des réactions négatives. Peu importe. Il n'est pas nécessaire de vouloir à tout prix convaincre l'autre. Ceux qui cherchent la vérité avec honnêteté trouveront par eux-mêmes le chemin de la sagesse entre différents points de vue. Il y a quelques années, dans son livre La Bible, le Coran et la science, les écritures saintes examinées à la lumière des connaissances moderne, le Dr Maurice Bucaille s'est essayé à une démarche dans le même esprit, mais en présentant le point de vue musulman. Il a eu une audience internationale, y compris, naturellement, en terres de tradition chrétienne. Un regard chrétien qui interroge les livres saints à la lumière de la science et de l'histoire, peut-il être accepté avec la même ouverture ?

L'idée de ce travail est née de multiples échanges sur des forums, en particulier lors de dialogues entre musulmans et chrétiens. Ces échanges ont parfois été vifs, mais toujours intéressants car chacun défendait la cohérence de sa propre foi. Il est utile de connaître l'autre, de lui parler et de prendre conscience que chacun prend évidement au sérieux sa propre révélation. Il est également utile de percevoir à quel point la logique de l'autre peut être différente de la nôtre. Combien d'échanges inter-religieux deviennent des dialogues de sourds, simplement parce que l'on définit différemment le même concept. Comment définir la vérité, la liberté ou le libre-arbitre ? Finalement, qui est Dieu, pour un juif, pour un chrétien ou pour un musulman ?
Supposer qu'être monothéiste implique que l'on croie au même Dieu est naïf. En effet, plusieurs révélations ont raconté des dieux uniques. Elles sont suffisamment différentes pour n'avoir que peu de points communs ... en dehors de l'Unicité de Dieu. Nous serons donc amenés à percevoir comment ces divergences ont induit des civilisations différentes, tant dans leur perception de l'autre que dans leur relation à la science ou à la politique.


Notre récit commence à la Création et s'achève de nos jours ...







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Scène de chasse ou d'incantation (?) : l'homme et le bison sont terrassés (13 000 avant JC ; Lascaux).






« Voici ce que vous devez faire : que chacun dise la vérité à son prochain ;
à vos portes rendez une justice qui engendre la paix
» (Zacharie, chapitre 8, verset 16).


« Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »
(Jean, chapitre 8, verset 32).


« Commande ce qui est convenable et éloigne-toi des ignorants. » (Sourate 7, Al-Araf, verset 199).

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:03

CHAPITRE 1 : LA CRÉATION.
De 13 milliards d'années à -3000.


1. 1. Le Big-bang.
1. 2 . L'apparition du système solaire.
1. 3. Les conditions de la vie sur terre.
1. 4 . Les mammifères apparaissent il y a 70 millions d'années.
1. 5. Les hominidés : la diversité humaine.
1. 6. L'évolution contredit la lecture littérale des textes saints. Ils ne sont donc pas parfaitement exacts.
1. 7. L’Homo sapiens.
1. 8. Adam et Ève … ou Ève et Adam ?
1. 9. Les débuts de la spiritualité. La Chute ?
1. 10. Astronomie et écriture : les sept corps célestes mobiles.
1. 11. La semaine de sept jours : les sept corps célestes mobiles.

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 04:07, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:06

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Bordure de la Haggadah de Sarajevo (1350, Saragosse).





1. LA CRÉATION.

De 13 milliards d’années à - 3000.


1. 1. Le Big-bang.
Il y a 13 milliards 800 millions d'années, la masse de l'univers est regroupée en un point infime.
Ce point explose.
Le temps et l'espace sont créés au même instant.
On ne peut pas dire que l'explosion se passe dans l'espace... mais plus précisément que l'espace est créé au fur et à mesure que le « souffle » de l'explosion originelle s'éloigne de son point d'origine, ce qui élargit l '« espace » de l'univers. L'univers est donc courbe et en expansion.

Dès 1854, le mathématicien Bernhard Riemann suggère à partir du calcul théorique que l'univers est une sphère.
En 1917, le mathématicien Willem de Sitter prouve par le calcul que l'expansion de l'univers est possible.
En 1927, l’abbé Georges Lemaître, un physicien, suggère que la sphère de l'univers est de masse constante et en expansion.
Ces hypothèses de mathématiques et de physique théorique sont trop dérangeantes... Même Albert Einstein va douter que l'univers soit en expansion. En effet, si l'univers est en expansion, cela signifie qu'il a eu un début. L'origine de l'univers devient donc compatible avec un acte créateur unique, tel qu'il est raconté par les religions monothéistes.

Or, cette explosion a laissé un rayonnement fossile. Il est enregistré aux États-Unis par hasard en 1965 par deux ingénieurs radio, Allan Penzias et Robert Wilson. Ils construisaient une antenne pour le premier relais de communication téléphonique avec satellite pour la Bell Telephones Laboratories. Ils furent gênés par une onde parasite existant dans toutes les directions de l'univers : ils avaient découvert la preuve du Big-bang. Le calcul théorique en avait eu l'intuition au début du XXe siècle ; Penzias et Wilson en observent la preuve en 1965.
Notre univers est bien en expansion et il a eu un début unique et datable, il y a 13,8 milliards d'années.

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Le fond cosmique diffus, trace fossile de l'activité magnétique de l'univers 300 000 ans après le Big-bang (enregistré par le
satellite Planck en 2011). En mars 2014, ont été enregistrées les ondes gravitationnelles émises à la première seconde du Big-bang
.

La Bible raconte : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or, la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l'abîme, l'esprit de Dieu tournoyait sur les eaux. Dieu dit : « Que la lumière soit » et la lumière fut. » (Genèse 1, 1-3).
La suite du texte de la Genèse raconte la création en six jours, chaque journée voyant la création d'une vie de plus en plus complexe jusqu'au sommet de la création, le sixième jour, avec la création de l'homme.

La création n'a pas eu lieu en six jours... mais quelque chose de la vérité de la Création est présent dans la Bible. « « Que la lumière soit » et la lumière fut. » dit Dieu dans la Genèse. C'est un raccourci saisissant du Big-bang : moment initial et unique de l'univers. Toute la logique de l'évolution tient-elle dans ce premier instant, structuré par des lois mathématiques éternelles ? Ou bien Dieu a-t-Il dirigé l'évolution du monde au cours des millénaires ?

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Dieu Créateur (Bible historiale de Guiard des Moulins,
Paris,  XIVe siècle ; Bibliothèque nationale de France (BnF)).

Le Coran explique : « Oui, votre Seigneur, c’est Dieu, qui a créé les cieux et la terre en six jours, puis Il s’est établi sur le Trône. Il fait que la nuit, excitée à poursuivre le jour, le couvre, et le soleil, et la lune, et les étoiles, mis à la corvée par Son commandement. N’est-ce pas à Lui qu'appartiennent la création et le commandement. » (Sourate 7, 54). Le Coran, avec poésie, raconte donc également une Création divine en six jours.

Selon les scientifiques, le temps aurait été créé au moment du Big-bang, dans le même mouvement que l'espace de l'univers était engendré par son expansion. Rien de matériel n'aurait préexisté à ce moment primordial, ni matière organisée en atomes, ni espace, ni temps. Tout de suite après, les atomes les plus simples, ceux d'hydrogène, constitués d'un atome avec un seul proton et un seul électron, fusionnent en atomes de plus en plus lourds. Les 92 corps simples naturels du tableau de Mendeleïev sont alors tous créés.

1. 2 . Le système solaire apparaît il y a 4,6 milliards d'années.
Il y a 4,6 milliards d'années, la matière nébuleuse qui constitue notre futur système solaire s'effondre sur elle-même dans un gigantesque tourbillon. La densité est si forte en son centre que les atomes entrent en fusion : notre soleil s'allume. Il contient 99% de la masse du système solaire. Il peut brûler encore pendant 5 milliards d'années avant d'exploser en englobant tout notre système solaire qui sera alors détruit.

Cent millions d’années après que le soleil se fut allumé, le centième de matière résiduelle, à force de s'entrechoquer en tournant autour du soleil, finit par s'agglomérer en 8 planètes. En partant du soleil, elles ont été nommées : Mercure, Vénus, La Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Pluton n'est plus une planète depuis qu'elle a été déclassée. Elle était trop petite. Résidu de la matière originelle tournoyante, les planètes sont toutes situées sur le même plan centré sur le soleil. Cela explique que, vues de la terre, elles semblent se déplacer à l'intérieur d'une bande. Cette bande correspond au zodiaque.

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Le Zodiaque, divisé en douze parties (Les Très Riches Heures du duc Jean de Berry,
XVe siècle ; Bibliothèque nationale de France (BnF)).

La Terre a trois « couches ». Au centre, un noyau constitué de fer et de nickel, puis un manteau de fer, de silicium, de nickel, de souffre, d'oxygène, et finalement, à l'extérieur, la croûte de basalte, de silice et de magnésium. Le Coran raconte : « … et Nous avons fait descendre le fer, où se trouve une dure rigueur aussi bien que des avantages pour les gens. Afin que Dieu sache, qui dans l’invisible, Lui porte secours, ainsi qu’à Ses messagers. Oui, Dieu est fort, puissant. » (Sourate 57, 25).
Cette « descente » coranique du fer sur Terre, est interprétée par certains musulmans littéralement. Ils pensent que le fer est arrivé sur terre après l'apparition de notre planète, comme un cadeau d'Allah pour aider l'humanité. En fait, le fer, comme toute la matière, était bien dans l'espace avant l'agglomération des matériaux célestes en planètes, puisqu'il s'est formé juste après le Big-bang comme tous les atomes des corps simples du tableau de Mendeleïev. Le fer existait donc dans l'espace avant la constitution de la terre. Il a formé le noyau de la terre, la zone la plus centrale, mais, il n'est pas arrivé après la constitution de notre planète.

La Bible raconte la création des cieux. « Dieu dit : « Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux ». Et il en fut ainsi. Dieu fit le firmament, qui sépare les eaux qui sont sous le firmament avec les eaux qui sont au-dessus du firmament, et Dieu appela le firmament  « ciel ». Il y eu un soir, il y eu un matin : deuxième jour. » (Genèse 1, 6-8 ).
Le Coran raconte qu'il existe sept cieux. « C’est Dieu qui a créé sept cieux et en a fait autant pour la Terre, et ses ordres descendent graduellement des Cieux vers cette dernière, afin que vous sachiez que sa puissance n’a point de limite et que sa science embrasse toute chose. » (Sourate 65, 12). Nous verrons d'où provient cette croyance en sept cieux. Son origine est connue.

Voilà l'espace céleste, la terre et le ciel, créé par Dieu, si on en croit la Bible ou le Coran, ... ou par les conséquences naturelles du Big-bang.

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Le système solaire : toutes les planètes sont sur le même plan.

1. 3. Les conditions de la vie sur terre.
Trois conditions ont été nécessaires à l'apparition de la vie sur la Terre :

- Premièrement, la Terre est située dans la zone du système solaire où l'eau peut être liquide : il n'y fait ni trop froid ni trop chaud. La vie s'y est développée à partir d'atomes d'azote, de carbone, d'hydrogène et d'oxygène. La vie est-elle arrivée dans des météorites sous forme d'acides aminés constitutifs de la molécule d'ADN ? Cela a été évoqué. Mais l'eau liquide est à la base de la vie, et seule notre terre dans notre système solaire est à la bonne température pour que l'eau y soit liquide.
La Genèse raconte : « Dieu dit : « Que les eaux qui sont sous le ciel s'amassent en une seule masse et qu'apparaisse le continent » et il en fut ainsi. Dieu appela le continent « terre » et la masse des eaux « mers », et Dieu vit que cela était bon. ». (Genèse 1, 9-10).
Le Coran rapporte : « Et c’est Lui qui donne libre cours aux deux ondes : celle-ci douce, rafraîchissante, celle-là, salée, amère. » (Sourate 25, 53).

- Deuxièmement, notre système solaire est protégé par Jupiter, la planète géante à sa périphérie, qui contient 75 % de la masse des planètes. Jupiter sert « d'aspirateur » au système solaire. Sa masse attire les météorites du système solaire. Elles épargnent donc globalement la surface de la Terre.

- Finalement, la Terre est équilibrée par son satellite, la lune. Le mobile Terre-lune tourne de façon régulière. La Terre ne peut pas pivoter sur elle-même dans n'importe quelle direction. Les pôles glaciaires où la vie est difficile, se trouvent donc toujours aux mêmes endroits. Si les pôles se déplacent, cela se fait très progressivement. La vie a donc eu le temps de se développer.
La Terre fait un tour sur elle-même en 24 h, sur un axe légèrement incliné et constant. Cette légère inclinaison explique la différence de longueur des jours au long de l'année et donc les saisons. Quand le pôle Nord est incliné vers le soleil, c'est l'été dans l'hémisphère Nord. Au pôle Nord, en été, la nuit n'existe pas pendant six mois. Quand, au bout de six mois, la Terre a parcouru une demi-orbite autour du soleil, elle présente son pôle Sud au soleil. C'est alors l'hiver dans l'hémisphère Nord et au pôle Nord, le jour disparaît : c'est la nuit polaire.

De l'eau liquide, de rares météorites, un axe de la Terre stable, quoique incliné : toutes les conditions étaient réunies pour permettre à la vie de se développer sur Terre.
Il y a 3,8 milliards d'années, la vie apparaît sur Terre.
C'est une certitude acquise par la géologie. En effet, les fossiles des premières bactéries ont été retrouvés dans le sol de l'Australie dans des strates précambriennes datées de 3,8 milliards d'années.
À ce jour, aucun scientifique n'a encore trouvé de vie extra-terrestre. Mais des conditions similaires à celles de la Terre existent certainement ailleurs... rien n'interdit qu'il y ait ou qu'il y ait eu une vie extra-terrestre. Que cette vie ait conduit à des êtres intelligents est une autre question.

Nos textes saints racontent la création de la vie. Dans la Bible : « Dieu dit : « Que la terre verdisse de verdure : des herbes portant semence et des arbres fruitiers donnant sur la terre selon leur espèce des fruits contenant leur semence. » et il en fut ainsi... et Dieu vit que cela était bon. Il y eu un soir et il y eu un matin : troisième jour. » (Genèse 1, 11-13).
Yahvé agit donc par sa parole qui est créatrice. De plus, on voit que Dieu affirme que Sa création est bonne. À aucun moment de la Genèse, Yahvé ne dira créer le mal.
Le Coran raconte : « Renierez-vous Celui qui a créé la Terre en deux jours et allez-vous Lui assigner des rivaux ? C’est le Seigneur des mondes ! Il a établi sur la Terre des montagnes et a mis en elle plénitude de bénédiction, et y a réparti, en quatre jours d’égale durée, les ressources répondant aux besoins exacts des vivants. Il s'est occupé ensuite du ciel qui n’était qu’une nébuleuse, puis Il lui dit, ainsi qu'à la terre : Venez, tous deux, de gré ou de force. » - Tous deux dirent : « Nous venons tous, obéissants. » En deux jours, donc, Il les décréta sept cieux, assignant à chaque ciel une fonction bien déterminée. » (Sourate 41, 9-12).
Allah crée par Sa parole également selon le Coran. Sa création Lui permet d'affirmer sa Toute-Puissance : Il donne aux créatures de quoi vivre, mais c'est d'abord la domination d'Allah sur l'univers qui est affirmée.

Les textes saints racontent tous les deux une création dans le désordre. Le Coran affirme que les montagnes ont été créées avant le ciel (S. 41, 9-12). La Bible raconte que la terre existait avant le soleil (Ge 1, 1-4). Mais Allah comme Yahvé demeurent à l'origine de la vie.

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Papyrus (fresques d'Akrotiri, à Santorin, XVIIe siècle
avant JC) : la vie végétale apparaît la première.

1. 4 . Les mammifères apparaissent il y a 70 millions d'années.
Il y a 70 millions d'années, une minuscule musaraigne émerge entre les pattes des dinosaures qui régnaient sur terre depuis 150 millions d'années. Les dinosaures vont disparaître en un ou deux millions d'années. Après avoir percuté le sol, une météorite a sans doute envoyé dans l'atmosphère des millions de tonnes de poussières terrestres. Ou bien serait-ce un volcan géant qui aurait obscurci le ciel avec ses émissions poussiéreuses ? La poussière, en filtrant le soleil, a fait disparaître les végétaux ; les dinosaures herbivores n'ont pu se nourrir et ont disparu, entraînant à leur suite les dinosaures carnassiers qui les mangeaient.
Les fossiles des ossements des dinosaures ont été retrouvés sur tous les continents. C'est grâce à eux que l'on a prouvé la dérive des continents. En effet, les mêmes espèces existent en Amérique et en Afrique. Les continents, avec tout ce qu'ils contiennent, ne sont pas stables, ils se déplacent en permanence. Au XVIe siècle, le premier, Abraham Ortell (1527-1598), un cartographe néerlandais, a remarqué que les côtes de l'Afrique et de l'Amérique s’emboîtaient.

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Mappemonde d'Ortelius (1570).

Finalement, l'astronome allemand, Alfred Wegener (1880-1930) publie en 1912 sa théorie sur la dérive des continents. Les montagnes, en particulier, ne sont donc pas immobiles, même si le Coran le dit : « Et Nous avons placé des montagnes fermes dans la terre, afin qu'elle ne s'ébranle pas en les [entraînant]. » (S. 21, 31) et « N'avons-nous pas désigné la terre pour berceau et les montagnes pour piquets de tente ? » (S. 78, 7). En fait, les montagnes sont en perpétuel mouvement. Elles s'érigent à la jonction de deux plaques tectoniques, soulevant les fonds marins, comme le prouvent les fossiles de coquillages découverts en altitude ; et elles se déplacent latéralement en suivant les plaques tectoniques.
Sans la disparition des dinosaures, les mammifères n'auraient jamais pu se développer. Or, les textes saints ne racontent pas la disparition d'espèces permettant la vie humaine. Les livres saints racontent une création linéaire culminant avec l'apparition de l'homme. Ils perçoivent la nature, les végétaux et les animaux comme un cadeau divin pour la survie des hommes : Dieu, dans sa bonté, donne à l'homme de quoi vivre. Jamais, ni la Bible, ni le Coran, ne présentent une nature rivale pouvant interdire l'existence de l'homme. La création ne s'est donc pas passée réellement comme le racontent les livres saints.

On peut alors supposer que les textes saints sont là pour nous donner d'autres informations que des connaissances scientifiques. Il semble naturel de conclure qu'ils peuvent nous apprendre quelque chose sur Dieu.
La Genèse raconte :
« Dieu dit : « Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèces : bestiaux, bestioles, bêtes sauvages selon leur espèce. » et il en fut ainsi. Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les bestioles du sol selon leur espèce, et Dieu vit que cela était bon. » (Ge 1, 24-25).
On constate à nouveau que la bonté de Dieu transparaît dans Sa création. Yahvé affirme ne créer que des choses bonnes.

Dans le Coran, la création d'Allah demeure la preuve de Sa toute puissance et de Sa grandeur :
« Dieu : il n’y a de Dieu que Lui, le Vivant, l’Agent suprême. Somnolence ne le prend, non plus que sommeil. À Lui appartient ce qu’il y a dans les cieux et sur la terre. Qui oserait intercéder auprès de Lui, si ce n’est sur Sa permission, Lui qui sait l’imminent et le futur des hommes, alors qu’eux n’embrassent même pas une parcelle de sa connaissance, excepté ce qu’Il veut ? Son siège s’étend au ciel et à la terre, dont la sauvegarde ne lui coûte aucun labeur. Il est le Sublime, le Grandiose. » (S. 2, 255).
Dans Sa toute-puissance, tout semble provenir d'Allah, le bien comme le mal : « Je cherche protection auprès du Seigneur de la fente [de la graine qui germe], contre le mal qu'Il a créé. » (S. 113, 1-2). « Dis : « Quel est celui qui vous protégera de Dieu, s'Il vous veut du mal ou qu'Il vous veuille miséricorde ? » (Sourate 33, 17). « À Dieu la royauté des cieux et de la terre. Il crée ce qu'Il veut. Il fait don de filles à qui Il veut, et don de garçon à qui Il veut... et Il désigne stérile qui Il veut. » (S. 42, 49-50).

Allah, Le Dieu unique tout-puissant, crée le bien et le mal dans le Coran : tout vient de Lui ! Yahvé, Le Dieu des juifs et des chrétiens, ne crée que le bien dans la Bible. Ces deux conceptions de Dieu ne sont pas superposables. Pour expliquer ces différences, le Coran dit que les chrétiens et les juifs ont falsifié la Bible (S. 5, 13-15). Et les juifs, ainsi que les chrétiens, expliquent ces différences en affirmant que Mohamed n'est pas prophète selon les critères définis par la Bible (Ézéchiel 13, 2-3 ; Michée 3, 5-8 ; Zacharie 11,15-17 ; Jean 10, 11-18 ; Épître aux Galates 1, 6-9).
Notre propos n'est pas de dire qui a raison ou qui a tort, mais de constater les différences de croyances et de nous interroger sur leurs répercussions sur nos civilisations.

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Londres de nos jours.

1. 5. Les hominidés : la diversité humaine.

Il y a 9 millions d'années, les hominidés apparaissent : leur nouvelle famille, issue d'ancêtres communs aux singes, se nomme Sahelanthropus tchadensis. Le premier fossile appartenant à cette branche a été découvert en 2001 au Tchad.
Il a été appelé Toumaï. Toumaï s'est déjà écarté de la branche des gorilles et de celle des chimpanzés. Il possède des caractéristiques qui rendent possible qu'il soit notre lointain ancêtre, puisqu'il est bipède. Marcher debout laisse les mains libres pour d'autres usages et autorise le maniement d'outils. L'usage et la fabrication d'outils demandent une augmentation des aptitudes intellectuelles, ce qui favorise le développement du cerveau. Grâce à la datation par la demi-vie du béryllium 10, qui sert pour les datations très anciennes, on sait que Toumaï a vécu il y a 7 millions d'années (*1).

Puis, descendants de Toumaï, plusieurs branches d'hominidés apparaissent de façon foisonnante. Certains d'entre eux sont nos cousins, d'autres nos ancêtres. Les australopithèques sont les plus connus grâce à Lucie. Ils ont vécu entre 4 et 3 millions d'années. Le fossile de Lucie a été découvert en 1974 par Yves Coppens. Il est conservé au musée de l'Homme à Paris. Elle est notre grande-tante plutôt que notre grand-mère, puisque nous ne descendons pas directement d'elle. En revanche, parmi les enfants de Toumaï se trouve Homo erectus, apparu il y a 2,5 millions d'années. Il évoluera vers Homo habilis, il y a 1,5 million d'années. Puis l'Homo habilis se « transforme » en Homo sapiens sapiens, il y a 150 000 ans. Nous sommes tous des Homo sapiens sapiens.

Il y a 250 000 ans, l'Homo neanderthalensis, l'homme de Néandertal, apparaît en Europe. Il descend lui-aussi de Toumaï, mais ses ancêtres se sont séparés de la branche ancêtre des Homo sapiens il y a cinq millions d'années.


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Enfant néandertalien reconstitué à partir de son crâne par Elisabeth Daynès.

L'homme de Néandertal est donc notre cousin et non notre ancêtre. Il est robuste, vit en société, fabrique des outils, chasse petit et gros gibier, enterre ses morts et leur fait des offrandes : ocre, fleurs, outils. Il a donc des interrogations métaphysiques.
Nous n'avons jamais retrouvé de production artistique qui puisse lui être attribuée avec certitude (peinture ou sculpture). Un enfant Néandertal a néanmoins été retrouvé enterré avec un collier de coquillages enfilés. L'homme de Néandertal est donc sensible à la beauté, mais il ne fabrique pas d’œuvres d’art ex nihilo. Son front plat montre qu'il est dénué de lobe frontal, aire dite « associative ». Cette aire cérébrale permet de faire la synthèse entre différentes formes d'intelligence. Son intelligence conceptuelle est donc limitée par rapport à la nôtre. Actuellement, on voudrait faire de l'homme de Néandertal un alter ego de l'Homo sapiens, mais aucune des productions artistiques ou technologiques de Néandertal n'a jamais égalé celles de l'Homo sapiens. Certains imaginent que Homo sapiens et homme de Néandertal se sont reproduits ensemble. Il n'en est rien. L'étude de leur patrimoine génétique montre une origine commune très ancienne, avant la sortie d'Afrique, sans doute remontant au moment de la séparation des deux branches il y a cinq millions d'années. Lors de leur coexistence en Europe, ils ne se sont pas reproduits ensemble. Peut-être y-a-t-il eu des unions entre les deux espèces, mais il est probable que ces unions furent stériles. Si elles ne l'ont pas été, les enfants ainsi conçus, ont été, eux, stériles.

L'homme de Néandertal vit auprès de l'Homo sapiens en Europe entre 45 000 et 28 000 ans avant aujourd'hui. Il disparaît alors il y a 28 000 ans sans que l'on sache pourquoi.

Toumaï, les australopithèques, les Homo erectus, les Homo habilis et l'Homo neanderthalensis restent ignorés de nos livres saints.


* : Archéologia, juin 2008, n° 456, p. 10.

1. 6. L'évolution contredit la lecture littérale des textes saints. Ils ne sont donc pas parfaitement exacts.

L'évolution a eu lieu. En effet, le fait que tous les êtres vivants, humains ou animaux, soient porteurs de matériel génétique identique le prouve. Par exemple, les gènes dits « de segment » sont communs à tous. Il s'agit de gènes qui ordonnent de fabriquer un segment du corps : l’œil, le bras, la jambe, etc... La mouche, la souris ou l'homme possèdent le même gène pour ordonner la fabrication de l’œil. Sans ce gène, l'animal est aveugle. Avec ce gène, il fabrique un œil qui sera le propre de son espèce en fonction d'autres gènes qui donnent le détail de sa constitution. Une expérience surprenante illustre ce fait. Elle date de la fin du XXe siècle. Le gène de segment « œil » d'une souris normale (un mammifère), a été transféré à une mouche embryonnaire (un insecte) dont la lignée est aveugle faute de gène « œil ». La mouche, grâce au gène de segment « œil » de souris, fabriquera un œil... mais bien un œil de mouche. Le gène de la souris lui a simplement permis de déclencher la fabrication de son œil. Ainsi, toutes les espères sont-elles apparentés. L'évolution a bien eu lieu.
Mais par quels mécanismes s'est-elle produite ? Mystère ! Les mutations génétiques, quand elles se produisent de nos jours, conduisent toujours à des anomalies plus ou moins graves : mucoviscidose, myopathie... Penser que les seules mutations aient conduit à l'amélioration continue de l’intelligence des hominidés pendant neuf millions d'années paraît bien fragile, compte tenu de ce que l'on observe du résultat des mutations génétiques de nos jours. La sélection naturelle peut avoir préservé les mutations les plus adaptées à la survie, mais encore faut-il que ces mutations bénéfiques aient eu lieu. Cela laisse de l'espace au croyant pour penser que Dieu a « guidé » cette évolution.

Néanmoins, la notion d'évolution choque les croyants qui lisent leurs livres saints littéralement. La Création en six jours, racontée dans la Bible et le Coran, nous parle d'Adam, homme arrivé d'emblée identique à ce que nous sommes, ce qui est scientifiquement inexact. Et après Adam, d'autres espèces ont été créées : chats, éléphants, lapins... : l'homme n'est donc pas le dernier être vivant créé. De plus, entre Adam et l'origine du monde, 13 milliards 800 millions d’années se sont écoulées et non six jours...  L'archéologie paléolithique montre donc que la création du monde ne s'est pas déroulée comme nous le racontent nos textes saints. Ni la Bible, ni le Coran ne sont conformes aux découvertes scientifiques.

Les textes saints n'auraient-ils pas autre chose à nous apprendre ?
Dans la Bible, on a vu une création qualifiée de bonne par Dieu, mais ce n'est pas tout : « Dieu dit : « Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre. » Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu, il le créa, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez, emplissez la terre et soumettez-là : dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre.... » Dieu vit tout ce qu'il avait fait : cela était très bon. » (Genèse 1, 26-31).
L'homme et la femme ont reçu la terre en héritage. Ils en sont responsables à égalité, car ils sont ensemble à l'image de Dieu et Dieu trouve cela très bon.
Cela est confirmé ailleurs dans le Genèse : « Yahvé Dieu modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel, et Il les amena à l’homme pour voir comment celui-ci les appellerait : chacun devait porter le nom que l’homme lui aurait donné. L’homme donna des noms à tous les bestiaux, aux oiseaux du ciel et à  toutes les bêtes sauvages. » (Gn 2, 19).

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Adam nomme les animaux (mosaïque orthodoxe).

Selon la Genèse, l'homme est créé libre : il dispose de la Terre. Yahvé renonce à une partie de Sa toute-puissance pour déléguer à l'homme la responsabilité de la Terre. Dieu garde le pouvoir d'agir, ce que l’Église appellera la Divine Providence ; mais le libre arbitre de l'homme reste un don de Dieu et un absolu. L'homme est donc responsable de la Terre et libre d'y agir.

Un Dieu ne créant que le bien et donnant la liberté aux hommes : voilà la conception de la Création pour les juifs et les chrétiens. Nous appellerons donc ce Dieu Unique « Yahvé ».

Dès qu'il raconte la Création, le Coran va développer une autre vision du Dieu unique. Nommons Le Allah :

« Et Allah apprit à Adam les noms, tous, puis Il les présenta aux Anges et dit : « Informez-moi des noms de ceux-ci si vous êtes véridiques ! » Ils dirent : « Pureté à Toi ! Nous n’avons de savoir que ce que Tu nous as appris ! C’est Toi le savant, le sage, vraiment ! » Il dit : « O Adam, informe-les de ces noms. » Puis quand celui-ci les eut informés de ces noms, Dieu dit : « Ne vous ai-Je pas dit que Je sais l’invisible des cieux et de la terre, oui, et que Je sais ce que vous divulguez et ce que vous cachez ? » ». (S. 2, 31-33). Nulle part le Coran ne signale qu'Adam a été créé à l'image d'Allah. Dans la conception coranique, Dieu n'étant en rien créé, aucun homme ne peut lui être comparable. Ce n'est que dans des hadiths que l'on trouve cette notion. « Allah a créé Adam à son image, et il avait soixante coudées de hauteur quand Il l'a créé, Il dit « Allez et saluer ce groupe d'anges qui sont assis et écouter comment ils vous accueillent » (Al-Bukhārī, 6227 et Mouslim, 2841).

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Lors de son voyage nocturne, Mohamed rencontre Adam qui a la taille d'un géant,
ainsi que le disent des Hadiths
(Mir Haydar, Mira‘j-nameh, Herāt (Afghanistan), 1436 ; BnF).


À ceux qui pourraient être surpris de voir représenter Mohamed, il faut rappeler que, jusqu'au XVIe siècle, le Prophète
de l'islam a été dessiné sans réticence par les musulmans. Pour ne pas créer d'inutiles polémiques,
seules ses représentations réalisées par des musulmans ont été retenues ici.

Allah est Tout puissant, Adam ne peut que répéter des noms sans avoir le droit de les choisir. Adam ne domine pas la Terre, c'est Allah qui y règne en maître. Ainsi les musulmans conçoivent-ils la Création.

Dans la Bible, Yahvé ne crée que le bien et un homme libre qui assume la responsabilité de la Terre.
Dans le Coran, l'homme reste dépendant d'Allah, seul Maître de la Terre, et Créateur du bien comme du mal.
Deux civilisations différentes vont naître de ces deux visions du monde !


1. 7. L’Homo sapiens.
Il y a 150 000 ans, Homo sapiens sapiens apparaît en Afrique. Il migre hors de ce continent en plusieurs vagues. L'origine africaine de l'humanité est corroborée par plusieurs études : la répartition des fossiles, l'étude des langues et l'analyse du patrimoine génétique. L'humanité se répand sur tous les continents en plusieurs émigrations, toutes parties du continent africain.

La particularité de l'Homo sapiens n'est pas la spiritualité, puisque que l'homme de Néandertal a lui-aussi des interrogations métaphysiques. La particularité de l'Homo sapiens est sa production artistique. La capacité créative de l'Homo sapiens a été parfaite d'emblée. Les grottes ornées en portent le témoignage par delà les millénaires. Son art est graphiquement élaboré et porteur de concepts et de symboles, comme le montre l'étude de la frise des chevaux de la grotte Chauvet qui date de 35 000 ans.

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La frise des chevaux de la grotte Chauvet, peinte il y a 35 000 ans. Chacun des chevaux est d'un âge différent ; la position
de leurs oreilles et de leur tête témoigne d'un état émotionnel différent : crainte, colère, attention...

Des fossiles de l'Homo sapiens ont été retrouvés sur tous les continents. L'Asie a connu de multiples branches d'hominidés arrivés sur son sol il y a un million d'années. L'Homo sapiens y vit depuis 50 000 ans. En Europe, l'Homo sapiens apparaît il y a 45 000 ans. L'homme de Néandertal y vivait depuis 150 000 ans et a vécu à ses cotés pendant 30 000 ans. Les Homo sapiens sont arrivés en Amérique, il y a 13 000 ans, venant de l'ouest par l'Asie. Il n'y a pas eu d'hominidé autre que l'Homo sapiens en Amérique.

L'étude de l'évolution des langues a montré qu'elles ont toutes une origine commune en Afrique. Seule la langue basque ne s'apparente à aucune autre langue. Certains signes ont fait penser que le basque est une langue paléolithique (de l'âge de la pierre). Ainsi, un mot comme « hache » se dit-il « pierre » en basque. Le basque daterait donc de l'époque où les haches étaient en pierre, donc d'une époque antérieure à l'âge du bronze...

Les études génétiques, possibles depuis quelques années, nous informent également sur les origines de l'homme.
La première étude concerne le patrimoine génétique des mitochondries, petits corpuscules inclus dans le cytoplasme des cellules, qui donnent des informations sur les lignées maternelles de l'humanité. La cellule est constituée d'un noyau (enfermant le patrimoine génétique) et du cytoplasme, le tout enfermé dans une membrane. Pour constituer un nouvel être, l'homme ne donne que le demi-noyau d’une cellule sans cytoplasme, alors que la femme donne un ovocyte : une cellule comprenant un demi-noyau et son cytoplasme avec les mitochondries. Or, les mitochondries contiennent du patrimoine génétique. L'étude de ce patrimoine génétique mitochondrial renseigne donc sur la filiation maternelle. Ainsi a-t-on pu savoir que la population européenne est venue d'Afrique en plusieurs vagues. L'Europe est peuplée des descendants de sept femmes seulement. La plus ancienne est arrivée en Europe il y a 45 000 ans et la plus récente il y a 8 000 ans *. Par ailleurs, l'étude des mitochondries nous a appris que les Basques n'ont aucune particularité génétique ; seule leur langue est originale.

La seconde étude génétique s'est attachée au chromosome Y. Le chromosome Y est propre aux hommes, il se transmet de père en fils. Il renseigne donc sur la filiation paternelle.

* : Les Sept Filles d'Ève : Génétique et histoire de nos origines, Bryan Sykes, trad. P.-E. Dauzat, Albin Michel, 2001.

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« L'homme ne descend pas du singe, mais l'homme est un singe », a dit le paléontologue Jean Clottes. Néanmoins les
animaux n'ont pas d'interrogations métaphysiques alors que les hommes en ont : linteau humoristique du temple de
Medinet-Habou, où des singes imitent un homme en prière (Égypte, XIe siècle avant JC).

1. 8. Adam et Ève … ou Ève et Adam ?

Les dernières études sur l'ADN mitochondrial ont démontré un fait remarquable : tous les êtres humains descendent d'une femme unique qui a vécu il y a 150 000 ans environ en Afrique.
Ce sont uniquement les filles de cette mère primordiale qui sont les mères de l'humanité, aucune autre femme n'ayant vu sa descendance survivre. Les généticiens pensent qu'il y a eu une sélection naturelle massive peu de temps après l'existence de la mère primordiale. Seuls ses descendants ont survécu. Ceux qui ne l'avaient pas eu comme ancêtre ont disparu. Pour donner un exemple – qui n'est qu'une simple hypothèse - on sait que 0,01 % des êtres humains ont l'aptitude de se protéger naturellement du virus du SIDA. Un SIDA paléolithique pourrait donc, en une ou deux générations, avoir détruit 99,99 % de l'humanité, ne laissant survivre que les enfants de la femme qui aurait développé par hasard la capacité génétique de résister à ce virus, et l'aurait transmise à ses enfants.

Le chromosome Y a été étudié en 2011. Les généticiens ont pu calculer que tous les hommes ont un père commun qui a vécu en Afrique il y a environ 142 000 ans. Seuls les enfants de ce père primordial, ont survécu et se sont reproduits. Les hommes qui ne lui étaient pas apparentés ont disparu.
Curieusement, l'humanité ne descend pas de multiples ancêtres dont des mutations similaires, en différents lieux du globe, auraient rendu la reproduction possible. Malgré la multitude des foyers humains, l'humanité entière a, dans ses ascendants - une mère et un père communs.
Les généticiens les ont évidement appelés Adam et Ève !

Le père et la mère de l'humanité ont vécu au même endroit, en Afrique, et dans la même fourchette de temps, il y a environ 150 000 ans.
Se sont-ils reproduits ensemble ou avec d'autres partenaires ? Impossible de le savoir pour l'instant. En tout état de cause, leurs enfants n'ont pas eu besoin de se reproduire entre frères et sœurs puisque d'autres hommes compatibles génétiquement existaient au même moment. La Bible l'avait déjà laissé imaginer, puisque Caïn, le fils d'Adam et d'Ève, épouse une femme qui n'est pas sa sœur (Genèse 4, 17).

Si on en croit les calculs des généticiens, Ève aurait vécu avant Adam, même si l’imprécision des calculs basés sur la fréquence des mutations génétiques, n'exclut pas qu'ils aient été contemporains.
Mais, plus probablement, 8000 ans les séparent. Si on veut absolument démonter que la Bible a raison en tout, peut-on dire alors, que seul Adam, le premier homme, a reçu son âme humaine à sa naissance ?
Son épouse est forcement une fille d'Ève, puisque seuls les enfants de l'Ève primordiale vivaient du temps d'Adam. Cette « Ève spirituelle » - fille de l'Ève primordiale - n'aurait reçu son âme humaine qu'au moment où Yahvé la choisit comme épouse pour Adam.
Deux textes de la Création existent dans la Genèse. Dans le premier, Adam et Ève sont créés au même moment, homme et femme, à l'image et à la ressemblance de Dieu (Genèse 1, 27) ; ils sont aptes à communiquer avec Lui et sont responsables de la Terre. Ce récit signalerait donc la vocation spirituelle humaine. Le second récit de la création d'Adam et Ève serait plus factuel et raconterait le mariage d'Adam et d'Ève. Dans ce récit, Ève est tirée du côté d'Adam pour devenir son épouse (Genèse 2, 18-23). Elle est son égale, puisqu'elle provient de sa chair et de ses os. Dans ce second récit, Ève reçoit son âme au moment de sa naissance spirituelle, qui est le moment de son mariage avec Adam.

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L'histoire d'Adam et d’Ève, de la naissance d’Ève de la côte d'Adam (en haut à droite), à la condamnation au travail hors
du paradis (en bas à gauche)
(Haggadah de Sarajevo, enluminure juive, 1350, Saragosse ; Musée national de Bosnie-Herzégovine).

Mais sans doute ne faut-il pas trop extrapoler à partir des textes saints ! On a vu que certaines affirmations de la Bible et du Coran sont inexactes, en particulier dans le récit de la création de l'univers, dans le décompte du temps écoulé depuis les origines du monde, dans l'ignorance de la diversité des hominidés ainsi que dans la méconnaissance de l'évolution...

L’Église a toujours été confrontée au regard des scientifiques. Certaines des convictions de l’Église, basées sur une lecture trop littérale de la Bible, ont depuis longtemps été remises en cause, en particulier en cosmologie. Il faut néanmoins remarquer que l'Église pratique la lecture symbolique de la Bible depuis les débuts du christianisme, en particulier en ce qui concerne les sciences morales et la spiritualité. Elle l'a fait pour une raison simple : le Christ a parlé en paraboles. Il a donc immédiatement introduit une lecture symbolique de la parole divine dans la spiritualité chrétienne. Ce que Paul exprimera par une formule remarquable : « La lettre tue mais l'Esprit fait vivre » (2 Corinthiens 3, 6). Néanmoins, il a fallu, en ce qui concerne le savoir scientifique, que le progrès des connaissances contredise la lettre de la Bible pour que l’Église adapte son discours.
L’Église avait affirmé, avant même que les scientifiques ne le démontrent, qu'Adam et Ève avaient existé. Cela était nécessaire à la théologie de la Chute et expliquait la Rédemption du Christ. Selon l’Église, Adam et Ève ont fauté et chuté, introduisant le mal et le péché dans le monde. Le Christ ne se serait incarné sur Terre que pour racheter ce péché originel (Romains 5, 20). Selon l'Église, seuls Adam et Ève ont reçu une âme immortelle. Eux seuls, et leurs descendants, sont donc promis à la vie éternelle. L’Église affirme, en outre, que l'action créatrice de Dieu a été nécessaire à la naissance d'Adam et Ève, mais rien n'exclut quelle ait eu lieu naturellement, fruit des relations de leurs parents. Ainsi, seul le don de leur âme immortelle aurait nécessité une action divine. De même, le Christ, Nouvel Adam, offrira toute sa vie l'apparence d'une filiation humaine naturelle... jusqu'au jour de sa résurrection.

Les musulmans, y compris de nos jours, pensent que le Coran ne contient aucune erreur. Ils interprètent leur texte saint pour justifier ce qui pourrait sembler étrange ou erroné dans son contenu. Les musulmans n'ont donc jamais douté de l'existence d'Adam et de son épouse. Actuellement les musulmans sont majoritairement créationnistes. C'est à dire qu'ils croient que la Création s'est déroulée comme le raconte le Coran. Parmi les chrétiens, seuls certains courants protestants, en particulier évangélistes, adhèrent aussi globalement à la conception créationniste, fidèles en cela à une lecture littérale de la Bible.

1. 9. Les débuts de la spiritualité. La Chute ?
Dès son apparition, l'homme a des interrogations métaphysiques. Il fait des offrandes à ses morts. Il peint des grottes. Ses peintures sont symboliques et les thèmes ne sont pas choisis au hasard. Les animaux chassés se retrouvent sur les dessins : s'agit-il de rituels d’envoûtement pour favoriser la chasse ? Les hommes laissent la trace de leurs doigts dans les grottes et en particulier les enfants. S'agit-il d'un rituel d'intégration dans la communauté ? Ils sculptent des femmes généreusement enceintes. Cela correspond-il à un culte de la fécondité ?
L'homme a une vie morale. On ne retrouve pas de trace de coups violents sur les squelettes d'Homo sapiens. Les hommes ne se battent pas. Les cals de fractures correspondent à des séquelles d'accidents et non à des coups portés. On sait que les blessés étaient nourris, même quand ils étaient incapables de tout travail rentable, puisque l'on a retrouvé des traces de fractures consolidées sur les fossiles.

L'homme est faible. Il court moins vite que les animaux qu'il chasse. En Europe, il lutte contre le froid glaciaire. Néanmoins, par son intelligence et sa créativité, il a pris le dessus sur les forces de la nature. Il ne s'est pas adapté à son milieu, mais il a inventé des technologies pour le dominer. La puissance de son intelligence fait sa supériorité, bien plus que sa force physique. Ceux qui, dans les millénaires à venir, imagineront une infériorité des femmes justifiée par leur moindre force, oublient sans doute que ce qui sépare l'homme de l'animal est la prédominance de son intelligence sur la force physique.
Malgré sa faiblesse, l'homme s'est multiplié. Aujourd’hui, il emplit la Terre. Ira-t-il jusqu'à la détruire ? Il en a la capacité. En aura-t-il la tentation ?

Les textes sacrés présentent les débuts de la spiritualité de l'humanité comme une perte du contact avec Dieu, c'est la Chute. L'homme est renvoyé à solitude de ses propres forces et quitte le paradis terrestre.

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Adam et Ève chassés du paradis
(Fra Angelico, XVe siècle).

Dans la Bible, Dieu crée l'homme libre. L'homme se sert de sa liberté pour pécher. Dès sa Création, Adam est mis en contact avec un arbre interdit qui représente l'espace de liberté offert par Dieu à l'humanité. Dieu lui donne ainsi la possibilité de désobéir, même s'Il ne souhaite pas qu'il le fasse. « Yahvé Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder : « Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu deviendras passible de mort. » (Genèse 2,15-17). Adam et Ève vont donc pécher et manger du fruit défendu.
Dans la Bible, le mal est la conséquence du péché de l'homme et non d'un acte créateur de Dieu. Après la Chute, l'homme connaîtra les difficultés de la vie quotidienne : « À la femme, Dieu dit : « Je multiplierai les peines de tes grossesses, dans la peine tu enfanteras des fils... »... À l'homme, il dit : «... À la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu'à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. » (Gn 3, 16-19).
Mais, dans la Bible, l'homme est libre de disposer de la Terre pour améliorer son sort.

Dans le Coran, l'homme est créé sans liberté. La Chute renverra Adam à la vie terrestre où il profitera de l'existence avant d'être à nouveau mis en présence de Dieu :
« « Ô Adam, habite le Paradis, toi et ton épouse : puis mangez tous deux, de partout à votre guise ; et n’approchez pas de cet arbre que voici, sinon sous serez tous deux du nombre des prévaricateurs. »
Puis le Diable, afin de leur rendre visible ce qui leur était caché, - leur nudité, - leur suggéra à tous deux, disant : « Votre Seigneur ne vous a interdit cet arbre qu’afin que vous de deveniez pas des anges, ou d’éternels séjourneurs. ».  Et il leur jura : « Oui, je suis pour vous du nombre des bon conseillers. ».
Alors, il les fit tomber par tromperie. Puis, lorsqu’ils eurent goûté de l’arbre, leurs nudités leur devinrent visibles : et ils commencèrent tous deux à y attacher des feuilles du Paradis. Et leur Seigneur les appela : « Ne vous avais-Je pas, vous deux, interdit cet arbre ?  Ne vous avais-Je pas dit que le Diable était vraiment pour vous deux un ennemi déclaré ? »
- Tous deux dirent : « Ô notre Seigneur, nous nous sommes manqué à nous-mêmes. Et si Tu ne nous pardonnes pas et ne nous fais pas miséricorde, nous serons très certainement du nombre des perdants. »
- « Tombez, dit Dieu. Ennemis les uns des autres ! Et il y aura pour vous sur terre, halte et jouissance pour un temps.»
- « Là, dit Dieu vous vivrez, et là vous mourrez et de là on vous fera sortir. »
» (S. 7, 19-25).

Une autre différence plus subtile apparaît déjà dans les deux textes. Dans la Genèse, Yahvé nomme l'arbre interdit. Il s'agit de « de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ». Allah, lui, ne précise rien. De même, dans le Coran, le Diable ne tente pas davantage Adam en lui promettant la connaissance, alors que dans la Genèse, Ève désobéit pour goûter au « fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (Gn 3, 5).

On voit donc que, dès le récit de la Chute, le rapport à la connaissance est différent dans les deux grands courants monothéistes. Dans la Bible, l'homme a acquis consciemment le droit à la connaissance, même si c'est en péchant ; dans le Coran, l'homme semble méconnaître ses propres capacités intellectuelles, la toute-puissance reste la prérogative d'Allah. L'homme ne connaît que ce qu'Allah lui apprend et reste dépendant de Lui pour améliorer son sort.

On verra que ces deux conceptions n'ont pas été sans conséquences sur les relations à la science dans les civilisations chrétiennes et musulmanes.

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Adam et Ève réduits au travail
(mosaïque de la cathédrale de Monreale ; Palerme en Sicile, XIIe siècle
)
.

1. 10. Astronomie et écriture : les sept corps célestes mobiles.
Depuis toujours, les hommes observent les étoiles. Ils font des calendriers dont les traces se retrouvent dans l'orientation des mégalithes et sur des pierres gravées.
Sur le mont Bégo, dans les Alpes maritimes, au pied de la cime des Merveilles, les archéologues ont pu identifier un cadran solaire gravé 4000 ans avant JC. Son gnomon dirigeait son ombre vers des poignards gravés. Un poignard est placé sur l’ombre du gnomon au solstice d'été, un autre sur l'ombre du 14 septembre, dates butoirs encadrant encore de nos jours le séjour des moutons en alpage. Même si cette civilisation n'a pas d'écriture, elle observe le ciel.

Vers 3400 ans avant JC, les sumériens inventent l’écriture cunéiforme en Mésopotamie. Ils se servent de plaques d'argile crue. Lors des incendies accidentels, la cuisson des plaques assure leur conversation sur des millénaires.

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Tablette sumérienne de 3300 avant JC (BnF).

Les fouilles en Mésopotamie ont permis de ramener au jour des tablettes d'argile, datées de -3 400, qui décrivent les sept corps célestes mobiles. En fait, à l’œil nu, le ciel semble immobile. Sans tenir compte des étoiles filantes qui sont fugaces, seuls sept corps célestes se déplacent dans un ciel immobile. Il s'agit du Soleil, de la Lune, de Mars, de  Mercure, de Jupiter, de Vénus et de Saturne. Ils ont été observés par l'humanité depuis des millénaires ; mais il faut l'invention de l'écriture pour que leur observation laisse une trace durable.
Seule l'invention de la lunette astronomique à la Renaissance permettra d’observer que le ciel, dans son ensemble, est en mouvement. Grâce au télescope, on découvrira alors les autres planètes de notre système solaire et d'autres corps célestes mobiles, comme les lunes de Jupiter. Mais jusqu'à Galilée, seuls sept corps célestes semblent bouger dans un ciel immobile.

Dès que les sumériens inventent l'écriture, ils notent leurs observations astronomiques* et ils signalent l'existence des sept corps célestes mobiles. Le chiffre sept, pour les sept corps célestes, gardera un pouvoir évocateur, et persistera de civilisation en civilisation.
Ainsi, la semaine choisie par les sumériens puis par les Babyloniens aura-t-elle sept jours. Déportés à Babylone, les hébreux adopteront cette semaine sept jours. Au moment de rédiger la Genèse, ils raconteront comment Yahvé s'est coulé obligeamment dans cette organisation du temps. Les Hébreux raconteront alors comment Yahvé a créé l'univers en six jours (plus un de « repos »). « Dieu conclut au septième jour l'ouvrage qu'Il avait fait. Dieu bénit le septième jour et le sanctifia, car Il avait chômé après tout son ouvrage de création. » (Gn 2, 2-4a). Le Coran reprendra le récit biblique de la création en six jours. Cependant, le Coran ne parle pas du « repos » de Dieu au septième jour. Les musulmans y voient une perception anthropomorphique de Dieu qui démontrerait que la Bible ne raconte pas la vérité.

Néanmoins, le Coran exploite lui-aussi largement le symbolisme divin du chiffre sept. Il raconte une création en six jours, et garde une semaine de sept jours (Sourate 11, 7 ; S. 7, 54). Mais ce n'est pas tout. Il parle également de sept sphères (« Falak ») qui structurent le ciel : « Celui qui a créé sept cieux (Falak), posés les uns sur les autres, superposés sans que tu voies de faille en la création du très miséricordieux. Eh bien, tourne le regard. Est-ce que tu vois une quelconque brèche ? » (S. 67, 3). Le Coran évoque de multiples fois cette structure si particulière de l'univers en sept cieux, ou sept sphères (S. 41, 12 ; S. 71, 15 et S. 78, 12...).

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Le palais de Mohamed surmonté des sept cieux (Cachemire, 1808, Récit de la Vie de Mohamed ; BnF).
Toutes les religions ont enrichi leur texte fondateur d'histoires édifiantes plus ou plus
mythologiques ; mais ici l'univers structuré en sept cieux se trouve dans le Coran.

En fait, cette croyance en des cieux constitués de sept sphères emboîtées a une origine connue. Quand les Grecs comprennent que la Terre est une sphère, Platon évoque les sept cieux, chacun porteur d'une planète pour structurer le ciel. Au IVe siècle avant JC, Platon écrit : « Dieu fit naître le soleil, la lune et les cinq autres astres, qu’on appelle planètes, pour les distinguer et conserver les nombres du temps. Après avoir formé le corps de chacun d’eux, le dieu les plaça, au nombre de sept, dans les sept orbites. » (Timée, 37c-38d). Puis, aux premiers siècles de notre ère, les mouvements gnostiques reprennent cette croyance en sept cieux qui sont censés structurer l'espace.
Les sept cieux coraniques proviennent donc directement de l'existence des sept corps célestes mobiles, par l'intermédiaire de la lecture de Platon et de celle des mouvements gnostiques.

Ces sphères emboîtées resteront dans l'inconscient de l'occident. Ainsi Kepler (1571-1630) nourrira-t-il son imagination créative de l'illusion d'orbites planétaires inscrites dans des solides parfaits s’emboîtant autour du soleil. Cette vision poétique mais erronée ne l'empêchera pas de découvrir la véritable orbite des planètes en observant le ciel et en faisant des calculs.

Le zodiaque que tout le monde connaît par l'astrologie et la lecture de son horoscope est la division en douze de la zone du ciel où évoluent les sept corps célestes mobiles. Les planètes sont en effet positionnées au voisinage d'un même plan autour du soleil. Le Zodiaque est donc une « bande » où se déplacent les seuls sept corps célestes mobiles visibles à l’œil nu. Toutes les civilisations l'ont remarqué... et chacune y a cherché un sens surnaturel pour nourrir sa spiritualité.

* : Les somnambules, p. 15, Arthur Koestler, Presses Pocket, 1985.

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Le zodiaque avec les sept corps célestes mobiles représentés et surlignés
(Dendera en Égypte, IIe siècle avant JC ; musée du Louvre).

1. 11. La semaine de sept jours : les sept corps célestes mobiles.
Au troisième millénaire avant JC, les Chaldéens (en Mésopotamie, dans l’Irak actuel)sont les premiers à compter le temps à partir d'une semaine de sept jours. Ils associent tout de suite ces sept jours aux sept corps célestes mobiles.

Après la déportation à Babylone, au VIe siècle avant JC, les Hébreux empruntent à leurs vainqueurs assyriens la semaine de sept jours. Mais ils numérotent les jours pour éloigner leur dénomination de l'aspect païen des sept corps célestes mobiles (premier jour, deuxième jour, troisième jour...). Seulement alors les Hébreux racontent la Création dans la Genèse. Il s'agit d'une création organisée sur sept jours, comme leur semaine.

La semaine de sept jours permet de subdiviser en quatre les mois lunaires de 28 jours. Cela pourrait sembler suffisant pour choisir une semaine de sept jours ; néanmoins, la semaine ne fait pas sept jours dans toutes les civilisations : elle varie entre cinq et dix jours selon les pays et les époques. L’Égypte antique choisit une semaine de dix jours. Les Grecs antiques ont une semaine de huit jours. Ils ne l'associent donc pas aux sept corps célestes mobiles, mais ils en connaissent l'existence.
Quand la semaine fait sept jours, elle est associée aux sept corps célestes mobiles. Les Romains adoptent la semaine de sept jours au IIe siècle après JC et ils donnent le nom de leurs dieux/planètes tutélaires à chacun de ses jours. L'ordre des jours, du jour du soleil à celui de Saturne, a été défini pour des raisons ésotériques par Dion Cassius (155-235), qui, après une carrière de consul, a terminé sa vie en écrivant une Histoire romaine. Les lunettes astronomiques n'existaient pas encore pour apprendre à l'humanité que l'univers entier est en mouvement.
Nos langues européennes gardent toujours la trace de l'association des sept corps célestes mobiles aux sept jours de la semaine.
Le Dimanche se dit sunday (en anglais) ou Zondag (en néerlanlais), c'est le jour du soleil. Les chrétiens ne virent pas d’inconvénient à nommer le jour de la résurrection du Christ, le jour du soleil. Le Christ, lumière du monde, est ressuscité un dimanche et les chrétiens n'y virent que la prescience de Dieu. Mais, dans certaine langue, dont le français, le jour du soleil est effectivement devenu le jour du Seigneur. Dominus en latin, pour seigneur, a laissé son nom au dimanche.
Le Lundi ou lunedi, lunes, monday, Montag, vient directement du nom de la lune.
Le Mardi, ou tuesday, Martes, martedi, provient de Mars.
Mercredi, wednesday, mercoledi s'inspire de Mercure.
Jeudi, giovedi, jueves rappelle Jupiter.
Vendredi, venerdi, Viernes commémore Vénus.
Samedi, saturday, sabato, Samstag, célèbre Saturne. Contrairement à ce que pensent certains, ce n'est pas le mot hébreu « sabbat », qui a donné son nom au samedi, mais c'est le nom de Saturne qui a donné son nom au sabbat.

Les musulmans, comme l'avaient fait les juifs bien avant eux, numéroteront les jours de la semaine pour s'affranchir de leurs dieux tutélaires, mais ils garderont la semaine de sept jours. Le dimanche est le premier jour de la semaine musulmane... Le vendredi, le sixième jour, porte le nom de « jour du rassemblement » ; c'est le jour de la prière.

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Prêche dans une mosquée
(miniatures et calligraphie de Yahya ibn Mahmūd al-Wāsitī, Iraq, 1237 ; BnF).

Mais, nous savons maintenant pourquoi la Bible et le Coran racontent que la Création a eu lieu en six jours (plus un jour de repos divin dans la Genèse). Les rédacteurs de la Bible s'étaient adaptés à la culture de Babylone où ils étaient exilés, là où la semaine faisait sept jours pour suivre le rythme des seuls sept astres dont le mouvement est visible à l’œil nu. Avec sagesse, les hommes ont dispensé Dieu de toute action créative le septième jour, et se sont ainsi réservé à eux-mêmes le droit de se reposer un jour sur sept.

Le chiffre sept s'attache aux cieux immortels et aux sept corps célestes mobiles. Aux yeux des Hébreux préoccupés par la rédaction de la Genèse, le chiffre sept a donc semblé digne de représenter la Création de l'univers, celle de l'homme mais aussi celle des cieux insondables. Il semble bien que les créationnistes, qu'ils soient chrétiens ou musulmans, ignorent ces éléments.

La création du monde n'a pas eu lieu en six jours et les scientifiques l'ont désormais prouvé : elle s'est étalée sur 13 milliards d'années. La Création de Dieu en six jours est bien un mythe, et nous connaissons maintenant son origine. Néanmoins, les enseignements spirituels de ce mythe gardent toute leur pertinence.
Dans la Bible, Yahvé crée le bien et la liberté ; alors que, dans le Coran, Allah crée le bien, le mal et des hommes esclaves.

Pour les croyants monothéistes, il y a certes un seul Dieu, mais à l'évidence plusieurs révélations. Les Dieux qu'elles révèlent ne sont pas superposables et les civilisations qui naîtront de ces textes saints divergents témoigneront de ces différences.


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Les métiers liés au sept planètes (Mehmed ibn Emir Hasan al-Su’ūdī dans
Le Lever des astres chanceux et les Sources de la souveraineté, Istanbul, Turquie, 1582 ; BnF).)


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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:09

CHAPITRE 2 : ABRAHAM ET LES PATRIARCHES.
De -3000 à -1700.


2. 1. Les premiers peuplements en Canaan à partir du IVe millénaire.
2. 2. À Sumer, en -2600, le premier récit de la création est mis par écrit.
2. 3. Sodome et Gomorrhe ont-elles été détruites en -2300 ?
2. 4 . Les ziggourats, la Tour de Babel ?
2. 5. Abraham, le père des trois monothéismes.
2. 6. Que dit le Coran de la descendance d'Abraham ?
2. 7. D’où vient la croyance que les musulmans sont fils d'Ismaël ?

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2. 8. Agar et son fils Ismaël, ou comment ils sont abandonnés dans un désert.
2. 9. Le sacrifice d'Isaac ou d'Ismaël ?
2. 10. Peut-on savoir quand et où a-eu lieu la vie d'Abraham ?
2. 11. Quand, pour la première fois a été mise par écrit la vie d'Abraham ?
2. 12. Qu'est ce que la Vérité selon les Textes saints ?
2. 13. Canaan et l'Égypte entre 2000 et 1500.
2. 14. Joseph, l'arrière petit-fils d'Abraham en Égypte.
2. 15. L'histoire du Déluge, première mise par écrit au XVIIIe siècle avant JC.
2. 16. Les premières lois écrites, le Talion.

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:10


CHAPITRE 2 : ABRAHAM ET LES PATRIARCHES.

De -3000 à -1700.

2. 1. Les premiers peuplements en Canaan à partir du IVe millénaire.

Au IVe millénaire avant JC, la Mésopotamie et l’Égypte sont donc entrées dans l'histoire en inventant l'écriture. Il n'en est pas de même pour les habitants de ce qui deviendra la Terre Sainte.
Terre Sainte, Canaan, Palestine, Judée ou Israël, plusieurs noms pour le même territoire. Conservons son nom de Canaan puisqu'il était ainsi nommé dans l'antiquité.

Entre -3 500 à -2 200, des peuples nomades se sédentarisent à l'ouest de la Mer Morte. Ils s'organisent en deux régions. Ils n'ont pas encore inventé l'écriture ; seule l'archéologie conserve donc la trace de leur existence.
La première région, celle du Sud, est escarpée et aride. Elle est centrée autour de la ville d'Aï*, actuellement nommée Khirbetet-Tell. Le site est situé au nord-est de l'actuelle Jérusalem. Aï s’étale sur 12 hectares ; elle est protégée par d'impressionnantes fortifications et contient un temple monumental. Aï règne sur un habitat dispersé et pauvre, peuplé essentiellement de nomades, comme le démontrent les sites archéologiques, sans constructions permanentes, seulement repérés par des tessons de poteries. Les frontières de cet état, marquées géographiquement par des escarpements, se retrouveront toujours dans les occupations ultérieures. Au premier millénaire, le Royaume hébreu de Juda aura les mêmes frontières.
Vers 2500 avant JC, au moins cinq villes sont installées près de la Mer Morte. Elles font un commerce prospère avec les pays environnants. La Mer Morte est séparée en deux par la péninsule El Lisan. Vers -2500, cette péninsule effondre lors d'un tremblement de terre. La Mer Morte s'étend alors plus au sud dans la faille d'Aqaba.

La seconde région, celle du Nord, est plus riche. Elle est densément peuplée et agricole. Elle possède plusieurs villes. L'une d'elle, Tell el Farah, est sur une voie de communication importante et deviendra la Tirça* biblique (1 Rois 16, 6), la première capitale du Royaume du Nord. Ce Royaume du Nord a aussi des frontières naturelles. Au premier millénaire, le futur royaume hébreu d’Israël aura les mêmes frontières.

Ces terres se désertifient vers -2 200. Les limites de ces deux états se maintiendront toujours lors des occupations suivantes en raison de frontières naturelles constituées d'escarpements rocheux. Les royaumes de Juda et d'Israël auront les mêmes frontières.

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La Terre Sainte (mosaïque de Madaba, VIe siècle  ; Jordanie).

* : La Bible dévoilée, p. 238, Israël Finkelstein, Neil Asher Silberman, folio histoire, 2002.

2. 2. À Sumer, en -2600, le premier récit de la création est mis par écrit.
En 3 200, l'écriture hiéroglyphique s'ébauche en Égypte.
En 2 800, les cités-états de Sumer, Ur et Uruk sont fondées.
Selon la Bible (Genèse 15, 7), Abraham serait né à Ur. Mais il est impossible de savoir à quel moment. Ur existera entre -2 800 et -300. D'ailleurs, peut-être la patrie d'Abraham n'est-elle pas Ur en Mésopotamie, mais Urfa (Sanliurfa) en Turquie ou encore Ura en Anatolie ? Nous n'avons aucune certitude objective. La naissance d'Abraham ne peut donc être, ni datée, ni localisée avec précision. Nous allons néanmoins analyser peu à peu les éléments de contexte qui pourraient nous renseigner sur Abraham.

En -2 600, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un récit de la Création est mis par écrit à Sumer, état située entre le Tigre et l'Euphrate. Dans ce récit, le dieu An sépare le ciel de la terre. La civilisation sumérienne garde ce mythe comme un secret à ne transmettre qu'entre initiés : « Secret, l’initié le montrera à l'initié » précise une tablette qui raconte la création.
Un des dieux du panthéon sumérien, Enki, le dieu des eaux et de la sagesse, fabrique les hommes en les façonnant à partir d'argile afin de créer une race de serviteurs pour les dieux (*1). Les sumériens ne croient donc pas que les hommes soient libres puisqu’ils sont créés pour être les esclaves des dieux (*2). C'est dans ce mythe que se trouve le premier récit – et non le dernier - de la création de l'homme à partir de l'argile. Il s'agit naturellement d'une affirmation scientifiquement erronée.

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Tablette akkadienne de 2300 avant JC, racontant le mythe d'Atrahasis. Il est noté lignes 212 à 218 :
«
seront associés du dieu et de l'homme réunis en l'argile ... afin que dans l'homme, il y ait un esprit »,
(BnF).

Un autre mythe destiné à un avenir exceptionnel est présent dans les légendes sumériennes : celui du paradis terrestre. Enki et son épouse sont installés par la grande déesse Niahursag dans un jardin où poussent huit plantes. Tentés par leur saveur, ils les gouttent, ce qui entraîne la colère de la grande déesse. Elle les maudit et les chasse du jardin. Ils perdent leur immortalité divine et rejoignent l'humanité mortelle (**). Trop d'éléments de ce mythe sumérien sont similaires au récit biblique de la Chute d'Adam et d’Ève pour que ce soit un simple hasard. En effet, dans la Bible, Adam et Ève ont eux-aussi été chassés du paradis terrestre après avoir mangé le fruit défendu et sont ainsi devenus mortels.

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Le paradis terrestre (par Lucas Cranach en 1536).

Quand la Genèse est mise par écrit, ses rédacteurs se sont donc inspirés des mythes sumériens. À la suite du mythe d'Enki, les Hébreux racontent la création de l'homme à partir d'argile (Genèse 3, 17-19) et le paradis perdu avec la mortalité d'Adam et d'Eve, conséquences de leur péché. En fait, nous verrons que la Bible a recours aux mythes sumériens à chaque fois qu'elle s'interroge sur les origines du mal. Avec le mythe du paradis perdu, les hommes comprennent pourquoi ils doivent mourir. Mais, d'autres grandes questions existentielles vont être posées à partir du support mythologique sumérien. Pourquoi sommes-nous victimes de catastrophes naturelles ? Quel sens ont nos maladies ? Autant de questions éternelles auxquelles la Bible donnera une réponse en s’appropriant des mythes sumériens.

Cependant, si le récit de la Chute dans la Bible est mythologique, il rend compte de la conception de Dieu des Hébreux et non de la vision polythéiste et païenne des sumériens. En fusionnant deux mythes sumériens, celui des hommes esclaves façonnés d'argile et celui d'Enki chassé du jardin de la Grande Déesse, les Hébreux racontent un conte fidèle à leur foi en Yahvé. Yahvé est unique, bon et créateur de la liberté humaine. Tout Puissant pour l'éternité, Yahvé, dans la Bible, choisit de renoncer à sa volonté omniprésente sur Terre pour ouvrir un espace au libre arbitre de l'homme... et l'homme se sert de sa liberté pour pécher, ce qui introduit la mort et le mal dans le monde. Les hébreux racontent donc l'histoire de la Chute, en se servant effectivement du support du mythe sumérien, mais en racontant une histoire fidèle à leur foi en un Dieu unique, créateur du bien et de la liberté.

Mais que s'est-il réellement passé ? L'Adam et l'Ève historiques ont vécu 142 000 ans plus tôt. Leur histoire ne peut pas s'être conservée dans la mémoire des hommes. L'histoire du paradis terrestre provient de la mythologie païenne polythéiste sumérienne. Comment imaginer que le vrai Dieu, le Dieu unique, ait révélé d'abord à des païens la vérité sur le récit de la Chute d'Adam ? Pourquoi n'en a-t-Il pas donné la primeur à son Peuple Élu ? Aucun croyant ne saura donc jamais ce qui s'est réellement passé entre Adam, Ève et leur Dieu, il y a 142 000 ans. La foi de l’Église – puisée dans la Genèse - dit qu'ils ont péché contre Dieu, inscrivant le péché originel au cœur de l'humanité. Il s'agit là de foi, et aucun support historique ne permet d'en rendre compte. L'histoire du paradis terrestre est donc un mythe dont on peut tirer un enseignement spirituel mais auquel il ne faut pas demander la restitution de faits historiques.

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Adam et Ève par Cranach.

Témoignant de la permanence des mythes au travers des civilisations, le Coran s'inscrira dans cette lignée sumérienne polythéiste, mais probablement sans le savoir. Il choisira de transcrire dans ses sourates les mythes polythéistes qui lui sont parvenus par la Bible. En effet, la Bible est sa contemporaine, alors que le mythe d'Enki sumérien était oublié quand le Coran a été rédigé. Ce faisant, le Coran présentera comme des certitudes historiques ce qui ne sont que des mythes païens. Le Coran racontera comment Allah crée l'homme d'argile : « Et très certainement, Nous avons créé l'homme d'un choix d'argile » (Sourate 23, 13), et comment Adam et son épouse sont chassés du paradis après avoir goûté le fruit défendu (S. 20, 120-123). Les musulmans demeurent néanmoins convaincus qu'Adam était monothéiste, et qu'il a fondé la Kaaba après la Chute, mais cette foi ne repose que sur leurs textes saints.
Les croyances et les actes de l'Adam historique nous restent inaccessibles.

* : Mésopotamie, *1 : p. 436 / *2 : p. 401 ; Jean Bottéro, folio histoire, 1997.
** : L'histoire commence à Sumer, p . 194-195, Samuel Noah Kramer, champs histoire n° 298, 1993.

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Tablette sumérienne en argile racontant la création (XVIIIe siècle avant JC).

2. 3. Sodome et Gomorrhe ont-elles été détruites en -2300 ?
En -2500, la  IVe dynastie règne en Égypte. Les pharaons Khéphren, Khéops et Mykérinos construisent les trois grandes pyramides du Caire. On ignore encore comment ils ont pu, techniquement, ériger de telles masses de pierres. Plusieurs barques solaires, intactes quoique démontées, ont été retrouvées dans des fosses près de la pyramide de Khéops. Elles nous informent très précisément sur les techniques de construction navale : aucune pièce de métal ne s'y trouve, ni en bronze, ni naturellement en fer, puisqu'il faudra encore mille ans pour que le fer soit utilisé par la métallurgie naissante.

En -2350, le Roi Sargon d'Akkad (2334-2279) unifie les villes états de Sumer et crée un pays, la Mésopotamie. Sa dynastie n'est pas très longue mais l'état créé va perdurer. La Mésopotamie sera l'état rival de l’Égypte des pharaons. En Mésopotamie, la dynastie du roi Sargon d'Akkad va être remplacée par celle d'Ur-Nammu.

C'est alors, au moment du changement dynastique, en -2350, qu'est détruite la ville d'Ébla en Syrie actuelle. Les archives de la ville sont brûlées : 14 000 tablettes d'argile se trouvent alors conservées sous les ruines, attendant les archéologues du XXe siècle. En 1975, ils découvriront des monceaux de tablettes d'argile datées d'entre 2400 et 2350 avant JC et gravées en caractères cunéiformes. Elles leur apprendront les détails de la vie des villes-états de Sumer mais également leurs liens commerciaux avec les villes de Canaan.
Au XXe siècle, sur la péninsule El Lisan (sur la Mer Morte), dans l'Israël actuel, deux villes sont fouillées. On les a nommées Bab el Drha et Numeira. Elles ont été fondées aux alentours de 2500 avant JC. Deux cent ans plus tard, en -2300, elles sont totalement détruites par un tremblement de terre.
Or, dans les archives d'Ébla, a été découverte une tablette d'argile présentant les voies commerciales entre la Mer Morte et la plaine salée du Sud. La 211e ville citée sur la tablette se nomme Sodome et elle est située sur la presqu’île d’El Lisan, à l'endroit précis où se trouve la ville de Bal el Drha.

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Tablette d'Ébla nommant Sodome.

Les fouilles de Bab ed-Dhra (Sodome ?) et de Numeira (Gomorrhe ?) montrent qu'elles ont été détruites ensemble par un tremblement de terre et un incendie qui a ravagé jusqu'à leurs cimetières. C'est lors de ce tremblement de terre que la péninsule d’ El Lisan s'est effondrée et que la Mer Morte s'est répandue là où on la connaît de nos jours.
Ces villes sont-elles bien Sodome et Gomorrhe ? Si la traduction de la tablette d'Ébla est correcte, Sodome a bien existé. La région saturée de sel se prête facilement à la création de statues de sel qui peuvent évoquer des silhouettes de femmes. Le bitume affleure, prêt à s'embraser. Cela peut expliquer l'histoire de Loth, le neveu d'Abraham, qui fuit une ville embrassée : « Yahvé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du souffre et du feu venant de Yahvé et il renversa ces villes et toute la plaine, avec tous les habitants des villes et la végétation du sol. Or, la femme de Loth regarda en arrière, et elle devint une colonne de sel. » (Genèse 19, 24-26).
La Sourate 11 (81-83) raconte la destruction par Allah d'une ville non nommée devant Loth qui fuit, prévenu par des anges : « Alors les anges : « O Loth, nous sommes vraiment les messagers de ton Seigneur. Ils ne sauront t'atteindre. Fais donc partir ta famille en fin de nuit. Et que nul d'entre vous ne regarde en arrière. Sauf ta femme ; en vérité, ce qui va leur arriver lui arrivera à elle… Puis, lorsque vint Notre Commandement, Nous mîmes la ville sens dessus dessous, et fîmes pleuvoir sur elle des pavés de glaise qui avaient été marqués, auprès de ton Seigneur. »
Dans le Coran, la femme de Loth ne semble pas disposer de son libre arbitre, elle est soumise à la décision d'Allah. Ainsi le Coran rend-t-il compte des actions des hommes : « Tout vient de Dieu. » (S. 4, 78). On a déjà vu qu'Allah est tout-puissant, l'homme ne sait que ce qu'Allah lui apprend. On voit ici que l'homme n'agit que dans l'espace autorisé par Allah. Cependant, un doute subsiste : Allah se contente-t-Il de savoir à l'avance que la femme de Loth va désobéir, ou bien décide-t-Il qu'elle va le faire ? La question du libre-arbitre animera les premiers siècles de l'islam et définira des doctrines islamiques différentes avant que le sunnisme ne triomphe.

Ces récits de la destruction de Sodome et Gomorrhe situeraient la vie des patriarches Abraham et Loth aux alentours de 2 300 avant JC, au moment de la destruction de Bab el Drha et de Numeira.
Le croyant ne peut que constater que deux villes ont bien été détruites ensemble près de la Mer Morte et que le témoignage de leur destruction des siècles après, dans le récit biblique de Sodome et Gomorrhe, est fidèle à la réalité archéologique. Comme si un témoin avait vécu ces événements au plus près, tout en sauvant sa vie pour les raconter.

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Site de Bab el Drha - Sodome ?

2. 4 . Les ziggourats, la Tour de Babel ?
En -2112, en Mésopotamie, Ur-Nammu (-2112-2095) fonde l'empire d'Ur qui dure jusqu’en 2000 avant JC.
Ur-Nammu fait construire des ziggourats, des temples gigantesques en forme de pyramides en escalier. Leur dénomination sumérienne est « etemenanki » soit Maison du fondement du ciel et de la terre. Il s'agit de temples de forme pyramidale en briques crues ; le lieu de culte se trouve au sommet d'un empilement de sept terrasses, qui représentent ... les sept corps célestes mobiles. La plus ancienne est celle d'Ur qui n'a que trois terrasses. Mais rapidement, les ziggourats ont sept terrasses. Il en sera édifié pendant 1500 ans. Celles d'Uruk, Eridu, Nippur seront construites pendant le règne d'Ur-Nammu. Puis, peu à peu, au cours des siècles, chaque ville de l'empire construit une ziggourat. Au premier millénaire avant JC, il y en a une par ville.
Celle de Babylone est construite au VIe siècle avant JC par Nabuchodonosor II, au moment de l'exil du peuple juif à Babylone. Elle est dédiée au dieu Marduk. Elle atteint 90 m de haut et a bien sûr sept terrasses, pour les sept corps célestes mobiles.

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Construction de la Tour de Babel
(Bible historiale de Guiard des Moulins, XIVe siècle ; BnF).

Alexandre le Grand fera totalement détruire la tour de Babel/Babylone. Il n'en reste rien.

Le récit de la Tour de Babel dans la Bible (Genèse 11) ressemble étrangement à l'histoire de la ziggourat de Babylone, construite par les peuples prisonniers de guerre de Nabuchodonosor dont le peuple hébreu fait partie.
En effet, la Genèse a été rédigée pendant et après l'exil des Hébreux à Babylone (VIe siècle avant JC). Les Hébreux ne pouvaient qu'être fortement impressionnés par cette construction gigantesque. Ils racontent finalement une histoire qui ressemble à ce qu'ils vivent, perdus dans une ville cosmopolite où ils sont déportés avec de multiples peuples parlant de nombreuses langues. Ils présentent la Tour de Babel comme la marque de l'orgueil de l'humanité qui est punie par Dieu. Dieu trouble la parole humaine, chacun parle désormais une langue différente. Les hommes ne peuvent plus se comprendre. « [Les hommes] se dirent l'un à l'autre : « Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu ! ». La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent » Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! ... Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties... : « Allons, Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu'ils ne s'entendant plus les uns les autres » » (Gn 11, 3-4).

L'islam n'évoque que rapidement la Tour de Babel sous la plume de al-Bukhārī : « On mentionne que 'Alī - que Dieu soit satisfait de lui ! - répugna à faire la prière dans les ruines de Babel. » (Hadith Authentique, 194/810 - 256/870). Le Coran ne parle pas de la Tour de Babel. Dans le Coran, la seule tour hérétique du Coran est celle construite par un certain Hāmān. Selon le Coran, Hāmān serait un conseiller du pharaon contemporain de Moïse (Sourate 28, versets 6, 8, 38 ; S. 29, 39). Néanmoins, on peut lire le récit de Hāmān dans le Coran en parallèle du récit de la Tour de Babel dans la Bible, les mêmes éléments s'y retrouvent : les briques cuites, la tour pour monter vers le ciel, le rébellion envers Dieu. « Pharaon dit : « Cohorte de grands, je ne connais pas de dieu, pour nous, autre que moi. Allume-moi donc du feu sur la glaise, Hāmān, puis construis-moi une tour : peut-être monterai-je jusqu'au dieu de Moïse ! Je le pense cependant du nombre des menteurs. » (S. 28, 38). Dans le Coran, il s'agit donc également d'atteindre Dieu par ses propres moyens en construisant une tour, comme dans le Genèse. Mais le Coran place l'épisode en Égypte du temps de Moïse, l'auteur du Coran semblant faire un amalgame entre l'histoire de la Tour de Babel et celle de Moïse.

Il est donc difficile de se servir de l'histoire de la Tour de Babel pour dater le début de l'histoire des patriarches, d'autant que l'histoire de la Tour de Babel dans la Genèse ressemble finalement trop à l'histoire de la Ziggourat de Babylone contemporaine de l'exil des Hébreux du VIe siècle pour qu'elle puisse servir à dater l'histoire de la Genèse.
Il semble bien qu'il ne s'agisse que d'un mythe inventé au VIe siècle avant JC, qui explique à quel point les hommes se perdent quand ils veulent atteindre Dieu par leurs propres moyens... Et perdus, les Hébreux l'étaient effectivement au moment de leur déportation ! Ils avaient été dépouillés de tout : de leur Temple, de leurs prêtres, de leur royaume et de leur liberté. Le Dieu des combats auquel ils avaient cru, avait fait défaut. Il ne leur restait plus que leur force spirituelle.

L'histoire de la Tour de Babel dans la Genèse n'est-elle pas qu'une tentative désespérée, mais Ô combien poétique, pour rationaliser le désastre de la déportation des Hébreux à Babylone au VIe siècle avant JC, et leur permettre d'en tirer un fruit spirituel ? Les croyants gardent, eux, la conviction que seul Dieu pouvait - au milieu d'un tel désastre humain - inspirer une telle parabole pour enseigner et entretenir la confiance.

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La Tour de Babel (maître flamand, 1570).

2. 5. Abraham, le père des trois monothéismes.
Dans la Bible, la vie d'Abraham contient un élément primordial : c'est à lui que Dieu révèle qu'Il est Unique et que l'on peut entrer en communication avec Lui.
Les chrétiens voient aussi, dans l'apparition dont bénéficie Abraham au chêne de Mambré, la première annonce du Dieu Unique-Trinité : « Yahvé apparut à Abraham aux Chênes de Mambré, tandis qu’il était assis à l’entrée de la tente, au plus chaud du jour. Ayant levé les yeux, voilà qu’il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. » (Genèse 18, 1-2). Quand Dieu choisit d’apparaître à Abraham, Abraham voit trois hommes... Cela prendra tout son sens pour les chrétiens après la venue du Christ et la révélation du Dieu Unique en Trois Personnes divines.

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Trois anges de même âge et éternellement jeunes apparaissent à Abraham qui se prosterne devant eux : les chrétiens
y voient l'expression de la Divinité. Dieu est unique et Trois Personnes divines vivent en Lui

(mosaïque de la cathédrale de Monreale ; Palerme, Sicile, XIIe siècle).

En revanche, pour juifs et musulmans, la Trinité apparaît comme une entorse à l’unicité de Dieu. Pour eux, ce sont des anges qui sont apparus, comme le confirme le Coran : « Et très certainement Nos anges sont venus à Abraham avec la bonne nouvelle, en disant : « Paix ! » - Il dit : « Paix ! » et il ne tarda pas à apporter un veau rôti aux pierres chauffées. Puis, lorsqu’il vit que leurs mains ne l’atteignaient pas, il les trouva insolites et ressentit de la peur vis- à-vis d’eux. Ils dirent : « N’aie pas peur. Oui, nous sommes envoyés vers le peuple de Loth. ». Sa femme était debout. Alors elle rit. Nous lui annonçâmes donc Isaac, et au-delà d’Isaac, Jacob. » (Sourate 11, 69).

Dieu, dans la Bible, promet à Abraham une descendance innombrable. La Promesse qui lie Abraham à Dieu est éternelle. Abraham a deux enfants. Le premier, Ismaël, est né de sa servante Agar ; le second, Isaac, est né de son épouse Sara. Tous les deux sont destinés à un avenir prestigieux, mais seul Isaac bénéficie de la promesse d'Alliance spirituelle avec Dieu. Selon la Bible, Ismaël n'est promis qu'à une réussite humaine.
« Abraham dit à Dieu : « Oh ! Qu’Ismaël vive devant ta face ! » Mais Dieu reprit : « Non, mais ta femme Sara te donnera un fils, tu l’appelleras Isaac, et j’établirai mon alliance avec lui, comme une alliance perpétuelle, et avec sa descendance après lui. En faveur d’Ismaël aussi je t’ai entendu : je le bénis, je le rendrai fécond, je le ferai croître extrêmement, il engendrera douze princes et je ferai de lui une grande nation. Mais mon alliance, je l’établirai avec Isaac, que va t’enfanter Sara, l’an prochain à cette saison. » (Genèse 17, 18-22).

Cette Alliance est inscrite dans la chair des petits garçons par la circoncision au huitième jour (Gn 17, 11-14). Dans la Bible, les enfants de la promesse spirituelle sont d'Isaac, tandis qu'Ismaël, le fils de l'esclave Agar, est le père d'une nation nombreuse. Les juifs se disent fils d’Abraham par Isaac. Leur Alliance avec Dieu est donc éternelle selon la promesse qui leur a été faite.
Les chrétiens pensent, eux, être les fils de la Promesse faite à Abraham par leur fidélité à « l'esprit » de l'Alliance et non par la filiation de la chair. Dans l’épître aux Romains, Paul affirme : « Car tous les descendants d'Israël ne sont pas Israël. De même que pour être de la postérité d'Abraham, tous ne sont pas ses enfants ; mais c'est par Isaac qu'une descendance portera son nom, ce qui signifie : ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, seuls comptent comme postérité les enfants de la promesse. ». (Romains 9, 6-8). Paul confirme : « Si vous appartenez au Christ vous êtes donc de la descendance d'Abraham, héritiers selon la promesse. » (Galates 3, 28).

Les musulmans, de nos jours, se disent fils d’Abraham par Ismaël.

Abraham est donc appelé le père des trois monothéismes.


2. 6. Que dit le Coran de la descendance d'Abraham ?
Selon le Coran, les fils d'Abraham sont d'abord Isaac, puis Ismaël qui est signalé tardivement comme fils d'Abraham.
Dans le Coran, à la période mecquoise de la révélation de Mohamed, seul Isaac est signalé comme fils d'Abraham. « Nous lui donnâmes de surcroît Isaac et Jacob. » (S.  21 ; 72-73). Les sourates 6, 84  et S. 19, 49 le confirment. La Sourate 6, 86 cite Ismaël dans la liste des prophètes, mais sans dire qu'il est fils d’Abraham*. La sourate 14 de la fin de la période mecquoise place bien Ismaël dans la descendance d'Abraham, mais certains spécialistes (dont J. Chabbi) doutent que ce verset soit mecquois. « Louange à Dieu, qui, en dépit de la vieillesse, m'a donné Ismaël et Isaac. » (S. 14, 39) *.
Ce n'est que dans des versets récités à Médine, qu'Ismaël est enfin placé sans ambiguïté dans la descendance d'Abraham (Sourate 2, 130-134)*.

Selon le Coran, le petit fils d'Abraham est Jacob, le fils d'Isaac.
Isaac donne naissance à Jacob, comme le signale son nom qui apparaît après celui de son père Isaac*. « Lorsqu’ [Abraham] se fut séparé de [ses parents restés polythéistes], et de ce qu'ils adoraient au lieu de Dieu, Nous lui fîmes don d’Isaac et de Jacob ; et de chacun nous fîmes un prophète. » (Sourate 19, 49). Cela est repris Sourate 21, (72-73). Jamais Ismaël n'est cité comme ayant engendré un enfant. Cela n'interdit pas qu'il en ait, mais le Coran ne le dit pas.
Mais, si Ismaël a engendré des enfants, il est clairement signalé dans le Coran, qu'aucun ne peut être prophète. En effet, selon le Coran, le don de prophétie et la révélation du Livre sont donnés à son frère Isaac, au fils d'Isaac, Jacob et aux enfants de Jacob ! « Et Nous donnâmes Isaac et Jacob, et désignâmes dans sa descendance la fonction de prophète et Le Livre. » (S. 29, 27). Selon le Coran, Mohamed le Prophète serait donc un descendant d'Isaac, et non d'Ismaël ! Mohamed est, en effet, pour les musulmans, le sceau des Prophètes (S. 33, 40), le dernier d'entre eux, celui qui reçoit la révélation la plus accomplie et le Livre par excellence : le Coran.

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Jacob surveillant un troupeau (Chirāz, 1520 ; BnF).

Selon le Coran, les arrières petits-fils d'Abraham sont douze, ce sont les fils de Jacob.
Selon le Coran, les descendants d'Abraham à la troisième génération sont les membres des Tribus. Les Tribus, les « asbāt » est le pluriel de « sibt »*, le petit fils. En fait, les seuls descendants d'Abraham proviennent de Jacob : « Abraham enjoignit à ses enfants, de même que Jacob : « Oui, mes enfants, Dieu a fait choix pour vous d'une religion, ne mourez point, donc, que vous ne soyez des Soumis ! » Étiez-vous là quand la mort se présenta à Jacob, quand il dit à ses enfants : « Qu'adorerez-vous, après moi ? » Eux de dire : « Nous adorerons Celui qui pour toi est Dieu, Dieu aussi pour tes pères Abraham et Ismaël et Isaac, Dieu unique à qui nous sommes soumis ! » (S. 2, 130-134).
Ce verset parle donc des enfants de Jacob. Ismaël y est signalé comme un père de Jacob (S. 2, 133), alors que c'est clairement son frère Isaac qui l'a engendré* (S. 29, 27). Le Coran place donc bien Ismaël dans la famille de prophètes issus d'Abraham, mais Ismaël est l'oncle de Jacob et non son père biologique, à moins d'une contradiction flagrante du Coran !
Le Coran confirme que les 12 Tribus sont dans la filiation d'Abraham : elles sont placées après le nom de Jacob* : « Dis : « Nous croyons en Dieu et en ce qu'on a fait descendre sur Abraham et Ismaël et Isaac, et Jacob et les Tribus » (Sourate 3, 84). Après le nom d'Ismaël, jamais le nom d'un fils n’apparaît, c'est son frère Isaac qui est nommé : « Nous avons fait révélation à Abraham, et à Ismaël, et à Isaac, et à Jacob, et aux Tribus, et à Jésus, et à Job et à Jonas et à Aaron et à Salomon. » (Sourate 4, 163). Dans ce verset, l'ordre chronologique des prophètes est partiellement erroné, mais peu importe.

Les Tribus sont bien douze : « Nous les découpâmes en douze, par tribus, par communautés. » (S. 7, 160).

Selon le Coran, Isaac est donc le seul à avoir engendré un petit-fils à Abraham : Jacob. Jacob porte le nom caractéristique d’« Israël » (S. 19, 58). Jacob est le père des 12 tribus d'Israël (S. 7, 160). Isaac et sa descendance sont les seuls qui bénéficient du don de prophétie et de l'aptitude à recevoir le Livre (S. 29, 27).*

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La prédication d'Abraham est représentée par une construction cubique
(Le Lever des astres chanceux et les Sources de la souveraineté, Istanbul, 1582 ; BnF).

* : Le Coran décrypté : figures bibliques en Arabie , p. 53 à 64, Jacqueline Chabbi, Fayard, 2008.

2. 7. D’où vient la croyance que les musulmans sont fils d'Ismaël ?
Le Coran ne donne aucun enfant à Ismaël et aucun qui serait prophète. La conviction que les arabes sont fils d'Ismaël ne se trouve donc pas dans le Coran. En fait, deux textes datés de la fin du VIIIe siècle, plus de 30 ans après la mort de Mohamed, donnent la réponse. Ce sont deux textes chrétiens.
À la mort de Mohamed, la conquête arabe déferle sur le Moyen-Orient. Les chrétiens sont assiégés dans Jérusalem. À Noël 634, ils ne peuvent se rendre à Bethléem pour fêter la naissance du Sauveur ! Ils vont rechercher une explication dans la Bible pour se rassurer sur la volonté divine. Dans la Bible, Ismaël a de nombreux enfants. C'est clairement dit. Dieu dit à Abraham, dans la Genèse (17, 20) : « En faveur d'Ismaël aussi, je t'ai entendu : je le bénis, je le rendrai fécond, je le ferai croître extrêmement. Il engendrera douze princes et je ferai de lui une grande nation. ».
Même si le Coran ne donne aucune descendance à Ismaël, les juifs et les chrétiens n'ont aucun doute. Ils savent qu'Ismaël bénéficie d'une promesse de bénédiction et de réussite humaine. Ismaël ne bénéficie pas de l'Alliance spirituelle, mais bien de la promesse de réussite humaine (Genèse 17, 18-22). Il aura des fils qui régneront ! D'ailleurs, des « ismaélites » apparaissent de temps en temps dans l'Ancien Testament (Psaume 83(82), 7 ; Genèse 37, 27). Ils composent un peuple non défini que rien ne permet d'assimiler aux habitants de l'Arabie, mais plutôt à des ennemis d'Israël (Psaume 83(82), 7).

Le premier texte chrétien qui attribue la paternité des arabes à Ismaël est la chronique d'un Patriarche arménien nommé Sebèos. Il l'a rédigée en 660 après JC. Elle parle des conquérants arabes comme étant « Ismaélites » ou « Fils d’Ismaël » ou « Hagarachs » (étymologie : Agar). Sebèos confirme que Mohamed est marchand et fils d'Ismaël : « Il y avait un des enfants d'Ismaël, du nom de Mohamed, un marchand ». (Histoire d'Héraclius, p. 95)*.
Voilà Mohamed pourvu d'un ancêtre dont jamais personne n'avait parlé auparavant, et en particulier pas le Coran. Mohamed est devenu un enfant d'Ismaël !
L'auteur, Sebèos, retrouve dans la Genèse la prédiction d'une famille triomphante, celle d'Ismaël*. Ismaël y est montré comme « un maître onagre, sa main contre tous et la main de tous contre lui » (Genèse 16, 12). La chronique de Sebèos est la première occurrence historique de l’appartenance des arabes, et particulièrement de Mohamed, à la descendance d'Ismaël. Quand elle est écrite, Mohamed était mort depuis 28 ans.

Le second texte est daté de 682 après JC. Il s’agit également d'un texte chrétien, puisque c'est la page d'introduction d'un Évangile. « Ce livre du Nouveau Testament a été achevé en l'année 993 des Grecs, qui est l'an 63 des Mahgrāyē (les « conquérants arabes »), les fils d’Ismaël, fils d'Agar et fils d'Abraham. » (Crone-Cook, Hagarism, 1997, p.160, n° 54 ; Griffith,  The Prophet Muhammad, 1983, p. 122-123, n° 3)*.

Le Coran, lui, ne signale jamais que les arabes adeptes de Mohamed descendent d'Ismaël, ni de sa mère Agar, ni même d'Abraham. Agar n'est jamais nommée dans le Coran. Son nom provient de la Genèse. En particulier, dans le Coran, Mohamed lui-même, n'est pas signalé comme descendant d'Ismaël. Sa position de « sceaux des prophètes », en ferait même un descendant d'Isaac (Sourate 29, 27) !

Ce sont donc les chrétiens, qui, au VIIe siècle, déconcertés par la conquête arabe après la mort de Mohamed, ont attribué à Ismaël l'origine des arabes. Soucieux de rationaliser ce qui leur arrivait au moment de la conquête arabe, les chrétiens ont retrouvé dans leur croyance ancestrale une justification à la puissance des arabes. Les arabes n’étaient pas les fils de la promesse spirituelle liée à Isaac, mais ceux d'Ismaël à qui Dieu avait promis une postérité princière. La victoire des musulmans du VIIe siècle était ainsi expliquée et remise à sa juste place : il s'agissait seulement d'un succès humain et nullement d'un accomplissement spirituel. En effet, aux yeux des chrétiens et des  juifs, Ismaël a été exclu de l’Alliance spirituelle par Dieu lui-même : « En faveur d’Ismaël aussi je t’ai entendu : je le bénis, je le rendrai fécond, je le ferai croître extrêmement, il engendrera douze princes et je ferai de lui une grande nation. Mais mon alliance, je l’établirai avec Isaac, que va t’enfanter Sara, l’an prochain à cette saison. » (Genèse 17, 20-22).
Cette appellation de « fils d'Ismaël » appliquée à Mohamed, n'est-elle pas une explication de la résistance des chrétiens d'orient à l'islamisation ? En nommant Mohamed « fils d'Ismaël », les chrétiens affirment finalement que Mohamed ne bénéficie d'aucune Alliance spirituelle avec Dieu !

Les musulmans oublieront rapidement que, dans le Coran, Ismaël n'a pas d'enfant et que seuls les enfants d'Isaac sont prophètes (S. 29, 27). Ils reprendront à leur compte la légende imaginée par les chrétiens au VIIe siècle et affirmeront descendre d'Abraham par Ismaël.
Que Mohamed descende d'Ismaël, est maintenant un dogme en islam. Peu de musulmans savent que cela provient d’une interprétation chrétienne qui est en contradiction avec le Coran et qui nie la réalité du prophétisme de Mohamed.


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Les nations réunies dans le sein d'Abraham
(enluminure d'une Bible du XIIe siècle).
 

* : Les fondations de l'islam, entre écriture et histoire, p. 37, Alfred-Louis de Prémare, éditions du Seuil, 2002.
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Pierresuzanne

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:12


CHAPITRE 2 – FIN - : ABRAHAM ET LES PATRIARCHES.
De -3000 à -1700.

2. 8. Agar et son fils Ismaël, ou comment ils sont abandonnés dans un désert.
Pour la Genèse (21, 9-2), Abraham abandonne Agar et Ismaël à Bercheba, dans le désert de Juda, lieu bien localisé par les historiens dans la région de Jérusalem, à 1000 km au nord de la Mecque. Néanmoins aucune fouille n'a pu retrouver de vestiges confirmant une occupation humaine à Bercheba qui serait aussi ancienne.
Selon le Coran, Abraham met sa descendance à l’abri à la Mecque. Le Pr J. Chabbi remarque que la forme grammaticale du verset du Coran est formelle, c'est la totalité de sa descendance qu'Abraham met à l’abri à la Mecque, donc ses deux fils, Ismaël et Isaac. « Mon Seigneur, s’exclame Abraham, rends ce pays sûr et épargne-moi et épargne à mes fils d’adorer des idoles »... « Notre Seigneur, [s’exclame Abraham,] j’ai installé ma descendance dans un val sans culture, près de Ta demeure bien protégée [la Ka’ba] pour qu’ils accomplissent la prière. Fais que le cœur des hommes des tribus locales ait de l’inclinaison pour eux et veuille bien pourvoir à les nourrir des fruits de la terre. » (Sourate 14, 35 et 37 ; traduction J. Chabbi).
Pour le Coran, la Mecque est déjà un lieu sacré et peuplé quand Abraham y arrive : il prie Allah de rendre ses habitants favorables à ses enfants ! On voit donc mal comment Agar s'y serait trouvée seule, dans un désert, en train de mourir de soif ! C'est pourtant ce que va raconter la Tradition musulmane ! Cependant, l'origine de cette croyance a été retrouvée en 1933, par Sidersky, dans des textes du Midrash juif du IIe siècle. Ce sont donc, en fait, des légendes juives tardives, celles qui parlent d'Agar et de sa recherche d'un puits, qui ont inspiré la Tradition musulmane *.

La Tradition musulmane a été fixée par al-Bukhārī au IXe siècle. Bukhārī développe l'histoire d'Agar alors que le Coran ne la cite jamais. Dans son Hadith qualifié d'Authentique ou Salih, (6/396-397 ; 3364), il raconte que Sara, l'épouse légitime d'Abraham, est stérile. Elle incite Abraham à avoir un enfant d'Agar, leur servante. Il s'agit d'Ismaël. Mais, une fois la promesse miraculeuse de Dieu réalisée, Sara devient à son tour mère d'Isaac. Sara demande alors à Abraham de chasser Agar et Ismaël. Voici le seul contenu commun entre les écrits de Bukhārī et la Bible.
Mais Al-Bukhārī raconte également qu'Agar est une fille de sang royal, réduite en esclavage chez Pharaon. Abraham l'a reçue en cadeau lors de son séjour en Égypte. Toujours selon al-Bukhārī qui écrit au IXe siècle, Abraham laisse Agar et Ismaël dans le désert de la Mecque. Agar, assoiffée, court sept fois entre les collines de Safā et Marwa. Enfin, un ange lui indique un puits. Une eau pure et fraîche coule au cœur même du désert inhospitalier d'Arabie. Le puits de zemzem, qui irrigue toujours la Mecque, vient d'être découvert.

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Agar secourue par l'ange (Tattarescu, 1870).

La découverte de ce puits est célébrée chaque année lors du pèlerinage, le Hajj, de la Mecque. La course entre Safā et Marwa (sa'īy, سَعْيي, course, effort, recherche) reprend la course d'Agar et symbolise la vie spirituelle du musulman, centrée sur son effort et sa recherche de la Volonté d'Allah. Au XIIe siècle, l'exégète musulman de Bagdad, al-Djawzī, explique la valeur spirituelle du pèlerinage à la Mecque. Il s'agit de se mettre en état de dépendance et de renoncer au bien-être corporel. Le pèlerin effectue des rituels que la raison ne comprend pas. Il marche entre Safā et Marwa et lapide des stèles : autant de rites qui défient le bon sens mais démontrent sa parfaite soumission à Allah (Mouthir al-azam as-sakin, 1/285-286).
On voit à travers l'exemple d'Agar, dont l’existence est ignorée du Coran, comment la Tradition islamique se réappropriera les éléments religieux préislamiques de la Mecque, centrés sur le culte de l'eau. En effet, la Mecque est une déclivité où les eaux s'accumulent. La présence de cette eau salvatrice au cœur d'un des déserts les plus arides de la planète est à l'origine du culte de la Kaaba préislamique. Ainsi, la Tradition musulmane fait-elle la synthèse des différentes croyances ancestrales et des affirmations coraniques pour fonder sa foi et enrichir ses rituels.

* : Les origines des légendes musulmanes dans le Coran et dans les vies des prophètes, p. 50-51, Sidersky, Paris, 1933.

2. 9. Le sacrifice d'Isaac ou d'Ismaël ?
Selon la Genèse (22, 1-14), Ismaël et sa mère esclave Agar sont déjà abandonnés dans le désert de Judée, quand Dieu demande à Abraham le sacrifice d'Isaac sur une montagne. Isaac est donc « son unique » fils (Genèse 22, 1), maintenant qu'Ismaël a été abandonné. Les juifs affirment que le sacrifice d'Isaac a eu lieu sur le mont du Temple, à Jérusalem, donc sur une montagne. « Il arriva que Dieu éprouva Abraham et lui dit : « Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et va-t'en au pays de Moriyya, et là tu l'offriras en holocauste sur une montagne que je t'indiquerai. » (Genèse 22, 1-2). Abraham prouve son obéissance en partant pour sacrifier Isaac dans un long voyage de trois jours.

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Le sacrifice d'Isaac (mosaïque de pavement,VIe siècle après JC,
synagogue de Beth Alpha ; Israël).

Abraham monte avec Isaac sur la montagne du sacrifice. « Puis, l'Ange dit : « N’étends pas la main contre l'enfant ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique. » Abraham leva les yeux et vit un bélier, qui s'était pris par les cornes dans un buisson.... L'Ange de Yahvé dit : « Je jure par moi même, parole du Yahvé : parce que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable de la mer et ta postérité conquerra la porte de ses ennemis. Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre parce que tu m'as obéi. » (Genèse 22, 12-14). L'Ange confirme à Abraham que, grâce à son obéissance, sa descendance par Isaac sera innombrable.

Le Coran reprend le même plan que la Genèse. Le fils sacrifié est celui de la naissance miraculeuse.Le texte coranique ne laisse aucune ambiguïté, même si l'enfant n'est pas nommé. Il ne saurait donc s'agir d’Ismaël qui est né sans intervention divine. La fin rappelle, comme dans la Genèse, la promesse qui s’étend sur la descendance d'Isaac. Ismaël est absent du récit.

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Abraham offre son fils en sacrifice
(1583 ; musée des arts islamiques, Istanbul).

« Et Abraham dit : « Oui, je vais vers mon Seigneur : Lui me guidera. Seigneur, fais-moi don d’un qui soit parmi les gens de bien. ». Nous lui fîmes donc bonne annonce d’un garçon patient.
Puis, quand celui-ci en fut à courir avec lui, Abraham dit : « O mon petit, oui, je me vois en songe en train de t’immoler, vois donc quelle est ton opinion. ». Lui de dire: « O mon cher père, fais ce qui t’est commandé : tu me trouveras, si Dieu veut, du nombre des endurants. »
Puis quand tous deux se furent soumis, et qu’il l’eut jeté sur le front, voilà que Nous l’appelâmes : « Abraham ! Tu as bien réalisé la vision. Oui, c’est ainsi que Nous payons les bienfaisants. » C’était là, certes oui, l’épreuve manifeste. Nous le rançonnâmes d’une énorme immolation. Et c’est à lui que Nous laissâmes la postérité. Paix sur Abraham... Oui, il était de Nos enclaves croyants. Et Nous lui fîmes bonne annonce d’Isaac comme d’un prophète d’entre les gens de bien ; Et Nous versâmes, sur lui et sur Isaac, plénitude de bénédiction. Il y a cependant, dans leur descendance, le bienfaisant et aussi celui qui manifestement se manque à lui-même.
» (Sourate 37, 99-109).

Isaac sera donc prophète en récompense de son obéissance. Une fois de plus, il est rappelé que le « bienfaisant » est dans sa descendance, ce qui suggère que Mohamed fait partie des descendants d'Isaac. Nulle part Ismaël n'est nommé dans le Coran quand le sacrifice de l'enfant est évoqué, nulle part la Mecque n'est citée. Imaginer que l'enfant proposé au sacrifice ait été Ismaël, et que le lieu du sacrifice ait été la Mecque, tient de la pure extrapolation. La Tradition musulmane affirme néanmoins que l'enfant proposé au sacrifice était Ismaël, et qu'Isaac est né secondairement en récompense de la soumission d'Abraham. Elle affirme également que le sacrifice a eu lieu à la Mecque.
Un seul ouléma musulman reconnu, Ibn Hanbal (780-855), a gardé le récit non extrapolé et raconte que c'est Isaac qui est sacrifié. Il écrit plus précocement qu’al-Bukhārī (810-870). Dans les siècles qui suivent, les exégètes musulmans, après avoir accepté le fait qu'ils étaient enfants d'Ismaël, affirmeront avec conviction que l'enfant proposé au sacrifice était Ismaël.

Mais, que ce soit dans la Bible ou dans le Coran, Abraham reçoit deux révélations majeures : Dieu est unique et Il refuse les sacrifices humains. Dès les premiers moments de Sa rencontre avec Abraham, Dieu exprime sa bonté fondamentale et son amour de l'humanité.

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Abraham sacrifie son fils
(manuscrit ottoman, XVIe siècle ; BnF
).

2. 10. Peut-on savoir quand et où a-eu lieu la vie d'Abraham ?
L'existence d'Abraham n'a jamais été prouvée par l'archéologie.
Quand Dieu se révèle unique, cela ne laisse aucune trace. De même, Dieu teste l’obéissance d’Abraham en lui demandant de sacrifier son fils Isaac. Ce sacrifice n'a laissé qu'une marque spirituelle pour signaler aux hommes que Dieu ne voulait pas de sacrifice d'enfant. Les juifs, et les chrétiens, pensent que le sacrifice du bélier a eu lieu à Jérusalem sur le mont Moriah (2 Chroniques 3, 1), là où le Temple hébraïque a été construit ; les musulmans pensent qu'il a eu lieu à la Mecque, qui est un point-bas où se collecte les eaux. Ni les uns ni les autres n'ont apporté de preuves archéologiques à leurs affirmations.

Le Coran relate qu'Abraham a fondé la Kaaba de la Mecque comme un refuge sûr (S. 14, 35-37). Mais aucune fouille n'a été effectuée à la Mecque pour le confirmer. La trace la plus ancienne de l'existence de la Mecque date de Claude Ptolémée, géographe astronome, du IIe siècle après JC. Il a dressé une carte de l’Arabie qui n'existe plus que dans des copies du XVe siècle. La Mecque y est reconnue sous le nom « Macoraba ». C'est la première fois que la Mecque est citée par écrit. Seules des campagnes de fouilles permettraient d'en connaître l'ancienneté avec certitude. Mais l'Arabie Saoudite refuse de se confronter aux vérités archéologiques et interdit de fouiller ses villes saintes.

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Reproduction du XVe siècle de la carte perdue de Ptolémée qui avait été faite, elle, au IIe siècle (British Library).

La tombe d'Abraham et de sa famille serait près d'Hébron, là où serait morte Sara (Genèse 23, 1-3), et plus précisément à Mambré dans la grotte de Makpéka (Genèse 23, 19 ; Genèse 25, 9) : elle n'a pas été retrouvée. Le Sanctuaire actuel appelé le Tombeau des patriarches a été construit par les Croisés sur des restes de murs datant d'Hérode, c'est à dire sur des murs contemporains du Christ. Il est donc trop jeune de 2000 ans pour prétendre héberger les dépouilles d'Abraham et de Sara. Le Tombeau des patriarches a été transformé en mosquée après la conquête de Saladin.

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Le Tombeau des Patriarches à Hébron est récent. Sa partie la plus ancienne - les fondations- a été
construite par Hérode, 2000 ans après la période la plus probable de la vie d’Abraham.

En 1967, Moshé Dayan, le général israélien, en fit explorer la crypte après avoir conquis Hébron. L'entrée était si étroite, qu'on a dû envoyer une fillette. La seule inscription trouvée au fond est une phrase du Coran affirmant l'unicité de Dieu. Des fouilles au cœur du tombeau transformé en mosquée, au plus profond de la crypte, seront-elles un jour possible ? Les musulmans montreront-ils toujours la même réticence à se confronter aux découvertes archéologiques ?

De l'histoire d'Abraham telle que la relatent la Bible et le Coran, seule la destruction de Sodome et de Gomorrhe pourrait servir à dater et à localiser la vie des Patriarches ! Et même l'identification de Sodome n'est pas certaine : il faut pour cela que la traduction de la tablette d'Ébla soit exacte ! La chronologie donnée par la Bible fait penser qu'Abraham a vécu vers 2000 avant JC. La destruction de Sodome a eu lieu en -2300, selon la tablette d'Ebla. Mais, un autre tremblement de terre a eu lieu au XVIIIe siècle avant JC en Canaan et pourrait correspondre également au récit biblique de la destruction de Sodome et Gomorrhe. La période où a vécu Abraham ne peut pas être mieux précisée, elle se situe entre -2300 et -1800.

En 2200, les terres à l'ouest du Jourdain et de la Mer Morte (futur Canaan) se désertifient. Si Abraham a vécu à ce moment, sa foi a été conservée par un peuple nomade qui rayonnait dans toute la région et n'a pas laissé de trace décelable. La Genèse (21, 33) signale qu'Abraham « plante un tamaris à Bersabée et [qu']il y invoque le nom de Yahvé ». Ce genre de culte ne laisse aucune trace
L'existence d'Abraham n'est donc pas invraisemblable, mais elle n'est pas démontrée.


2. 11. Quand, pour la première fois a été mise par écrit la vie d'Abraham ?
En fait, ce n'est qu'après une longue période de transmission orale que l'histoire d'Abraham a été mise par écrit dans la Bible. Plusieurs indices indiquent qu'elle a été rédigée au premier millénaire avant JC, soit plus de 1000 ans après la vie  d’Abraham
Isaac croise « Abimélek, roi des Philistins » dans la Genèse (26, 1). Or, les Philistins ne sont arrivés au Moyen Orient qu'à partir du XIIe siècle avant JC*.
Jacob, le petit fils d'Abraham, est qualifié d'« araméen » dans le Deutéronome (26, 5) (*1). Les araméens n'apparaissent qu’en 1100 avant JC. Cela montre clairement que le récit a été écrit bien plus tard.
La référence aux chameaux de la caravane du serviteur d'Abraham (Gn 24, 10-14), prouve également que la rédaction de la Genèse date du premier millénaire avant JC puisque cet animal n'était pas domestiqué auparavant (*1).

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Rebecca rencontre les serviteurs d'Abraham qui voyagent à dos de dromadaire
(mosaïque de la cathédrale de Monreale, XIIe siècle ; Palerme).

Édom devient un royaume au VIIIe siècle avant JC selon les archives assyriennes et les fouilles archéologiques. La région d'Édom n'est occupée et ses villes ne sont créées qu'au VIIIe siècle. Le petit fils d'Isaac et de Rebecca se nomme « Édom » (*2). Ce nom n’apparaît donc qu'au VIIIe siècle .

Le Genèse n'a donc pu être écrite qu'après le VIIIe siècle avant JC. Les éléments culturels qui s'y trouvent, démontrent une telle datation.
La Bible a été écrite par des générations d’hommes que les croyants pensent inspirés par Dieu. Mais, elle a été écrite des centaines d'années après les événements rapportés. Le passage des générations a fait son œuvre et explique l'approximation des détails. Seul l'enseignement spirituel garde une valeur éternelle ; les éléments culturels, scientifiques ou historiques de la Bible proviennent des hommes qui l'ont écrite.
De plus, la Bible raconte une longue histoire qui n'est pas achevée quand commence sa rédaction. Les plus anciens livres de la Bible ont été écrits au VIIIe siècle avant JC. L’Ancien Testament ne sera achevé qu'au IIe siècle avant JC.
Le Nouveau Testament, qui raconte la vie du Christ et des premiers chrétiens, a été rédigé dans la seconde moitié du premier siècle. Selon les plus récents avis des spécialistes, les épîtres de Paul ont été rédigées entre l'an 50 et l'an 64, et les évangiles entre 61 et 65. Nous verrons comment ces datations ont été déterminées quand nous raconterons les débuts du christianisme. L’Apocalypse de Jean a été rédigée un peu plus tard, à la fin du premier siècle, avant le décès de Jean. À la fin du premier siècle, la rédaction de la Bible était achevée, même si sa réunion en un seul livre a pris encore quelques dizaines d'années.

Les auteurs de la Bible sont donc multiples. Les juifs et les chrétiens pensent que leurs auteurs sont inspirés par Dieu. Nous avons vu qu'ils ont eu quelques intuitions remarquables : le Big Bang, un ordre dans la création à peu près respecté, l'existence d'Adam et d'Ève... Croire la Bible inspirée par Dieu, c'est reconnaître que le contenu de la Bible n'est pas que le fruit de l'imagination des hommes, de leur intuition ou de leur intelligence. Croire la Bible inspirée par Dieu, c'est confesser qu'il a fallu l’intervention de Dieu pour que les auteurs de la Bible racontent si justement certains faits scientifiques, certes, mais aussi particulièrement les vérités divines.

Cependant, les textes saints ne disent pas exactement la vérité, et en particulier la vérité scientifique. Ils contiennent également quelques erreurs, quelques approximations historiques... Nous en avons vu certaines, nous en verrons d'autres, tant dans la Bible que dans le Coran.

* : La Bible dévoilée ; *1 : p. 478 / *2 : p. 113 ; I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

2. 12. Qu'est ce que la Vérité selon les Textes saints ?
La vérité pour un scientifique est ce qui peut se démontrer par le calcul ou l'observation. Un esprit scientifique recherche la vérité sans préjuger du résultat. Les mathématiques, l'observation de la réalité et les expériences reproductibles sont les seuls outils pour connaître la vérité. Aucun texte saint n'a de valeur scientifique en soi, ni ne peut définir la vérité pour un scientifique : l'observation de la réalité prime et seule la logique permet de comprendre cette réalité. Un scientifique ignore la vérité qu'il cherche. Il peut avoir une intuition, mais il pose alors une hypothèse et procède à une expérimentation pour la vérifier. Il doit être capable d'abandonner son hypothèse de départ et la juger erronée, si l'expérience la contredit.

La vérité des croyants est autre, elle est définie par le texte saint ou la tradition de chacun.
Les juifs sont à la recherche de la Loi orale de Moïse depuis l’émergence du rabbinisme à la fin du premier siècle.
La loi orale de Moïse est par définition non écrite et demande à être découverte par l'étude au fils des siècles. La vérité pour les juifs n'est donc pas dans la lettre de la Bible, mais dans un message oral à redécouvrir par l'étude de la Thora.

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Moïse au buisson ardent : sa parole représente la Loi orale - vérité suprême- que recherchent les juifs
(mosaïque de la synagogue de Doura Europos, peinte en 246 ; musée de Damas, Syrie).

Les chrétiens puisent leur définition de la Vérité dans le Nouveau Testament : « Jésus lui dit : Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. » (Jean 14, 6). La Bible est donc un livre écrit par les hommes qui raconte le chemin de l'humanité vers Dieu. Ces hommes sont inspirés par Dieu, selon les exégètes chrétiens, et ils disent des vérités inspirées et en particulier sur Dieu, mais ils restent des hommes. Pour les chrétiens, la Bible conduit donc à la vérité et au salut, mais la Bible n'est pas elle-même la vérité et le salut. La Vérité (et le salut) des chrétiens, selon la définition proposée par la Bible, c'est le Christ.

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Le visage du Christ reconstitué par des ingénieurs de la NASA à partir du Suaire de Turin.
Le Christ incarne la Vérité des chrétiens.

Les juifs, comme les chrétiens, sont donc à la recherche d'une vérité qui n'est pas close. La Vérité des juifs est la Loi orale de Moïse. La Vérité des chrétiens est le Christ, personne complexe qu'ils croient à la fois homme et Dieu.

C'est une différence fondamentale avec l'islam qui offre une vérité définie et connue : le Coran.
Pour les musulmans, le Coran est la Vérité absolue, donnée directement par Dieu et sans erreur aucune. « Ceux qui ont rejeté le Coran, quand il leur est parvenu, ne savaient-il pas que ce Livre est d’une valeur inestimable, inaccessible à toute erreur d’où elle vienne, descente de la part d'un Sage, d'un digne de louange. » (S. 41, 41-42).
« Ne méditeront-ils donc pas le Coran ? S’il avait été d’un autre que Dieu, ils y auraient trouvé maintes contradictions. » (S. 4, 82).
Le Coran contient néanmoins des erreurs dans différents domaines de la science ou de l'histoire. Nous en avons déjà vu quelques unes. Le Coran va retrouver une cohérence en appelant le croyant à la soumission. « ... Et Nous avons fait l'orientation à quoi tu te tenais (la mauvaise orientation de Mohamed en prière à la Mecque) que pour savoir qui suit le Messager et qui tourne les talons. Est-ce si exorbitant ? Pas pour ceux que Dieu guide. » (S. 2, 143). La soumission aux « erreurs » ou aux « imperfections » de la révélation de Mohamed permet donc d’identifier les vrais croyants.
Cette exigence est confirmée : « C'est Lui (Allah) qui a fait descendre sur toi le Livre : il s'y trouve des versets sans équivoque, qui sont la base du Livre, et d'autres versets qui peuvent prêter à d'interprétations diverses. Les gens, donc, qui ont au cœur une inclinaison vers l'égarement, mettent l'accent sur les versets à équivoque, cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n'en connaît l'interprétation, à part Allah. Mais ceux qui sont bien enracinés dans la science disent : « Nous y croyons : tout est de la part de notre Seigneur ! ». Mais, seuls les doués d'intelligence s'en rappellent. » » (S. 3, 7). Le Coran lui même signale donc qu'il contient des versets contradictoires : le Coran porte en lui même sa propre contradiction... Les hommes pieux sauront ne pas en discuter et croire que tout vient d'Allah démontrant ainsi leur parfaite soumission à Dieu.
Assez curieusement, cette consigne coranique n'a pas satisfait les musulmans des premiers siècles. Retrouver la cohérence de la révélation coranique deviendra le travail des savants musulmans : les oulémas, les seuls autorisés à interpréter le Coran. De nos jours, les sunnismes nient même que le Coran contienne des contradictions, alors que le Coran lui-même dit en contenir (S. 2, 106 : « Si Nous abrogeons un quelconque verset ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meilleur, ou un équivalent. » et S. 16, 101). Tout le travail d'interprétation des sunnites consiste, de nos jours, à démontrer l'absolue véracité du Coran.


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Le Coran bleu de Kairouan (IXe siècle). Le Coran incarne la Vérité pour les musulmans.

Portées par ces convictions radicalement différentes, des civilisations différentes vont émerger, chacune soutenue par sa propre logique. Le judaïsme est basé sur l'étude qu'accomplit chaque juif à la recherche d'une Loi orale inconnue. Le christianisme est basé sur la recherche de la vérité, celle qui rend libre (Jean 8, 32) et qui s'est incarnée dans le Christ (Jean 14, 6), celui qui a appris aux chrétiens à lire la Bible symboliquement. L'islam est basé sur la soumission à Allah qui va jusqu'à justifier les incohérences du Coran, livre qui définit la vérité pour les musulmans.

2. 13. Canaan et l'Égypte entre 2000 et 1500.
Les fouilles d'Israël ont renseigné sur l'habitat de Canaan entre 2000 et 1500 avant JC.
De -2000 à -1550, a lieu la seconde vague d'occupation des « Hautes Terres » de Canaan, à l'intérieur des terres, loin du littoral, à l'Ouest de le mer morte et du Jourdain.
Vers -2000, Jérusalem est fondée. Elle se nomme Urushalim dans les archives égyptiennes*. Manéthon, l'historien grec contemporain d'Alexandre le Grand, racontera au IVe siècle que Jérusalem a été fondée en -1570, à la fin de la dynastie Hyksos d'Égypte. Mais, l'archéologie a démontré que Jérusalem est plus ancienne. Hébron est également créée, ainsi que Sichem, la principale ville au nord.
L'archéologie a retrouvé 220 sites d'habitation sur cette période (-2000 à -1550). Les villes que les Hébreux occuperont plus tard existent déjà, mais leurs habitants ne respectent pas encore la Loi de Moïse puisqu'on trouve des ossements de porc dans leur logement. Le Nord est à nouveau plus riche : les fermiers sont plus nombreux que les nomades. Le peuple de la région Sud est essentiellement nomade, comme en témoigne le grand nombre de sépultures par rapport au nombre d'habitations permanentes. Abraham et son clan y ont-ils vécu en nomades ? Aucune certitude à ce sujet, mais la vie nomade y est majoritaire*.

Les archives égyptiennes signalent également de nombreuses villes sur la bande littorale fertile, au bord de la méditerranée. Les pharaons les craignaient*. Elles sont occupées par des peuples marins qui vivent de commerce. Parmi eux, les phéniciens sont les plus connus.

À partir de - 1800, des habitants de Canaan émigrent vers l'Égypte, ce que des fouilles dans le delta du Nil ont permis d'établir grâce au style des poteries, typiquement cananéennes. Leurs rites funéraires et leur architecture confirment cette origine. Cette immigration a été pacifique et progressive. Aucune trace de violence ni de combats n'a été retrouvée.

Aux alentours de - 1800, les premières traces d'écriture en proto-hébreu apparaissent en Égypte. F.W.P. Petrie découvre en 1905 sur le plateau de Sarabit-el-Khadim, dans une région minière du Sinaï, la première trace d'écriture dite protosinaïtique. Elle est inspirée d'une simplification des hiéroglyphes. Elle peut tout exprimer avec une vingtaine de signes, ce qui en fait une écriture alphabétique commode. Elle est en usage auprès des marchands et des ouvriers venant de Canaan pour travailler en Égypte. Au cours du XXe siècle, de multiples inscriptions en protosinaïtique seront découvertes en Égypte. On en trouve jusque dans la vallée des Rois. Aucune ne date d'avant -1800. Aucun autre pays ne contient d'inscription dans cet alphabet qui soit plus ancienne.

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Sphinx de Serabit el-Khadim porteur d'une inscription en proto-synéraïque vers 1800 avant JC.

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Détail de l'inscription dédicace à la déesse Hathor en proto-syrénaïque.

Cette écriture est l’ancêtre du phénicien, du grec, de l’hébreu et de l'arabe. Mais un alphabet commun n'est pas une origine ethnique commune. En effet, le choix d'un alphabet s’apparente à un « transfert technologique », et non à une filiation humaine ou spirituelle. Que l'arabe soit mis par écrit au VIIIe siècle après JC grâce à l'alphabet syriaque, issu du protosinaïtique, ne signifie donc nullement que les ancêtres des arabes vivaient en Égypte en -1800. Les hommes qui inventent cet alphabet ne peuvent pas davantage être qualifiés d'Hébreux. Leurs pratiques religieuses sont polythéistes et ils ne respectent pas l'interdit sur le porc. Il s'agit donc simplement de migrants venant de Canaan qui s’approprient et adaptent les hiéroglyphes.
En Canaan, les sites de peuplement seront abandonnés vers -1550. Il persistera 25 sites d'habitation pendant les quatre siècles suivants. Vers -1500, à l'aube de la sédentarisation des Hébreux dans leur terre promise, Canaan et ses Hautes Terres sont désertiques*!

* : La Bible dévoilée, p. 237, Israël Finkelstein, Neil Asher Silberman, folio histoire, 2002.

2. 14. Joseph, l'arrière petit-fils d'Abraham en Égypte.
L’Égypte, avec ses richesses et sa production alimentaire garantie par les crues du Nil, a servi de refuge pour des populations victimes de sécheresses ou de catastrophes pendant toute l'antiquité. Cela est évoqué dans la Genèse (12, 10).
Les cananéens immigrés s’intègrent peu à peu à l’élite égyptienne. Ils gagnent les sphères du pouvoir et finissent par remplacer la dynastie régnante. Simples immigrants et travailleurs affamés, ils prennent peu à peu le pouvoir. L'Égypte se morcelle. Le Sud reste sous la domination des princes de Thèbes, d'origine égyptienne. Le Nord, le delta du Nil, est entre les mains d’une dynastie d’origine cananéenne, les Hyksos : la prise de pouvoir a été pacifique.

L’histoire de Joseph racontée dans la Bible et le Coran est tout à fait compatible avec l’arrivée d’immigrés cananéens chassés de leur pays par la famine et qui s’implantent peu à peu au plus haut de l’état égyptien.

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Joseph accueille ses onze frères en Égypte lors de la famine en Canaan et il les nourrit
(Haggadah de Sarajevo, enluminure juive de 1350, Saragosse ; Musée national de Bosnie-Herzégovine).

S'il n'y a pas de preuve directe de l’existence de Joseph, douzième fils de Jacob-Israël, fils d’Isaac, fils d’Abraham, il n'existe pas non plus d’invraisemblance historique et sociologique dans le récit qui est fait de sa vie. Cela a conduit les historiens à considérer que la vie de Joseph pouvait avoir eu lieu à cette période de l’histoire égyptienne, pendant la dynastie Hyksos fondée en Égypte par un peuple d'origine cananéenne.

La Sourate 12 reprend des éléments de la Genèse (chapitres 37 et 48). Le Coran raconte l'arrivée et la vie en Égypte de Yūsuf, (Joseph), l'arrière petit-fils d'Abraham, après que ses frères l'ont vendu comme esclave et comment il accède à un poste de vizir auprès du Roi d’Égypte après des démêlés avec une femme légère.

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Joseph poursuivi par la femme de Putiphar
(manuscrit persan, XVIe siècle ; BnF).

La Sourate 12 signale que Yūsuf est vendu pour quelques pièces de monnaie à un égyptien. « Ils le vendirent à vil prix, pour quelques drachmes comptées. » (S. 12, 20 ; traduction Muhammad Hamidullah). Il s'agit d'un anachronisme du Coran. Ce n'est qu'en 560 avant JC que la première monnaie a été frappée dans le royaume de Lydie (en Turquie actuelle). Aucune pièce de monnaie n'a jamais été frappée avant cette date. De plus, les égyptiens n'ont connu les pièces de monnaie qu'avec la conquête grecque d’Alexandre le Grand en 332 avant JC. Auparavant, ils pratiquaient le troc, parfois avec des échanges de morceaux de métal, mais ce n'était pas des pièces de monnaie. Cet anachronisme coranique est directement inspiré de la Bible. En effet, la Genèse raconte également que les frères de Joseph le vendent « aux ismaéliens pour 20 sicles d'argent » (Gn 37, 28). Le sicle d'argent n'est pas une pièce ; c'est un certain poids d'argent qui sert aux transactions depuis la troisième dynastie d'Ur de Mésopotamie (2112 à 2004 avant JC). La « drachme » du Coran était certes en argent, comme le sicle, mais il s'agit d'une pièce de monnaie, une pièce contemporaine de Mohamed : c'est la pièce d'argent frappée par la dynastie perse sassanide ayant régné de 224 à 651 après JC.

Nous avons vu que, pour les musulmans, le Coran est parfait, donné sans erreur et directement par Allah (S. 41, 41-42). Un mode de raisonnement typique de l'islam veut donc que l'on parte du contenu du Coran pour définir la vérité. Le verset : « Ils le vendirent à vil prix : pour quelques drachmes comptées. » (S. 12, 20) suffit pour démontrer à certains musulmans que des pièces frappées existaient du temps du patriarche Joseph. Ce mode de raisonnement, qui semble incohérent aux non musulmans, perdure de nos jours chez bien des musulmans.

2. 15. L'histoire du Déluge, première mise par écrit au XVIIIe siècle avant JC.
La dernière glaciation, nommée glaciation de Würm, s'est terminée il y a 10 000 ans. Dans les millénaires qui suivent, le réchauffement climatique provoque des inondations. Des tsunamis recouvrent des îles et les littoraux. Que ce soient des inondations saisonnières ou des débâcles dues à la fin de la glaciation, toutes les civilisations portent dans leurs mythes le souvenir d'inondations dévastatrices.
La première mise par écrit de l'histoire du déluge qui soit parvenue jusqu'à nous, date du XVIIIe siècle avant JC. Elle a été retrouvée dans les ruines de Mari, une ville de Mésopotamie. L'épopée d'Atrahasis, ou Poème du Super-sage, a été rédigé en akkadien, une langue sémitique. On en possède 1200 vers. Il s'agit d'une légende qui s'inspire de l'épopée de Gilgamesh, un roi sumérien ayant vécu en 2650 avant JC. L'histoire retrouvée à Mari est parcellaire. Les versions écrites antérieures sont perdues. Le texte intégral le plus ancien parvenu jusqu'à nous provient des archives d’Assourbanipal à Babylone (VIIe siècle avant JC).

Le héros du déluge akkadien ne s’appelle pas Noé, mais Utnapishtim. Les dieux mésopotamiens, Anu, Ninurta, Ennugi et Enlil, fatigués d'une humanité trop nombreuse et trop bruyante, décident de la faire disparaître. Utnapishtim est informé du projet divin par Ea, le dieu de la sagesse, qui lui conseille : « Démolis ta maison pour te faire un bateau ! Renonce à tes richesses pour te sauver la vie ! Détourne-toi de tes biens pour te garder sain et sauf ! Mais embarque avec toi des spécimens de tous les animaux. » (traduction Jean Bottéro).
Le texte poursuit : « Six jours et sept nuits durant, bourrasques, pluies battantes, ouragans et déluge continuèrent de détruire la terre » avant de s'apaiser. Le « bateau s'échoue » au sommet d'une montagne. « Quand l'aube du septième jour se leva, je lâchai une colombe et la laissai partir. Elle s'envola, mais ne trouvant pas d'endroit où se poser, revint. Puis je lâchai une hirondelle. Elle s'envola, mais ne trouvant pas d'endroit où se poser, revint : je lâchai un corbeau, il vit que les eaux s'étaient retirées, il mangea, il vola alentour, il croassa et ne revint pas. Alors, j'ouvris tout aux quatre vents, j'offris un sacrifice et versai une libation au sommet de la montagne. »

Tous ces éléments du Déluge seront repris dans la Bible dans l'histoire de Noé, grand ancêtre mythique qui reprend le rôle d'Utnapishtim.
La Genèse a été rédigée au VIe siècle avant JC, après la déportation des Hébreux à Babylone. Les Hébreux avaient forcément pris connaissance de ce mythe primordial babylonien. L'histoire de Noé est alors introduite dans la Bible. « Yahvé vit que la méchanceté de l'homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée. Yahvé se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre et il s'affligea dans son cœur. Et Yahvé dit : « Je vais effacer de la surface de la terre les hommes que j'ai créés,- et avec les hommes les bestiaux et les bestioles et les oiseaux du ciel, - car je me repens de les avoir faits ». Mais Noé avait trouvé grâce aux yeux de Yahvé... » (Gn 6, 5-8). Selon la Bible, les hommes ont péché, ils méritent donc la mort. Noé, comme dans le mythe sumérien, construit un bateau, une arche, pour protéger un couple de chaque espèce *. Ainsi, comme pour l'histoire du Jardin d’Éden, ce deuxième mythe sumérien sert-il de support aux interrogations métaphysiques du Peuple Élu. Face à une catastrophe naturelle qui est responsable : Dieu ou le péché des hommes ?

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L'Arche de Noé (Simon de Myle, XVIe siècle).

À la suite de la Bible, le Coran va lui aussi reprendre le même mythe païen 13 siècles plus tard. « Noé dit : « Seigneur ! Oui, ils m'ont désobéi et ils en ont suivi un dont les biens et les enfants n'ont fait qu'accroître sa perte... Ils ont dit : « N’abandonnez jamais vos dieux, et n'abandonnez jamais Wadd ni Suwâ, ni Yaghouth et Ya'ouc et Nasr, » lesquels cependant en ont certes égaré beaucoup... À cause de leurs fautes, ils ont été noyés, puis on les a fait entrer au Feu. » (S. 71, 21-25). Selon le Coran, les hommes sont restés polythéistes (comme les compatriotes de Mohamed qui refusent sa prédication) et ils méritent de mourir puis d'être damnés. Noé embarque sur son Arche : « Nous le portâmes sur un objet de planches et de clous » (S. 54, 13). La Genèse (6, 14) indiquait que l'Arche était en bois résineux et en roseaux enduits de bitume, ce qui est davantage conforme aux techniques de l'antiquité. En effet, dans l'antiquité, les vaisseaux étaient dépourvus de pièces métalliques ; leurs bordages étaient maintenus par des ligatures végétales ou des tenons de bois. Les clous du vaisseau de Noé constituent donc un anachronisme du Coran.
L'histoire de Noé ne raconte donc pas d'événements réels. Il s'agit de la reprise, dans la Bible puis le Coran, du mythe polythéiste d'Utnapishtim, présent dans l'épopée de Gilgamesh. Cependant une histoire, un mythe, une légende ne sont pas forcement sans intérêt. Si leur intérêt ne peut plus provenir du détail de la chronologie des faits - ceux-ci étant imaginaires - leur intérêt provient de leur message, de leur morale et des interrogations qu'ils contiennent.

On comprend que le mythe de Noé ait été repris par toutes les cultures tant les questions qu'il pose sont essentielles. Face à une catastrophe, quelle en est la cause, qui en est responsable ? Le choix arbitraire des dieux ou de Dieu ? Le péché de l'homme ? Le hasard de la nature ?

Les trois monothéismes principaux répondront différemment.
Pour les juifs, une catastrophe est l'expression de la justice divine. Pour les chrétiens, les hasards de la nature y contribuent également. Pour les musulmans, une catastrophe naturelle provient du choix arbitraire d'Allah, tout-puissant sur terre comme au ciel. Ces perceptions différentes justifieront certainement le fatalisme musulman et sans doute également la culpabilité judéo-chrétienne.

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Noé est réconcilié avec Dieu qui lui montre un arc en ciel comme symbole d'un renouvellement de leur Alliance
(mosaïque de la cathédrale de Monreale, XIIe siècle ; Palerme).

* : Mésopotamie, p. 438 ; Jean Bottéro, folio histoire, 1997.

2. 16. Les premières lois écrites, le Talion.
En 1750 avant JC, le code d'Hammourabi est mis par écrit sur une stèle de 2,25 m de haut. La stèle est conservée au musée du Louvre. Elle a été érigée par le roi Hammourabi de Babylone. Il ne s'agit pas à proprement parler de lois, mais d’exemples de jugements rendus par le roi. Il s'agit donc une jurisprudence. Nous y voyons apparaître la première occurrence historique de la loi du Talion. Le Talion n’est donc pas une révélation du Dieu unique ou une invention du monothéisme, mais une pratique humaine issue de l’expérience législative d'un roi polythéiste.

Certains jugements du code d'Hammourabi ressemblent à des lois ordonnées dans le livre de l'Exode biblique.
L'article 206 du code d'Hammourabi dit « Si, lors d'une querelle, un homme frappe accidentellement un autre homme avec une pierre ou son poing et l'oblige à s'aliter, il lui paiera la perte de son temps et les frais du médecin. ».
L'Exode (21, 18-19) reprend : « Si des hommes se querellent et que l'un frappe l'autre avec une pierre ou avec le poing de telle sorte qu'il n'en meure pas mais doive garder le lit, s'il se relève et peut circuler dehors avec sa canne, celui qui l'a frappé sera acquitté. Il devra seulement lui payer son chômage et le faire soigner jusqu'à guérison. ».
En fait, toutes les lois humaines, parfois antérieures au code d'Hammourabi, comme le code d'Ur-Nammu en -2100, présentent des articles comparables.

Ce qui fait la spécificité des lois prescrites dans le livre de l'Exode biblique, c'est son insistance sur les rapports des hommes avec Dieu et l'importance attachée à la vie humaine. Le Talion y est préconisé, c'est exact, mais c'est celui qui a fauté qui est puni, jamais sa famille.
Dans le code d'Hammourabi, un homme qui tue le fils d'un autre, verra son propre fils exécuté. Dans la loi dite « de Moïse », c'est le responsable du crime qui est puni, pas sa famille. Le Christ ira plus loin. Il abolit le talion en appelant à pardonner. En fait, le Christ ne se préoccupera jamais de législation, qu’il laisse aux hommes le soin d'établir, mais il signalera les grands principes moraux : « Vous avez entendu qu'il a été dit : « Œil pour œil, dent pour dent. Eh bien moi, je vous dis ... de ne pas riposter au méchant. » (Matthieu 5, 39).

Dans le Coran, l'archaïsme d'Hammourabi persiste. L'épouse d'un homme coupable du meurtre d'une femme peut être exécutée à la place de son mari : « Ô les croyants ! On vous a prescrit le talion au sujet des tués : homme libre pour homme libre, esclave pour esclave, femme pour femme. » (S. 2, 178). Le Talion est néanmoins aménagé dans le Coran pour qu'une compensation financière remplace l’exécution du coupable ou celle d'un membre de sa famille. « Mais celui à qui son frère aura pardonné en quelque façon doit faire face à une requête convenable et doit payer des dommages de bonne grâce. Ceci est un allègement de la part de votre Seigneur et une miséricorde. Donc, quiconque, après cela, transgresse, aura un châtiment douloureux. » (S. 2, 178). La jurisprudence musulmane aura tendance à punir le coupable en même temps que sa famille.

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Stèle du code d'Hammourabi (Le Louvre).

On le voit le Talion trouve ses origines dans la législation et la jurisprudence humaine, et non dans une révélation divine. Le Talion est issu du paganisme et des civilisations polythéistes.

Le Christ seul l'abolira.

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:15

CHAPITRE 3 : L'EXODE ET L'INSTALLATION DES HÉBREUX EN CANAAN.
De - 1700 à 1050.


3. 1. La chute des Hyksos en 1570 : le premier Exode ?
3. 2. Entre -1500 et -1400, apparaissent les mots « PER-AÂ » et « YWH ».
3. 3. Akhenaton, et le premier monothéisme historique ?
3. 4. La XIXe dynastie égyptienne commence en -1295. Ramsès Ier, protecteur de Moïse ?
3. 5. Séthi 1er, pharaon de 1294 à 1279, fait travailler des Apirous à la construction de Pi-Ramsès et de Pitom.
3. 6. Ramsès II (1279-1213), propagandiste et architecte de génie.
3. 7. Les dix plaies d'Égypte, le papyrus Ipuwer.
3. 8. L'Exode.
3. 9. les « Dix Commandements » donnés à Moïse.

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3. 10. Les Peuples de la mer : les Philistins apparaissent dans l'histoire en -1228
3. 11. Mérenptah, le pharaon de l'Exode ?
3. 12. Et les murailles de Jéricho s'effondrent !
3. 13. Le peuple hébreu prend possession de sa Terre Promise.
3. 14. Entre 1250 et 1200 avant JC, Israël construit son premier lieu de culte sur le mont Ébal en Canaan.
3. 15. Israël et la Terre Promise, ou comment la linguistique entretient quelques hésitations sur sa localisation.
3. 16. La Terre Promise serait-elle l'Arabie ? La chronologie des sources épigraphiques donne la réponse.
3. 17. Un livre de Lois pour connaître les premiers Hébreux sédentaires.
3. 18. Au même moment, les Peuples de la mer s'installent sur le littoral.

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 04:22, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:17

CHAPITRE 3 : L'EXODE ET L'INSTALLATION DES HÉBREUX EN CANAAN.
De -3000 à -1700.



3. 1. La chute des Hyksos en 1570 : le premier Exode ?

De 1670 à 1570, la dynastie des Hyksos d'origine cananéenne règne au nord de l’Égypte. Sa capitale est Avaris (Tell ed-Daba) dans le delta du Nil.
Joseph, douzième fils de Jacob-Israël, peut effectivement avoir fait partie des cananéens arrivés au pouvoir en Égypte (Genèse 41, 37-49). Son existence telle qu’elle est relatée dans la Bible est compatible avec l'histoire des Hyksos.
À partir de 1670, les Hyksos transfèrent à l’Égypte l'art équestre, la technique des chars, du bronze et des arcs composites. Avant la dynastie Hyksos, les égyptiens n'avaient pas domestiqué le cheval et n'avaient pas de chars. Les magnifiques bas-reliefs du temple de Louxor, où Ramsès II guerroie du haut de son char lors de la bataille de Qadesh, ne seront sculptés que 300 ans plus tard. Des égyptiens, les Hyksos adoptent les hiéroglyphes... et le culte de leurs dieux. Les Hyksos n'ont laissé aucune preuve archéologique qu'ils adhéraient aux convictions monothéistes d'Abraham. Les fouilles de leur habitat démontrent qu'ils adoraient de multiples idoles*.

En 1600, le volcan de Santorin explose. Un tsunami part des Cyclades et déferle sur la Crète, la Grèce Mycénienne, la Turquie actuelle et le Moyen-Orient. Certains ont suggéré que ce tsunami, avec son flux et son reflux, aurait pu causer la destruction de l'armée du pharaon lancée à la poursuite des Hébreux.

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Prêtresse faisant une offrande et des barques de Santorin qui ont permis aux habitants de fuir le cataclysme
(Akrotiri à Santorin, XVIIe siècle avant JC).

Amosis, le prince égyptien de Thèbes, a gardé la souveraineté sur le Sud de l’Égypte. En 1570, il se révolte et chasse les Hyksos qui tiennent le Nord de l’Égypte et le delta du Nil. Il les pourchasse jusqu'à Sharuhen près de Gaza, en Canaan. L'archéologie montre que Tell ed-Daba, la capitale Hyksos, a été abandonnée brutalement*.
Il s’agit historiquement du premier départ précipité de sémites de l’Égypte vers Canaan. Est-ce le souvenir de cette fuite, préservé oralement par des populations nomades, qui deviendra dans les siècles à venir le récit de l'Exode ? Mais la fin par les armes de la dynastie Hyksos qui dominait l’Égypte n'a pas grand chose à voir avec la fuite de travailleurs maltraités ! De plus, les archives égyptiennes ne mentionnent jamais « Israël » à cette époque.

Le Coran et la Bible racontent que le pharaon est mort dans la poursuite des Hébreux. Nous sommes historiquement au seul moment où un souverain égyptien est mort au combat. Le père d'Ahmosis, Seqenenre Taâ, a eu le crâne fracassé par de multiples coups avant de mourir. Il a été embaumé en catastrophe : la technique de sa momification le prouve. Il est mort en combattant les Hyksos. Les archives égyptiennes l'évoquaient et sa momie le confirme. Elle se trouve aujourd'hui conservée au Caire.
Est-ce lui le « pharaon » mort pendant le passage de la mer rouge par les Hébreux ? Mais il n'est pas mort noyé : il a eu le crane fracassé à coups de masse ! De plus, il n'était pas pharaon puisqu'il n'était que prince de Thèbes. C'est son fils Ahmosis qui deviendra le fondateur d'une dynastie évoquée sous le nom de « per-aâ ».

La date de l'Exode n'est donc pas aisée à déterminer.
Selon le premier livre des Rois, l'Exode aurait eu lieu en -1440. « En la quatre-cent-quatre-vingtième année après la sortie des Israéliens du pays d’Égypte, en la quatrième année du règne de Salomon, … [Salomon] bâtit le Temple de Yahvé. » (1Rois 6, 1). Cela est en contradiction avec d'autres passages de la Bible qui font de la dynastie des Ramsès, celle de l'exode de Moïse (Exode 1, 11). Or la dynastie des Ramsès ne commence que 150 ans plus tard. En fait, il s'agit d'une date symbolique : 480 ans séparent l'exode à Babylone, au VIe siècle avant JC, de la construction du Temple par Salomon au Xe siècle avant JC ; 480 ans sont donc censés avoir séparé la construction du Temple de Salomon, de l’Exode hors d'Égypte. Il s'agit d'une interprétation mystique et sans fondement historique. Les auteurs de la Bible ont ainsi choisi la date symbolique de -1440 pour situer l'Exode.

La chronologie de la Bible est donc partiellement fausse... L'histoire coranique de la mort du Pharaon de Moïse par noyade également ! Effectivement, le Coran affirme que Pharaon est mort noyé (S. 17, 103) et que son corps a été retrouvé (S. 10, 92), mais aucune momie de pharaon n'a montré de traces de mort par noyade. Ces textes, la Bible et le Coran, ne permettent donc pas de dater l'Exode avec précision, puisque les deux contiennent des erreurs et des approximations.
Nous alors voir si nous pouvons découvrir autrement la date de l'Exode des Hébreux hors d’Égypte... à supposer qu'il ait bien eu lieu.

* : La Bible dévoilée, p. 96, I. Finkelstein, Neil Asher Silberman, folio histoire, 2002.

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Ahmès-Néfertari est la fille de Seqenenre Taâ et l'épouse de son frère Ahmosis.
La momie au crâne défoncé de Seqenenre Taâ est facile à trouver sur internet, mais elle est particulièrement laide.

3. 2. Entre -1500  et -1400, apparaissent les mots « PER-AÂ » et « YWH ».
En 1500, le mot « per-aâ » apparaît. Ahmosis a fondé le Nouvel Empire. Sa maison royale est nommée « per-aâ » en égyptien, soit la Grande Maison. Le mot deviendra « pharaon » sous la plume de Manéthon, l'historien grec du IIIe siècle avant JC. Le terme pharaon sera repris dans la Septante (traduction grecque de la Bible datant du IIe siècle avant JC). Le nom de Pharaon choisi pour désigner le souverain égyptien est donc un mot grec du IIIe siècle qui transcrit le mot égyptien « per-aâ » désignant l'administration égyptienne.
Le Coran ne cite le mot de « Pharaon » qu'en lien avec Moïse (Sourate 20, 24). Le souverain de Yūsuf/Joseph est très justement nommé « le roi » dans le Coran (Sourate 12, Yūsuf, 43). Les musulmans y voient un signe de la véracité de l'inspiration divine du Coran puisque, à cet endroit, il ne commet pas d'anachronisme. L'Exode sous le règne d'un « Pharaon », comme nous le raconte le Coran, ne peut donc avoir eu lieu qu'après -1500, puisqu'avant -1500 le concept de pharaon n'existait pas. Mais on peut remarquer tout de suite qu'aucun pharaon n'est mort au combat ou noyé après 1500...

Au XVe siècle, un autre terme apparaît dans les archives égyptiennes, juste après la défaite des Hyksos : le mot Shosou. Il signifie vagabonds, personnes qui passent. Il s'agit de pasteurs nomades aisés. Lors du règne de Toutmôsis II (-1491-1479), une inscription à El-Kab raconte des échauffourées entre les troupes de Pharaon et les Shosous. Elle est datée de -1490. Ramsès III fera un raid contre eux et décrit le pillage de leurs « campements de tentes, de leurs biens, mais aussi de leurs troupeaux qui étaient innombrables. »*. Les Shosous sont donc des nomades aisés.
En Nubie, sur les murs du sanctuaire de Soleb édifié par Amenhotep III (1400-1370 avant JC), une inscription passionnante a été déchiffrée. Au milieu d'une liste nommant des « Shosous » associés à leurs dieux habituels, on trouve signalé « Ywh au pays des Shosous ».

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Temple de Soleb construit par Amenophis III.

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Détail de l'inscription des shoussou de Yahvé.

Il existe donc vers - 1400 des nomades qui adorent Ywh. Le nom du Dieu unique d'Israël vient d’apparaître. Le tétragramme sacré sans voyelle en hébreu, « Yhwh », sera retranscrit en Yahvé lors de la traduction en grec de la Bible. Le mot Yhwh n'est pas fait pour être prononcé. Il signifie « Je suis Celui qui est » ou plus simplement « Je suis ».
Selon la Bible, Dieu aurait révélé Ce nom à Moïse : « Je suis Celui qui est » dit Dieu à Moïse (Ex 3,14) lors de la révélation du buisson ardent. « Dieu parla à Moïse et lui dit : « Je suis Yahvé. Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme El Shaddaï, mais mon nom de Yahvé, je ne le leur ai pas fait connaître. » (Exode 6, 2-8). Il s'agit d'un anachronisme de la Bible, puisque le nom de Ywh, apparaît en 1400, alors que la dynastie des Ramsès n'a pas encore commencé. Mais nous avons vu que, même si elle est inspirée par Dieu (selon les croyants), la Bible a été rédigée par des hommes. À l'évidence, elle contient quelques inexactitudes.

Ce tétragramme Yhwh n'est jamais prononcé par les juifs à haute voix, ils ne l'écrivent pas davantage. Seuls les grands prêtres, pendant les 1000 ans où les juifs auront un Temple, prononceront Ce Nom Très Saint. Ils ne le feront qu'une fois par an, après la fête de Kippour qui scelle la réconciliation du Peuple Élu avec Son Créateur. Ils ne Le prononcent que dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem.

En bon juif, Jésus ne nomme pas davantage Le Dieu qu'il vient révéler. Il n'a jamais prononcé Son nom, ni Celui de « Yahvé », ni Celui de « Trinité ». Il décrit les Trois Personnes divines. Il vit même une intimité particulière avec Elles, puisqu'il nomme Dieu le Père, Abbā, soit papa ; et l'Esprit de Dieu, le Paraclet, soit le Consolateur. Il révélera le concept de « Trinité » à ceux qui sont devenus ses disciples, mais il n'a pas donné le nom de « Trinité » à Dieu. C'est au IIe siècle, que les chrétiens inventeront le mot grec Τριας / Trias qui deviendra Trinitas en latin, pour désigner le Dieu unique Trinité révélé par le Christ. Néanmoins, si Jésus ne prononce jamais le nom de Dieu, il dira une fois le fameux « Je suis » dans le Temple de Jérusalem, après avoir pardonné à la femme adultère. En cela, il se conduit en Grand Prêtre. Il le prononcera au Temple... mais il se l'appliquera à lui-même : « Avant qu'Abraham existât, Je suis » , répondra-t-il aux juifs qui veulent savoir qui il est (Jean 8, 57). Avec cette simple phrase, le Christ affirme deux choses : il est le Grand Prêtre parfait et il est Dieu**. Si cette phrase nous paraît anodine de nos jours, ce n'est pas le cas pour les juifs qui sont ses contemporains et qui partagent la même foi et les mêmes connaissances théologiques. Ils comprennent parfaitement que Jésus vient d'affirmer sa divinité. Devant un tel blasphème, ils cherchent à le lapider (Jean 8, 59).

« JE SUIS », « YWH ». Les Shosous adorent-ils d'autres dieux en même temps que Ywh ? Depuis combien de temps L'adorent-ils ? Impossible de le savoir. Mais en - 1400, le nom de « YWH » vient d’apparaître dans l'épigraphie, Il est le dieu (le Dieu unique ?) d'une tribu nomade.

* : La Bible dévoilée, p. 164,  I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.
** : L'enfance de Jésus, p. 377, Joseph Ratzinger, 2012, Flammarion.

3. 3. Akhenaton, et le premier monothéisme historique ?
De -1355 à -1328, le pharaon Akhenaton règne en Égypte.
Il fonde le premier monothéisme dont l'existence est démontrée avec certitude : le culte d'Aton, le disque solaire. Ce monothéisme est une croyance en élaboration et elle évolue pendant toute la vie du pharaon. Initialement, Akhenaton explique qu’Aton est le premier dieu, créateur des autres dieux. Au début de sa vie, la doctrine d'Akhenaton est donc polythéiste.
Akhenaton fonde sa nouvelle capitale, Amarna (Tel el Amarna de nos jours). Elle sera maudite et abandonnée après sa mort quand les prêtres d'Amon reprendront leur suprématie spirituelle. Son sol, vierge de toutes autres constructions, offrira un terrain d'exploration passionnant pour les archéologues du XXe siècle.

Les offrandes sont offertes à Aton pour célébrer sa perfection mais non pour le nourrir. Il ne s'agit donc pas d'une simple idole mais d'un dieu désincarné. Akhenaton est le seul à connaître Aton et il lui sert d'intermédiaire. Ainsi, l'explique le Grand hymne à Aton rédigé par Akhenaton. Akhenaton est davantage qu'un Grand Prêtre. Il se considère comme une émanation de dieu : il est associé au dieu Shou. Néfertiti sa grande épouse royale est, elle, associée à la déesse Tefnout.*
À Amarna, les notables prient devant des stèles privées représentant la famille royale (Akhenaton, Néfertiti et leurs filles). Le peuple, lui, en dehors d'Amarna, continue son culte polythéiste centré sur l'adoration d'Amon.

Le monothéisme d’Akhenaton est donc à relativiser. Aton n'est un Dieu unique qu'à l'origine du monde. Il crée ensuite les autres divinités, reflets de la multiplicité des formes divines. Néanmoins, la multitude des dieux est peu à peu oubliée au cours de son règne au profit d'un dieu qui domine, Aton. À la fin de sa vie, il semble bien que la foi d'Akhenaton, de sa famille et peut-être de ses notables, soit devenue monothéiste.*

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Akhenaton et son épouse adorent Aton.

Akhenaton se replie sur sa capitale et ne combat pas pour maintenir ses frontières. Il a de nombreux échanges diplomatiques avec ses voisins.
En 1887, une paysanne égyptienne découvre trois cent quatre vingt tablettes sur le site d'Amarna. Les archives d'Akhenaton avec ses échanges diplomatiques sont restées intactes. On y retrouve la confirmation de l'existence du royaume Hittite, en Turquie actuelle. Akhenaton entretient également une correspondance avec les petits potentats cananéens qui lui sont soumis. Ceux-ci vivent dans deux cités-états : Sichem, au nord, et Urushalim, au sud. Leur correspondance permet de bien connaître la vie en Canaan où personne ne respecte la Loi de Moïse. De plus, les archives d'Akhenaton ne contiennent pas le nom d'Israël. Le fait qu'aucun Hébreu ne vive en Canaan sous Akhenaton contredit l'idée que le départ des Hyksos correspond à l'Exode.
L'archéologie nous a appris que les habitants de Canaan se répartissent entre huit bourgades qui regroupent 1500 habitants**. Mais ce nombre de 1500 habitants peut sans doute être doublé en raison de populations non sédentaires. Les archives d'Amarna parlent en effet de deux peuples nomades (**1) :
D'une part, les Apirous sont présentés comme des hors-la-loi et des déclassés qui ont fui les villes cananéennes et les impôts excessifs. Ils se sont réfugiés à l’intérieur de Canaan, dans les Hautes terres quasiment désertes ou ont émigré vers l'Égypte qui les recrute comme manœuvres. Certains philologues pensent que l’étymologie du mot « hébreu » vient du mot « Apirou » (**2).
D'autre part, les Shosous, des pasteurs nomades aisés, vivent entre Canaan et la Jordanie. On a vu que certains Shosous adorent déjà Yhwh depuis un siècle, sans que l'on puisse dire s'ils sont monothéistes.

Les Apirous ou les Shosous sont-ils à l'origine des Hébreux ? C'est possible. Canaan est alors un désert peu peuplé, organisé autour de villes-états de la taille de simples bourgades, où la majorité des habitants est nomade (**1).
À la mort d'Akhenaton, le clergé d'Amon restaure le culte centré sur Amon et tente de détruire jusqu'au souvenir du pharaon maudit qui avait voulu le faire disparaître. Sa capitale Amarna est abandonnée. Plus personne ne s'y installera.

Ensuite, se succèdent plusieurs jeunes souverains à la tête de l’Égypte, dont Toutankhamon. La dynastie des Thoutmosis est en déclin. Un de ses généraux fait un coup d'état. Le général Horemheb prend alors le pouvoir, devient pharaon et fonde une ville dans le delta du Nil... la ville de Pitom.

* : Archéologia, n° 461, décembre 2008, p. 16, article de M.-A. Calmettes.
** : La Bible dévoilée, **1 : p. 126 / **2 : p. 164 ; I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

3. 4. La XIXe dynastie égyptienne commence en -1295. Ramsès Ier, protecteur de Moïse ?
En -1295, Ramsès Ier, qui était le vizir d'Horemheb, prend sa suite et monte sur le trône d’Égypte. Il est déjà âgé et règne moins de deux ans. Il fonde cependant une prestigieuse dynastie égyptienne : la XIXe dynastie, celle des Ramsès. Sa momie a été retrouvée ; elle est conservée au Caire. Elle ne porte pas de trace de noyade, et encore moins de noyade associée à un accident de char.

L’étymologie du nom de « Moïse »  est typique des noms de la dynastie des Ramsès. Il provient du mot égyptien « Mosé ». Mès (enfant), mésy (mettre au monde) sont des suffixes retrouvés dans de nombreux noms égyptiens. Ainsi Thomès signifie-t-il « né de Thot », Ramès « né de Ra ». Ces mots sont typiques de la dynastie des Ramsès (*1). De plus, à partir de Ramsès Ier, de jeunes sémites venant de Canaan sont fréquemment éduqués à la cour des pharaons et accèdent à de hautes fonctions (*1). Moïse, encore enfant, pourrait en avoir fait partie. Les archives égyptiennes gardent le souvenir de grandes dames égyptiennes adoptant leurs jeunes « esclaves » et leur attribuant une part d'héritage (*1). Ces jeunes sémites arrivent enfants à la cour de Ramsès Ier : ils ne sont pas nourrissons. Ils sont assez jeunes pour être formés au métier de scribe et assez âgés pour être autonomes. Qu'une fille de Pharaon adopte un jeune sémite éduqué à la cour n'a donc rien d’invraisemblable (*1).

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Moïse sauvé des eaux par la fille de Pharaon (Edwin Long, XIXe siècle).

Néanmoins, la splendide histoire de Moïse nourrisson abandonné par sa mère dans une corbeille, au fil du Nil, pour lui épargner la condamnation des premiers-nés mâles, est un mythe. Les égyptiens n'ont jamais eu ce genre de pratique (*2). Pourtant le Coran affirme : « Pharaon fit le hautain sur la terre, il désigna en sections des habitants, cherchant à affaiblir l'un des groupes, égorgeant ses garçons et laissant vivre les filles » (S. 28, 4). Une fois de plus, la Bible a induit le Coran en erreur en racontant : « Pharaon donna alors cet ordre à tout son peuple : « Tout fils qui naîtra, jetez-le au Fleuve, mais laissez vivre toute fille »» (Exode 1, 22).

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Pharaon recense les femmes enceintes pour pouvoir exécuter les garçons nouveaux-nés
(fresque de 246 après JC, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie
.

On peut être d'autant plus certain que le récit de Moise abandonné dans une corbeille est un mythe qu'on a retrouvé la même histoire dans une tablette sumérienne datée de – 2371. Elle raconte que le roi Sargon d'Akkad avait été abandonné par sa mère quand il était nouveau-né. Sa mère l'avait placé dans une corbeille de roseaux et laissé dériver au fil du fleuve. Il avait été recueilli par un jardinier. Devenu adulte, il était devenu échanson à la cour de Kish, avant de redevenir prince grâce à la protection de la déesse Ishater (**).

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La mère de Moïse le place dans une corbeille
(fresque de 246 après JC, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie).

Une part de la vie de Moïse, telle que la raconte la Bible (Exode 2, 1-1) et à sa suite le Coran (S. 28, 7-13), est donc mythologique, puisqu'inspirée de la légende du roi Sargon d'Akkad.

* : Ramsès II, *1 : p130 / *2 : p. 131 ; Christiane Desroches Noblecourt, Flammarion, 2007.
** : Encyclopedia Universalis, Jean Bottero, Les collections de l'Histoire, n° 22, janvier, mars 2004.

3. 5. Séthi 1er, pharaon de 1294 à 1279, fait travailler des Apirous à la construction de Pi-Ramsès et de Pitom.
De 1294 à 1279, Séthi Ier, fils de Ramsès Ier, règne en Égypte. Son règne se passe en conflits militaires, particulièrement au Moyen-Orient. Les Shosous, les pasteurs cananéens, attaquent des places fortes égyptiennes du delta du Nil. Sethi Ier les en déloge, puis implante des places fortes égyptiennes au pays de Canaan mais il ne colonise pas ce territoire pauvre * .

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Hathor accueille Séthi Ier dans l'au-delà (vers 1293 avant JC ; Le Louvre).

Séthi Ier lutte également contre une révolte d'Apirous qui avaient attaqué la ville de Raham alliée des égyptiens. La tutelle de l’Égypte s’étend alors jusqu'au Liban actuel et jusqu'au Royaume de Moab, l'actuelle Jordanie. On le voit, la puissance dominante en Canaan est alors l’Égypte et elle le restera encore un siècle * .
Séthi Ier ramène en Égypte des prisonniers de guerre Apirous pour en faire des travailleurs forcés * . Les Apirous vont devoir accomplir les durs travaux que réclame son programme de construction. Le papyrus de Leide (I 348, verso 6, 6-7), daté du règne de Ramsès II, fils de Séthi Ier, raconte que des « Apirous » sont enrôlés pour « tirer les pierres vers le pylône du palais de Ramsès II ». Cela correspond à ce que raconte la Bible de la situation difficile des travailleurs  cananéens vivant en Égypte. La notion d'esclavage en Égypte n'avait cependant pas le même sens que ce que l'on imagine de nos jours. L’esclave dans l’Égypte antique ne perdait pas sa place dans l'humanité et pouvait recouvrer la liberté. L'archéologie en donne la preuve. Si-Bastet, le barbier de Toutmôsis III (1458 à 1455), écrit : « J'ai un esclave qui m'a été affecté et qui s'appelle luwy-Amun. Je l'ai capturé moi-même quand je suivais le Chef [en campagne]… On ne doit pas le battre et aucune porte du palais ne doit lui être interdite. Je lui ai donné la fille de ma sœur Nebetto, dont le nom est Takament, comme épouse. Elle aura une part dans (ma) succession de la même façon que mon épouse et ma sœur. » **. L'esclave égyptien pouvait donc hériter de son maître et épouser ses parentes.
Le travail manuel des esclaves demeurait néanmoins extrêmement pénible, au point que des écrits vantent l'avantage d'être scribe pour échapper à sa pénibilité.
Un texte très ancien, de la XIIe dynastie (entre -2000 et -1800), retranscrit les conseils du scribe Khéty adressés à son fils Douaouf : « Vois-tu, il n'y a pas de métier qui soit exempt d'un chef, sauf celui de scribe, car le scribe est son propre chef. Si donc tu sais écrire, tout ira très bien pour toi ; il ne doit pas y avoir d'autres métiers à tes yeux. » (La Satire des Métiers).

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Les hébreux fabriquent les briques pour pharaon
(Pentateuque dit de Tours, fait au VIe siècle en Afrique du Nord ou en Syrie ; BnF).

La construction de la ville de Pi-Ramsès débute sous Sethi Ier, fils de Ramsès 1er : l'archéologie l'a confirmé. La ville de Pitom, fondée par Horemheb est toujours en chantier. La construction de ces deux villes, Pi-Ramsès et Pitom, est évoquée dans l'Exode : « On imposa donc à Israël des chefs de corvée pour lui rendre la vie dure par les travaux qu'ils exigeaient. C'est ainsi qu'il bâtit pour Pharaon les villes-entrepôts de Pitom et de Ramsès » (Ex. 1, 11). Ce verset permet de supposer que la vie de Moïse s'est déroulée pendant la dynastie des Ramsès, la XIXe dynastie égyptienne. L’étymologie du nom de Moïse l'avait déjà suggéré.
Pi-Ramsès sera abandonnée en -1069 à la fin de la XXe dynastie quand la capitale sera transférée à Tanis en raison de l'assèchement du bras du Nil qui l'irriguait. Pitom, soit PR-ITM (signifiant Temple du dieu Atoum) a été signalée dans un texte égyptien du XIIIe siècle et a rapidement disparu.
Même si la Bible contient souvent des erreurs de chronologie, le fait de parler de ces deux villes aussi précisément, alors qu'elles avaient totalement disparu depuis des siècles quand la Bible a été écrite au VIIe siècle, tend à prouver qu'il s'agit d'un souvenir conservé dans la tradition orale par delà les siècles. Cela renforce l'idée que l'Exode aurait eu lieu entre les règnes de Séthi Ier ou de son fils Ramsès II, les bâtisseurs de Pi-Ramsès et de Pitom.
Pour compliquer les choses, l'honnêteté oblige à dire qu'il y a eu un autre Pi-Ramsès et d'autres Pitom, qui existaient toujours dans le delta du Nil, au moment de la mise par écrit de l'Exode (au VIIe siècle avant JC). Est-ce simplement le hasard si l'auteur de l'Exode est tombé juste en citant le nom de villes réellement construites sous Ramsès II ? Où bien est-ce un souvenir conservé par la mémoire orale par delà les siècles ?

L'archéologie ne peut rien nous dire de plus de la vie de Moïse. Ce que l'on sait de ce personnage extraordinaire provient des textes saints. La Bible, puis le Coran, racontent que Moïse tue un surveillant de chantier qui maltraite un hébreu réduit en esclavage (Ex. 2, 11-12 et S. 28, 15). S'agit-il d'un Apirous contraint de travailler en Égypte ? Après son crime, Moïse fuit la colère de Pharaon (Ex 2, 11-16 ; S. 28, 22) et se réfugie au pays de Madian où il se marie. En Égypte, les Hébreux sont toujours assujettis à de durs travaux et ils appellent Dieu à l'aide (Ex 2, 23). Dieu répond au Peuple Élu en s'adressant à Moïse. C'est la célèbre rencontre du « buisson ardent » (Ex 3, 13-15 ; Sourate 20, 9-48 ; S. 28, 30-35). Lors de la rencontre du Buisson ardent, Dieu annonce qu'Il va libérer les Hébreux de l'esclavage. Dieu rappelle la promesse faite à Abraham dans la Genèse : « J'établirai mon alliance entre moi et toi et ta race après toi, de génération en génération, une alliance perpétuelle, pour être ton Dieu et celui de ta race après toi. À toi et à ta race après toi, je donnerai le pays où tu séjournes, tout le pays de Canaan, en possession à perpétuité, et je serai votre Dieu. » (Genèse 17, 7-8). De nos jours, c'est sur ce verset que les juifs puisent leur légitimité à vivre en Israël. Il s'agit de leur Terre Promise de Canaan qui leur est attribuée à perpétuité par Yahvé Lui-même. Lors de sa rencontre avec Dieu au Buisson ardent, Moïse reçoit la confirmation que la terre de Canaan va lui être remise pour le Peuple Élu libéré de l'esclavage : « Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel, vers la demeure des Cananéens, des Hittites, des Amorites, des Perizzites des Hivvites et des Jébuséens.... Maintenant, va, je t'envoie auprès de Pharaon, faire sortir d’Égypte mon peuple, les Israélites. » (Ex 2, 8-10).

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Moise au Buisson ardent, (Haggadah de Sarajevo, réalisée en 1350
à Saragosse ; Musée national de Bosnie-Herzégovine).

Yahvé signale à Moïse que ceux qui lui voulaient du mal en Égypte sont morts (Ex 4, 18) et qu'il peut rentrer. Moïse pourrait avoir profité de la mort de Séthi Ier pour retourner en Égypte sauver son peuple (Ex 2, 23).
Ces événements, s'ils ont eu lieu, n'ont laissé aucune trace, ni épigraphique, ni archéologique.
On le voit, au travers des découvertes archéologiques et des faits historiques, l'existence de Moïse reste vraisemblable, même si elle n'est pas démontrée. Une partie est bien mythologique (la corbeille sur le Nil) mais une autre peut s'être réellement déroulée. Si Moïse a existé, le plus vraisemblable est de conclure que c'est au début de la XIXe dynastie, celle des Ramsès.

* : La Bible dévoilée, p. 127-129, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.
** : Urk, Urkunden des Ägyptischen Altertums, G. Steindorff (Leipzig and Berlin, 1906-1958), volume IV, p. 1369.

3. 6. Ramsès II (1279-1213), propagandiste et architecte de génie.
La momie de Séthi Ier est conservée de nos jours au Caire. Elle ne porte aucun signe de mort par noyade, ni de marque de traumatisme. Séthi Ier est décédé de mort naturelle à environ 50 ans. Commence alors le long règne de Ramsès II, qui s'étend de 1279 à 1213.

Ramsès II affirme sa suprématie sur la Jordanie et le Liban actuels et sur Canaan. Aux confins Est de son royaume, il perd Qadesh au début de son règne, en 1274 avant JC. Son expansion a été contenue par le royaume du Hatti ou hittite, superpuissance rivale située dans l'actuelle Turquie. Ramsès II fait raconter la bataille de Qadesh sur les murs d'Abou Simbel et de Louxor, dans un extraordinaire exercice de propagande politique. Il est montré triomphant de ses ennemis, alors qu'il a dû fuir piteusement après être tombé dans un piège grossier. De prétendus transfuges de l'armée hittite l’avaient convaincu d'attaquer à un endroit où lui était tendue une embuscade. Le poète Pantaour raconte la bataille de Qadesh sur les murs du temple de Louxor. Il souligne le rôle du dieu Amon qui serait venu, au cœur de la bataille, au secours de Ramsès II pour lui permettre de triompher. Le dieu Amon dit à Ramsès : « Je suis avec toi, je suis ton père et ma main est avec toi. Je vaux mieux que des centaines de milliers d'hommes. Je suis le maître de la victoire. ».
L'idée qu'un dieu soit combattant et conduise ses fidèles à la victoire est donc née avant la rédaction de la Bible et même avant que le Peuple Élu n'ait mené aucune guerre. L'idée d'un Dieu des combats semble bien être issue du paganisme.

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Ramsès II combat à Qadesh en 1274 avant JC (Temple d'Abou Simbel).

Ramsès II continue les travaux de construction à Pi Ramsès et à Pitom. Les Apirous contraints au travail forcé œuvrent toujours pour lui.
En la septième année de son règne, Ramsès II lutte en Canaan, repoussant d'autres tribus d'Apirous. Nous sommes en 1272. L'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt pose l'hypothèse que nous sommes au seul moment de son règne où il pourrait être logique que Ramsès II s'oppose au départ d'ouvriers immigrés souhaitant revenir en Canaan (*). Il se serait agi de ne pas déranger les mouvements militaires et de ne pas donner de renforts à ses adversaires. Les archives égyptiennes ne signalent cependant pas le refus d'un pharaon de laisser partir des travailleurs immigrés. Il y a une simple compatibilité entre l'histoire de l'Exode racontée par la Bible et la situation géopolitique du règne de Ramsès II.
Moïse est-il revenu à la cour de Ramsès II pour lui demander en vain de laisser les Apirous repartir ? On peut simplement remarquer que la durée des règnes des pharaons permet d'imaginer que Moïse enfant a été éduqué à la cour de Ramsès Ier, pour fuir jeune adulte pendant le règne de Séthi Ier, avant de revenir dans son âge mûr à la cour de Ramsès II.

Aucune trace non plus, dans les archives égyptiennes, de Hāmān, conseiller du Pharaon contemporain de Moïse, dont le Coran parle à de nombreuses reprises (Sourate 28, versets 6, 8, 38 ; S. 29, 39). En fait, Haman est le nom du vizir de l'empire perse sous le règne d'Assuérus ou A'hashverosh (en hébreu : חַשְׁוֵרוֹשׁ ) qui persécutait les Hébreux, mais au Ve siècle avant JC. On parle de lui dans le livre d'Esther. Il est donc le conseiller d'un souverain perse et non celui d'un pharaon, celui qui lui ordonne de construire une tour pour défier le Dieu de Moïse. Le livre d'Esther dans  la Bible raconte des événements qui se sont déroulés huit siècles après l'Exode. L'histoire Hāmān dans le Coran est à transposition au règne de Pharaon de l'histoire décrite dans le livre d'Esther. C'est donc un anachronisme du Coran. L'histoire de Hāmān dans le Coran est la synthèse du mythe de la Tour de Babel, de l'histoire d'Assuérus et de celle de Moïse.

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Tour non localisée ( Le Lever des astres chanceux et les Sources de la souveraineté,
manuscrit ottoman du XVIe siècle ; BnF
).

La sociologie de la cour de Pharaon, décrite par le Coran, est également erronée. Le Coran parle de l'assemblée des anciens, notables qui conseillent Pharaon (S. 28, 20 ; S. 28, 38). Il s'agit d'une structure tribale typique de la société où vit Mohamed. Dans l'Arabie du VIIe siècle, le consensus était recherché par la discussion entre les chefs de tribus. Aucune archive égyptienne n'a permis de retrouver une structure comparable dans le gouvernement pharaonique. Le pharaon est tout-puissant. Il délègue la gestion des affaires courantes à un noble de confiance nommé le tayty-sab-tjaty. L'appellation de vizir a traduit le titre de « tayty-sab-tjaty » à l'époque contemporaine par simple assimilation au vizir de l'empire ottoman. « Un homme vint du bout de la ville en courant. Il dit « Ô Moïse, en vérité, la cohorte des grands tient conseil à ton sujet pour te tuer. Sors donc... » (S. 28, 20, trad. Hamidullah). Il s'agit donc là encore d'un anachronisme du Coran. Au VIIe siècle après JC, Mohamed transfère à la civilisation pharaonique une structure sociologique qu'il connaît.

* : Ramsès II, p135, Christiane Desroches Noblecourt, Flammarion, 2007.

3. 7. Les dix plaies d'Égypte, le papyrus Ipuwer.
L'Exode, aux chapitres 7 à 13 et la Sourate 7, (133) racontent les dix plaies d’Égypte. Il s'agit de catastrophes naturelles,  envoyées par Dieu selon la Bible et le Coran, pour contraindre Pharaon à laisser partir Moïse à la tête de son peuple.
Or, on a retrouvé un papyrus daté du XIIIe siècle avant JC, donc contemporain du règne de Ramsès II, appelé papyrus Ipuwer (Papyrus n°344, Musée de Leiden, Hollande) qui peut être lu en parallèle du texte de la  Bible.

Plusieurs catastrophes surviennent en Égypte :
L'eau est souillée :
Le Papyrus Ipuver (2-5, 6, 10 et 3-10-13) raconte : « La peste s'est abattue sur tout le pays. Il y a du sang partout. Le fleuve est de sang. Les hommes ont peur de goûter l'eau. Les humains ont soif d'eau. »
L'Exode (7, 20-24) reprend : « Toute l'eau du fleuve fut changée en sang... Le fleuve puait... Tous les Égyptiens creusèrent le sol aux abords du Nil pour trouver de l'eau potable, car ils ne pouvaient boire l'eau du fleuve. »

Les récoltes sont détruites :
Le Papyrus Ipuwer (5, 12) raconte : « En vérité, ce que l'on voyait hier a disparu aujourd'hui. La campagne est désertée et la cueillette du lin abandonnée. ».
L'Exode (9, 23-32) reprend : « Et le feu courait le long du sol... il y eut de la grêle et du feu mêlé à la grêle, une grêle très forte... Et la grêle frappa toute l'herbe des champs et brisa tous les arbres des champs... Et le lin et l'orge furent frappés, car l'orge était en épis, et le lin en fleurs. ».

Les troupeaux sont décimés :
Le Papyrus Ipuwer (5, 5) raconte : « Le cœur de tous les animaux pleure. Les troupeaux gémissent... (9, 2-3) ...Vois, les troupeaux sont abandonnés, et il n'y a personne pour les rassembler. Il y aura une peste très grave. ».
L'Exode (9, 19-21) reprend : « Rassemble à la hâte tes troupeaux, et tout ce que tu possèdes dans les champs...Et celui qui n'écouta pas la parole de l’Éternel, laissa ses serviteurs et ses troupeaux dans les champs. ».

Le jour disparaît :
Le Papyrus Ipuwer (9, 11) raconte : « Le pays est sans lumière. ».
L'Exode (10, 22) reprend : « Et il y eut une obscurité épaisse sur tout le pays d’Égypte. ».

Les enfants décèdent :
Le Papyrus Ipuwer (5, 6) raconte : « En vérité, les enfants des princes sont précipités contre les murs ». (6, 12) : « En vérité, les enfants des princes sont jetés dans les rues ». (6, 3) : « La prison est en ruine ». (2, 13) : « Partout le frère enterre son frère ». (3:14) : « Des gémissements s'élèvent dans tout le pays, se mêlant aux lamentations ».
L'Exode (12, 29-30) reprend : « il arriva, au milieu de la nuit, que l’Éternel frappa tous les premiers-nés dans le pays d’Égypte, depuis le premier-né du Pharaon qui était assis sur son trône, jusqu'au premier-né du captif qui était dans la prison... il n'y avait pas de maison où il n'y eût un mort... il y eut un grand cri en Égypte ».

Une colonne de feu s'élève :
Le Papyrus Ipuwer (7, 1) raconte : « Vois, le feu s'élève dans le ciel. Ses flammes se dirigent vers les ennemis du pays. ».
Exode (13, 21) reprend : « Le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu, pour les éclairer, afin qu'ils puissent marcher de jour et de nuit. ».

S'agit-il d'un récit poétique antique connu, repris dans l'Exode ? Ou bien est-ce la description d'une succession d'accidents réels et exceptionnels auxquels les Hébreux ont donné une interprétation spirituelle ? Est-ce Dieu qui a agi pour sauver son peuple ?

Un seul fait est certain : il existe un papyrus du XIIIe siècle avant JC qui raconte les Dix plaies d’Égypte telles que les racontera la Bible 700 ans plus tard.

À la suite de la Bible, le Coran reprendra le récit des dix plaies d’Égypte en limitant leur nombre à cinq : « Nous avons alors envoyé sur eux l'inondation, les sauterelles, les poux, les grenouilles et le sang, comme signes explicites. Mais ils s'enflèrent d'orgueil et demeurèrent un peuple criminel. » (S. 7, 133).

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Le papyrus d'Ipuver (découvert à Memphis, en Egypte ; Musée de Leiden en Hollande).

3. 8. L'Exode.
Au sujet de l'Exode des Hébreux, plusieurs questions restent pendantes. Où sont allés les Hébreux en quittant l’Égypte et par où sont-ils passés ?
La mer qui sépare l’Égypte et la péninsule arabique est la mer Rouge. C'est une faille, profonde de 2500 mètres en son point le plus bas. Son assèchement est impossible, quelle que soit la conjonction d'éléments naturels, vents ou marées.

En revanche, là où le canal de Suez a été creusé, existait une succession de lacs entourés de roseaux, dans lesquels se cachaient les fugitifs pour échapper aux gardes égyptiens. Les archives égyptiennes en conservent le témoignage. L'Exode (14, 21) dit qu'un fort vent d'Est soufflait quand Israël passa à pied sec poursuivi par Pharaon. Un de ces lacs s'est-il retrouvé à sec ? Cela est perçu comme un miracle par les Apirous en fuite. Peut-être n'était-ce qu'un simple phénomène météorologique ? Les égyptiens auraient été arrêtés par les eaux montantes sans qu'ils considèrent cet événement comme extraordinaire. En effet, ils n'ont rien noté dans leurs archives, eux qui écrivaient tout. L'exode par la mer de Roseaux et la ligne de forteresses égyptiennes, tel que le raconte la Bible (Ex 15, 22), n'a laissé aucune trace dans les archives égyptiennes (*1).

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Moïse et Aaron ouvrent la mer rouge pendant que l'armée égyptienne se noie (à droite)
(fresque de 246, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie).

Pour le Coran, Pharaon est bien mort noyé à la tête de son armée (S. 7, 103), et son corps a été retrouvé : « Rebelles et transgresseurs, Pharaon et ses armées les poursuivirent donc. Puis, quand la noyade l'eut atteint, il dit : « Je crois qu'en  vérité il n'y a de Dieu que Celui en qui ont cru les enfants d'Israël. Et je suis du nombre des soumis. » - « Quoi ? Maintenant ? Alors qu'auparavant tu as désobéi... ! Et bien, Nous allons te sauver aujourd'hui quant à ton corps, afin que tu sois un signe pour ceux d'après toi. » (S. 10, 90-92). La conviction des musulmans que le Coran est parfait et sans erreur, fait que, de nos jours encore, le peuple égyptien est toujours à la recherche d'un signe de noyade sur une momie de pharaon. Les momies des pharaons ont effectivement été retrouvées... mais aucune ne porte de trace de noyade, ni de mort violente. Aucun égyptologue n'a pu en convaincre, ni les égyptiens, ni les musulmans qui s’intéressent à ce sujet. Le contenu du Coran est par définition exact pour les musulmans, et ils en deviennent incapables d’accepter des vérités objectives qui contrediraient le contenu de leur texte saint.

En fait, Ramsès II n'est pas mort à la tête de son armée. Il est mort en -1213 d'un abcès dentaire, compliqué d'ostéite qui a rongé sa mâchoire inférieure. La lésion est toujours visible sur sa momie. Elle l'a certainement fait souffrir atrocement dans les semaines qui ont précédé son décès. Il était alors âgé de plus de 90 ans. C'était un vieillard aux articulations bloquées par une spondylarthrite ankylosante évolutive. Il était grabataire depuis des années, sans doute une vingtaine d'années et ne pouvait plus marcher. Il était probablement à peine conscient, soigné, lavé et nourri comme un dieu vivant depuis des mois. Sa momie a été étudiée en France en 1974 et les résultats de l'autopsie sont probants, même après 3200 ans. Il lui était tout à fait impossible de monter sur un char dans les années précédant son décès **.

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La momie de Ramsès II.

La Bible signale que les Hébreux ont nomadisé pendant 40 ans dans le Sinaï. Le don de la manne et des cailles (Exode 16, 9-16 ; Sourate 2, 57 ; S. 10, 93) aurait permis aux Apirous/Hébreux de se nourrir. Ce sont des phénomènes naturels. Les cailles s'abattent au sol épuisées après la traversée de la méditerranée lors de leur migration et la manne correspond à la sève comestible d'un arbuste du désert. Interventions divines ou phénomènes naturels, ces faits exceptionnels n'ont laissé aucune trace, ni archéologique, ni épigraphique, mais ont pu faire forte impression sur le peuple d'Israël au point qu'il en ait gardé la mémoire sur des générations.

Si l'exode a eu lieu, les Hébreux/Apirous étaient de toute façon fort peu nombreux, puisque leur fuite n'a laissé aucune trace archéologique dans la Sinaï. La Bible affirme que « six cent mille hommes de pied – rien que les hommes, sans compter leurs familles » (Ex 12, 37) ont séjourné pendant 40 ans dans le Sinaï. Mais aucune trace n'a été retrouvée d'un tel séjour ni au Sinaï, ni ailleurs (*2). Depuis 150 ans, le Sinaï a été en vain exploré à la recherche des traces de l'Exode. Les techniques archéologiques sont aujourd'hui si précises que le moindre foyer antique peut être analysé. Le chiffre de 600 000 est donc exagéré. Si des Apirous ont fui l’Égypte, ils n'étaient qu'une poignée.

Les Hébreux vont bientôt apparaître de façon certaine dans l'histoire et effectivement avec un bien plus petit effectif.
Quand l'Exode a-t-il eu lieu ? À la fin de la dynastie des Hyksos, sous Ramsès II ou bien plus tard ? L'archéologie n'apporte pas de certitude puisqu'aucun pharaon n'est mort au combat, ou noyé, ce qui nous aurait permis de dater le départ des Hébreux.


*: La Bible dévoilée, *1 : p. 101 / *2 : p.104-105. I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.
** : Ramsès II, p. 246 ; Christiane Desroches Noblecourt, Flammarion, 2007.

3. 9. les « Dix Commandements » donnés à Moïse.
Moïse aurait reçu les Dix Commandements écrits au Sinaï (Exode 24, 12-18 ; Sourate 7, 145) au cours de la longue errance de 40 ans du peuple hébreu et avant son implantation en Canaan.
Selon la Bible, à la demande de Dieu, Moïse serait monté seul sur une montagne du Sinaï. Là, il aurait rencontré Dieu face à face et reçu les Tables de la Loi, avec les Dix Commandements, écrits par Dieu Lui-même. Cela n'a laissé aucune trace archéologique. Les Tables de la Loi, écrites par Dieu, auraient pu perdurer, mais l'Arche qui les contenait (Ex. 25, 10-21) a été détruite au VIe siècle avant JC par Nabuchodonosor. Les Tables de Loi et l'Arche d'Alliance n'ont jamais été retrouvées.

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Moïse donne la loi aux hébreux (en haut), qui la conservent dans l'Arche d'Alliance (en bas)
(manuscrit du Pentateuque dit d'Ashburnham ou de Tours, VIe siècle, Afrique du Nord ; BnF).

Les Dix Commandements demandent d'adorer Yahvé, Dieu unique, d’honorer ses parents, de ne pas voler, de ne pas tuer de ne pas m entir, de ne commettre ni adultère, ni faux témoignage. Il s'agit de règlements moraux qui ne contiennent aucun interdit vestimentaire ou alimentaire. Les Dix Commandements seront repris par les chrétiens, par les musulmans... et même par les bouddhistes. Le seul commandement oublié par les chrétiens est celui qui interdit la représentation du vivant : « Tu ne te feras pas de sculpture sacrée ni de représentation de ce qui est en haut dans le ciel, en bas sur la terre et dans l'eau plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles et tu ne les serviras pas, car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux » (Ex 20, 4-5). Ce commandement avait donc pour objet d'interdire la fabrication d'idoles. Pour les chrétiens, être monothéiste suffit au respect de ce commandement. Les Dix Commandements sont donc d'une étonnante universalité et ils resteront adaptés aux exigences morales de l'humanité jusqu'à aujourd'hui.
Ces commandements ont une particularité : Dieu les donne au Sinaï après avoir libéré son peuple de l'esclavage. L'homme libre a besoin de la loi, pour se diriger. Il n'est plus un esclave dépendant d'un maître.

La libération de l'esclavage d'Égypte est fondatrice dans le judaïsme. Elle est commémorée lors de la Pâque juive (Pessa'h) le quatorzième jour du mois de Nizan (au printemps). Le don de la Loi ne vient qu'en second et est fêtée 50 jours plus tard, lors de la fête des Prémices. Il s'agit de la Pentecôte, Chavouot. Toute la spiritualité juive est nourrie et fondée sur la Pâque commémorant la libération de l'esclavage du Peuple Élu.
Les chrétiens sont, quant à eux, libérés de l'esclavage de la mort et du péché par le sacrifice du Christ sur la Croix.
« La loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ, t'a affranchi de la loi du péché et de la mort » (Romains 8, 2). Les chrétiens voient dans la libération de l'esclavage d’Égypte, l'annonce prophétique de la libération radicale qui sera réalisée par le Christ sur la croix. Selon les Évangiles, le Christ ressuscite le lendemain de la Pâque juive, jour qui deviendra la Pâque chrétienne. Les chrétiens fêtent donc leur libération lors des Pâques chrétiennes, accomplissement de la Pâque juive. La Pentecôte, 50 jours après, commémore le don de l’Esprit Saint. Celui-Ci dirige les chrétiens maintenant que la Loi est abolie. Le don de l’Esprit Saint à la Pentecôte marque l’accomplissement et le dépassement du don de la Loi qui est célébré le même jour par les juifs. Les deux fêtes de Pâques et de la Pentecôte se complètent et se répondent, dans le judaïsme comme dans le christianisme. Elles ont une signification spirituelle comparable : la libération offerte par Dieu puis le moyen de se diriger saintement.

Le Coran raconte également le don de la Loi au Sinaï (Sourate 17, 2), mais il ne retient pas la signification spirituelle de la libération de l'esclavage. Selon le Coran, l'homme est l'esclave d'Allah : « Oh mes esclaves, craignez-moi donc ! » (S. 39, 16 ). Selon le Coran, la Loi que l'homme reçoit de Dieu, est forcément parfaite, puisque d’origine divine. Il est donc légitime de s'y soumettre. De plus, l'homme n'a pas à exercer son libre arbitre sur le monde (S. 2, 31-33). Allah possède seul le pouvoir d'agir : « - Dis : « Tout vient de Dieu. » » (S. 4, 78) ; ce qui implique le bien comme le mal. Allah est Tout Puissant et rien ne se passe sur terre sans son autorisation. Allah parle dans le Coran par Mohamed une fois pour toutes (S. 33, 40) et agit dans le monde par les événements, bons ou mauvais.

La Loi que Moïse aurait reçue de Dieu au Mont Sinaï, n'a pas laissé de trace archéologique, mais a fondé un rapport à la Loi différent dans le judaïsme, le christianisme et l'islam. Le judaïsme et le christianisme voient dans la Loi une conséquence logique de la liberté offerte par Dieu. Les musulmans y trouvent des raisons de se soumettre à Allah dans un esclavage spirituel légitime.

Les civilisations qui en découleront en porteront la trace.


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Moïse et les Tables de la Loi (Rembrandt, 1659).

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:19

CHAPITRE 3 : L'EXODE ET L'INSTALLATION DES HÉBREUX EN CANAAN.
De - 1700 à 1050.


3. 1. La chute des Hyksos en 1570 : le premier Exode ?
3. 2. Entre -1500 et -1400, apparaissent les mots « PER-AÂ » et « YWH ».
3. 3. Akhenaton, et le premier monothéisme historique ?
3. 4. La XIXe dynastie égyptienne commence en -1295. Ramsès Ier, protecteur de Moïse ?
3. 5. Séthi 1er, pharaon de 1294 à 1279, fait travailler des Apirous à la construction de Pi-Ramsès et de Pitom.
3. 6. Ramsès II (1279-1213), propagandiste et architecte de génie.
3. 7. Les dix plaies d'Égypte, le papyrus Ipuwer.
3. 8. L'Exode.
3. 9. les « Dix Commandements » donnés à Moïse.

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3. 10. Les Peuples de la mer : les Philistins apparaissent dans l'histoire en -1228
3. 11. Mérenptah, le pharaon de l'Exode ?
3. 12. Et les murailles de Jéricho s'effondrent !
3. 13. Le peuple hébreu prend possession de sa Terre Promise.
3. 14. Entre 1250 et 1200 avant JC, Israël construit son premier lieu de culte sur le mont Ébal en Canaan.
3. 15. Israël et la Terre Promise, ou comment la linguistique entretient quelques hésitations sur sa localisation.
3. 16. La Terre Promise serait-elle l'Arabie ? La chronologie des sources épigraphiques donne la réponse.
3. 17. Un livre de Lois pour connaître les premiers Hébreux sédentaires.
3. 18. Au même moment, les Peuples de la mer s'installent sur le littoral.

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 04:21, édité 1 fois
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CHAPITRE 3 (FIN) : L'EXODE ET L'INSTALLATION DES HÉBREUX EN CANAAN.
De -3000 à -1700.
 

3. 10. Les Peuples de la mer : les Philistins apparaissent dans l'histoire en -1228.

À partir de -1250, les Peuples de la mer apparaissent progressivement en Canaan. On les appellera Philistins. L’étymologie du mot palestinien provient du mot philistin. Mais une origine étymologique n'est pas une origine ethnique. Le mot « Palestine » est employé pour la première fois au Ve siècle avant JC, par Hérodote, pour désigner le territoire autour de la bande de Gaza actuelle. Ce mot a été employé dans les empires romain, byzantin puis ottoman pour désigner le même territoire, sans tenir compte de la religion de ses habitants. Depuis le mandat britannique de 1920, il tend à désigner une terre revendiquée par les arabes, qu'ils soient chrétiens ou musulmans, en opposition aux juifs qui nomment ce même territoire, Israël.

En 1228 avant JC, les Philistins sont mentionnés pour la première fois dans les annales de Mérenptah, le prince héritier de Ramsès II. On peut remarquer qu'aux environs de 1230, les archives de Ramsès II laissent la place à celles de son fils, le prince héritier Mérenptah. En fait, on voit là confirmation de ce qu'on avait déjà pressenti : 15 ans avant son décès, Ramsès II avait laissé la réalité du pouvoir à son prince héritier, Mérenptah. Ramsès II s’enfonce doucement dans la sénescence, comme en témoigne sa momie montrant de multiples lésions d'athérosclérose des artères cérébrales. Il devient peu à peu grabataire et sera soigné et soulagé avec les meilleures drogues dont disposent les médecins égyptiens. Ramsès II ne peut plus depuis longtemps monter sur un char quand la mort le rejoint en 1213...

En 1228, donc, les philistins laissent une trace objective de leur arrivée au Moyen-Orient dans les archives de Merenpath. Pendant le siècle qui suit, ils installent des comptoirs sur le littoral, de la Turquie actuelle à la Libye. Ils arrivent en bateau d'une région inconnue ; mais leurs poteries, après leur installation, signalent une origine égéenne (grecque). Ils pillent, attaquent et détruisent les royaumes existants. Seule l’Égypte va résister, mais elle va perdre ses extensions territoriales, tant à l'est qu'à l'ouest, de la Syrie à la Libye, en passant par Canaan.

Dans tout le bassin méditerranéen, une page se tourne. C'est la fin de l'âge de bronze. Des empires s’effondrent. Le Royaume hittite, dans l'actuelle Turquie, disparaît à jamais. Quand le livre de l'Exode sera mis par écrit, au VIIe siècle avant JC, les Hittites n'existaient plus depuis 600 ans. Ils sont pourtant cités parmi les peuples qui occupent Canaan avant l'arrivée des Hébreux (Ex 3, 8). La transmission orale semble, ici, avoir été parfaite. D'autant que l'existence d'un royaume du « Hatti » est confirmée par les archives d’Akhenaton découvertes à Amarna. La raison de la brutale disparition du royaume hittite (ou du Hatti) reste inconnue, malgré les multiples campagnes de fouilles qui ont permis de dater si précisément sa fin. A-t-il été victime de crises de succession sanglantes, ou bien d'une période de sécheresse en Anatolie, ou bien encore de l'invasion des fameux Peuples de la mer ? D'autres pays vont disparaître, ainsi la Sardaigne, victime d'un raz-de-marée qui la recouvre presque en totalité.
On ignore si des catastrophes naturelles, une crise économique, ou la ruine des Hittites sont les responsables des brusques mouvements migratoires en méditerranée. Ou bien si, au contraire, ce sont les mouvements des Peuples de la mer qui ont été à l'origine de la ruine de ces empires. En tout état de cause, l'émergence des Peuples de la mer signe la fin d'une époque. Ils arrivent par bateaux avec femmes et enfants à la recherche d'une terre d'accueil qu'ils sont prêts à conquérir par les armes.

Canaan est toujours sous domination égyptienne. Elle reste divisée en trois parties. La bande côtière sur le littoral avec ses ports pratique le commerce international au milieu de riches terres agricoles. Les Peuples de la mer, les Philistins, s'y installent après une prise de pouvoir destructrice. Les cananéens sont repoussés, et parmi eux les phéniciens, qui vivent dans les ports centrés sur le Liban actuel. Plus à l'Est, à l’intérieur des terres, les Hautes Terres, restent toujours isolées par des reliefs naturels. Autour de la cité-état de Sichem au nord, une population éparse vit dans une région de collines. Au Sud, la cité-état de Urushalim (Jérusalem) règne sur la partie la plus aride, la plus pauvre et la plus escarpée. Les peuples de la mer les épargnent, elles sont peu accessibles et trop pauvres pour les intéresser.

À la fin du XIIIe siècle avant JC, à la veille de l'installation des Hébreux, les Hautes Terres sont quasiment désertiques en dehors des ces deux minuscules cités-états, Sichem et Urushalim.
Sur le littoral, les Philistins commencent à arriver.


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Les peuples de la mer arrivent au Moyen-Orient
(Temple de Medinet Habou, XIIe siècle avant JC).

3. 11. Mérenptah, le pharaon de l'Exode ?

De 1213 à 1203 avant JC, Mérenptah, le fils de Ramsès II règne en Égypte. Il a assumé une longue régence, au moins 15 ans avant la mort de son père. De nos jours, la momie de Mérenptah est conservée au Caire. Il est mort à plus de 70 ans, obèse, souffrant d'arthrose et d'athérosclérose. Lui non plus n'a pu monter sur un char pour suivre sur des kilomètres, à la tête de l'armée égyptienne, quelques manœuvres Apirous en rupture de contrat et finir noyé. Sa momie, elle non plus, ne montre ni signe de noyade, ni marque d'accident. On possède d'ailleurs un témoignage archéologique exceptionnel qui récuse qu'il soit mort au combat contre Israël. Nous allons le voir.

En racontant la mort de Pharaon noyé dans son char, le Coran a probablement été influencé par une exagération biblique.
L'Exode (14, 27-28) raconte : « Moïse étendit la main sur la mer et, au point du jour, la mer rentra dans son lit. Les Égyptiens en fuyant la rencontrèrent, et Yahvé culbuta les Égyptiens au milieu de la mer. Les eaux refluèrent et recouvrirent les chars et les cavaliers de toute l'armée de Pharaon, qui avaient pénétré derrière eux dans la mer. Il n'en resta pas un seul ».
Le Coran reprend l'idée que Pharaon est mort au combat. « Pharaon, donc, voulait les éloigner de la terre. Alors Nous les noyâmes tous, lui et ceux qui étaient avec lui. » (S. 17, 103). On ne comprend pas bien de quelle terre Pharaon voulait les éloigner, puisque les Hébreux étaient en train de fuir, mais qu'importe ! L'affirmation de la mort par noyade de Pharaon est reprise dans les Sourates 20 (78) et 2 (50). Le Coran prétend que le corps de Pharaon a été retrouvé : « Et bien Nous allons te sauver aujourd'hui quant à ton corps, afin que tu sois un signe pour ceux d'après toi » (S. 10, 92). La Sourate 26 (59) informe que les Hébreux héritent de lui : « De quoi [Pharaon], Nous fîmes héritiers les Enfants d'Israël. ». Néanmoins, les hébreux n'héritent pas des biens de pharaon, puisqu'ils n'ont fondé aucune dynastie régnante en Égypte. C'est bien en Canaan qu'ils vont s'installer.

Si Mérenptah est le pharaon de l'exode, son engagement personnel dans la guerre contre les Hébreux est différent de ce que nous racontent la Bible et le Coran. Il n'est pas mort noyé, mais il s'est bien battu contre Israël et son rôle est essentiel dans l'histoire qui nous occupe : il nous donne la première preuve historique de l’existence du peuple d'Israël, en se vantant de l'avoir détruit.
En -1207, ce pharaon fait en effet graver une stèle pour commémorer sa victoire militaire sur les villes de Canaan : c'est la stèle dite « de Mérenptah ». Elle fait état d'un peuple, Israël vaincu en même temps que les autres peuples de Canaan : « Canaan a été razziée de la pire manière. Ashqélôn a été enlevée. Gézer a été saisie. Yeno‘am est comme si elle n'avait pas existé. Israël est dévasté ; sa semence n'existe plus. Huru est devenue une veuve du fait de l'Égypte… »*. Méremptah meurt 4 ans après en 1203.

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La stèle de Mérenptah (musée égyptien du Caire).

Ironie de l'histoire : cette stèle, en annonçant la destruction d'Israël, témoigne pour la première fois de l'existence du peuple hébreu et cela pour les millénaires à venir ! C'est le plus ancien témoignage écrit du mot « Israël » qui soit parvenu jusqu'à nous.

Il est à noter que les habitants de Canaan sont désignés sur la stèle par leurs villes de résidence – Ashqélôn, Gézer...- mais qu'Israël n'est pas désigné par une cité. Israël était donc probablement un peuple nomade séjournant en Canaan.

En 1207 avant JC, Israël vit déjà en Canaan. En 1207, Israël existe donc.
Depuis combien de temps ? Peut-être l'archéologie va-t-elle nous en apprendre davantage ?


* : La Bible et l'archéologie, p.78, Théo Truschel, Faton, novembre 2010.

3. 10. Et les murailles de Jéricho s'effondrent !
Nous sommes entre 1250 et 1200 avant JC.
Nous laissons maintenant les conjectures pour les certitudes archéologiques.
Les proto-Hébreux vont apparaître dans les strates archéologiques des Hautes Terres, région à l'ouest de la mer morte et du Jourdain, qui reste à distance du littoral où vivent les Philistins. Avant la sédentarisation des Hébreux, ces terres étaient désertiques, seules deux villes-états y subsistaient, Sichem et Urushalim, regroupant à peine 2000 habitants.
Le Coran (S. 26, 57-59) annonce qu’Israël hérite des dépouilles de Pharaon après sa noyade ; mais le Peuple Élu s'installe bien en Canaan et non en Égypte.
Dans la Bible, le livre de Josué raconte comment Josué, le successeur de Moïse, conquiert par la force le pays de Canaan.
Il extermine ses habitants dans ce que l'on appellerait de nos jours une purification ethnique, afin de laisser aux Hébreux la terre promise vierge de toute occupation païenne. Jéricho est censée être protégée par de formidables murailles. Elles s'effondrent au son des trompettes devant le Peuple Élu en prières (Josué 6). Le Coran évoque également cette entrée en Canaan souhaitée par Moïse (S. 5, 20-26). Sa prise de possession aurait nécessité de franchir les murailles d'une ville (qui n'est pas nommée dans le Coran) tenue par des hommes très puissants. L’idée d'hommes puissants, de géants, provient d'un récit de l'Ancien Testament (Nombres 13, 33). Dans le livre des Nombres, on raconte que Moïse souhaite envoyer le Peuple Élu au combat pour occuper sa Terre Promise. Il envoie quelques éclaireurs au devant de l'armée. Ceux-ci, peu motivés pour la guerre, racontent au retour de leur mission que des géants tiennent le pays. Il s'agit de décourager le Peuple Élu... qui va donc continuer à errer quelques années supplémentaires dans le désert.

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Josué et son compagnon au pays des géants de la tribu des Ād : ils récupèrent une grenade géante...
('Ağayib al-maḫlūqāt par Mahmūd Hamadānī, manuscrit persan, 1577 ; BnF).

Or, l'archéologie a prouvé que Jéricho n'existait plus au XIIIe siècle, au moment où l'on assiste à la sédentarisation du peuple hébreu. Un siècle avant, au XIVe siècle, c'était une petite bourgade dépourvue de murailles qui avait été abandonnée et non détruite. La strate archéologique a été fouillée et en témoigne. La ville réapparaîtra plus tard pour devenir une métropole. Mais au moment de l'arrivée des Hébreux en Canaan, Jéricho n'existait plus depuis un siècle*.

D'autres villes, censées avoir été détruites par Josué, avaient également cessé d'exister depuis des siècles : , sur le tertre de Khirbet et-Tell et la citée des Gabaonites, localisée à El-Jîb*.

Haçor, Béthel, Lakish, Gézer sont également censées avoir été détruites par Josué. Elles seront effectivement ravagées par des envahisseurs, mais ce sera bien après l'arrivée des Hébreux en Canaan. Leurs destructions s'étaleront sur un siècle et ceux qui les ont détruites s'y installeront en maîtres : les traces archéologiques qu'ils laisseront prouvent qu'ils n'étaient pas Hébreux*.

En fait, le récit biblique de la conquête de Canaan par le peuple Hébreux est faux, et cela s'explique facilement : la Bible a été écrite des siècles après les événements racontés. Un détail de la Bible prouve qu'elle a été écrite très tardivement par rapport aux événements relatés. Le livre de Josué raconte que Josué enterre des rois vaincus dans une caverne refermée par de grandes pierres, « pierres », dit le texte de la Bible, qui « y sont restées jusqu'à ce jour » (Josué 10, 27). De quel jour parle la Bible ? Manifestement, de celui où a été écrit le texte ! Cela signale sans aucun doute que le livre a été écrit bien après les événements racontés*.

Aucune ville n'a vu ses murailles s’effondrer pour permettre aux enfants de Moïse de s'installer en Canaan. L'archéologie a fait s'effondrer pour toujours les murailles de Jéricho ! L'extraordinaire puissance évocatrice de la destruction de Jéricho restera pour toujours ce qu'elle est : un merveilleux poème qui évoque la toute-puissance de Dieu.

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La prise de Jéricho. Les hébreux font le tour de la ville en portant l'Arche d’Alliance et en priant :
les murailles s’effondrent
(Jean Fouchet, XVe siècle).

Sur ce point, la Bible et le Coran donnent des informations erronées : les Hébreux n'ont pas détruit les cananéens pour prendre leur place. Canaan était un désert quand les Hébreux s'y sont sédentarisés.

* : La Bible dévoilée, p 135, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

3. 13. À partir de 1200 avant JC, le peuple hébreu prend possession de sa Terre Promise.
Loin de la conquête sanglante de Josué soutenu par un Dieu vengeur et exterminateur, (conquête racontée par la Bible dans le Livre de Josué), l'archéologie a montré tout autre chose.
À partir de 1200 avant JC, des petits villages s’installent peu à peu dans les hautes terres de Canaan et évoluent en marge des cités du littoral, cananéennes (phéniciennes) ou égéennes (philistines). Les structures les plus anciennes des hautes terres sont en bordure du désert, là où l'on peut cultiver et faire paître les troupeaux. Les villages sont constitués de petites maisons adjacentes qui encerclent une grande cour ovale (comme à Izbet Sartah (*1)).

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Plan d'Izbet Sartah
(d'après le résultat des fouilles archéologiques).

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Inscription en protocananéen retrouvée à Izbet Sartah.

Ce plan circulaire témoigne de l’origine des premiers habitants. C'étaient des pasteurs nomades. Les tentes des bédouins sont ainsi installées en cercle pour contenir le bétail. Il s'agissait donc d'un peuple de nomades qui se sédentarisaient peu à peu (*1).
La stèle de Mérenptah l'avait déjà suggéré : Israël n'est pas un peuple citadin. Aucune ville n'était attachée à son nom, contrairement aux autres peuples vaincus par les égyptiens.

Ces villages des proto-Hébreux ne diffèrent pas vraiment des villages de leurs voisins de Moab, ou d'Ammon. Un seul détail les identifie comme différents des autres : ils respectent l'interdit du porc (*2)
.
À partir du XIIIe siècle avant JC et jusqu'à nos jours, les Hébreux n'élèvent pas et ne consomment pas de porc. Des ossements de chèvres, de moutons, de bovins sont retrouvés lors des fouilles. Mais aucun ossement de porc n'a été retrouvé dans ces villages des Hautes Terres. Le porc était largement élevé et consommé par leurs voisins, que ce soient par les cananéens du littoral, par les Moabites, par les habitants de la péninsule arabique ou par les Égyptiens. Seuls les proto Hébreux n'en consomment pas (*2).
Voilà comment a été démontrée l'apparition dans l'histoire du peuple hébreu respectant la Loi de Moïse : par l'interdit touchant au porc. Avant sa sédentarisation, aucun critère discriminant n'a permis de repérer le Peuple Élu. Cet interdit pesant sur le porc n'a pas été imposé par Yahvé lors du don des Dix Commandements. Les Tables de la Loi ne contiennent aucun interdit alimentaire, aucune restriction vestimentaire et aucun rituel de purification. Peut-on supposer que l'origine nomade des hébreux explique cet interdit ? Le porc n'est pas un animal adapté à la vie nomade, contrairement aux bovins ou aux ovins. Quelle que soit l'origine de cet interdit, il sert de nos jours à identifier les communautés hébraïques dans les strates archéologiques.

Autre particularité, mais qui sera moins durable : la civilisation d'Israël est pacifique (*3). Les villages n'ont pas de murailles. Ils n'ont pas d'armement, alors qu'on en trouve lors des fouilles des villages cananéens du littoral. Il n'existe aucune trace de destruction par le feu signalant des mouvements militaires. Ils vivent paisiblement en autarcie, associant élevage et culture de céréales. Ils vivent simplement, dans une relative pauvreté : aucun bijou, ni objet de luxe ou d’artisanat d'importation n'a été retrouvé. Ils habitent dans de petites maisons identiques, ce qui révèle une civilisation relativement égalitaire.*

Leurs villages se multiplient sans dépasser 250 localisations en Canaan. Aucun n'a plus de 200 habitants. Au Xe siècle avant JC, les Hébreux sont moins de 40 000. Ces villages ont deux autres particularités : ils ne possèdent ni temple, ni structure publique*. Plusieurs de ces villages resteront habités jusqu'à l'époque monarchique, au premier millénaire avant JC, moment où les archives préciseront que leurs habitants sont hébreux depuis toujours.

Les Hébreux viennent de se sédentariser en Terre Sainte, en Canaan. Nous sommes en 1200 avant JC. Ils sont pacifiques et pauvres, respectent l'interdit sur le porc et sur la représentation du vivant et ne pratiquent ni culte païen, ni culte domestique.

* : La Bible dévoilée, * : p.177 / *2 : p. 188 / *3 : p. 174 ; I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

3. 14. Entre 1250 et 1200 avant JC, Israël construit son premier lieu de culte sur le mont Ébal en Canaan.
Le culte des premiers Hébreux est difficile à connaître avec certitude puisqu'ils ne pratiquaient pas l’écrit assez couramment pour que l'on ait retrouvé des inscriptions.
Leurs tombes montrent qu'ils enterraient leurs morts sans offrande mortuaire, ce qui les éloigne des pratiques païennes de leurs voisins*. Ils ne pratiquaient pas l'art de la statuaire ; aucune sculpture n'a été retrouvée et en particulier aucune sculpture de dieux. En fait, les fouilles des villages des proto-Hébreux n'ont permis de retrouver qu'une seule statue : celle d'un taureau dans un village minuscule*. Y-avait-il déjà un interdit sur la représentation du vivant ? Cela est possible, puisque les voisins des Hébreux pratiquaient, eux, couramment l'art de la sculpture.

Le seul autel hébraïque de cette époque qui ait été identifié a été retrouvé sur une montagne, et non dans un village*.
Le mont Ébal a été fouillé à de nombreuses reprises au XXe siècle : il est couronné d'une structure en pierres qui ne ressemble à rien de connu pour cette époque. Des fragments de plâtre subsistent dans les interstices de cette construction bâtie en pierres brutes, non taillées, avec un plan incliné qui mène au sommet. Pendant longtemps, sa signification est restée incomprise. Aucune inscription ne permettait de savoir quel peuple l'avait construit ou quelle était sa fonction. Puis, en 1983, un archéologue, David Etam, fait le lien entre cette construction étrange et le texte de l'Ancien Testament où sont décrites les caractéristiques de l'autel réclamé par Yahvé. « Alors Josué édifia un autel à Yahvé, Dieu d’Israël, sur le mont Ébal, comme Moïse serviteur de Yahvé, l'avait ordonné aux Israélites, selon qu'il est écrit dans la Loi de Moïse : un autel de pierres brutes que le fer n'aura pas travaillées. Ils y offrirent des holocaustes à Yahvé et immolèrent des sacrifices de communion. » (Josué 8, 30-35). Et le Deutéronome (27, 1-10) ajoute : « ...tu dresseras de grandes pierres, tu les enduiras de chaux. »
Plus tard, le Saint des Saints du second Temple construit à Jérusalem (au VIe siècle avant JC) aura exactement la même structure. Nous sommes donc en présence d’un autel typiquement hébraïque, comme aucune autre culture n’en a édifié.

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Le mont Ébal : le premier sanctuaire hébraïque.

De nombreux ossements de daims, boucs, moutons et bovins, tous mâles et approximativement âgés d'un an ont été retrouvés calcinés au mont Ébal. Deux scarabées égyptiens fabriqués sous Ramsès II (-1279-1213) ont été retrouvés, l'un à l’extérieur de l'autel, l'autre dans une cuvette de pierre qui servait de réceptacle aux offrandes. Serait-ce l'offrande d'un dernier attachement au paganisme ? Des céramiques, dont les tessons ont été retrouvés en quantité, confirment l'occupation entre le XIIIe siècle et le XIIe siècle avant JC.
Vers -1250, sur le mont Ébal, les Hébreux, arrivés d’Égypte avec quelques souvenirs du règne de Ramsès II, ont donc construit un autel carré, en pierres non taillées, enduit de plâtre. Ils y ont sacrifié de jeunes animaux tous mâles, sauf des porcs, pendant au moins deux siècles.

Actuellement, les historiens sont arrivés à un consensus. Si l'Exode de Moïse a bien eu lieu, cela s'est passé pendant le règne de Ramsès II. L’Exode pourrait avoir eu lieu la septième année de son règne, en 1272, moment d'un conflit entre l’Égypte et Canaan**... Mais Ramsès II n'est pas mort en poursuivant les Hébreux, il est mort en – 1213, à plus de 90 ans. Les Hébreux étaient déjà arrivés en Canaan, puisque le Temple du mont Ébal existait depuis déjà quelques années. Les Hébreux subiront une défaite face à Mérenptah en -1207, en même temps que les autres habitants de Canaan. Ils attendront encore quelques années pour se sédentariser dans leurs premiers villages, à partir de -1200.
Voilà ce que l'archéologie peut nous apprendre : la longue errance de 40 ans dans le désert, si elle a eu lieu, a même trouvé une vraisemblance, et pourrait se situer entre – 1272 et -1232.

* : La Bible dévoilée, p. 174. I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.
**  Ramsès II,  p. 135 ; Christiane Desroches Noblecourt, Flammarion, 2007.

3. 15. Israël et la Terre Promise, ou comment la linguistique entretient quelques hésitations sur sa localisation.
Le Coran ne donne aucune localisation précise à la Terre Promise. Les hébreux sont convaincus qu'il s'agit de Canaan, la terre d'Israël, et l'archéologie a largement confirmé cette conviction. Mais, pour les musulmans, les preuves archéologiques ne sont pas suffisantes, leur texte saint est d'un niveau de véracité supérieure à toutes les preuves humaines, scientifiques, archéologiques ou historiques.
Or, le Coran parle de la Terre Promise des hébreux, mais ce qu'il en dit est contradictoire. En fonction de la période de la révélation, mecquoise ou médinoise, Mohamed donne des versions différentes.

Lors de la révélation mecquoise, Mohamed suggère que cette terre promise serait l'Égypte dans sa totalité :
« Pharaon, donc, voulait les éloigner de la terre. Alors Nous les noyâmes tous, lui et ceux qui étaient avec lui. Et après lui, Nous dîmes aux Enfants d'Israël : « Habitez la terre » ! » (S. 17, 103)*. Pharaon semble même vouloir « éloigner » les enfants d'Israël et Allah semble s'y être opposé : ce qui est exactement l'histoire inverse à celle de la Bible, où Pharaon souhaite initialement garder les hébreux en esclavage, avant d'accepter à contrecœur de les voir partir. Selon le Coran, les enfants d'Israël seraient donc restés en Égypte !
Un autre verset mecquois confirme cette hypothèse : les fils d’Israël seraient héritiers des dépouilles de Pharaon ! « Nous fîmes donc sortir [Pharaon et les rassembleurs] des jardins et des sources et des trésors et d’un noble lieu, comme cela ! De quoi Nous fîmes héritiers les Enfants d’Israël. » (S. 26, 57-59).

Selon les sources historiques sûres, la domination de l'Égypte s'étend sur la terre de Canaan entre 1290 avant JC sous Séthi 1er et 1176 avant JC, sous Ramsès III. C'est effectivement pendant cette période qu'a lieu l'Exode. À partir de 1250 avant JC, des proto-Hébreux se sont sédentarisés progressivement dans les Hautes Terres de Canaan. Si on fait la synthèse entre les données archéologiques et le Coran, Canaan serait donc la partie d'Égypte reçue par les Hébreux. Ce n'est pas très satisfaisant, puisque le verset, en citant les dépouilles de Pharaon, suggère que les Hébreux ont hérité en totalité de Pharaon, ce qui est historiquement faux.

À Médine, la version que le Coran présente de l'exode s'est modifiée. Mohamed raconte cette fois-ci que les Hébreux ont traversé la mer pour rejoindre leur Terre Promise : « Et Nous fîmes traverser la mer aux enfants d'Israël. Rebelles et transgresseurs, Pharaon et ses armées les poursuivirent donc. » (S. 10, 90)*.
Il ne s'agit plus de l’Égypte mais d'un autre territoire : « O mon peuple! Entrez dans la terre sacrée, que Dieu vous a prescrite. » (S. 5, 21). La terre offerte n'est pas libre mais occupée par une autre peuple : « Ils disent : O Moïse, il y a là un peuple, - de vrais tyrans. Non, jamais nous n'y entrerons, qu'ils n'en sortent. S'ils en sortent, alors, oui, nous sommes pour entrer. » (S. 5, 22). Ils doivent d'ailleurs se battre pour y entrer : « Franchissez leur porte ; puis quand vous l'aurez franchie, en vérité vous serez dominants » (S. 5, 23). La mort de pharaon n'a donc pas suffi pour qu'ils héritent tranquillement de ses dépouilles.
Dans la nouvelle présentation médinoise, les Hébreux s’installent donc maintenant hors d'Égypte ! Le récit du Coran ressemble cette fois-ci davantage à la Bible. Ne serait-ce pas la conséquence de la rencontre de Mohamed avec les juifs de Médine ?

Il y a quelques années, dans son ouvrage La Bible est née en Arabie, le professeur d'épigraphie Kamal Salibi a posé l'hypothèse que la Terre promise où se seraient installés les Hébreux en quittant l’Égypte, serait en fait en Arabie Saoudite actuelle ! Ses arguments reposent sur une similitude de certains noms entre le texte de la Bible et des localités d'Arabie antique **. Par exemple, le Pr Salibi pense que Moïse aurait fui vers le massif montagneux de Seir dans l'ouest de l'Arabie, qui aurait été confondu avec le mot Sinaï. Il faut cependant remarquer que la migration de 600 000 familles à travers le Sinaï pendant 40 ans, telle que l'a racontée le livre de l'Exode, n'a jamais eu lieu ; les fouilles en auraient retrouvé des traces. En revanche l'archéologie nous a appris que les Hébreux n'étaient que quelques centaines quand ils se sont sédentarisés en Canaan au XIIIe siècle avant JC. Une poignée de nomades aurait donc pu traverser le Sinaï sans laisser de traces. Mais, s'ils avaient été à Seir, sans passer par le Sinaï, avant d'arriver en Canaan, cela signifie qu'ils auraient traverser la mer rouge à pied sec qui est profonde de 2500 mètres dans sa faille centrale. Cela s'apparente à de l'alpinisme...

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Moïse frappe les flots avec son bâton pour ouvrir la mer rouge
(Synagogue de Doura Europos, peinte en 246 ; musée de Damas, Syrie).

Dans la montagne de at-Tā'if, près de la Mecque, une tribu arabe se nomme « Al Afram ». Ce nom ressemble à celui d' « Éphraïm », nom d'une tribu installée en Israël depuis le XIIIe siècle avant JC ! Or au VIIIe siècle avant JC, plusieurs vagues de déportation ont éparpillé les enfants d'Israël dans tout le Moyen-Orient, jusqu'à l'Égypte. La Tribu d'Éphraïm est partie avec les autres. Que certains de ses membres se soient finalement installés dans la montagne d'at-Tā'if est possible, mais ne suffit pas à prouver que l'Exode du XIIIe siècle avant JC a eu lieu vers l'Arabie ! Cela tendrait en revanche à démontrer que les membres de la Tribu d'Éphraïm a été chassée au VIIIe siècle de Canaan pour devenir les « Al Afram » en Arabie.

Le mot « Téhom » dans la Bible hébraïque signifie « abîme ». Avant la création, « Les ténèbres couvraient le Téhom » (Genèse 1, 2). Les damnés tombent au Téhom, loin de Dieu (Ps 88, 12 ; Job 26, 6 ; Job 26, 22 ; Pr 15, 11 ; Pr 27, 20).
Dans le sud-ouest de l'Arabie existe une terre nommée Tihama. La racine arabe est « THM » : qui signifie faille qui ne retient pas l'eau, c'est la même racine que le mot Tehom. Un « THM » est un abîme sans fond : une faille dans laquelle l'eau disparaît en Arabie, un néant où règne le mal dans la Bible. Mais une racine étymologique identique ne prouve pas une localisation géographique commune mais simplement une proximité linguistique entre les deux langues, l'arabe et l'hébreu. Si l'hypothèse du Pr Salibi était exacte, la terre appelée Tihama en Arabie serait donc le Téhom biblique. Cela ferait de l'Arabie Saoudite le lieu de la damnation des âmes perdues, et non la Terre promise. Comme quoi, selon l'interprétation adoptée, on obtient des résultats opposés...
Ces raisonnements basés sur la linguistique ne sont pas suffisants. Pour qu'ils aient un intérêt, encore faudrait-il qu'ils soient confirmés par des preuves archéologiques et le respect de la chronologie.

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Le Sinaï vu par satellite.

* : Le Coran décrypté, p. 199, Jacqueline Chabbi, Fayard, 2008.
** :  La Bible est née en Arabie, Kamal Salibi, Grasset, 1986.

3. 16. La Terre Promise serait-elle l'Arabie ? La chronologie des sources épigraphiques donne la réponse.

Certains pensent ainsi que la Terre Promise des Hébreux s'était trouvée en Arabie.
Revenons à la chronologie des sources épigraphiques au Moyen-Orient. Seules ces sources sont susceptibles de prouver objectivement quelle était la localisation de la Terre promise aux Hébreux quand ils ont quitté l’Égypte. En effet, l'archéologie a démontré que les traces objectives de la sédentarisation des Hébreux se trouvent en Canaan et non en Arabie. Nous allons voir que les plus anciens écrits en langues sémites trouvés en Arabie sont de 1000 ans plus tardifs que les preuves de l'installation des Hébreux dans les Hautes Terres de Canaan.

On a ainsi vu qu'une écriture inspirée d'une simplification des hiéroglyphes est apparue au XVIIIe siècle avant JC en Égypte : l'écriture sinaïtique. Elle est l’ancêtre commun des alphabets hébreu, grec, phénicien et arabe. Ces langues elles-mêmes n'existaient pas encore au XVIIIe siècle. C'est uniquement quand elles seront mises par écrit, bien plus tard,  qu'elles emprunteront l'alphabet sinaïtique en l'adaptant.

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Vase et inscription hébraïque
(Lachis entre Jérusalem et Gaza, XIIIe siècle avant JC
).

L’écrit sinaïtique lui-même est très rarement utilisé hors d’Égypte où il a laissé peu de traces, les supports utilisés étant fragiles. Le premier écrit en alphabet sinaïtique trouvé hors d’Égypte l'a été en Palestine. Il s'agit d'une tablette découverte à 'Ayn Shams en 1933. Elle a été datée du XIIIe siècle avant JC par le Pr. A. Lundin, un savant soviétique.
À partir de -1200, les phéniciens utilisent cet alphabet couramment.
Au Xe siècle, les grecs mettent en place leur alphabet et développent leur écrit.
À partir du IXe siècle, des ostraca sont utilisés en Canaan. Ce sont des tessons de poterie qui servent de support à des messages rédigés en hébreu. Ils signent le passage à l'écrit du peuple hébraïque. Au fil des siècles, ils deviendront de plus en plus nombreux.
Au IXe siècle avant JC, les arabes n'ont pas encore laissé de traces écrites. Le mot « arabe » n'existe d'ailleurs pas encore.
À partir du IXe siècle, l’hébreu laisse des traces épigraphiques en continu en Canaan.
Pendant les derniers siècles avant JC, la langue hébraïque parlée évolue vers l'araméen qui sera la langue parlée par le Christ. L'araméen d'Édesse deviendra le syriaque, langue qui sera parlée par les chrétiens du Moyen-Orient. Au Moyen-Orient, au moment où Mohamed donnera sa prédication, le peuple dominant, le plus riche, le plus instruit et le plus citadin parle syriaque.

À partir du IIe siècle avant JC, l'écriture sud-arabique, inspirée de l'alphabet de 'Ayn Shams, se développe au Sinaï, en Palestine et en Syrie. Elle sert à mettre par écrit l'ensemble des langues arabes regroupant de multiples dialectes. L'arabe classique – qui est par définition l'arabe du Coran - fera bien plus tard partie de ce groupe, mais il ne sera inventé qu'entre les VIIe et VIIIe siècles après JC, au moment de la rédaction du Coran**.
Plusieurs écritures appartiennent à cette famille sud-arabique :
- Les plus anciennes écritures sud-arabiques ont été retrouvées dans l’ouest de l'Arabie, elles sont dites tamoudéennes. Dieu y est appelé « DTM ». La déesse Ilat est dénommée « Ilt ». L'ancienneté maximale de cette écriture est le VIe s. avant JC : on a en effet découvert au nord de l'Arabie le dessin d’un char qui pourrait être assyrien.
- Mais la plupart sont nettement plus tardives et datent du premier millénaire après JC : les variétés d'écritures tamoudéennes étaient plus cursives dans le Nord de l'Arabie, et plus monumentales dans l'Oasis d'Hismā.
- Dans l'ordre chronologique, on trouve ensuite l'écriture nabatéenne, appartenant également au groupe sud-arabique. En 106 avant JC, le Royaume nabatéen de Pétra, en Jordanie actuelle, conquiert l'oasis d'Hégrā au nord de l'Arabie. Les inscriptions nabatéennes découvertes Hégrā sont rédigées dans la langue de Pétra et donc forcement postérieures à 106 avant JC, date où Pétra impose sa domination à Hégrā*.
Plus récentes, d'autres écritures datent de l'empire romain. Elles ont été découvertes dans le Hedjāz, la région de la Mecque et de Médine, exactement dans l’oasis de Taymā au nord-ouest de Yathrib (Médine). Elles sont en effet écrites  en araméen dit d’empire (il s'agit de l'empire romain), transposé dans un alphabet de la famille sud-arabique.
- Ensuite, de nombreuses inscriptions dites safaïtiques ont été retrouvées en Syrie et en Jordanie. L'une est datée de 132 après JC. Son auteur se nomme « un nabatéen de la tribu de Ruwahu ». Près du village de Rushayda en Syrie, une inscription signale la victoire de César ; elle date donc de la domination romaine. Une autre est associée à sa traduction en grec. Une autre parle des membres de la dynastie hérodienne*.
- Ce n'est qu'au IVe siècle après JC que l'on trouve enfin une écriture appartenant à des juifs en Arabie. En effet, à partir de 275 le royaume Himyarite se constitue au Sud de l’Arabie. Il se convertit au judaïsme en 380. Il va dominer l'Arabie jusqu'en 571. Il emploie un alphabet sud-arabique. Les traces épigraphiques du Yémen et d'Arabie du Sud datent de ce royaume. Cet alphabet est à l’origine du syllabaire éthiopien. La foi de ce royaume est juive mais ses sujets sont arabes et leur langue appartient à la famille des dialectes arabes. Voilà comment des juifs ont vécu en Arabie. Il ne s'agit nullement de l'Exode de Moise vers l'Arabie au XIIIe siècle avant JC, mais de la conversion d'un peuple arabe au judaïsme en 380*.

Le Coran sera écrit en alphabet syriaque, délaissant l'alphabet sud-arabique qui disparaîtra au Xe siècle. Ce choix peut sembler étrange, en effet l'écriture sud-arabique du royaume Himyarite aurait été bien mieux adaptée à la mise par écrit du Coran, puisque l'arabe dialectal de Mohamed et la langue de ce royaume appartenaient au même groupe linguistique. Il semble que les rédacteurs du Coran ait choisi l'écriture du peuple dominant politiquement et économiquement, plutôt que l'écriture la mieux adaptée à la transcription de l'arabe. Telle est l'hypothèse de Christian Robin, directeur du laboratoire d'études sémitiques anciennes au Collège de France. En effet, les langues sud-arabiques ont 29 consonnes, là ou le syriaque n'en a que 22. Le choix de l'alphabet syriaque pour la mise par écrit du Coran explique une partie des ambiguïtés du Texte saint, la même lettre signifiant plusieurs sons**.

Les traces épigraphique en Arabie sont donc postérieures à la rédaction de la Bible. Toutes ces preuves montrent que l'Exode a eu lieu vers la Palestine et non vers l'Arabie. Si un royaume juif a bien existé en Arabie, c'est uniquement entre 300 et 571 avec le royaume Himyarite.

Le Pr Salibi ne peut donc pas se contenter de faire des recherches linguistiques sur l'origine étymologique des mots, les traces épigraphiques et leur datation objective ne peuvent pas être oubliées. Les Hébreux ne sont donc pas installés en Arabie en fuyant Ramsès II au XIIIe siècle avant JC mais ils sont allés en Canaan...
Si les hébreux ont fait un crochet par l'Arabie lors de leurs pérégrinations nomades, cela n'a laissé aucune trace. Que cette hypothèse soit développée de nos jours provient uniquement des luttes antisionistes et non de l'objectivité historique.

* : La Bible et l'archéologie, p. 27, Théo Truschel, Faton, novembre 2010.
** : cours de François Bron, Section des Sciences historiques et philologiques à l’EPHE.

3. 17. Un livre de Lois pour connaître les premiers Hébreux sédentaires.
Le livre de l'Exode (aux chapitres 20 à 23) présente le Code de l'Alliance comme ayant été donné par Moïse. C'est en fait invraisemblable. Le Code de l'Alliance (qu'il ne faut pas confondre avec les 10 commandements donnés par Dieu à Moïse au Sinaï) correspond aux besoins législatifs d'une société de pasteurs-agriculteurs, et non aux besoins du peuple nomade et ouvrier que dirigeait Moïse.
Ce code pourrait dater, dans sa version orale, de l'installation des Hébreux dans les Hautes Terres. Il serait donc postérieur à Moïse. C'est ce que pensent les spécialistes de la Bible. Il contient les premières règles d'interdits alimentaires (Exode chapitres 22 et 23)
La vie rustique d'agriculteurs pratiquant la polyculture vivrière et l'élevage de petit et de gros bétail (excepté le porc) y est décrite par le biais de la Loi. Les rituels religieux sont précisés et ils sont encore très agricoles ! L'Exode (23, 14-19) décrit la fête des Azymes de Pâque (pour célébrer l'Exode), la fête des Prémices (pour commémorer les premiers fruits de la terre au printemps et le don de la Loi) et des Récoltes (lors des moissons).
La législation du mariage, de l'esclavage, de la réparation des crimes et délits nous donne un bon aperçu du quotidien. On vole du bétail et on se fait encorner par des bœufs plus ou moins pacifiques ; on fait paître son bétail dans la vigne du voisin et on séduit sa fille. Il est conseillé de ne pas m entir quand on est appelé à témoigner, de bien traiter l'étranger de passage en souvenir de la servitude en Égypte. Il est conseillé de prêter son argent sans garder en gage le dernier vêtement qui réchauffe le pauvre.
Des conseils agronomiques sont donnés qui rendent bien compte de ce que l'archéologie nous apprend d'une population nomade qui se sédentarise peu à peu. La terre reste en jachère une année sur sept pour laisser paître le bétail qui fume la terre au passage. L'alliance entre les pasteurs et agriculteurs est donc organisée. Les pasteurs-producteurs de viande viennent chercher leurs céréales auprès des agriculteurs. Puis, peu à peu, ils ensemencent eux-mêmes quelques champs et laissent une partie de la famille derrière eux pour les surveiller, puis reviennent pour la moisson. À terme, ils se sédentarisent, gardant leur bétail et cultivant leurs champs.

La Bible nous apprend que les Hébreux sont dirigés par des juges. Mi-prophètes, mi-rois, ils sont choisis par Dieu à chaque génération pour corriger le peuple qui se fourvoie dans des pratiques païennes. Leurs épopées sont racontées dans le Livre des Juges qui couvre une période allant de 1150 avant JC, à -1025, date qui marque le début de la royauté hébraïque. Pendant cette période se situe le combat homérique de Samson qui extermine 1000 Philistins avec une mâchoire d’âne avant d'être trahi par son épouse d'origine philistine, Dalila (Juges 13, 1 à 16, 31).

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Dalila coupe les cheveux de Samson (Petrus Comestor, 1370).

En fait, l'archéologie a prouvé qu'il n'y avait pas eu de combat en Canaan. De plus, l'étymologie du mot Samson, Shamshon, (en hébreu :שמשון), s'apparente au nom de Shamash, le dieu du soleil de Babylone. L'histoire de Samson serait donc un mythe. S'il n'est pas impossible que le peuple hébreu ait été infidèle à Yahvé au point que Dieu lui ait donné des juges, aucune trace archéologique ne le démontre.

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Dalila a attaché Šamsūn pour lui couper les cheveux : ce récit n'existe pas dans le Coran,
mais il est repris par la tradition musulmane
('Ağayib al-maḫlūqāt par Mahmūd Hamadānī, manuscrit persan, 1577 ; BnF).

L'archéologie nous a appris que les Hébreux n'avaient pas de culte domestique, qu'ils respectaient l'interdit sur le porc, qu'ils étaient pacifiques, qu'ils enterraient leurs morts sans offrandes et célébraient leur foi en un lieu unique de culte. Est-il invraisemblable d'imaginer que les multiples infidélités racontées dans le Livre des Juges soient simplement une transposition de ce qui se passait au moment de la rédaction de la Bible ? D'autant que le Livre des Juges rend uniquement les tribus Nord, celles du futur Israël, responsables d'apostasie, alors que celles du Sud, celles de Juda, en sont innocentes*. Or, on sait que se sont des héritiers de Juda qui ont mis la Bible par écrit et non des fils d'Israël... Comment ne pas faire le lien entre ces deux faits.

En l'an -1025, à l'aube de l'unification de leur territoire en royaume, ces villages regroupent au maximum 45 000 habitants. Les Hébreux sont totalement pacifiques. Ils sont toujours sous la dépendance de leur deux cités-états, Sichem et Urushalim, toujours contrôlées par l’Égypte.

* : La Bible dévoilée, p. 192, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

3. 18. Au même moment, les Peuples de la mer s'installent sur le littoral.
À partir XIIe siècle, le littoral cananéen évolue autrement. Les Peuples de la mer attaquent en Méditerranée, apportant la ruine des royaumes existants. Seule l’Égypte va résister. Il est probable qu'il ne s'agit pas d'une fédération unique de pirates, mais des populations civiles composées de familles entières, chassées par différentes catastrophes, qui ont conflué vers l’Égypte, grenier à blé de l'antiquité.

En -1176, Ramsès III (1184-1153 avant JC) vainc une confédération regroupant « des Peuples de la mer ». Il raconte sa victoire sur les murs du Temple de Medinet-Habou : « Les étrangers venus du nord voient leurs terres trembler, leur pays est détruit, leurs âmes sont dans la peine. Les étrangers ont conspiré dans leurs îles, mais pendant ce temps, la tempête engloutissait leur pays. Leur capitale est détruite (…) Noun [l'océan] est sorti de son lit et a projeté une vague énorme qui a englouti leur pays (...) Aucun pays ne peut résister devant leurs armes (…) Ils ont fondu sur l’Égypte, mais les flammes les attendaient à leur arrivée. Leur confédération rassemble les Philistins, les Zekker, les Shekel, les Denyen et les Weshesch, terres unies. ».

En -1176, l’Égypte leur est fermée, Ramsès III les a vaincus ; mais les Philistins s’installent au sud de la côte levantine. L'Égypte sauve son territoire, mais perd ses états tampons du Moyen-Orient.

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Bataille navale entre égyptiens et peuples de la mer
(Temple de Medinet Habou, XIIe siècle avant JC).

Les guerres de conquête des Peuples de la mer continuent jusqu'en -1130. Chypre est détruite et le royaume du Hatti disparaît. Mycène a vécu. Ougarit, grand comptoir maritime du Nord de Canaan n'est que ruine, ainsi que Megiddo et Haçor, Ashdod et Eqrôn*. Ces villes cananéennes du littoral, prospères sous protection égyptienne, sont détruites. La Bible en attribue la destruction à Josué, mais l'archéologie démontre que ce ne sont pas des Hébreux qui les ont conquises. En effet, elles ont été reconstruites dans un style différent du style cananéen antérieur. Elles montrent une architecture et des poteries typiquement égéennes, c'est à dire grecques. Leur destruction est donc le fait des Peuples de la mer*. De plus, les archives de Chypre contiennent une lettre du roi d'Ougarit, sur la côte de Canaan, décrivant son effroi devant l’arrivée de ces marins *.
Les souverains des quatre cités de Canaan : Haçor, Aphek, Lakish et Megiddo sont nommés dans le Livre de Josué, comme ayant été vaincus par Josué lors de la conquête de Canaan par les Hébreux. En fait, ces villes ont été détruites par le feu, à tour de rôle, tout au long du XIIe siècle avant JC. Ce siècle de destructions est d'une durée trop longue pour être l'œuvre d'un seul homme*.
Quand la Bible a été rédigée, l’existence de ruines impressionnantes subsistant dans le paysage a-t-elle créé le besoin d'attribuer leur origine à un ancêtre devenu mythique, en l’occurrence Josué ?

Mais Josué, s'il a existé, n'a pas éradiqué la population des Hautes Terres, ni exterminé ses rois, ni détruit les murailles de Jéricho, ni rasé ces villes. Les Hautes Terres étaient désertiques, les murailles de Jéricho n'existaient pas et les villes détruites l'ont été par d'autres. Yahvé n'a donc aidé, ni Josué, ni les juges, dans leurs œuvres de destruction massive, puisque celles-ci n'ont pas eu lieu.
Ce sont les philistins qui ont détruit Canaan.


Mais pourquoi la Bible a-t-elle raconté ces massacres de masse et ces guerres incessantes ? Pourquoi attribuer à ses propres ancêtres des destructions commises par d'autres ? N'y-a-t-il pas eu d'autres raisons à ce choix éditorialiste que la persistance dans le paysage de ruines impressionnantes ?

* : La Bible dévoilée, p 146, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.


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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:23

CHAPITRE 4 : LES DEUX ROYAUMES HÉBRAÏQUES : DAVID, SALOMON, LA REINE DE SABA...
De -1025 à -727.


4. 1. Un peu de géopolitique du XIe siècle avant JC au Moyen-Orient.
4. 2. Saül/Tālūt est sacré roi du royaume unifié des Hébreux en -1025.
4. 3. En -1005, David prend Jérusalem et fonde une dynastie royale remarquée à l'étranger.
4. 4. Le roi Salomon (970-931), bâtisseur de palais ou/et du Temple de Jérusalem ?
4. 5. Salomon, le roi magicien ?
4. 6. Salomon, roi sage, fidèle à Dieu et médiateur international ?
4. 7. En 931, le Royaume hébraïque se scinde en deux, au nord le Royaume d'Israël, au sud celui de Juda.
4. 8. En 884, un roi bâtisseur règne en Israël et non dans le royaume rival de Juda.

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4. 9. Le royaume d'Israël entre apostasie et difficulté militaire au IXe siècle.
4. 10. Jéroboam II, roi d'Israël de -788 à -747. Les premiers livres de la Bible sont écrits.
4. 11. Jonas, prophète inspiré et/ou personnage mythologique ?
4. 12. Au VIIIe siècle, le Royaume d'Israël périclite favorisant le développement de celui de Juda.
4. 13. En 722, les dix tribus d'Israël disparaissent.
4. 14. À la fin du VIIIe siècle, des reines gouvernent en Arabie, mais Saba est dirigé par un homme.

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 04:31, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:25

CHAPITRE 4 : LES DEUX ROYAUMES HÉBRAÏQUES : DAVID, SALOMON,
LA REINE DE SABA... De -1025 à -727.

4. 1. Un peu de géopolitique du XIe siècle avant JC au Moyen-Orient.

En -1100, apparaissent les araméens dans les territoires au nord d'Israël, dans l'actuelle Syrie. Leurs royaumes, celui de Aram-Damas en particulier, seront en liens avec le royaume d’Israël et de celui de Juda jusqu'au VIIe siècle. L'Ancien Testament dit que Jacob, le petit fils d'Abraham et sa femme Léa, côtoient des araméens. Jacob est un « araméen errant » selon le Deutéronome (26, 5). Si la chronologie et les filiations bibliques étaient exactes, cela ferait du petit-fils d'Abraham quelqu'un ayant vécu après le XIIe siècle avant JC. Cela est invraisemblable, puisque les Hébreux sont déjà installés en Canaan. En fait, le Deutéronome a été mis par écrit bien après et se trompe sur la chronologie.
La mention de Jacob comme « araméen errant » prouve donc que le texte biblique a été écrit après le XIIe siècle, puisque le mot araméen n'existait pas avant. C'est ainsi que procèdent les exégètes pour dater un texte : ils regardent son contenu culturel.

En -1050, la répartition des peuples en Canaan n'a pas changé. Les reliefs organisent les limites territoriales.
D'un coté, le littoral
partagé entre, d'une part, les phéniciens d'origine cananéenne qui vivent dans des comptoirs maritimes centrés sur le Liban actuel : Tyr, Sidon, Acre et Dor ; et d'autre part, les Philistins qui vivent dans cinq grandes villes : Gaza, Ashkelon, Ashdod, Ekron et Gath.

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Vaisseau phénicien, (bas relief du IIe siècle avant JC, Sidon ; musée national de Beyrouth).

De l'autre coté, les Hautes Terres où les 12 tribus d'Israël se partagent un territoire pauvre loin du littoral. Au nord, les dix tribus hébraïques d’Israël (Ruben, Isaacar, Zabulon, Dan, Nephtali, Gad, Ascher, Ephraïm, Manassé, Benjamin) sont installées autour de la ville de Sichem. Au Sud, les deux dernières tribus (Juda et Siméon) sont regroupées autour d’Urushalim/Jérusalem. Les 12 tribus hébraïques des Hautes Terres vont maintenant acquérir leur souveraineté sur les deux cités états de Sichem et de Urushalim qui les contrôlent toujours sous protection égyptienne.

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Moïse frappe le rocher pour donner à boire aux 12 Tribus lors du séjour au Sinaï
(fresque de la synagogue de Doura Europos, en 246 ; musée de Damas, Syrie).

Sur la période de -1250 à -1025 avant JC, les hébreux ont vécu pacifiquement en Canaan, isolés de leurs voisins païens du littoral et sans autonomie politique. Si leur monothéisme n'est pas prouvé par l'archéologie, rien, dans les vestiges qu'ils ont laissés, ne montre de pratiques païennes et polythéistes. Ni ex voto, ni vases de libations, ni statues d'idoles, ni offrandes dans les tombes, ni stèles, ni pieux sacrés, ni autels païens, rien qui démontre un quelconque paganisme. Les Hébreux n'ont pas de pratique païenne, mais ils rendent un culte sur le mont Ébal. Ce culte ne les rattache à aucun autre courant religieux : il se peut donc que le peuple hébreu ait été monothéiste dès le XIIIe siècle avant JC.

La Bible l'affirme, et rien n'interdit que ce soit exact.

4. 2. Saül/Tālūt est sacré roi du royaume unifié des Hébreux en -1025.

De -1025 à -1005 s'étend le règne de Saül (Tālūt, pour le Coran).

Le Premier Livre de Samuel nous apprend que le Peuple Élu ne souhaite plus être dirigé par un juge-prophète (1 Samuel, 1-9). Il désire un roi pour organiser sa protection contre les Philistins. Par son prophète Samuel, Dieu avertit des inconvénients d'avoir un roi : le peuple sera assujetti aux impôts, aux corvées et à la conscription militaire (1 Samuel 8, 10-18). Mais, comme les autres, le Peuple Élu désire avoir un roi pour faire la guerre... (1 Samuel 8, 20). Le prophète Samuel sacre donc Saül roi d'Israël (1 Samuel 10, 1). La Bible raconte les multiples guerres de Saül contre les Philistins dans les deux livres de Samuel. Son règne n'aurait été que guerres incessantes et massacres de masse. En fait, les fouilles archéologiques ont contredit la version biblique. Pendant le règne de Saül, le développement des Hautes Terres de Canaan se poursuit paisiblement. Il n'existe aucune trace de destructions, ni de combats datés de cette époque *. La Bible a, semble-t-il, extrapolé une fois de plus.

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Saül tue Nalash et les Ammonites en pratiquant un art de la guerre tout à fait médiéval. L'iconographie, comme
souvent les textes écrits, nous renseigne davantage sur leurs auteurs que sur la réalité des faits qu'ils décrivent

(Bible de Maciejowski, enluminée en France avec humour en 1250 ; Pierpont Morgan Library, New York).

La Bible raconte le départ à la guerre des fils de Jessé (1 Samuel 17, 13-19). Leur plus jeune frère encore enfant, David, les accompagne. Il relève le défi du combat singulier contre le « champion (il s'appelait Goliath, le Philistin de Gat), qui montait des lignes philistines » (Samuel 17, 23-53). Avec sa fronde, David touche le géant au front avant même que Goliath ait pu l’approcher et il le tue. Les Philistins se débandent (1 Samuel 17, 52-53). Il semble bien que ce ne soit qu'un mythe, puisque personne ne s'est battu à cette époque.

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David contre Goliath
(détail de la Bible d’Étienne de Harding, XIIe siècle ; Bibliothèque municipale de Dijon
).

Le Coran reprend la légende biblique avec une allusion à ce formidable combat de David contre Goliath (Sourate 2, 247-249). « Puis, au moment de partir avec les troupes, Tālūt (Saül) dit : « Voici : Dieu va vous éprouver au moyen d'une rivière : quiconque y boira, donc, n'est pas des miens, et qui n'y goûtera pas est des miens ; - passe pour celui qui puise un coup dans le creux de sa paume. » - Ensuite, ils burent : sauf un petit nombre d'entre eux. Puis, lorsqu'ils l'eurent franchie, lui et ceux des croyants qui l’accompagnaient, ils dirent : « Nous voilà sans force aujourd’hui contre Goliath et ses troupes ! » Ceux qui pensaient qu'ils auraient à rencontrer Dieu dirent : « Combien de fois une bande peu nombreuse a, par permission de Dieu, vaincu une bande très nombreuse ! Et Dieu est avec les endurants. » (S. 2, 249).

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David terrasse Goliath grâce à sa fronde
('Ağayib al-maḫlūqāt par Mahmūd Hamadānī, manuscrit persan, 1577 ; BnF).

Le Coran mentionne que David, inspiré par Dieu, a inventé les cottes de mailles. « Fabrique des cottes de mailles complètes, et mesure bien les mailles. » (S. 34, 10-11). Aucune cotte de mailles n'a, bien sûr, été retrouvée datée de la vie de David. Ce n'est que plusieurs siècles plus tard que la technologie pour fabriquer du fil de fer a été inventée par les Celtes en Europe. La plus ancienne cotte de mailles retrouvée date de III siècle avant JC. Les archéologues l'ont découverte à Ciumesti en Roumanie. Ce sont les romains qui utiliseront ensuite couramment le fil de fer pour fabriquer des cottes de mailles. Il s'agit donc d'un anachronisme du Coran.

D’après la Bible, dans les deux livres de Samuel, Saül meurt au combat ainsi que son fils Jonathan.
À la fin de son règne, la royauté ne se transmet pas à l'un des fils de Saül. Saül s'est révolté contre Dieu et le prophète Samuel cherche le futur roi en dehors de la famille royale. Guidé par Dieu, Samuel le trouve dans la famille de Jessé : c'est son plus jeune fils qui est choisi. Il s'agit de David.

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Samuel sacre David roi d'Israël
(fresque de 246, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie)
.

* : La Bible dévoilée, p. 205, Finkelstein, Silberman, folio histoire, 2002.

4. 3. En -1005, David prend Jérusalem et fonde une dynastie royale remarquée à l'étranger.

De -1005 à -970, le roi David règne sur les Hautes Terres de Canaan et sur les Hébreux.
La Bible raconte que David, associé à des exclus, à des personnes ruinées (1 Samuel 22) s'empare de Jérusalem sans réel combat (2 Samuel 5, 6-10)
. David y aurait fait construire un palais : « Hiram, roi de Tyr, envoya des messagers à David, et du bois de cèdre, et des charpentiers et des tailleurs de pierres, qui bâtirent une maison pour David. ». (2 Samuel 5, 11). En 2005, l'archéologue israélienne Eilat Mazar a retrouvé près du mont du Temple un palais qu'elle pense avoir été construit au XIe siècle, au cours du règne de David. Mais aucune preuve de datation n'a convaincu les autres archéologues. Le palais construit par David à Jérusalem, selon la Bible, semble bien mythique (*1). En fait, au temps de David, Jérusalem est une petite citadelle sur la corniche sud-est de la Jérusalem actuelle. Des fouilles ont retrouvé des tessons datant d'avant le règne de David, et d'autres datés d'après, mais presque rien de son règne (*2). Les tessons de poterie sont en terre cuite. La date de leur dernière cuisson peut être facilement déterminée par électroluminescence. Leur étude est donc un excellent moyen pour dater une strate archéologique. Lors du règne de David, Jérusalem était dépourvue de constructions grandioses. Elle n'était qu'un simple village d'où régnait une élite peu nombreuse sur quelques communautés éparses (*2).

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Le Roi David (Simone Martini, vers 1320).

La dynastie que fonde David ne modifie pas la vie de Canaan. Au Xe siècle, dans les strates archéologiques n’apparaît aucune modification causée par la violence. Le règne de David n'a pas commencé par une période de conquêtes militaires sanglantes, comme l'affirment la Bible (2 Samuel 8 et 2 ; Samuel 21) et le Coran (S. 2, 251). En fait, Philistins et Hébreux coexistent pacifiquement. « Saül a tué ses milliers et David ses myriades », résume pourtant le premier livre de Samuel (29, 5). Il s'agit bien d'une exagération et l'on peut se demander pourquoi ceux qui ont mis par écrit la Bible ont eu besoin d'aménager à ce point la vérité. L'oubli avait-il fait son œuvre quand la Bible a été mise par écrit, ou bien y-a-t-il eu d'autres raisons pour que les rédacteurs de la Bible transforment ainsi la réalité historique ?

La Bible attribue à David la rédaction de 20 psaumes sur les 150. Le Coran lui en attribue la totalité (S. 4, 163 et S. 17, 55). Tous les psaumes ne sont pas de David, comme en témoigne leur contenu culturel. Par exemple, le Psaume 137(136) évoque la déportation à Babylone au VIe siècle. En fait, le livre de Samuel raconte, qu'à un moment, David chante un psaume d'action de grâce, et nullement que tous les psaumes de la Bible sont de lui : « David adressa à Yahvé les paroles de ce cantique, quand Yahvé l'eut délivré de tous ses ennemis et de la main de Saül. Il dit : « Yahvé est mon roc et ma forteresse, et mon libérateur, c'est mon Dieu... » » (2 Samuel 22, 1-2).

Malgré ces approximations, l’existence de David n'est pas mythique ; elle a été confirmée par deux sources extra-bibliques. Deux pierres gravées par des royaumes voisins parlent de la dynastie de David. Elles sont datées du IXe siècle. Un siècle après son règne, le souvenir de David a perduré chez ses voisins. Ils savent que c'est lui qui a fondé la dynastie hébraïque.
La première pierre est la stèle dite de Mèsha, datée de 850 avant JC. Mésha régnait sur le royaume de Moab au IXe siècle. Elle mentionne la « maison de David » à la ligne 31.

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Stèle de Mèsha (850 avant JC ; musée du Louvre).

L'autre stèle est celle de Dan. Elle provient du royaume de Syrie. Elle est gravée sur une plaque de basalte noir. Elle est rédigée en araméen et date d'environ 835 avant JC. Elle relate la victoire d'Hazaël, roi de Syrie, contre le royaume du Nord (Israël) coalisé avec le royaume du Sud, de la « maison de David », c'est à dire le royaume de Juda. Elle a été découverte en 1993 sur le site biblique de Tel Dan dans le nord d'Israël.

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Stèle de Dan : « La maison de David » est surligné.

Les faits archéologiques objectifs montrent donc que David, fils de Jessé, règne sur une population pauvre, isolée et analphabète. Sa capacité économique, architecturale et militaire est limitée. Son existence est néanmoins démontrée par des sources extrabibliques : il a fondé la dynastie royale des Hébreux.

Le prophète Nathan prédit que cette dynastie régnera pour l'éternité. La royauté éternelle du Messie est déjà annoncée. « Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais. » (2 Samuel 7, 16). Cette prophétie sera appliquée au Christ par les chrétiens.

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L'arbre de Jessé : généalogie (schématique ou symbolique ?) du Christ qui a été représentée tout au long du Moyen Âge
(XVe siècle, bréviaire à l'usage de Besançon).

* : La Bible dévoilée, *1 : p. 223 / *2 : p. 209 ; I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

4. 4. Le roi Salomon (970-931), bâtisseur de palais ou/et du Temple de Jérusalem ?

De -970 à -931, règne Salomon, le fils de David. Roi sage, sa mémoire s'est conservée par delà les siècles.... néanmoins, plusieurs questions se posent.
Salomon a-t-il fait construire un Temple à Jérusalem ?

La Bible le dit et précise que cela a été sa première décision, prise dès le début de son règne : « Voici ce qui concerne la corvée que le roi Salomon leva pour construire le Temple de Yahvé. » (1 Rois 9, 15). Nous sommes en -969.
Mais l'archéologie n'a pas confirmé la Bible. Si le premier Temple de Jérusalem a été construit par Salomon, il n'en subsiste rien*. Il est vrai que les fouilles sont interdites sur l'esplanade du Temple à Jérusalem en raison de l'implantation des lieux de culte musulman. Selon la Bible, Salomon est un roi pieux. Sa première décision aurait été de faire construire un Temple pour héberger l'Arche d'Alliance qui a été donnée à Moïse par Dieu. La Bible rapporte que la construction du Temple dure 40 ans. Il est effectivement possible qu'il ne reste rien de la construction de Salomon, puisque le Temple a été plusieurs fois ravagé et reconstruit. Mais il faudrait le vérifier. Les musulmans sont réticents à toute vérification archéologique. La perception que les musulmans ont de la vérité - elle serait exprimée dans le Coran - leur rend difficile toute démarche objective qui contredirait leur texte saint.

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Le Temple de Salomon imaginé au IIIe siècle
(fresque de 246, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie).

Il n'existe aucune preuve formelle de l’existence d'un Temple à Jérusalem datant Salomon. Son royaume était pauvre et peu peuplé. Les tessons de poterie datés du XIe siècle sont rares. Si Salomon a fait construire un temple, il devait être minuscule, à l'image de son royaume (*1).

Le Coran, lui, ne cite jamais Jérusalem. Néanmoins, Salomon est bien un roi bâtisseur dans le Coran, mais il construit des « palais ». Aucune indication coranique ne précise que Salomon ait bâti un lieu de culte.

Salomon a-t-il fait construire les palais de Megiddo, d'Haçor et de Gézer ?
Israël a largement été fouillé depuis un siècle. Des palais somptueux ont été retrouvés à Megiddo, à Haçor, à Gézer. Ils ont été initialement attribués à Salomon puisque la Bible le raconte. « Voici ce qui concerne la corvée que le roi Salomon leva pour construire le Temple de Yahvé, son propre palais, le Millo et le mur de Jérusalem, Haçor, Megiddo, Gézer. » (1 Rois 9, 15).
Mais le carbone 14 a prouvé qu'ils n'avaient été construits que 70 ans après la mort de Salomon (*2). Aucune construction majestueuse remontant à Salomon n'a jamais été découverte en Israël. Salomon n'est donc pas un roi bâtisseur. Pourtant, à la suite de la Bible, le Coran évoque les talents de bâtisseur de Salomon (S. 34, 13 ; S. 27, 44 ...).

La Bible nous donne donc des informations erronées sur les travaux de construction de Salomon et il semble bien que ces erreurs se soient transmises au Coran.


* : La Bible dévoilée ; *1 : p. 205 / *2 : p. 221 ; I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

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Le roi Salomon bâtisseur, icône russe, XVIIe siècle.

4. 5. Salomon, le roi magicien ?

L'archéologie a démontré que Salomon n'avait rien construit, ni dans les lieux cités par la Bible, ni ailleurs.
Le Coran raconte, comme la Bible, que Salomon est un roi bâtisseur. Mais le Coran présente le roi Salomon autrement que ne le fait la Bible : Salomon est décrit comme un roi magicien (Sourate 38, 37). Suite à une grâce de Dieu, « avec la permission de son Seigneur », « bi-idhn rabbi-hi », il commande aux djinns (Sourate 21, 82 ; S. 27, 17), au vent (S. 21, 81 ; S. 38, 36 ; S. 34, 12) et aux oiseaux (S. 27, 14-22) ... et il convertit la reine de Saba (S. 27, 17-44) !

En fait, l'idée que Salomon soit un magicien trouve ses origines dans plusieurs textes écrits plus de 1000 ans après la mort de Salomon. Il s'agit de textes du Midrash juif et de textes apocryphes chrétiens écrits entre les IIe et Ve siècles. Au début du premier millénaire après JC, le Testament de Salomon est le premier récit parlant de l’anneau magique qui permettait à Salomon de gouverner les diables. Les constructions attribuées à Salomon semblaient alors suffisamment impressionnantes pour qu'un pouvoir surnaturel ait été supposé nécessaire à leur édification. Dans le Coran, les diables deviennent des djinns, mais leur fonction est la même. Grâce au travail des djinns, le Coran nous raconte que Salomon détient des moyens technologiques hors du commun. Les djinns fondent pour lui de la chaudronnerie (Sourate 34, 13) (*1). Plusieurs « mihrāb » (*1) sont bâtis, qui demeurent des constructions mystérieuses. Ce sont des palais pour les traducteurs actuels, mais ils peuvent être compris aussi comme un renfoncement contenant le trône, ou une galerie (S. 34, 13) (*1). Les djinns construisent également un « sarh » (*1). S’agit-il d'une tour ? C'est possible, puisque la tour que fait bâtir en briques d’argile le Pharaon adversaire de Moïse est elle aussi désignée par le terme de « sarh » (S. 40, 36 ; S. 38, 38) (*2). Le palais de Salomon dispose d'un dallage extraordinaire. Il est tellement transparent* que la reine de Saba le prend pour de l'eau et relève sa jupe pour ne pas se mouiller (S. 27, 44).

Les légendes musulmanes ultérieures affubleront la reine de Saba de pieds d’âne ou de pieds de chèvre. Il s'agit de reprises de textes midrashiques juifs des premiers siècles. Un texte chrétien du IIe siècle reprend les mêmes histoires fabuleuses sur la reine de Saba et la transforme en être fantastique. Il s'agit d'un ouvrage de zoologie écrit à Alexandrie par Physiologos le Naturaliste. Cet ouvrage, écrit en grec, faisait une synthèse de la zoologie grecque et de l’ésotérisme égyptien.

Dans le Coran, Salomon exerce également son pouvoir magique sur les oiseaux. Cette suggestion se trouve dans l'Apocalypse syriaque de Baruch, écrite entre les IIe et Ve siècles. Au chapitre II (27-25) de l'Apocalypse syriaque de Baruch, on voit que le messager de Salomon est un oiseau, un aigle ou une huppe. L’oiseau raconte qu’il a vu la reine adoratrice du soleil sur son trône. La huppe messagère de Salomon sera reprise dans le Coran qui en fait un récit plein de fantaisie : « [Salomon] passa en revue les oiseaux, puis il dit : « Qu'ai-je à ne pas voir la huppe ? Est-elle des absents ? Très certainement je la châtierai d'un grand châtiment ! Ou très certainement je l'égorgerai ! Ou bien elle m'apportera une raison évidente. » Mais elle n'était pas restée loin. Elle dit en effet : « J'ai vu ce que tu n'as point vu et j'apporte de Saba une nouvelle certaine : Oui, j'ai trouvé qu'une femme y règne cependant que toutes choses lui ont été données, et elle a un énorme trône. » (S. 27, 20-22).

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« Un éfrit de djinn dit [à Salomon] : « Je t'apporterai [la reine de Saba] avant que tu ne te lèves de ta place : je suis fort, certes oui, digne de
confiance ! » (Sourate 27, 39). Le roi Sulaymān (Salomon) voit arriver Balqīs (la reine de Saba), portée par un djinn. Ses oiseaux le
conseillent fidèlement, un de chaque coté de sa tête
('Ağayib al-maḫlūqāt par Mahmūd Hamadānī, manuscrit persan, 1577 ; BnF).

Le Coran et la Tradition musulmane ont donc largement puisé leurs inspirations dans des récits ésotériques des IIe au Ve siècles après JC, tant juifs que chrétiens, qui ne peuvent donc prétendre à aucune vraisemblance historique. En effet, ces textes ésotériques ont été écrits plus de 1000 ans après la mort de Salomon et ne sont confirmés par aucune source contemporaine de Salomon.

Contrairement au Coran, la Bible n'a pas inventé de roi magicien. Elle ne décrit, ni djinns soumis, ni oiseaux qui parlent. Mais elle invente Salomon, roi bâtisseur, puissant et respecté de ses voisins. Elle a un tout petit peu exagéré son importance... Aucun palais n’a été construit par Salomon.
L'archéologie est formelle : la Bible et à sa suite le Coran font donc erreur.


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La prédication de Salomon ; au premier plan, deux djinns
(
Le Lever des astres chanceux et les Sources de la souveraineté, 1582, manuscrit ottoman ; BnF).

Quant à Salomon qui commande aux oiseaux et au vent.... ce ne sont que légendes tardives, des mythes sans fondement historique qui semblent bien avoir contaminé le Coran, au contenu pourtant supposé parfait par les musulmans.

* : Le Coran décrypté, *1 : p 286-291 / *2 : p 144 ; J. Chabbi, Fayard. 2008.

4. 6. Salomon, roi sage, fidèle à Dieu et médiateur international ?

La Bible raconte le jugement de Salomon (1 Rois 3, 16-28) et la visite de la reine de Saba (1 Rois 10). Selon la Bible, Salomon est un sage qui attire ses voisins païens par son rayonnement spirituel et humain.

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Jugement de Salomon (ivoire du XIe siècle ; musée du Louvre).

Aucune trace d’alphabétisation n'a pourtant été retrouvée en Israël datant de son règne. Jamais aucune archive royale compatible avec un état puissant et citadin n'a été mise au jour. Aucune stèle gravée, aucune tablette d'argile, aucun ostracon n'a été déterré. Ce qu'on appelle ostraca sont des fragments de poteries brisées qui servent de support à l'envoi de messages. Ils perdurent au delà des siècles et peuvent être datés avec une grande précision. Les sujets de Salomon étaient donc analphabètes et n'avaient pas d'administration.

Les archives des royaumes voisins, et en particulier celles de l’Égypte, ont été largement retrouvées, mais jamais il n'est fait mention de Salomon. Le roi sage et puissant qui attire par son rayonnement les peuples étrangers n'était pas connu de ses voisins (1 Rois 5, 9-14 et Sourate 21, 78-79). David, le père de Salomon, a été signalé sur deux stèles gravées, Salomon n'a laissé aucune trace.

De plus, aucune reine de Saba n'a existé au temps de Salomon.
Le commerce du royaume d'Israël avec la péninsule arabique dont la reine de Saba est issue, ne s'est développé que deux siècles plus tard, au VIIIe siècle, quand le royaume d'Édom a bénéficié des caravanes assyriennes. Les habitants de l'Arabie du Xe siècle étaient peu nombreux et nomades. Ils n'entretenaient aucun échange international et pas davantage avec le royaume hébraïque. Aucune reine pourvue de tous les biens ne régnait alors sur eux du haut d'un trône somptueux, malgré ce qu'en raconte le Coran : « ...Une femme y règne cependant que toutes choses lui ont été données, et elle a un énorme trône. » (S. 27, 22). Le mythe de la reine de Saba est donc un anachronisme de la Bible qui s'est transmis au Coran (1 Rois 10 ; Sourate 27, 44).

Le Coran et la Bible se sont quelque peu laissés emporter par leur enthousiasme au sujet de Salomon : l'un et l'autre se trompent à son sujet : il n'est ni un roi architecte, ni un sage au rayonnement international.

Néanmoins, la Bible ne se trompe pas toujours, elle affirme que Salomon devient infidèle à Yahvé à la fin de sa vie, et l'archéologie confirme cette information. « Quand Salomon fut vieux, ses femmes détournèrent son cœur vers d'autres dieux et son cœur ne fut plus tout entier à Yahvé son Dieu. » (1 Rois 11, 4). Pour plaire à ses épouses étrangères, il multiplie les lieux de cultes païens. « C'est alors que Salomon construisit un sanctuaire à Kemosh, l'abomination de Moab, sur la montagne à l'orient de Jérusalem et à Milkom, l'abomination des Ammonites. Il en fit autant pour toutes ses femmes étrangères qui offraient de l’encens et des sacrifices à leurs dieux. » (1 Rois 11, 7-8).
L'archéologie confirme la Bible, le paganisme gagne tout Israël pendant le règne de Salomon**. Les fouilles montrent qu'entre les Xe et VIIe siècles avant JC, coexistent des cultes polythéistes (hauts-lieux, pieux sacrés, sacrifices d'enfants à Baal, prostitution sacrée) avec le culte à Yahvé. On a découvert des figurines de terre cuite de déesses de la fertilité, des encensoirs et des vases de libations**. Cela confirme ce que la Bible dit de ces multiples cultes polythéistes qui existaient dans le Royaume de Salomon (1 Rois 14, 22-24 et 2 Rois 16, 2-4). Pendant les trois siècles précédents, les proto-hébreux n'avaient pratiqué aucun culte païen ou polythéiste qui ait laissé de traces identifiables. À partir de Salomon, il va en être autrement.

Le Coran en reste, lui, à la perception du roi sage et du roi magicien.
L'auteur du Coran ignore manifestement que Salomon a été infidèle (S. 2, 102 et S. 38, 30). Salomon a été apostat, la Bible l'évoque et l'archéologie le confirme. « Alors que Salomon n'a jamais mécru ! » affirme pourtant le Coran (S. 2, 102).

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Salomon prophète de l'islam (Chirāz, Iran, 1610 ; BnF).

* : cours sur les civilisations du Proche-Orient, M. François Bron, 2002.
** : La Bible dévoilée, p. 362, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

4. 7. En 931, le Royaume hébraïque se scinde en deux, au nord le Royaume d'Israël, au sud celui de Juda.

Enfin, en 926, l’Égypte remarque qu'un royaume existe en Canaan et nous donne, pour la première fois, la confirmation d'un événement raconté par la Bible. Nous sommes en 926. Nous entrons dans une période où les récits bibliques vont devenir de plus en plus exacts historiquement et pourront être confirmés par des sources non hébraïques.

De -945 à -924, le pharaon Chéchonq Ier, de la XXIIe dynastie, règne en Égypte. Chéchonq part en guerre sur les terres de Canaan. La raison de son intervention est inconnue ; mais il détruit largement et Israël et Juda. Cette victoire est mentionnée sur un mur du temple d'Amon à Karnak qui raconte sa campagne militaire. Cette inscription de Karnak confirme le texte biblique. En effet, le premier livre des Rois (14, 25) raconte également que Chéchonq a triomphé du Roi Roboam, le fils de Salomon, dans la cinquième année de son règne, soit en -926.

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Le pharaon Chéchonq, triomphant sur le temple de Karnak.

Le royaume de Juda, au sud, a été dévasté par la pharaon Chéchonq. Juda peine à s'en remettre. Le royaume reste rural, pauvre, non alphabétisé et sans lien politique ou commercial avec ses voisins (*1). De - 931 à -914, Roboam, le fils de Salomon le gouverne, mais sa souveraineté est limité au seul royaume de Juda. En effet, selon la Bible, dès la mort de son père, Roboam a écrasé ses sujets d’impôts et le royaume d'Israël a fait sécession.
Juda compte 4000 personnes tout au plus. Jusqu'au VIIe siècle, sa spiritualité reste polythéiste. Ses prophètes des IXe et VIIIe siècles stigmatisent ce polythéisme. Jérémie (Jr 11, 13), Ézéchiel (Ez 8) et les livres des Rois critiquent ces cultes rendus aux dieux des peuples voisins : Milkon dieu d'Ammon, Kemosh dieu de Moab et Astarté déesse des Sidoniens (1 Rois 11, 5 et 2 Rois 23, 13). Ézéchiel déplore même que ce soit dans le Temple de Jérusalem que l'on vénère Tammuz, un dieu mésopotamien. L'archéologie confirme les critiques des prophètes. Même si on prie toujours Yahvé, on le fait dans de multitudes sanctuaires familiaux où d'autres divinités sont vénérées. La déesse Ashera est présentée comme l'épouse de Yahvé par une inscription du VIIIe siècle dans le site de Kuntillet Ajrud (dans le Sinaï). Dans la Shefelah, riche plaine agricole de Juda, on a retrouvé une inscription reprenant la même croyance. Il est question de « Yahvé et son Asherah »(*2).

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« Yahweh et son Askerah » (inscription du VIIIe siècle ; Kuntillet Ajrud, Sinaï).

Le mécontentement des prophètes rappelle la nécessité d'adorer Yahvé, le Dieu unique. Ils n'étaient pas écoutés et, en cela, l'archéologie confirme la Bible ; mais ils appelaient à n'adorer qu'un seul Dieu. Le monothéisme existait bien, mais il était la conviction de quelques prophètes et était peu suivi par le peuple.
Le Royaume de Juda sera gouverné de père en fils pendant quatre siècles.

Le royaume d’Israël au Nord.
Sous la tutelle de Chéchonq, Jéroboam, un fidèle du pharaon, fonde une dynastie régnant sur les dix tribus du Nord. Jéroboam installe sa capitale à Sichem et la fait fortifier.
Le royaume d'Israël du Nord est peuplé de 40 000 personnes. Grâce à ses terres arables, il développe la culture de l'olivier et de la vigne qui favorise le commerce avec ses voisins. Ses contacts commerciaux internationaux l'enrichissent mais contribuent à répandre chez lui les cultes païens de ses voisins.
Pour permettre à son peuple de prier sans se rendre à Jérusalem, Jéroboam crée deux lieux de culte consacrés à des veaux d'or : un à Béthel, l'autre à Dan (1 Rois 12, 28-30). Ce culte est païen et une prophétie, racontée dans le Premier livre des Rois (13, 1-2), annonce qu'un roi nommé Josias détruira Béthel(*3). Cette prophétie du livre des Rois se réalise exactement trois siècles après. Le temple de Béthel est détruit par le roi Josias... Mais peut-on vraiment appeler cela une prophétie ? En effet, la Bible ne sera mise par écrit qu'après la destruction de Béthel par le roi Josias. De plus, on verra que c'est ce même roi Josias qui ordonnera la mise par écrit de la Bible ! Voilà qu'une prophétie annonce l'existence de Josias, sa piété et ses œuvres, trois siècles avant son règne... mais c'est lui qui l'a faite écrire !

Nous avons vu que la plupart des informations de la Bible, quand elles n'ont pas été confirmées par l'archéologie, sont vraisemblables et jamais fantastiques comme c'est le cas dans d'autres religions antiques. Cela a suffi pour que les historiens ne prennent pas la Bible pour un livre mythologique. Mais, on voit maintenant que la volonté politique du roi en place au moment de la rédaction de la Bible a pu influer sur son contenu. Si on est croyant, entrer dans le détail de l'histoire du peuple qui a écrit la Bible permet donc de trier ce qui vient de son humanité de ce qui vient réellement de Dieu. Dans la Bible, il y a des erreurs chronologiques, des exagérations et des oublis historiques, mais pas seulement. On y trouve manifestement aussi la trace des convictions du roi qui a ordonné sa rédaction.

* : La Bible dévoilée, *1 : p. 250 / *2 : p 262 / *3 : p 255 ; I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

4. 8. En 884, Omri, un roi bâtisseur règne en Israël et non dans le royaume de Juda.

Omri est commandant en chef des armées du royaume d'Israël. En 884, il est porté au pouvoir par le peuple après une succession de coups d'état. Il fonde une dynastie remarquable à la tête du royaume d'Israël, celle des Omrides. Le livre des Rois qui sera rédigé deux siècles après par les scribes du royaume voisin, mais rival de Juda, n'a pas de mots trop durs pour qualifier son gouvernement ; mais l'archéologie a parlé.

Omri règne de 884 à 873. Il fonde une nouvelle capitale : Samarie. Son palais est somptueux. Il est installé sur le sommet d'une colline. Des travaux de terrassement impressionnants ont créé une plate forme artificielle qui n'a pas d'équivalent à l'époque. Le palais de 2 500 m2, est construit en pierre de taille et orné de chapiteaux sculptés. Une multitude d'ivoires sculptés datés du VIIIe siècle furent retrouvés dans les ruines. Il est probable qu'ils aient orné des meubles*. La Bible en 1 Rois 22, 39 l’appelle « la maison d'ivoire ». Le prophète Amos (Am 3, 15) parle des lits d'ivoire. Des centres administratifs sont construits autour, témoignant de l'alphabétisation progressive des israélites du Royaume des Omrides.

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Un ivoire découvert à Samarie, la capitale d'Omri (IXe siècle avant JC).

Samarie n'est pas la seule ville construite par Omri. Il fait construire également un palais en pierre de taille à Megiddo. La porte est défendue par une entrée à triple tenaille. Le célèbre bâtiment à piliers devait servir d'écurie. On retrouve la même architecture dans la ville d'Haçor dont le bâtiment à piliers devait servir d’entrepôt. La ville de Dan bénéficiera également des prouesses architecturales d'Omri avec ses fortifications, son podium de pierre de taille et ses bâtiments monumentaux. Ces cités sont approvisionnées en eau grâce par d'énormes tunnels qui permettent de soutenir de longs sièges*. La datation au carbone 14 est formelle, ces palais datent d'Omri et non de Salomon 70 ans plus tôt.
Yigaël Yadin (1917-1984), l'archéologue qui fouilla Megiddo, a fait remarquer que, sur la stèle de Mèsha, le roi de Moab écrit qu'il a emmené des prisonniers israélites pour construire des citernes dans son pays. Les sujets d'Omri avaient de réelles compétences en hydrologie. Nul besoin de djinns, ou d'anneaux magiques : les sujets du roi Omri étaient de bons techniciens.

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Vue aérienne de Megiddo.

Des mines de cuivre à Khirbet en-Naha, en Jordanie actuelle, ont été fouillées depuis 2005. On a supposé qu'elles dataient de David ou de Salomon puisque la Bible parle des importations de métaux précieux de Salomon (1 Rois 9, 28). Le Coran signale lui-aussi que les djinns pratiquent de la métallurgie pour Salomon (Sourate 34, 13). Mais, il semble bien que ces interprétations soient fausses. La strate la plus profonde, donc la plus ancienne du site de Khirbet en-Naha, montre effectivement une occupation humaine au Xe siècle - par datation de résidus organiques au carbone 14 - mais elle ne montre aucun résidu d'activités sidérurgiques. L’activité métallurgique date du IXe siècle. Nous sommes à nouveau sur une période contemporaine du roi Omri et non du roi Salomon qui est mort en 931. Ces mines de cuivre pourraient d'ailleurs avoir appartenu initialement au Royaume d'Édom et non à un des deux royaumes hébraïques. Une fois de plus, le souci des croyants de voir confirmer la Bible - ou le Coran – est déçu. En effet, une datation au carbone 14 est incontestable.

Au IXe siècle, Omri étend son royaume et prend possession d'une partie du Royaume de Moab. La stèle de Mèsha raconte cette conquête d'Omri. Elle nous renseigne sur l'extension maximale du royaume Israël. Le royaume d'Omri allait du Nord de la Syrie à la Transjordanie jusqu'au littoral cananéen. Ce n'est qu'alors que le site de Khirbet en-Naha s'est trouvé inclus dans le royaume d'Omri, ce qui explique probablement que les résidus de boucherie ne montrent pas d'ossements de porc dans la strate contemporaine de l'activité sidérurgique. Cela pourrait témoigner d'une occupation hébraïque sous le roi Omri.

Le royaume d'Omri, en s'étendant, englobe des populations non hébraïques. Cela renforce les pratiques polythéistes. Les mariages mixtes introduisent l’idolâtrie au plus haut de l'état. Ce paganisme est critiqué par la Bible. Est-ce pour cela que ses réussites sont attribuées à un autre ? Mais la réussite économique, politique, militaire et architecturale d'Omri ne fait aucun doute. Les infidélités répétées d'Omri semblent bien avoir fait oublier ces succès à ses biographes.

On sait enfin qui a construit les bâtiments attribués à tort à Salomon par la Bible et le Coran : à un roi d'Israël nommé Omri. Le Salomon historique fait bien pâle figure à coté d'Omri, roi ignoré du Coran et décrié par la Bible. C'est pourtant à lui, et non à Salomon, que devrait revenir la gloire de roi bâtisseur, le Carbone 14 l'a démontré. Dans la Bible, le règne d'Omri est résumé en quatre versets (1 Rois 16, 23-27). La seule construction qui lui soit attribué est celle de Samarie. L'élément marquant de son règne est la colère de Yahvé face à « ses vaines idoles ». Là encore, l'idéologie du roi Josias, lointain descendant de Salomon, semble bien avoir influé sur la façon dont il a fait raconter l'histoire du Peuple Élu.

* : La Bible dévoilée, p. 245, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

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Entrée en triple tenaille à Hazor (IXe siècle avant JC).
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Pierresuzanne

Pierresuzanne



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CHAPITRE 4 : LES DEUX ROYAUMES HÉBRAÏQUES : DAVID, SALOMON, LA REINE DE SABA...
De -1025 à -727.


4. 1. Un peu de géopolitique du XIe siècle avant JC au Moyen-Orient.
4. 2. Saül/Tālūt est sacré roi du royaume unifié des Hébreux en -1025.
4. 3. En -1005, David prend Jérusalem et fonde une dynastie royale remarquée à l'étranger.
4. 4. Le roi Salomon (970-931), bâtisseur de palais ou/et du Temple de Jérusalem ?
4. 5. Salomon, le roi magicien ?
4. 6. Salomon, roi sage, fidèle à Dieu et médiateur international ?
4. 7. En 931, le Royaume hébraïque se scinde en deux, au nord le Royaume d'Israël, au sud celui de Juda.
4. 8. En 884, un roi bâtisseur règne en Israël et non dans le royaume rival de Juda.

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4. 9. Le royaume d'Israël entre apostasie et difficulté militaire au IXe siècle.
4. 10. Jéroboam II, roi d'Israël de -788 à -747. Les premiers livres de la Bible sont écrits.
4. 11. Jonas, prophète inspiré et/ou personnage mythologique ?
4. 12. Au VIIIe siècle, le Royaume d'Israël périclite favorisant le développement de celui de Juda.
4. 13. En 722, les dix tribus d'Israël disparaissent.
4. 14. À la fin du VIIIe siècle, des reines gouvernent en Arabie, mais Saba est dirigé par un homme.

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:30

CHAPITRE 4 (FIN) : LES DEUX ROYAUMES HÉBRAÏQUES : DAVID, SALOMON,
LA REINE DE SABA... De -1025 à -727.

4. 9. Le royaume d'Israël entre apostasie et difficulté militaire au IXe siècle.
Achab, le fils d'Omri, gouverne de 873 à 852. Il épouse la célèbre Jézabel, une cananéenne polythéiste (1 Rois 16, 30-33). Elle le pousse à apostasier le Dieu unique. Les prophètes Élie et son disciple Élisée rappellent alors l'importance du culte rendu à Yahvé. Le monothéisme semble ne plus être que la conviction de quelques prophètes (1 Rois 18, 20-40 ; Sourate 37, 123-130).

Deux Royaumes voisins vont entrer en conflit avec le royaume d'Israël : celui d'Assyrie et celui d'Aram-Damas.

En -853, le roi assyrien Salmanosar III attaque Achab et ses alliés à la bataille de Qarqar. Le combat est évoqué sur la stèle nommée Monolith Inscription, découverte en 1840, par l'anglais Austen Layard.
Salmonosar III se flatte d'avoir vaincu : « Les 1 200 chars, 1 200 cavaliers et 20 000 guerriers du roi Adadezer, de Damas ; les 700 chars, 700 cavaliers et 10 000 guerriers du roi Irhuleni, d'Hamath ; les 2000 chars et 10 000 guerriers du roi Achab, l’Israélite ; les 500 guerriers de Que ; les 1 000 guerriers de Musri ; les 10 chars et 10 000 guerriers d'Irqanata ».

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La stèle dite « Monolith Inscription » (British Muséum).

En fait, Salmanosar est contraint de regagner l'Assyrie. La charrerie du royaume d'Israël l'a vaincu. Achab, malgré ses multiples apostasies, est un puissant souverain capable de maintenir les frontières du royaume agrandi par son père Omri *.

En 853, le mot « arabe » apparaît dans les archives du roi d'Assyrie Salmanazar III : « Douze rois se sont levés contre l’Assyrie, Gindibu’ l’arabe s’est joint avec 1000 chameaux lors de la bataille de Qarqar »**. Auparavant jamais le mot « arabe » n'était apparu dans aucune langue, aucun pays, aucune archive. En citant la bataille de Qarqar, les archives de Salmanazar III permettent de dater avec précision l'apparition de ce terme : l'an 853. Il sera repris dans l'Ancien Testament à quelques occasions (2 chroniques 17, 11 ; 2 chroniques 21, 16 ; Néhémie 4, 1 ; Jérémie 25, 24). Il désigne des adversaires d'Israël. Mais, en 853, la Bible n'est pas encore écrite. Ce mot est donc d'origine assyrienne. Les arabes apparaissent avec l'élevage du chameau qui est domestiqué au début du premier millénaire avant JC. Son utilisation pour traverser les déserts crée une population vivant d'élevage et de commerce caravanier : les bédouins.
Le nom d' « arabe » restera entaché d'un certain mépris jusqu'au IIe siècle après JC, moment où les habitants de la péninsule arabique l'adopteront pour se nommer eux-mêmes. Il deviendra alors source de fierté pour ceux qui se désignent ainsi. Mais le mépris qui s'attache à la vie bédouine et qui expliquait le sens péjoratif du mot « arabe », va persister. On peut remarquer que, de nos jours, dans les pays musulmans, les bédouins, les habitants nomades du désert, sont toujours l'objet d'une certaine condescendance de la part des « arabes » devenus citadins. Les arabes sont donc issus d'une population sémite vivant au moyen orient en -1000 qui s'est structurée autour de la domestication du chameau et des perspectives économiques qu'elle offrait. Les arabes n'ont donc, ni particularité ethnique, ni spécificité religieuse.

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Abū Zaïd en voyage (Les Makamat de Hariri, peintures exécutées par Yahyā-ibn-Mahmūd-al-Wāsitī, 1237 ; BnF).
Au cours des siècles, les dromadaires sont restés étroitement liés à la culture arabe.

De 851 à 842, le fils d'Achab, Joram, gouverne le royaume d'Israël. De lui commence le déclin d'Israël.
Hazael, roi de l’état voisin d’Aram-Damas, l'attaque et prend la ville de Dan en Israël.
En – 835, il y érige une stèle qui raconte comment Hazael a tué le roi Joram. La stèle de Dan a été retrouvée en 1993. La Bible raconte que, blessé par Hazael, Joram est achevé dans un coup d'état (1 Rois 19, 17). Hazael contrôle une partie d'Israël dont il dévaste les villes. Les araméens resteront maîtres de Jezréel, de Tel Rehov, de Beth-Shéân et de Tanak, comme en témoignent les ostraca, postérieurs à 835, écrits en araméen *.

Le Royaume d'Israël subsiste néanmoins, diminué, autour de Samarie, sa capitale. Le Royaume d'Israël a largement apostasié et il a été vaincu : Yahvé l'aurait-Il puni ?
La question de la Justice divine et de sa manifestation par des punitions dès ici-bas, va se poser au Peuple Élu.


* : La Bible dévoilée, p. 272, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.
** : cours sur les civilisations du Proche-Orient, M. François Bron, 2002.

4. 10. Jéroboam II, roi d'Israël de -788 à -747. Les premiers livres de la Bible sont écrits.
Le Royaume d'Israël vit regroupée autour de Samarie, sa capitale. Jéroboam II encourage l'enrichissement de son Royaume. Excellent stratège, il reprend de nombreux territoires.
Trois prophètes vivent sous son règne : Amos, Osée et Jonas. Il semble bien que les prophéties d'Amos et d'Osée ont été mises par écrit de leur vivant. Ce sont donc les plus anciens textes écrits de la Bible.
Amos est un berger vivant à la limite du désert de Juda. Il n'a aucune complaisance pour le clergé corrompu. Il critique la somptuosité des cérémonies religieuses qui font oublier l'intériorité de la spiritualité (Amos 2, 6 ; Am 5, 21-25 ; Am 6, 4). Amos critique les nobles du Royaume d'Israël, enrichis par le commerce d'huile d'olive avec les pays voisins : « Couchés sur des lits d'ivoire, vautrés sur des divans, ils mangent les agneaux du troupeau et les veaux pris à l'étable. Ils braillent au son de la harpe ; comme David, ils inventent des instruments de musique ; ils boivent le vin dans de larges coupes ; ils se frottent des meilleures huiles. » (Am 6, 4-6). Cette description du niveau de vie des nobles du Royaume du Nord d'Israël est confirmée par l'archéologie.
Amos critique ceux qui font preuve de cruauté après avoir amassé des richesses. « Écoutez ceci, vous qui écrasez le pauvre et voudriez faire disparaître les humbles du pays, vous qui dites : « Quand donc sera passée la néoménie [nouvelle lune] pour que nous vendions le grain, et le sabbat que nous écoulions le froment ? Nous diminuerons la mesure, nous augmenterons le sicle, nous fausserons les balances pour tromper. Nous achèterons les faibles à prix d'argent et le pauvre pour une paire de sandales ; et nous vendrons les déchets du froment. » (Amos 8, 4-6).

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Amos représenté en berger (Bible de Souvigny, XIIe siècle).

Au VIIIe siècle, Osée prophétise également dans le Royaume du Nord, le royaume d'Israël. Il critique, comme Amos, les alliances avec Asur et les exportations d’huile vers l’Égypte qui favorisent le paganisme. Ce commerce d'huile est confirmé par la découverte d'ostraca du VIIIe siècle décrivant des échanges commerciaux. Osée critique les cultes païens qui accompagnent ces échanges. « Assur ne nous sauvera pas, nous ne monterons plus sur des chevaux, et nous ne dirons plus « notre Dieu ! » à l’œuvre de nos mains. » (Os 14, 4).
Toutes les prophéties d'Osée sont centrées sur l'amour de Dieu. Par Osée, Dieu parle à son peuple : « Je te fiancerai à moi pour toujours, je te fiancerai dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et la miséricorde et tu connaîtras Yahvé… » (Osée 2, 21-22).

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Le prophète Osée (Pinturicchio, XVe siècle ; Italie).

Amos et Osée évoquent l'Exode hors d’Égypte, comme un événement trop connu pour qu'on y revienne (Amos 2, 10 et 9, 7 ; Osée 11, 1). Le texte de l'Exode ne sera mis par écrit qu'un siècle plus tard ! Mais on voit au travers des prophéties d'Amos et d'Osée que le récit de l'Exode existait déjà dans la tradition orale, bien avant sa mise en forme définitive dans la Bible. Amos raconte : « Et moi [Yahvé], je vous avais fait monter du pays d’Égypte, et pendant quarante ans, menés dans le désert, pour que vous possédiez le pays de l'Amorite. » (Amos 2, 10).

Les Livres d'Osée et d'Amos sont les plus anciens les textes de la Bible mis par écrit. Ils réclament au Peuple Élu un monothéisme strict, célèbrent l'Exode comme un événement majeur de leur foi et rappellent l'amour bienveillant de Dieu pour son peuple. Ils réclament un culte spirituel intériorisé, plutôt que des rituels extérieurs. Ils exigent la justice, plutôt que des sacrifices. Leurs prophéties annoncent déjà la spiritualité chrétienne.
Ni Osée, ni Amos ne sont connus du Coran.

4. 11. Jonas, prophète inspiré et/ou personnage mythologique ?

Après Osée et Amos, le dernier prophète du règne de Jéroboam II est Jonas.
Le livre des Rois contient l'histoire officielle des deux royaumes hébraïques, Juda et Israël. Le récit du Livre des Rois relatant la vie de Jonas est sobre et dépourvu de fantastique. Jonas prédit que le souverain Jéroboam vaincra l’Assyrie, en Mésopotamie, et qu'il retrouvera son territoire. La seule référence de la Bible à la vie réelle du prophète Jonas tient en un verset : « C'est lui (le roi Jeroboam) qui recouvra le territoire d'Israël, depuis l'Entrée de Hamat jusqu'à le mer de la Araba selon ce que Yahvé, Dieu d'Israël, avait dit par le ministère de son serviteur le prophète Jonas, fils d'Amittaï, qui était de Gat-Hépher » (2 R. 14, 25). Jonas signifie « colombe » en Hébreu. Le nom de son père, « Amittaï » signifie « Dieu est vérité, Dieu est fidélité ». Leur ville d'origine Amittaï se trouve en Galilée.

Le Livre dit « de Jonas », est, lui, beaucoup plus tardif. Il est écrit au Ve siècle avant JC. Il raconte l'épopée du prophète Jonas fuyant devant la volonté divine, au point de se retrouver dans le ventre d'une baleine !

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Jonas avalé par la baleine (enluminure allemande, XVIe siècle ; Erfurt).

Trois cent ans plus tard, la biographie de Jonas est devenue une histoire extraordinaire qui parle à l'imagination et qui fait, depuis lors, rêver les enfants sous toutes les latitudes. Le livre de Jonas est donc la chronique de la vie devenue légendaire du prophète Jonas dont parlait si sobrement le Livre des Rois. Il nous apprend comment Dieu appelle sans cesse les hommes avec amour, même si cela suscite l'incompréhension.

Dans le livre dit de Jonas, le prophète reproche même sa bienveillance à Dieu : « Jonas en eut un grand dépit et se fâcha. Il fit une prière à Yahvé : « Ah, Yahvé,... c’est pourquoi je m’étais d’abord enfui à Tarsis ; je savais en effet que tu es un Dieu de pitié et de tendresse, lent à la colère, riche en grâce et te repentant du mal. Maintenant, Yahvé, prends donc ma vie, car mieux vaut pour moi mourir que vivre. » » (Jonas 4, 1-3).
Yahvé n'est effectivement pas un Dieu vengeur. Face au reproche de Jonas, Yahvé fait preuve de pédagogie. Il invente un stratagème pour lui faire comprendre Sa miséricorde : « Yahvé répondit : « As-tu raison de te fâcher ? » Jonas sortit de la ville et s’assit à l’orient de la ville ; il se fit là une hutte et s’assit dessous, à l’ombre, pour voir ce qui arriverait dans la ville. Alors Dieu fit qu’il y eut un ricin qui grandit au-dessus de Jonas, afin de donner de l’ombre à sa tête et de le délivrer ainsi de son mal. Jonas éprouva une grande joie à cause du ricin. Mais à la pointe de l'aube, le lendemain, Dieu fit qu'il y eu un ver qui piqua le ricin, celui-ci sécha... Jonas fut accablé. Il demanda la mort et dit : « Mieux vaut pour moi mourir que de vivre, Dieu dit à Jonas : « As-tu raison de te fâcher pour ce ricin ? Il répondit : « Oui, j'ai bien raison d'être fâché à mort. » Yahvé répartit : « Toi, tu as de la peine pour ce ricin... et moi, je ne serais pas en peine pour Ninive, la grande ville, où il y a plus de cent vingt mille êtres humaines qui ne distinguent pas leur droite de leur gauche. » (Jonas 4, 4-11).

La Bible n'est pas habituellement un récit mythologique ou fantastique. La légende de Jonas, avec le séjour dans le ventre de la baleine est une exception notable : elle est écrite trois siècles après la vie du prophète Jonas historique.

Le Coran parle aussi de Jonas, soit Yūnus en arabe, autrement nommé Dhou'n-Noun, « l'homme au poisson » (Sourate 21, 87 ; S. 68, 48).
Le Coran raconte son séjour dans le ventre d'un poisson : « Et Jonas fut, certes oui, du nombre des Envoyés. Quand il s'enfuit vers l'arche comble ! Puis on tira au sort, et il fut de ceux qu'on devait jeter à la mer. Puis un poisson fit une bouchée de lui qui se blâmait. Puis, s'il n'avait pas été de ceux qui chantent pureté, il serait demeuré dans son ventre jusqu'au jour où l'on ressuscite. Puis nous le jetâmes sur la terre nue, indisposé qu'il était. Et Nous fîmes pousser au-dessus de lui un plant de courge, et l'envoyâmes vers cent mille hommes ou plus. » (Sourate 37, 139-147).

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Jonas avalé par le poisson
('Ağayib al-maḫlūqāt par Mahmūd Hamadānī, manuscrit persan, 1577 ; BnF).

L'histoire de Jonas dans le ventre de la baleine est un récit trop tardif pour prétendre à l'authenticité. Au fil des siècles, la vie du prophète Jonas historique est devenue mythologie. Cela en fait un conte philosophique. Son intérêt se trouve donc dans l'enseignement spirituel qu'il contient. Les chrétiens verront dans le séjour de Jonas dans l'estomac de la baleine une annonce prophétique de la mort et la résurrection du Christ. Pour les musulmans, sa place dans le Coran en fait-elle un récit véridique ? Leur conception du Coran, incarnant la vérité parfaite, peut le laisser supposer.
En -747, Jéroboam II, le roi d'Israël, décède : le déclin de son royaume s'annonce.

4. 12. Au VIIIe siècle, le Royaume d'Israël périclite favorisant le développement de celui de Juda.

Au VIIIe siècle avant JC, le royaume d'Israël compte 350 000 habitants. C'est le pays le plus peuplé du Moyen Orient. Son voisin et frère dans la foi, le royaume de Juda, est moins peuplé, 40 000 habitants. Il est misérable. Malgré la puissance du royaume d’Israël, l’Assyrie est la puissance dominante du Moyen-Orient. À partir de -745 jusqu'à -727, le roi Téglat-Phalasar III (Pûlu pour la Bible) règne en Assyrie. Achaz (743-727), le roi du pauvre royaume de Juda, choisit d'être son vassal. Il restera en dehors des conflits qui se préparent et sauvera ainsi son Royaume.

Téglat-Phalasar III marche sur le royaume d'Israël pour contraindre son roi Menahem (747-737) à lui payer tribut. Israël n'a pas retrouvé sa magnificence de l'époque omride ; elle vit regroupée autour de Samarie, cultivant et commerçant. L’invasion de l'Assyrie la conduit à la ruine. L'archéologie raconte les derniers moments, terribles, du royaume d'Israël. Le deuxième livre des Rois (2 R. 15, 29) relate la même histoire que l'archéologie. Megiddo fut préservée pour en faire un centre administratif. Quelques années après, les archives assyriennes signalent qu'un gouverneur assyrien y siège (*1). Seule Samarie, la capitale du royaume d'Israël, garde une autonomie factice au milieu d'un royaume envahi. Un bas-relief assyrien datant de Téglat-Phalasar III raconte : « Les terres de la maison d'Omri, toutes ses cités, je les ai rasées jusqu'au sol dans mes campagnes précédentes... J'ai pillé ses troupeaux, épargnant seulement Samarie l'isolée. »

Des réfugiés du royaume d'Israël fuient vers le Royaume de Juda. Il est resté à l'écart du conflit puisqu'Achaz a choisi d'être vassal de Téglat-Phalasar III. La population du royaume de Juda croît brutalement, passant de 40 000 à 120 000 habitants. Les fermes se multiplient dans les campagnes. Lakish, la seconde ville du royaume après Jérusalem, passe du statut de petit village à un centre administratif protégé par une formidable muraille. Le commerce, en particulier d'huile d'olive et de vin, se développe avec l'empire Assyrien (*2).
L’alphabétisation progresse avec l'apparition de sceaux et d'ostraca que l'archéologie a retrouvés.

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Sceau de Hâgab (VIIe siècle avant JC, découvert à Jérusalem).
Le royaume de Juda s'alphabétise enfin et des traces épigraphiques vont désormais être retrouvées.

Le Royaume de Juda a enfin la capacité de se conduire en état, avec une administration, des archives, des villes, des circuits commerciaux et des productions centralisées de poteries (*2). Cette capacité commerciale et administrative du royaume de Juda, que la Bible fait remonter à Salomon, n'existe dans les faits qu'à partir du règne Achaz, 250 ans plus tard.
Achaz accepte une pluralité de cultes, celui de Yahvé y compris. L'archéologie a retrouvé de multiples figurines de terre cuite témoignant du culte à de multiples divinités (*2). Le règne d'Achaz est un succès économique. Il a sauvé Juda grâce à sa politique de compromission et a permis le développement de son royaume. Mais il a été aussi peu fidèle que son voisin Israël. La Bible ne voit que l'apostasie d'Achaz. Même si la Bible est mise par écrit par ses descendants, son impiété conduit la Bible à critiquer l'ensemble de son règne (Is 22, 15-16 ; 2 R 16, 2-4).

Juda vit, Israël survit, les deux ont pourtant apostasié Yahvé, le Dieu Unique. Dieu punit-Il le méchant et récompense-t-Il le juste au travers des hasards de la guerre ? Ces questions se posent ! Pour l'instant, on voit que les auteurs de la Bible le pensent et présentent leurs récits pour qu'ils correspondent à leurs convictions. Israël l'infidèle est détruite, elle a été punie par Dieu. Achaz a apostasié, son règne est présenté comme un échec total par la Bible, et ceci sans tenir compte de ses réussites économiques et politiques.

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Ostracon de la fin du VIIIe siècle qui annonce un don de trois sicles au temple de Yahweh.
Cela démontre l'existence au VIIIe siècle d'un temple à Yahweh.

* : La Bible dévoilée ; *1 : p. 398 / *2 : p. 401 ; I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

4. 13. En 722, les dix tribus d'Israël disparaissent.

Yahvé semble bien punir le méchant dès cette terre : le royaume d'Israël a apostasié et il va être totalement détruit !
Osée (-732-724) est le dernier roi d'Israël. Il a conservé Samarie, la capitale et sa région. Il règne sur un royaume réduit à peu de chose. Lors de la succession de Téglat-Phalasar III (745-725), Osée tente un coup de force : il cesse de payer tribut à son successeur, Salmanasar V. Celui-ci réagit immédiatement. Samarie est prise après un siège de trois ans qui sera achevé par Sargon II, son fils.

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Sargon II (Bas-relief du palais de Dur-Sharrukin ; musée du Louvre).

Sargon II, successeur de Salmanasar V en 722, prend possession de Samarie et déporte ses artisans et ses élites.
En -721, Sargon II se vante dans ses archives d’avoir déporté 27 280 habitants et formé un bataillon royal de chars avec 200 soldats d'Israël. La Bible (2 Rois 17, 6) signale l'installation des dix tribus dans « Halah, sur le Habor, fleuve de Gozân, et dans les villes des Mèdes. ».

On estime que, sur un total de 200 000 habitants, 40 000 ont été déportés d'Israël vers l'Assyrie*. Les dix tribus d'Israël disparaissent de l'histoire. Il est même possible que l'une de ces tribus ait émigré au nord-est de l'Inde. En 1950, certains membres de la tribu des Bnei Menashe en Inde (les « enfants de Menashe ») ont constaté que certaines de leurs coutumes ancestrales étaient proches de la Loi de Moïse. Certains ont obtenu d’émigrer vers Israël après s'être convertis au judaïsme officiel, mais leur origine hébraïque reste néanmoins débattue. On peut cependant remarquer que, lors de la fondation du bouddhisme au VIe siècle avant JC, le prince indien Siddhartha reprendra exactement les Dix Commandements hébraïques.

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Au XXe siècle, Marc Chagall évoque les Douze Tribus pour la synagogue d'un hôpital de Jérusalem.

Sargon II, fidèle à sa politique de brassage des populations, installe des étrangers à la place des élites israélites déportées. La Bible les nomme : ce sont « des gens de Babylone, de Kute, d'Avva, d'Hamat et de Sepharvayim » (2 R 17, 24). L'archéologie confirme la présence de Babyloniens en Samarie par la découverte d'inscriptions cunéiformes et de poteries typiquement assyriennes*. Les paysans restent sur place. Il est probable que ce sont les descendants de ces paysans qui pratiqueront un judaïsme un peu particulier dans quelques siècles et que l'on appellera les samaritains.
C'est la fin du royaume d'Israël et la disparition des dix tribus ! Quand les scribes du royaume de Juda, le second royaume hébraïque, raconteront cette destruction, ils chercheront l'explication de sa faillite dans les apostasies d'Israël. Ils minimiseront leurs propres fautes, puisqu'eux-mêmes sont toujours autonomes. S'ils sont toujours libres, sans doute n'ont-ils pas péché tant que cela... Ils ne parviendront pas à raconter les succès d'Israël, ni ses prouesses architecturales, ni ses réussites économiques, ni ses victoires militaires. Toute leur lecture consistera à expliquer la destruction du royaume d'Israël en suivant un principe simple : Dieu récompense le bon et punit le méchant. Par Sa justice immanente, Dieu agirait donc dès cette terre...

* : La Bible dévoilée, p. 334, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

4. 14. À la fin du VIIIe siècle, des reines gouvernent en Arabie, mais Saba est dirigé par un homme.

En -753, Rome est fondée. En -750, Athènes l'est à son tour.
Au milieu du VIIIe siècle, les exploits du roi de Sukhu sont racontés sur des tablettes cunéiformes retrouvées dans les fouilles d'Ana en Mésopotamie. « Le roi [Sukhu] a pillé une caravane de 200 chameaux venant du royaume de Saba »*. C'est la première mention du royaume de Saba. Il a donc fallu attendre le VIIIe siècle pour qu'existe enfin un royaume de Saba, deux siècles après Salomon. Quelques générations de commerce caravanier à dos de chameaux ont été nécessaires pour que la richesse créée par les arabes permette l'organisation d'un royaume. Mais ce commerce international ne laissera de traces significative qu'à partir du VIIe siècle. Près de Gaza, à Tell Jenmed, on a en effet retrouvé des ossements de chameaux et de dromadaires tous adultes, signalant des animaux voués au commerce caravanier et non à l'élevage**. Au VIIIe siècle, le roi assyrien Téglat-Phalazar III qualifie Gaza, de « poste de douane de l'Assyrie » **.

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Inscription de la ville de Sirwah évoquant les sabéens et leurs conflits régionaux (VIIIe siècle).

Dans la péninsule arabique, des structures étatiques se mettent en place. Les archives des royaumes voisins en gardent le souvenir. Dans les archives de Sargon II, datées de 715 avant JC, on a retrouvé le nom d'un des souverains du royaume de Saba : « Ita'amra le Sabéen ». Il est « mukarib » et non roi *. Ce n'est que quelques siècles plus tard que le souverain de Saba deviendra roi *. Il n'y a donc ni roi, ni reine, dans le royaume de Saba.
Cependant, à la fin du VIIIe siècle, plusieurs reines des arabes sont signalées dans les archives assyriennes*.
Zabibê est reine des arabes aux alentours de 733*. Samsi est une reine révoltée contre le roi d’Assyrie Téglat-Phalasar III. Les archives de Téglat-Phalasar signalent qu'elle s’est enfuie dans le désert comme « une ânesse sauvage »**. En 690, une autre reine arabe, Te el Ronou, lutte contre les armées assyriennes qui conquièrent l'oasis de Dūmat, dans l'Arabie Saoudite actuelle. Des statues de divinités arabes sont alors ramenées en Assyrie*.
Voilà ce que l'archéologie peut nous apprendre : nous sommes à la fin du VIIIe siècle. Ces reines arabes semblent avoir fait grande impression sur les auteurs de la Bible. Dans quelques années, la rédaction de la Bible commencera et ces reines y trouveront une représentante emblématique en la personne de la reine de Saba, séduite et convertie par Salomon. Mythique reine de Saba ! Effectivement, elle l'est bien ! Le royaume de Saba n'est pas dirigé par une femme mais par un homme, qui n'est pas roi, et Salomon est mort depuis 200 ans quand des reines apparaissent en Arabie !

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Salomon rencontre la reine de Saba grâce au talent de Piero della Francesca (1452 ; Arezzo, Italie).
Salomon a régné de -970 à -931 et des reines ne sont signalées en Arabie qu'après -733.

La mise en perspective des événements historiques objectifs avec leur récit dans les livres saints apparaît bien cruelle pour les croyants. Le Coran - incarnation de la Vérité parfaite, du moins aux yeux des musulmans - n'a évité, ni les mythes, ni les approximations, ni les erreurs... et en cela, il s'est bien souvent inspiré des mythes, des approximations et des erreurs de la Bible. On peut admettre que cela soit douloureux pour les croyants, mais tous les faits relatés plus haut sont exacts. Pour les chrétiens, ce dilemme se résout plus facilement que pour les musulmans. En effet, les Évangiles donnent la définition de la Vérité parfaite : c'est le Christ lui-même, et non directement la Bible qui a été écrite par des hommes, inspirés certes, mais qui restent des hommes.

Mais ne peut-on pas imaginer qu'il reste un espace pour la foi ? Dieu a créé les hommes libres. Il vient vers eux par Ses Prophètes. Puis, Il laisse à ses créatures la liberté de comprendre Son message, d'y réfléchir et de le mettre en œuvre. Si Dieu inspire les prophètes, eux-mêmes prennent la parole avec leurs propres mots pour répercuter la parole divine. Les hommes y réfléchissent et posent des hypothèses. La Bible raconte ce chemin spirituel.... jusqu'où nous conduira-t-il ?
Jusqu'au Christ, pensent les chrétiens.
Jusqu'à Mohamed, répondent les musulmans.

* : cours de M. François Bron, 2002, sur les civilisations du Proche-Orient.
** : La Bible dévoilée, p. 398 ; , I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.
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CHAPITRE 5 : LA CROYANCE EN UN DIEU DES COMBATS :
LE DERNIER ROYAUME HÉBRAÏQUE, CELUI DE JUDA, MET LA BIBLE PAR ÉCRIT. De - 727 à – 7.


5. 1. Ézéchias (727-698), le roi de Juda, réfléchit à la défaite d'Israël.
5. 2. Yahvé est-il le Dieu des combats ? En 701, Sennachérib donne une réponse négative à Ézéchias.
5. 3. Manassé (-698 à -642) : le pragmatisme politique ne serait-il pas également bénéfique ?
5. 4. En 639, le roi Josias entre dans l'histoire en mettant la Bible par écrit.
5. 5. Sur quels arguments peut-on penser que la rédaction des premiers livres de la Bible date du roi Josias ?
5. 6. L'empire assyrien tombe, l'empire Mède le remplace pour le malheur du roi Josias.
5. 7. La Chute du royaume de Juda. En 586, le Temple de Jérusalem est détruit et l'Arche d'Alliance disparaît.

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5. 8. À Babylone, les Hébreux réfléchissent à l'action divine : vengeance, Providence divine et venue du Messie.
5. 9. Comment se manifeste la grâce de Dieu ? Isaïe et le serviteur souffrant.
5. 10. Au VIe siècle, Daniel : la résurrection des morts et la royauté spirituelle.
5. 11. Le livre de Daniel : le temps est linéaire.
5. 12. Le zoroastrisme au VIe siècle avant JC : un autre monothéisme, issu de Perse.
5. 13. Influence du zoroastrisme sur les trois monothéismes les plus connus ?
5. 14. Au VIe siècle, le Temple de Jérusalem est reconstruit. Le monothéisme juif est remarqué à l’étranger.
5. 15. L'attente messianique : le Messie doit-il être un vengeur et un chef militaire ?
5. 16. Job, la question du mal est posée. La souffrance est-elle la conséquence des péchés de l'homme ?

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5. 17. Alexandre le Grand (356-323).
5. 18. La philosophie grecque : connaissance, citoyenneté, responsabilité
5. 19. Au IIe siècle, les juifs retrouvent leur autonomie politique : le Dieu des combats aurait-il enfin répondu ?
5. 20. La dynastie hasmonéenne : le Dieu des combats a enfin répondu, une théocratie est née.
5. 21. Les romains dominent Israël et désignent Hérode, un juif iduméen, pour les représenter.

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 04:48, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:35

CHAPITRE 5 : LA CROYANCE EN UN DIEU DES COMBATS : LE DERNIER
ROYAUME HÉBRAÏQUE, CELUI DE JUDA, MET LA BIBLE PAR ÉCRIT. De - 727 à – 7.

5. 1. Ézéchias (727-698), le roi de Juda, réfléchit à la défaite d'Israël.

Jusqu'ici, Juda a vécu dans l'ombre du royaume d'Israël, son puissant voisin qui est désormais anéanti. Le Royaume de Juda va maintenant prendre sa revanche humaine et spirituelle et laisser une trace dans l'histoire de l'humanité en commençant la rédaction de la Bible.

De -727 à -698, Ézéchias, le fils d'Achaz, règne sur le Royaume de Juda. Il cherche une explication à la destruction d'Israël. Il pense la trouver dans ses apostasies répétées. Culte au veau d'or à Béthel et à Dan, multiples cultes païens : Dieu aurait puni les infidélités d'Israël (2 Rois 17, 7 à  2 Rois 20, 21).
Ézéchias en conclut que seul le retour au monothéisme strict peut sauver les Hébreux. Il fait donc détruire les temples dédiés aux autres divinités et cherche à centraliser le culte rendu à Yahvé. Tous les temples dédiés à Yahvé hors de Jérusalem sont également détruits et seul subsiste le Temple désormais unique de Jérusalem. Les fouilles confirment que les temples hébraïques hors de Jérusalem à Arad, à Tel Beer Sheva et à Lakish* - quoique dédiés à Yahvé - sont détruits sous le règne d'Ézéchias.
Puis Ézéchias, roi de Juda, invite le peuple vaincu d’Israël à venir fêter la Pâque chez lui à Jérusalem : « Ézéchias envoya des messagers à tout Israël et Juda, et écrivit même des lettres à Éphraïm et à Manassé » (2 Chroniques 30, 1).

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Grenade d'ivoire datée d'Ézéchias, avec une inscription précisant qu'il s'agit d'une offrande au temple de Yahweh.
Cela donne une preuve absolue de l'existence d'un temple dédié à Yahweh sous le règne d’Ézéchias
.

Maintenant qu'Ézéchias a démontré sa fidélité à Yahvé, Dieu devrait le soutenir. La Bible se fait l'écho de cette conviction : « C'est en Yahvé, Dieu d'Israël, qu’Ézéchias mit sa confiance. Après Lui, aucun roi de Juda ne lui fut comparable et pas plus avant lui. Il resta attaché à Yahvé sans jamais se détourner de lui et il observa les commandements que Yahvé avaient prescrits à Moïse. Aussi Yahvé fut-il avec lui et il réussit dans toutes ses entreprises. Il se révolta contre le roi d'Assyrie et ne lui fut plus soumis. C'est lui qui battit les Philistins jusqu'à Gaza, dévastant leur territoire, depuis les tours de garde jusqu'aux villes fortes. » (2 Rois 18, 5-8).
L'aide de Dieu en récompense de la piété irait donc jusqu'à donner le droit, le pouvoir et la possibilité de ravager le territoire de ses voisins et de s'y installer en maître. Voilà ce qui semble être l'hypothèse spirituelle des Hébreux quand ils racontent l'histoire d’Ézéchias. Le texte des Rois va même jusqu'à nous apprendre qu'Ézéchias a ravagé le territoire des Philistins jusqu'à Gaza...
Ézéchias se prépare militairement. Il fortifie ses villes. Il s'assure de l'adduction d'eau en vue d'un siège prolongé. Le deuxième livre des Rois (20, 20) raconte qu'Ézéchias construisit « la piscine et le canal pour apporter l'eau dans la ville ». Ce tunnel a été retrouvé au XXe siècle à Jérusalem. Il fait 512 mètres de long et un homme tient debout dedans : une inscription dite de « Siloé » raconte sa construction*.

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Le tunnel de Siloé construit par Ézéchias et détail de l'inscription de Siloé découverte au fond du tunnel.

Ézéchias organise la rébellion. En 705, il s'allie avec les ennemis de l'Assyrie, l’Égypte et la Phénicie, puis il part au combat.
Ézéchias est fidèle à Yahvé, de plus il s'est bien préparé. Selon son hypothèse, ou plutôt celle du Livre des Rois, il devrait triompher.


* : La Bible dévoilée, p. 382, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

5. 2. Yahvé est-il le Dieu des combats ? En 701,  Sennachérib donne une réponse négative à Ézéchias.
Au alentours de -704, Ézéchias part au combat contre l'assyrien Sennachérib.
Mais en -701 Sennachérib triomphe de lui. Juda est ravagé. Sennachérib renonce à prendre Jérusalem mais il pille le pays. L'archéologie montre que la plaine de la Shefalah, riche terre agricole de Juda, ne s'en est jamais remise. Un tiers de la population disparaît. Ses habitants ont été tués ou ont dû émigrer. Ses meilleures terres sont données aux Philistins des cités états du littoral*. Le pauvre Ézéchias n'a pas dominé les Philistins comme il le souhaitait (2 Rois 18, 5-8) : ce sont eux qui s’approprient ses terres.

Néanmoins, certains livres de la Bible vont présenter le recul des Assyriens devant Jérusalem comme un miracle. « Voici donc ce que dit Yahvé sur le roi d'Assyrie : « il n'entrera pas dans cette ville, il n'y lancera pas de flèche, il ne tendra pas de bouclier contre elle... Je protégerai cette ville et la sauverai à cause de moi et de mon serviteur David. » Cette même nuit, l'Ange de Yahvé sortit et frappa dans le camp assyrien cent quatre-vingt cinq mille hommes. Le matin au réveil, ce n'étaient plus que des cadavres. Sennecherib, roi d'Assyrie, leva le camp et partit. » (2 Rois 19, 33-36). S'agit-il d'une invasion de mulots véhiculant la peste qui décime son armée ? La Bible y voit la confirmation que le Dieu des armées soutient les rois pieux. Cette conviction s'exprime dans le Livre des Rois qui est le livre officiel des rois hébreux. Il se fait donc le relais de la doctrine officielle et choisit soigneusement sa façon de raconter les faits. Le Livre des Rois évoque néanmoins la destruction de Juda, mais il le fait par une simple phrase elliptique : « Toutes les villes fortes de Juda » sont prises (2 Rois 18, 13). C'est sa seule concession à la vérité historique.
Cependant, un autre livre de la Bible raconte la destruction de Juda. Michée est originaire d'une ville proche de Laschish, il parle pour les victimes, ses voisins et ses frères.

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Siège de Laschish en 701 par les troupes de Sennecherib
(sculpture retrouvée dans son palais ; British Museum).

Le prophète Michée décrit les horreurs de la guerre. Il évoque le désespoir des habitants de la plaine de la Shefalah. « À Bet-Léaphra, roulez-vous dans la poussière ! … Bet-ha-Eçel est arrachée de ses fondations, de la base de son assise ! Pourrait-elle donc espérer le bonheur, celle qui demeure à Marôt ? ... Le pillard te reviendra encore, toi qui demeures à Marescha !... Arrache tes cheveux, rase-les, pour les fils qui faisaient ta joie ! Rends-toi chauve comme le vautour, car ils sont exilés loin de toi ! » (Michée 1, 10-16).
Le prophète Isaïe, lui, défend son souverain le roi Ézéchias, dont il est conseiller. Il affirme qu'Ézéchias a été comblé des dons de Dieu (Isaïe 38, 1-20).

Les archives assyriennes confirment le triomphe de Sennachérib :
« Quant à Ézéchias, le Judéen qui refusa de m'obéir, j'ai mis le siège devant 46 de ses cités fortifiées, de ses forteresses et d'une multitude de villages des environs, et je les ai conquis à l'aide de rampes de terre fortement damées et de béliers, apportés ainsi contre les murailles... Lui-même, je l'ai gardé prisonnier à Jérusalem, sa résidence royale, comme un oiseau en cage... Ainsi ai-je rétréci son pays, mais j'ai augmenté son tribut. * ».
Le retrait miraculeux de Sennachérib devant Jérusalem, selon la Bible dans le livre des Rois, se transforme dans les archives assyriennes en l'emprisonnement, « comme un oiseau en cage » du roi Ézéchias dans sa capitale. Le miracle devant Jérusalem n'a pas impressionné Sennachérib : il domine le royaume de Juda et l’assujettit à tribut.

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Récit des campagnes de Sennacherib (704-681)
sur le prisme dit
de Taylor (British Museum).

Ézéchias est présenté comme un grand roi par la Bible, puisqu'il a restauré et centralisé le culte de Yahvé, Le Dieu Unique. Mais sa conviction que Dieu soutiendrait sa révolte a conduit à un désastre militaire.

Le Dieu des armées semble ne pas avoir répondu favorablement.
Qui est Yahvé ?
Le Dieu des combats ?
Un Autre ?
Les trois principaux monothéismes vont répondre différemment. Pour l'instant, le peuple hébreu, le seul à croire en l'unicité de Dieu, est à Sa recherche et fait des hypothèses.


* : La Bible dévoilée, p. 387, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

5. 3. Manassé (-698 à -642) : le pragmatisme politique ne serait-il pas également bénéfique ?
Après la défaite et la mort d’Ézéchias, son fils Manassé règne sur Juda au cours d'un très long règne, de -698 à -642. Il paie tribut à l'Assyrie. Son pays s'enrichit en développant son agriculture et sa population s’accroît. Les échanges commerciaux avec les Assyriens, les arabes, les Phéniciens et les Édomites réintroduisent des pratiques cultuelles largement polythéistes en Juda.

Vers 687, les premières pièces de monnaie sont frappées dans le royaume de Lydie, en Turquie actuelle, par le roi Gygès qui exploite ses mines d'électrum, mélange naturel d'or et d'argent. Jusque là, on pratiquait le troc. Des métaux précieux étaient parfois échangés contre d'autres biens, mais ces morceaux de métal n’étaient pas standardisés. Au moment où les hébreux mettront le début de la Bible par écrit, ils ne connaissent donc pas encore la monnaie. Quand ils racontent la vente de Joseph par ses frères, ils l'évaluent à « 20 sicles » : masse de métal en argent qui servait aux transactions depuis 1500 ans (Gn 37, 28). Quand le Coran sera rédigé, son auteur - ou ses auteurs – transposera le récit avec ses propres références culturelles et écrira : « Ils le vendirent à vil prix : pour quelques drachmes comptées. » (S. 12, 20). Aucune pièce de métal ne peut naturellement être comptée avant le VIIe siècle avant JC. Des masses de métal peuvent être pesées, mais compter une pièce est un concept qui appartient à une période postérieure au VIIe siècle avant JC. De plus, antérieurement, les métaux précieux revêtaient une forme de sacralité. Ils servaient d'offrandes aux temples. Ainsi, toutes les dynasties pharaoniques considéraient que « l’or est le sang des dieux ». Gygès transgresse le tabou de l'or dévolu aux dieux et lui donne une utilité profane. Il a l'idée de fabriquer des rondelles métalliques, toutes de même poids et marquées de façon identique. La monnaie était née. Des pièces de monnaie seront ensuite frappées dans toutes les civilisations. Les grecs, au Ve siècle avant JC, puis les perses sassanides, au IIIe siècle après JC, frapperont des drachmes. Alors apparaissent les premières drachmes, au Ve siècle avant JC. Les romains nommeront denarius, traduit par denier, les pièces qu'ils frappent à partir du IIIe siècle avant JC. Le dirham - ou dinar - arabe ne sera frappé qu'en 698 après JC par le calife Abd al mālik. Cela permet de dater à une période bien postérieure à la mort de Mohamed (632), les hadiths (même ceux supposés authentiques) et certains versets du Coran (Sourate al Imran 3, 75), qui emploient ce terme de dinar.

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Première pièce de l'histoire de l'humanité,
frappée en électrum par le roi Gyges, en 687 avant JC.

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Première drachme frappée dans l'histoire des hommes,
en 500 avant JC, ici tétradrachme de Corinthe.

Les prophètes d'Israël continuent à transmettre la parole de Yahvé au Peuple Élu. Leurs paroles sont inspirées, pensent les croyants ; mais peut-être sont-elles également modifiées par leurs perception humaine ? Instruit par la façon dont est raconté le règne d’Ézéchias, on peut se poser la question. Aux alentours de -640, Sophonie et Isaïe prophétisent. L'un comme l'autre attendent une revanche sanglante de la part de Yahvé, mais ils rendent l'espérance au Peuple Élu. Sophonie annonce le salut au « petit reste d'Israël ». Sophonie explique longuement que les ennemis d'Israël seront châtiés : ceux de l'occident (Sophonie 2, 4-6), ceux de l'orient (So 2, 8-9), ceux du Nord (So 2, 13-15) et ceux du Sud (So 2,12). Il prédit aussi qu'Israël va se convertir, être restauré et vivre en paix. « Ce jour là, tu n'auras plus honte de tous les méfaits que tu as commis contre moi, car j'écarterai de ton sein tes orgueilleux triomphants et tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. Je ne laisserai subsister en ton sein qu'un peuple humble et modeste. Et c'est dans le nom de Yahvé que cherchera refuge le reste d'Israël ! » (Sophonie 3, 10-13).

Le second prophète des règnes d'Ézéchias et de Manassé est Isaïe. En fait, le livre dit d'Isaïe regroupe les prophéties de trois prophètes qui ont vécu à des siècles différents. Les références culturelles qu'il contient le démontrent. Les 39 premiers chapitres du livre d'Isaïe réunissent les prophéties de ce premier Isaïe. Nous avons vu que celui-ci défend fidèlement la réputation de son maître, le roi Ézéchias. Comme Sophonie, il affirme que Dieu restaurera son peuple et il interprète les  défaites d'Israël comme des punitions de Dieu.
Le roi Manassé est apostat, mais tout lui réussit : son royaume s'enrichit*. Son pragmatisme politique lui a permis d'enrichir son royaume au prix d'une collaboration, en particulier spirituelle, avec l'ennemi. La Bible considère donc son règne comme néfaste : « Manassé... fit ce qui déplaît à Yahvé, imitant les abominations des nations que Yahvé avait chassées devant les Israélites. Il rebâtit les hauts lieux qu'avait détruits Ézéchias, son père, il éleva des autels à Baal... Il fit passer son fils par le feu ... Il multiplia les actions que Yahvé regarde comme mauvaises, provoquant ainsi sa colère... Alors Yahvé parla ainsi, par le ministère de ses serviteurs les prophètes : « Parce que Manassé, roi de Juda, a commis ces abominations, ... et qu'il a entraîné Juda lui-aussi à pécher contre les idoles,... voici que Je fais venir sur Jérusalem et sur Juda un malheur tel que les deux oreilles en tinteront à quiconque l'apprendra. Je passerai sur Jérusalem le même cordeau que sur Samarie, le même niveau que pour la maison d'Achab, je curerai Jérusalem comme on récure un plat qu'on retourne à l'envers après l'avoir récuré... Je les livrerai entre les mains de leurs ennemis, ils serviront de proie et de butin à tous leurs ennemis, parce qu'ils ont fait ce qui me déplaît et qu'ils ont provoqué ma colère. » (2 Rois 21, 1-16).

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Fresque du Temple de Bêl, où l'on voit le prêtre Conon pratiquer un sacrifice païen,
(synagogue de Doura Europos, en 246 ; musée de Damas, Syrie).

Si, comme ce texte nous l'apprend, Manassé à bien sacrifié son fils à Baal par le feu, l'horreur de Yahvé se comprend, lui qui a interdit les sacrifices humains. Néanmoins, l'objectivité oblige à constater qu'aucune guerre ne sévit dans le royaume de Juda sous Manassé. Grâce au payement d'un tribut à l'Assyrie, son royaume retrouve des forces, la population s’accroît et s'enrichit. Manassé n'est pas livré aux mains de ses ennemis*. À la fin d'un long règne, il meurt dans son lit.
Il n'est pas le premier souverain hébraïque dont la biographie est aménagée dans la Bible en fonction de la sainteté de son règne et sans tenir compte de ses réalisations gouvernementales.

* : La Bible dévoilée, p. 404, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

5. 4. En 639, le roi Josias entre dans l'histoire en mettant la Bible par écrit.
À la mort de Manassé, son fils Amon (642-639) lui succède. Il est tout aussi pécheur que son père (2 Rois 21, 19-26) et pratique les mêmes cultes païens. Scandalisés, ses serviteurs le tuent au bout de trois ans de règne et placent son jeune fils Josias sur le trône*. Ce dernier a alors 8 ans.
Le roi Josias règne de -639 à -609. Il reprend les hypothèses spirituelles de son arrière grand-père Ézéchias. Selon lui, le royaume d'Israël aurait été détruit en raison de son paganisme. Josias entreprend donc une réforme religieuse pour acquérir le soutien de Dieu. « À condition de garder tous ses commandements, [Yavhé] t'élèverait alors au dessus de toutes les nations qu'il a faites. » (Deutéronome 26, 18-19).
Josias fait détruire les temples païens, en particulier le temple dédié au veau d'or de Bethèl dans l'ancien Israël (2 Rois 23, 15). Le Temple de Jérusalem servait lui aussi au culte païen depuis le règne de Manassé. Josias le purifie. « Le roi ordonna […] de retirer du sanctuaire de Yahvé tous les objets de culte qui avaient été faits pour Baal, pour Ashera et pour toute l'armée du ciel, il les brûla en dehors de Jérusalem […]. Il supprima les faux prêtres que les rois de Juda avaient installés et qui sacrifiaient à Baal, au soleil, à la lune, aux constellations et à toute l'armée du ciel » (2 Rois 23 , 4-7).
Dans la dix-huitième année de son règne, il a 26 ans en - 622, Josias fait restaurer le Temple de Jérusalem. Lors des travaux, le Grand Prêtre Hilqiyyahu découvre un texte ancien caché dans un mur. Il s'agirait d'un Livre de la Loi authentique et inconnu (2 Rois 22, 8 et 2 Rois 23, 24). De ce Livre de la Loi, fictif ou réel, naîtra le Deutéronome. Mais, les lois du Deutéronome sont si parfaitement adaptées à l'état citadin centré sur la Jérusalem de Josias, que l'on peut douter de leur ancienneté. Il est vraisemblable que Josias l'ait fait rédiger pour adapter la Loi de Moïse à ses besoins législatifs.

Le Deutéronome, malgré son opportunisme politique, contient une nouveauté radicale. Le faible doit être protégé, non seulement par son clan, mais également par la hiérarchie de l'état. « Se trouve-t-il chez toi un pauvre d’entre tes frères, dans l'une des villes de ton pays que Yahvé ton Dieu t'a donné ? Tu n'endurciras pas ton cœur et ne fermeras ta main à ton frère pauvre, mais tu lui ouvriras ta main et tu lui prêteras ce qui lui manque. » (Dt 15, 7-8).
L'archéologie confirme la pratique de ce progrès du droit individuel. On a ainsi retrouvé, daté du règne de Josias, un ostracon où un ouvrier se plaignait à un supérieur d'avoir été dépouillé de ses vêtements lors de son travail (voir illustration). Il attendait que justice lui soit rendue par quelqu'un avec lequel il n'avait aucun lien, ni personnel, ni familial.

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Hoshayahu réclame justice au gouverneur après le vol de son vêtement
(ostracon du VIIe siècle avant JC).

Dans le Deutéronome émerge le droit des individus et le respect qui leur est dû. Dans l'histoire de l'humanité, il s'agit d'une innovation radicale. Le Deutéronome associe le rappel du Dieu unique et transcendant (la nécessité d’éradiquer tout culte païen du pays) avec la prise de conscience de la dignité de l'être humain quelles que soient sa misère et sa situation sociale.

… Et Josias fait mettre la Bible par écrit !
C'est en effet lui qui ordonne la mise par écrit des premiers livres de la Bible, ainsi que la rédaction des livres des Juges, de ceux de Samuel et de ceux des Rois. Il fait réaliser un travail théologique hors du commun.
Jusque là, la Loi de Moïse était orale ; elle va maintenant être mise par écrit. Les Tables de la Loi avec les Dix Commandements écrits par Dieu au Sinaï, restent enfermées dans le Saint du Saint du Temple de Jérusalem. Les Dix Commandements sont connus et ne changeront pas. La Loi de Moïse est autre, issue de l'histoire hébraïque et de ses multiples adaptations législatives. Elle se trouvait conservée dans la mémoire collective. Le roi Josias va la fixer et raconter en même temps l'histoire du Peuple Élu.

* : La Bible dévoilée, p. 407, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.

5. 5. Sur quels arguments peut-on penser que la rédaction des premiers livres de la Bible date du roi Josias ?
Le vocabulaire biblique et l'archéologie nous renseignent.

Les noms propres choisis par la Bible permettent de dater sa rédaction. D’abord, le récit de l'histoire du patriarche Joseph, l'arrière petit fils d'Abraham, met en scène des personnages qui portent tous des noms typiques du VIIe siècle* : le vizir Çophnat-Panéah (Genèse 41,45), l'officier Potiphar (Genèse 39,1) ; le prêtre Poti-Phéra et sa fille Asnat (Genèse 41,50). Tous portent des noms très fréquents au siècle de Josias, mais qui n'existaient pas auparavant ; et surtout pas à l'époque supposée de Joseph, 1000 ans plus tôt.
Les détails géographiques de l'Exode guidé par Moïse correspondent à la situation géopolitique du VIIe siècle (*1). La ville de Migdol (Exode 14, 2 ; Jérémie 44, 1 et Jérémie 46, 14) est celui d'une ville du delta du Nil construite au VIIe siècle. Lors de l'Exode au Sinaï, les Hébreux font de Cadès-Barnéa leur campement le plus durable (Nombres 13, 27 ; Nb 20, 1). Cette ville n'a existé qu'entre le VIIe et le VIe siècle (*2). De ce lieu, Moïse contacte le roi d'Édom. L’archéologie a montré que le Royaume d'Édom n'a existé qu'à partir du VIIe siècle avant JC**.
Finalement, le livre de Josué raconte la conquête de Canaan et donne une longue liste de villes prétendument conquises par Josué (Josué 15, 21-62). Leurs noms sont énumérés : 126 villes sont ainsi citées ! Certaines de ces villes n'existaient que depuis quelques dizaines d'années au moment du règne de Josias au VIIe siècle. Plusieurs disparaîtront à la fin de son règne. La géographie très précise du livre de Josué correspond en fait à la géographie du VIIe siècle du Royaume de Juda gouverné par Josias. Le règne de Josias est la seule période où ces 126 villes ont existé en même temps (*1). C'est donc bien au VIIe siècle avant JC qu'à été écrit le livre de Josué : six siècles après la sédentarisation des Hébreux en Canaan.
Les archéologues ont apporté une preuve plus directe de la mise par écrit de la Bible au VIIe siècle. En 1980, en fouillant des tombes antiques à Jérusalem, le Pr Barkay trouve une tombe datée de la fin du VIIe siècle ou du début du VIe siècle (la tombe numéro 25)**. Elle est contemporaine du règne du roi Josias. Au milieu de multiples objets d'or, d'argent, d'ivoire et de verre, il met au jour deux petits rouleaux d'argent ayant servi d'amulettes. Sur l'un est gravé un passage du livre des Nombres (6, 24-25) : « Que Yahvé te bénisse et qu'il te garde ; que Yahvé fasse briller sa face pour toi et te donne la paix ». C'est le plus ancien extrait de la Bible qui soit parvenu jusqu'à nous sur son support d'origine.

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Amulette en argent portant des versets du Livre des Nombres
(fin du VIIe siècle avant JC)
.

Les archéologues et les spécialistes de la Bible sont maintenant d'accord. C'est bien le souverain de Juda, le roi Josias qui a fait mettre par écrit les premiers livres de la Bible : Genèse, Exode, Nombres, Deutéronome, livre de Josué, Juges, livres de Ruth, de Samuel et des Rois. Leur rédaction s'achèvera pendant l'exode à Babylone, mais elle débute sous Josias.
Les récits de la naissance d'Israël ont donc été mis par écrit des siècles après les faits. Cela peut aisément expliquer quelques approximations historiques. Mais ce n'est pas la seule raison des approximations bibliques. La Bible honore de son respect les rois fidèles à Yahvé, ce qui est logique. Mais, quand ils ont été pieux, l'ensemble de leur règne est qualifié de bénéfique, même s'il s'est soldé par un désastre. Ézéchias en est l'exemple. La Bible « de Josias », a contrario, critique les rois apostats au point de minimiser, voire d'ignorer leurs succès humains. Ainsi Salomon se voit-il attribuer les prouesses architecturales d'Omri ! La Bible « de Josias » défend l'hypothèse spirituelle que Dieu soutient le combat du juste, y compris ses luttes armées, et qu'Il punit l'apostat dès cette vie. Josias relit toute l'histoire de Peuple Élu en fonction de cette conviction spirituelle, quitte à commettre quelques entorses avec la vérité historique.

*: La Bible dévoilée, *1 : p. 112 ; *2 : p. 399, I. Finkelstein, N. A. Silberman, folio histoire, 2002.
** : La Bible et l'archéologie, p. 27. Théo Truschel. Éditions Faton, novembre 2010.

5. 6. L'empire assyrien tombe, l'empire Mède le remplace pour le malheur du roi Josias.
L’Assyrie domine le Moyen-Orient avec une main de fer depuis un siècle. À la fin du VIIe siècle, elle s'effondre en quelques années. En -612, Cyaxare, le roi des Mèdes conquiert Ninive, la capitale de l'Assyrie. L'empire Mède prend la relève.
Le roi Josias est sincèrement convaincu que Dieu va le soutenir dans ses entreprises humaines, politiques et militaire, puisqu'il n'a accompli que des œuvres de piété. « À condition de garder tous ses commandements, [Yavhé] t'élèvera alors au dessus de toutes les nations qu'il a faites. » (Deutéronome 26, 18-19). Josias est resté un opposant farouche de l'Assyrie. Quand les Mèdes attaquent l'Assyrie, son ennemi de toujours, il prend leur partie. Apprenant que le pharaon Nékao, l'allié de l'Assyrie, partait au combat, il l'attaque sans autre raison que d'attaquer l'allié de son ennemi ! Nous sommes en 609. Mais Josias est mortellement blessé lors de l'engagement avec Nékao. Il est ramené à Jérusalem pour mourir. Le roi Josias a 39 ans (2 Rois 23, 29). Sa défaite est un désastre politique, elle va conduire en quelques années le royaume de Juda à la ruine !
Josias était un pur, un juste, un fidèle à la Loi de Moïse ; mais il est défait au combat. La conviction que Dieu soutient le combat armé du juste pourrait alors s'effondrer. Mais les rédacteurs de la Bible expliquent que Yahvé, dans sa grande colère, n'a pas encore pardonné les erreurs de Manassé (2 Rois 23, 26-27). Pour préserver leur foi en un Dieu des combats, ils ont besoin que Dieu, le Juste par excellence, punisse le petit fils des erreurs du grand-père.

Josias a fait mettre par écrit l'histoire du Peuple Élu en critiquant les rois apostats et sans tenir compte de leur réussite économique et politique. Il avait paré de victoires militaires Moïse, Josué, Saül, David et Ézéchias, en contradiction avec la réalité historique. Parce que ces hommes étaient des justes, il fallait qu'ils aient gagné leurs guerres. La plupart ne s'étaient jamais battu ; les autres avaient échoué. Ceux qui termineront le livre des Rois suivront la même ligne spirituelle. La mise en perspective de cette histoire biblique avec les découvertes archéologiques témoignent de l'adaptation idéologique et spirituelle qu'en a faite le roi Josias. Yahvé, le Dieu unique, serait donc le Dieu des armées, le Dieu des combats ! Dans les siècles suivant, la vision de Dieu restera celle qu'avait le roi Josias. Que Yahvé soutienne le bras armé de son peuple, au point de lui autoriser toutes les exactions, va en effet rester l'hypothèse de l'Ancien Testament. Toutes les implications théologiques de cette croyance vont être explorées. On attendra de Dieu la vengeance, la victoire militaire, la restauration politique ou le salut par le hasard des événements ... Bien plus tard, cette vision sera largement reprise par d'autres, elle influencera Mohamed, puis les cathares... Seul Jésus-Christ annoncera un autre Dieu.

En 609, l’Égypte domine le royaume de Juda. La victoire du pharaon Nékao II a été totale.
Mais en - 605, le roi de Babylone, Nabuchodonosor, alors tout jeune souverain, écrase les Égyptiens à Kakémish (Jérémie 46, 2). Nabuchodonosor, en dominant l’Égypte, étend sa souveraineté au royaume de Juda : il va le ruiner.

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Nabuchodonosor.

Nabuchodonosor fait le siège de Jérusalem en -597. C'est Joiakîm, le fils aîné de Josias, qui règne alors. Il se rend à Nabuchodonosor avec sa famille et il est déporté à Babylone. Jérusalem est pillée et ses artisans déportés (2 Rois 24, 10-16). Des familles entières sont obligées de quitter Jérusalem. Le prophète Daniel part avec eux. Son livre ne sera mis par écrit qu’au IIe siècle ; mais il est contemporain de cet exode.

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Le roi de Perse arrive à Jérusalem,
(fresque de 246, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie)
.

Les hébreux partent prisonniers dans un exil qui les mène vers la prestigieuse Babylone. Ils participent à la construction de sa Ziggourat à sept terrasses. De façon indirecte, les Hébreux raconteront cette expérience dans le récit nostalgique qu'ils font de la construction de la Tour de Babel. Ils adoptent la semaine de sept jours et rédigent le récit de la Création. Dans la Genèse, Dieu se glisse obligeamment dans cette vision du monde en créant l'univers en six jours, le septième étant réservé au repos.
Les Hébreux vont-ils perdre complètement leur foi en Yahvé ?
Dès -600, Habaquq prépare les Hébreux à la résistance spirituelle qui va leur être nécessaire : « Le juste vivra par sa fidélité » (Habaquq 2, 4).

5. 7. La Chute du royaume de Juda. En 586, le Temple de Jérusalem est détruit.

Nabuchodonosor a choisi Sédécias, un autre fils de Josias, pour monter sur le trône de Juda. Il le croit docile, mais Sédécias s'allie à des rois voisins pour se révolter. La réponse de Nabuchodonosor est immédiate : il envahit le Royaume de Juda et ravage ses campagnes. Les villes tombent une à une.
La chute du royaume de Juda est racontée par le prophète Jérémie (Je 37, 7). Il nous apprend qu’Azekah et Laschish furent les dernières villes à tomber. Cela est confirmé par un ostracon pathétique retrouvé lors des fouilles de Lachish en 1935 : un officier écrit à son supérieur. De la localité de Tel Maresha, il est chargé de surveiller les feux de détresse des villes assiégées par les Babyloniens. Il écrit : « Que mon seigneur sache que pour les balises de Laschish, nous les surveillons selon les indications que mon seigneur m'a donné, car nous ne voyons plus celles d'Azekah »... Azekah venait de tomber. Laschish ne va pas tarder à céder.

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L' ostracon annonçant la prise d'Azekah.

Seule Jérusalem résiste.
Les traces des combats désespérés à Jérusalem ont été repérées par les archéologues : pointes de flèches près des remparts et maisons brûlées : « Alors que la famine sévissait et que le peuple n'avait plus rien à manger, une brèche fut faite dans le rempart de la ville. Alors le roi s’échappa de nuit avec tous ses hommes de guerre... Les troupes chaldéennes poursuivirent le roi et l'atteignirent dans la plaine de Jéricho... Ils le menèrent au roi de Babylone, qui le fit passer en jugement. Il fit égorger les fils de Sédecias sous ses yeux, puis il creva les yeux de Sédécias, le mit au fer et l’emmena à Babylone. » (2 Rois 25, 3-7).

En 586 avant JC, Jérusalem est conquise : Nabuchodonosor fait détruire le Temple de Salomon. L’Arche d'Alliance, contenant les Tables de la Loi écrites par YHWH et données à Moïse, disparaît à jamais.

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L'arche d'Alliance déplacée par des Hébreux à l'occasion d'une des guerres avec les philistins, (fresque de 246, synagogue
de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie). Mais en 586 avant JC, l'Arche d’Alliance disparaît à jamais...

Le Coran fait une allusion à la chute du royaume de Juda. Même si le Coran ne cite ni Josias, ni Nabuchodonosor, deux versets vont justifier la destruction de Juda. Le « lieu de prosternation » (masdjid) d’Israël, est détruit par des soldats inspirés par Allah pour punir ses péchés : « Nous nous sommes adressés aux Enfants d'Israël dans l'Écriture : « Vous commettrez de graves péchés sur terre, par deux fois. Vous êtes destinés à chuter dans de hauts sommets d'arrogance. Quand la première fois adviendra, nous enverrons contre vous des serviteurs à nous qui possèdent une grande puissance, et ils envahiront vos maisons. Ceci est une prophétie qui doit advenir. » ». (Sourate 17, 4-5).
Selon le Coran, les soldats inspirés par Dieu détruisent les juifs restés pécheurs. Que cette défaite fasse suite immédiatement à une purification sans précèdent du culte hébraïque n'est pas relevé dans le Coran qui l’ignore manifestement. Voilà qu’Israël est détruit après s'être converti. La seconde destruction du Temple annoncée par le Coran est celle du Temple d'Hérode par les romains en 70. Même si le verset se termine par cette affirmation « Ceci est une prophétie qui doit advenir. », il ne s'agit pas à proprement parler d'une prophétie, puisque le Coran sera rédigé plusieurs siècles après les événements rapportés.

Les chrétiens, quant à eux, ne verront pas dans une défaite militaire ou dans un échec humain, la manifestation de l'approbation ou du rejet par Dieu. Selon les chrétiens, Dieu parle par le don de l'Esprit qui est discernement. Ce n'est pas directement dans les événements que les chrétiens voient la volonté de Dieu, mais dans l'interprétation qu'ils en font dans l'Esprit. Un Juste peut être exécuté sans que sa sainteté ne soit remise en question... Ainsi le Christ, le Juste par excellence, a-t-il été mis à mort ! S'il existe bien un combat voulu par Dieu, il s'agit du combat spirituel et non d'un combat armé. Pendant les premiers siècles de leur histoire, les chrétiens refuseront même absolument de prendre les armes : « Tu ne tueras pas » disent les Dix Commandements (Ex 20, 13). Ils y resteront fidèles. Parfois, les musulmans reprochent aux chrétiens de représenter le vivant, alors que le Décalogue l'interdit (Ex 20, 4). Les chrétiens ont préféré être fidèles à l'esprit des Lois du Décalogue plutôt qu'à sa lettre. L'interdiction de représenter le vivant était liée au monothéisme : Dieu interdit que l'on se prosterne devant des idoles. Aux yeux des chrétiens, être fidèlement monothéiste suffit pour obéir à ce commandement. Le « Tu ne tueras pas » est plus difficile à interpréter comme … l'autorisation de tuer. C'est seulement quand les chrétiens auront la charge du pouvoir, lors des invasions barbares du IVe siècle, qu'ils se trouveront obligés de définir les conditions d'une guerre juste. Saint Augustin s'y emploiera.

En contradiction avec les Dix Commandements, les musulmans, reprendront cette conviction d'un Dieu des combats qui manifeste son approbation par la victoire militaire... et ils rejetteront le fait que le Christ soit mort en Croix. Un juste ne saurait souffrir, l’envoyé de Dieu ne peut mourir. Il est même inconcevable qu'il connaisse la défaite... Allah manifeste son approbation directement par la force des armes et par le hasard des événements.

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La prise de Jérusalem par Nabuchodonosor
(racontée dans le
Beatus d'Urgel, manuscrit espagnol du Xe siècle).
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:40

CHAPITRE 5 : LA CROYANCE EN UN DIEU DES COMBATS :
LE DERNIER ROYAUME HÉBRAÏQUE, CELUI DE JUDA, MET LA BIBLE PAR ÉCRIT. De - 727 à – 7.


5. 1. Ézéchias (727-698), le roi de Juda, réfléchit à la défaite d'Israël.
5. 2. Yahvé est-il le Dieu des combats ? En 701, Sennachérib donne une réponse négative à Ézéchias.
5. 3. Manassé (-698 à -642) : le pragmatisme politique ne serait-il pas également bénéfique ?
5. 4. En 639, le roi Josias entre dans l'histoire en mettant la Bible par écrit.
5. 5. Sur quels arguments peut-on penser que la rédaction des premiers livres de la Bible date du roi Josias ?
5. 6. L'empire assyrien tombe, l'empire Mède le remplace pour le malheur du roi Josias.
5. 7. La Chute du royaume de Juda. En 586, le Temple de Jérusalem est détruit et l'Arche d'Alliance disparaît.

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5. 8. À Babylone, les Hébreux réfléchissent à l'action divine : vengeance, Providence divine et venue du Messie.
5. 9. Comment se manifeste la grâce de Dieu ? Isaïe et le serviteur souffrant.
5. 10. Au VIe siècle, Daniel : la résurrection des morts et la royauté spirituelle.
5. 11. Le livre de Daniel : le temps est linéaire.
5. 12. Le zoroastrisme au VIe siècle avant JC : un autre monothéisme, issu de Perse.
5. 13. Influence du zoroastrisme sur les trois monothéismes les plus connus ?
5. 14. Au VIe siècle, le Temple de Jérusalem est reconstruit. Le monothéisme juif est remarqué à l’étranger.
5. 15. L'attente messianique : le Messie doit-il être un vengeur et un chef militaire ?
5. 16. Job, la question du mal est posée. La souffrance est-elle la conséquence des péchés de l'homme ?

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5. 17. Alexandre le Grand (356-323).
5. 18. La philosophie grecque : connaissance, citoyenneté, responsabilité
5. 19. Au IIe siècle, les juifs retrouvent leur autonomie politique : le Dieu des combats aurait-il enfin répondu ?
5. 20. La dynastie hasmonéenne : le Dieu des combats a enfin répondu, une théocratie est née.
5. 21. Les romains dominent Israël et désignent Hérode, un juif iduméen, pour les représenter.

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 04:47, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:42

CHAPITRE 5 (SUITE) : LA CROYANCE EN UN DIEU DES COMBATS : LE DERNIER
ROYAUME HÉBRAÏQUE, CELUI DE JUDA, MET LA BIBLE PAR ÉCRIT. De - 727 à – 7.

5. 8. À Babylone, les Hébreux réfléchissent à l'action divine : vengeance, Providence divine et attente du Messie.

Dans l'antiquité, le sort des dieux était étroitement lié aux croyants qui leur rendaient un culte. Quand un peuple avait été vaincu par les armes, ses dieux disparaissaient avec lui. Israël étant vaincu, Yahvé va-t-Il être oublié ? Déporté à Babylone, le Peuple Élu subit effectivement l'influence des mythes sumériens. L'histoire d'Enki, le dieu de la sagesse et des eaux, chassé du jardin de la Grande déesse, explique la mortalité humaine par le péché d'Adam. Le mythe d'Utnapishtim sert à justifier le salut de quelques-uns réunis autour de Noé au milieu de la catastrophe du déluge... comme le « petit reste d'Israël » promis au salut par les prophètes Isaïe et Ézéchiel. La foi hébraïque va-t-elle se dissoudre dans le paganisme ?
Curieusement, la foi d'Israël évolue vers davantage de spiritualité. Privé de son Temple et des sacrifices sanglants, le Peuple Élu se réunit pour lire et étudier la Thora dans les premiers livres de la Bible nouvellement écrits. Un lieu de lecture communautaire apparaît avec la déportation à Babylone. Il deviendra la « synagogue », soit l' « assemblée ».

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Synagogue de Doura Europos, construite en Syrie en 245 après JC. Les premières
synagogues ne sont apparues qu'après la destruction du premier temple.

La Bible raconte l'histoire du Peuple Élu, mais cette histoire n'est pas achevée et la Bible va donc continuer à être écrite. Le Psaume 137 décrit la déportation à Babylone. « Au bord des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ; aux peupliers alentour nous avions pendu nos harpes. Et c'est là qu'ils nous demandèrent, nos geôliers, des cantiques, nos ravisseurs, de la joie : « Chantez-nous, disaient-ils, un cantique de Sion. ». Comment chanterions-nous un cantique à Yahvé sur une terre étrangère ? Si je t'oublie, Jérusalem, que ma main droite se dessèche. ». Malgré sa poésie, ce Psaume se termine par un souhait de vengeance sanguinaire : « Fille de Babel, qui doit périr, heureux qui te revaudra les maux que tu nous valus, heureux qui saisira et brisera tes petits contre le roc ! »

Le Dieu des armées n'a pas fait triompher les Hébreux militairement. Ils attendent maintenant de Lui la vengeance. Ils vont explorer un autre aspect de la grâce de Dieu : la Divine Providence.
Une fille d'Israël, Esther, épouse le roi de Babylone Assuérus (-519-465). Elle va sauver son peuple persécuté par Aman le mauvais conseiller du roi.

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Esther devant le roi de Perse,
(fresque de 246, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie).

Les œuvres d'Esther sont racontées dans le livre dit d’Esther, dans la Bible. Le Coran attribue, quant à lui, le nom d'Aman au conseiller du Pharaon de Moïse (S. 28, 6 ; S.29, 39 ; S. 40, 24-36). On a vu qu'il s'agit d'un anachronisme et plus précisément de la synthèse de deux histoires. Le Coran réunit le récit de la Tour de Babel racontée dans la Genèse (Genèse 11, 1-4) et l'histoire d'Aman, le conseiller d'Assuérus du livre d'Esther. Il les réunit et les déplace à l'époque de Moïse. En fait, Aman est bien persécuteur des Hébreux, mais il a vécu à la cour Assuérus au Ve siècle, et non à celle de Ramsès II, 700 ans plus tôt.
Dans le livre d'Esther, Aman est démasqué et les juifs sont réhabilités grâce à l'intervention de la reine Esther. Esther est un des rares livres de la Bible qui ne contienne pas le nom de Dieu. Certains des juifs les plus stricts, comme les Esséniens (ceux qui ont enterré leurs archives à Qumrân), considèrent que le Livre d'Esther ne peut pas, pour cette raison, être inclus dans la Bible. Mais ce livre est retenu dans le canon des juifs et des chrétiens. Il témoigne de l'action concrète de Dieu sur les événements. Les chrétiens nommeront « Divine Providence » cette action directe de Dieu sur les événements. Cependant, si les chrétiens pensent que Dieu peut agir sur les événements, ils restent convaincus qu'Il le fait en respectant le libre arbitre de l'homme.

De la commémoration de cette victoire hébraïque, date la fête juive de « Pourim ». Pourim signifie « hasard ». Les juifs célèbrent le soutien de Dieu qui se manifeste dans le hasard des événements. Dieu vient au secours du Peuple Élu menacé par des dangers physiques et Son aide se manifeste concrètement. Pourim est une fête joyeuse où les enfants sont particulièrement impliqués. On se déguise, on partage des friandises, on relit le livre d'Esther et on clôture la journée par un banquet.

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Esther devant Assuerus (Giovanni Andrea Sirani, 1630).

Face à cette défaite absolue, d'autres réponses spirituelles sont proposées à l'arrivée à Babylone. Pendant l'exil à Babylone, Dieu répond par Ses prophètes. Ces prophètes sont bien les fils du Peuple Élu, et leur attente passe toujours par une restauration militaire. Cependant, une autre voie commence à émerger.
Ézéchiel et le deuxième Isaïe (dont les prophéties se trouvent des chapitres 40 à 55 du Livre dit « d'Isaïe ») prophétisent alors. On se souvient que le livre d'Isaïe est un ouvrage composite qui réunit les prophéties de trois prophètes. Ézéchiel et le deuxième Isaïe vont commencer à parler de l'attente du Messie, mais d'un Messie qui est un peu différent de ce qu'attendent les juifs.
Ézéchiel a été déporté avec sa famille en Mésopotamie. Il prophétise toujours sur un Dieu vengeur qui punit les péchés et les apostasies de son peuple, mais aussi sur le triomphe spirituel de Yahvé qui reviendra vivre dans son Temple à Jérusalem et répandra sa gloire sur toute la terre (Ez chapitres 40 à 44). La venue du Messie annoncera la résurrection de la chair et des morts (Ez 37, 5-6). Émerge alors l'idée d'une vie après la vie terrestre. La récompense de Dieu ne serait alors plus uniquement à espérer dans ce monde.
Le deuxième Isaïe est né en exil à Babylone. Il parle pour la première fois d'un serviteur souffrant (Is 42-1-4; Is 49-1-6 ; Is 50-4-9 ; Is 52-13-53). Serait-il possible que le Messie connaisse la souffrance et la mort avant de connaître le triomphe.
La grande fracture de la déportation à Babylone ouvre une période d'intense réflexion morale et théologique pendant laquelle les prophètes transmettent une parole inspirée qui ouvrent de nouvelles perspectives spirituelles : fidélité dans l'épreuve, attente de la vengeance armée, espérance en la divine Providence et venue d'un Messie.

5. 9. Comment se manifeste la grâce de Dieu ? Isaïe et le serviteur souffrant.
Isaïe vit pendant l'exil à Babylone. Il va inaugurer une voie radicalement nouvelle : il annonce que le serviteur de Dieu choisira de vivre la souffrance des hommes à leur coté, plutôt que de faire des miracles pour supprimer toutes les difficultés.

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Possible représentation d'Isaïe,
(fresque de 246, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie).

Si nous aspirons à des solutions faciles et immédiates, cette réponse est décevante. Mais la venue de Jésus-Christ va donner à la prophétie d'Isaïe une surprenante confirmation. Dieu n'abandonne pas les hommes à la souffrance dans l’indifférence. Il choisit d'en faire Lui-même l'expérience. Ceux qui ont connu la souffrance savent que l'on ne peut ni décrire, ni transmettre cette sensation : elle se vit mais ne se communique pas. Dieu va choisir librement de connaître l’écrasement de l'angoisse sans espoir, de la douleur physique sans remède et Il va les vivre dans la sainteté, fidèle jusqu’au bout à son message d'amour et de paix. Ainsi l'ont compris les chrétiens. Six siècles avant la naissance du Christ, Isaïe annonce le Serviteur souffrant qui va mourir avec sainteté dans la souffrance, pour la rédemption des péchés de l'humanité. Il acquerra ainsi la domination sur le monde :
« Mon serviteur réussira, dit le Seigneur, il montera, il s'élèvera, il sera exalté ! La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu'il ne ressemblait plus à un homme, il n'avait plus l'aspect d'un fils d'Adam. Et voila qu'il consacrera une multitude de nations ; devant lui les rois resteront bouche bée, car ils verront ce qu'on ne leur avait jamais dit, ils découvriront ce dont ils n'avaient jamais entendu parler...
Il n'était ni beau, ni brillant pour attirer nos regards, son extérieur n'avait rien pour nous plaire. Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable aux lépreux dont on détourne le regard ; et nous l'avons méprisé et compté pour rien. Pourtant, c'étaient nos souffrances qu'il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous pensions qu'il était châtié, frappé par Dieu, humilié. Or, c'est à cause de nos fautes qu'il a été transpercé, c'est par nos péchés qu'il a été broyé. Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et c'est par ses blessures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.
Maltraité, il s'humilie, il n'ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l'abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n'ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s'est soucié de son destin ? Il a été retranché de la terre des vivants, frappé à cause des péchés de son peuple. On l'a enterré avec les mécréants, son tombeau est avec ceux des enrichis ; et pourtant il n'a pas commis l'injustice, ni proféré le m ensonge. Broyé par la souffrance, il a plu au Seigneur. Mais, s'il a fait de sa vie un sacrifice d'expiation, il verra sa descendance. Il prolongera ses jours : par lui s'accomplira la volonté du Seigneur.
» (Isaïe 52, 13 à 53,12).

Le texte d’Isaïe a été retrouvé parmi les manuscrits de la mer Morte, à Qumrân. L'exemplaire de Qumrân a été écrit deux siècles avant la vie de Jésus. Ce texte n'a donc pas été rectifié pour correspondre à la passion du Christ. Il s'agit d'une authentique prophétie. La dénomination de « Serviteur souffrant » sera appliquée au Christ par les quatre évangélistes (Luc 22, 37 ; Marc 10, 45 ; Matthieu 12, 17-21 ; Jean 1, 29).
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Le rouleau d'Isaïe (Qumran, IIe siècle avant JC).

Dieu n'est pas Celui qui se venge et triomphe par les armes ou la force, mais Celui qui S'offre dans la souffrance pour racheter l'humanité. Les hommes restent responsables de la terre et libres de construire ou non une « civilisation de l'amour ». Yahvé n'agit pas à leur place. Il peut le faire, certes - il s'agit alors de la Divine Providence - mais Son action est d'abord spirituelle et respecte toujours le libre-arbitre des hommes. Dieu libère l'humanité du péché et de la mort, puis la guide par son Esprit. Cependant, le Christ le précisera : il doit partir et mourir dans la souffrance pour que l'Esprit vienne éclairer l'humanité (Jean 16, 7).

Le cœur du salut chrétien passe donc par la mort et la résurrection de leur Seigneur.
Néanmoins, cette conviction spirituelle pose des questions.
Pourquoi faut-il que Jésus souffre pour acquérir le salut de l'humanité ?

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Crucifixion du Christ (retable d'Isenheim, 1515, Matthias Grünewald).

Éloignés de l'intimité divine, les hommes ne peuvent que répondre avec leur expérience humaine. La vie humaine est emplie de douleur, c'est un fait. Comment Dieu, dans Sa justice, peut-Il appeler les hommes à une vie sainte quoique douloureuse, sans connaître Lui-même la souffrance ? Comment les hommes peuvent-ils vivre saintement l'écrasement par la souffrance, sans un exemple parfait à suivre ? Après avoir survécu à la souffrance, vont-ils ne plus se préoccuper que de leur bien-être ? Ou bien vont-ils se tourner avec compassion vers leurs frères souffrants ? Le Christ nous ouvre un chemin. Il est sans péché, et il a néanmoins souffert. Les croyances superstitieuses qui lient souffrance et péchés, sont dépassées. Non seulement le malheur des hommes n'est plus la preuve de leurs péchés, mais les voilà revêtus d'une incomparable dignité. Devenus souffrants, ils sont à l'image du Rédempteur de l'homme. Ils deviendront l'objet des soins attentifs et de la compassion des chrétiens. L'égoïsme du cœur humain a trouvé son remède dans la souffrance du Christ.

Comment la souffrance d'un Juste peut-elle être rédemptrice ?
Bien des hommes sont morts dans des conditions atroces, aucun n'a sauvé le monde par sa souffrance. La particularité du Christ n'est donc pas sa souffrance, mais sa sainteté. N'est-il pas plus juste de penser que ce n'est pas directement la douleur du Christ qui obtient le salut, mais la sainteté avec laquelle il subit librement sa passion ? Ne peut-on pas supposer que seule son « obéissance jusqu'à la mort » (Philippiens 2, 8) permet la Rédemption ? Mais ce raisonnement même est insuffisant. La sainteté du Christ est admirable mais comment pourrait-elle être rédemptrice et pourquoi le serait-elle ? Finalement, seule la divinité du Christ rend possible la rédemption par Sa souffrance. Dieu seul a le pourvoir de sauver, de pardonner et de donner la vie éternelle. Si Jésus n'était pas Dieu, sa passion ne serait pas rédemptrice.

Comment alors ne pas sombrer dans le masochisme face à une rédemption humaine si chèrement acquise ?
Mais la souffrance et la mort du Christ ne sont pas l'accomplissement de sa passion. Leur achèvement se trouve dans la résurrection. Isaïe lui-même l'a prophétisé : « Mais, s'il a fait de sa vie un sacrifice d'expiation, il verra sa descendance. Il prolongera ses jours » (Isaïe 53, 12). Par delà sa mort, le Christ nous promet la vie éternelle. Par sa Résurrection miraculeuse, il nous offre l'espérance indéfectible en la vie éternelle. Voilà l'espérance qui soutient le mourant, celui qui avance vers une mort inéluctable, écrasé par une souffrance sans remède. Le Rédempteur de l'homme est ressuscité et la Passion du Seigneur devient espérance de vie éternelle.

En mourant en croix, Jésus-Christ brise la dureté du cœur humain et le libère de sa superstition.
En souffrant dans la sainteté, Dieu ouvre un chemin de perfection à l'humanité.
En ressuscitant, Jésus-Christ donne aux hommes l'espérance de la vie éternelle.

Seule la divinité du Christ rend efficiente ces promesses de salut.
La passion du Christ ne serait qu'un acte atroce et sans signification s'il l'avait vécu dans sa seule humanité, mais, par sa divinité, Jésus l'a vécu pour notre rédemption. Voilà finalement pour les chrétiens, la réponse de Dieu à l'hypothèse du Dieu des combats : la passion du Seigneur Jésus-Christ, le Rédempteur de l'homme. Dieu ne choisit pas la vengeance mais Il épouse la souffrance humaine.

Mais, quelle que soit la réponse offerte par le Christ bien plus tard, le Peuple Élu est toujours en chemin, et ce chemin lui-même est saint, utile et voulu par Dieu. Les errances du Peuple Élu sont à l'image de l'histoire de chaque homme. Elles permettent à chacun de trouver, librement, par son expérience et sa réflexion, le chemin de la vérité divine.
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Mère Térésa à Calcutta accueille les plus pauvres en puisant sa force et sa motivation
dans son amour du Christ... et dans l'amour du Christ pour elle...

5. 10. Au VIe siècle, Daniel : la résurrection des morts et la royauté spirituelle.

La connaissance de Dieu semble progresser. Dieu continue d'envoyer des Prophètes et le Peuple Élu continue sa réflexion. Ézéchiel avait annoncé la résurrection de la chair (Ez 37, 5-6), Daniel va prophétiser sur la vie éternelle.
Le Dieu des combats a failli ! Soit ! N’y a-t-il pas d’autres hypothèses ?


Si l’homme ne vit que sur cette terre, le soutien de Dieu ne s’exprime alors que pendant cette vie. C'était la conviction du Peuple Élu. La promesse d'éternité faite à Abraham avait été comprise comme le maintien du Peuple Élu sur terre et le salut individuel n'était pas important. La vie dans l'au-delà n’était qu'à peine imaginée. Après sa mort, l'homme descend au shéol. Tous les livres de la Bible qui sont rédigés avant le VI e siècle, parlent du shéol comme des « profondeurs de la Terre » où se retrouvent indistinctement les hommes bons et mauvais, dans le silence et dans l'oubli (Amos 9, 9 ; Deutéronome 32, 22 ; Ézéchiel 31, 17). Le shéol est un lieu profond et sombre, plus rarement il est synonyme de la tombe où repose le défunt dans l'inactivité et le néant (Genèse 37, 35 ; Ecclésiaste 9, 5-10). Le Deutéronome y suggère la présence d'une fournaise (Deutéronome 32, 22), mais rien de la bonté de Dieu ne semble y attendre l'homme.
Deux Psaumes attribués à David suggèrent que l'âme, toujours consciente, crie son désespoir vers Dieu du fond du shéol et en reçoit le salut (Ps 18, 5-7 ; Ps 83, 13). Mais il s'agit là de poésie : le Peuple Élu dans son ensemble ne croit pas en la vie éternelle et il n'en a pas même imaginé la possibilité. Quand l'homme descend dans la tombe, il y demeure sans conscience d'être. Le Peuple Élu attend donc son salut dès cette vie et la confirmation de l'aide de Dieu par le don de biens matériels.

Daniel va ouvrir un autre chemin à l'espérance des croyants : la vie éternelle dans la bienveillance de Dieu. Si l’homme ressuscite, le soutien de Dieu et son Jugement peuvent se manifester aussi dans l’au-delà ! Une défaite, ici bas, n'est donc plus synonyme d'abandon de Dieu.
Daniel est déporté à Babylone en -586. Son livre éponyme a été écrit au IIe siècle avant JC, entre 167 et 164 précisément. La datation de sa mise par écrit est connue avec précision car son rédacteur connaît la profanation du Temple de -167, tout en ignorant la mort du profanateur d'Antiochus Epiphane qui intervient en -164. Certains extraits de ce livre ont été retrouvés à Qumrân, datés du IVe siècle avant JC. Le livre de Daniel est donc un livre écrit sur quatre siècles qui reprend les paroles inspirées d'un prophète du VIe siècle.

Daniel, le premier, va parler de la résurrection des morts. C'est un concept absolument nouveau !
« Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle. Les doctes resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui ont enseigné la justice à un grand nombre, comme les étoiles, pour l’éternité. » (Daniel 12, 2-3).
Daniel prophétise également sur la succession de plusieurs royaumes à Babylone, dont le dernier subsistera à jamais : « Au temps de ces Rois, le Dieu du ciel dressera un royaume qui jamais ne sera détruit et ce royaume ne passera pas à un autre peuple. Il écrasera et anéantira tous ces royaumes et lui-même subsistera à jamais. » (Daniel 2, 44). Les chrétiens voient dans ce verset l'annonce de la royauté spirituelle du Christ. Les musulmans y lisent l'annonce de l'empire musulman qui durera après Mohamed.

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Mohamed et les quatre premiers califes,
(manuscrit persan du XVIIe siècle ; Österreichische Nationalbibliothek de Vienne).

John J. Collins, spécialiste de l’Ancien Testament, suggère que cette division des temps du monde en quatre parties a été empruntée à Hésiode, poète grec du VIIIe siècle, qui raconte dans son livre Les travaux et les jours, la succession de quatre âges différents, chaque âge suivi d’un âge inférieur moralement aux précédents : âge d’or, d’argent, de bronze et de fer.
Si les chrétiens voient l'annonce du Royaume spirituel du Christ dans le livre de Daniel, c'est que - pour la première fois - Daniel parle du règne surnaturel d’un mystérieux « Fils d’homme ». Le Christ reprendra cette appellation de « Fils d'homme » bien plus souvent que celle « Fils de Dieu » qu'il emploie également pour se désigner. « Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un Fils d'homme... À lui fut conféré empire, honneur et royaume, et tous les peuples, nations et langues le serviront. Son empire est un empire éternel qui ne passera point, et son royaume ne sera point détruit. » (Daniel 7, 13-14).
Cette notion de « Fils d'homme » est difficile à comprendre et a été oubliée par les premiers chrétiens : elle semblait contredire la divinité du Christ. En fait, Daniel annonce un roi universel, régnant sur un royaume spirituel et éternel, auquel chacun se soumettra. Le Christ, en se disant « Fils d'homme », ne fait donc pas qu'affirmer son humanité profonde, mais revendique aussi cette Royauté spirituelle perpétuelle ! Cette appellation de « Fils d'homme » n'est donc pas en contradiction avec sa divinité, mais correspond à l'affirmation de sa souveraineté eschatologique.

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Le Christ trône en majesté
(mosaïque du XIIe siècle ; chapelle du palais des rois normands de Palerme).

La promesse de Dieu dans Daniel peut donc être comprise de différentes façons : les interprétations chrétienne et musulmane en sont la démonstration qui sont en opposition totale. Le Royaume attendu est-il surnaturel ou terrestre ? Conquis par les armes ou par la force spirituelle ? Est-il uniquement matérialiste ? Est-il spirituel ?

Mais ces questions sont maintenant posées avec ce nouveau pas vers la transcendance de la spiritualité : les morts ressuscitent. La victoire de Dieu, Ses bénédictions, Sa justice, Ses récompenses ou Ses punitions, peuvent donc se manifester également dans l'au-delà.
Les misères de la présente vie humaine ne sont donc pas suffisantes pour interpréter la volonté divine. Dieu ne parle pas que dans le hasard des événements... Sans doute parle-t-Il bien davantage par le don de l'Esprit que par les dons matériels de cette vie, penseront les chrétiens. Mais, il devient maintenant possible, pour tous les croyants, que son Jugement définitif ne soit connu que dans l’Au delà, à l'aube de notre vie éternelle.
Avec Daniel et la notion de vie éternelle, la foi du Peuple Élu trouve un chemin vers davantage de spiritualité.

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Le paradis entre anges et élus (Fra Angelico, XVe siècle).

5. 11. Le livre de Daniel : le temps est linéaire.
La révélation de Daniel d'une vie éternelle au milieu d'un Royaume céleste après la mort, est complétée par une nouvelle conception du temps.

Les religions traditionnelles polythéistes, animistes et chamaniques avaient une vision circulaire du temps, inspirée du cycle des saisons.
Dans l’hindouisme, il y a bien une fin du monde ; mais elle implique la renaissance d’un nouveau monde. Shiva, à la fois destructeur et créateur, symbolise la coexistence de la renaissance et de la mort. Pour le bouddhiste, dans le Mahabarata et le Vayu Purana, l’univers n’a ni commencement, ni fin : le temps est circulaire.

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Kalachakra thangka, la roue du Temps,
peint au Monastère Sera, Tibet, (photo Kosi Gramatikoff, prise sur internet).

À partir du VIIIe siècle avant JC, s’élabore à travers les Psaumes et les prophètes (Isaïe, Jérémie, Ézéchiel...), l’idée que le temps a un début et une fin. Ces Prophètes attendent l'action de Dieu et annoncent un Messie qui inaugurera une dernière ère de prospérité.
Daniel introduit définitivement la notion de « temps de la fin ».
Le temps devient donc linéaire. Les visions mystiques de Daniel lui sont expliquées par l'ange Gabriel. « J'entendis une voix d'homme, sur l'Ulaï, criant : « Gabriel, donne-lui l’intelligence de cette vision ! Il s'avança vers le lieu où je me tenais, et, comme il approchait, je fus saisi de terreur et tombai face contre terre. Il me dit : « Fils d'homme, comprends : c'est le Temps de la Fin que révèle la vision. ». Il parlait encore que je m'évanouis, la face contre terre. Il me toucha et me releva. Il dit : « Voici, je vais te faire connaître ce qui viendra à la fin de la Colère, pour la Fin assignée. » (Daniel 8,16-19).
Selon les évangiles, Jésus annone la fin des temps qui sera accompagnée de phénomènes cosmiques : « Les étoiles tomberont du ciel » (Mt 24, 29). Le Christ précise que personne ne connaît ni le temps ni l'heure, sauf le Père (Mt 24, 36). Il faut donc « veiller pour ne pas être surpris », (Mt 24, 42). Le discours du Christ est centré sur les conseils pour obtenir le salut et non sur un enseignement scientifique sur la fin des temps.
Cette vision de catastrophe cosmique marquant la fin des temps sera ensuite reprise dans le Coran et les hadiths : « L'Heure vient et la lune se fend » (Sourate 54, 1).  L’« Heure » dans le Coran est toujours celle de la fin des temps (Sourate 18, 21), elle est associée au jugement final. « Et le jour où l'Heure arrivera, les criminels seront frappés de désespoir... Le jour où l'Heure arrivera, ce jour-là ils se sépareront [les uns des autres] » (Sourate 30, 12-14).
De nos jours, certains musulmans interprètent ce verset, « L' Heure vient et la lune se fend » (Sourate 54, 1), comme un miracle accompli par Mohamed. Il s'agit d'un évident contresens. Le Coran reprend l'image biblique des catastrophes cosmiques accompagnant la fin des temps avec la lune qui se fend, et ne décrit nullement un miracle attribuable à Mohamed.

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Astrologie : exaltation de la chute de la lune et du dragon (Le Lever des astres chanceux et
les Sources de la souveraineté - manuscrit ottoman du XVIe siècle ; BnF).

Le retour des Juifs en terre Promise doit précéder la fin des temps, selon Ézéchiel (37, 25-28). Cette réinstallation des Juifs en Israël est accompagnée du combat entre le bien et le mal, combat symbolisé par la lutte contre le roi Gog, souverain du royaume de Magog (Ez 38).

Le Temps a donc maintenant un début avec la création et il aura une fin... quand Dieu l'aura choisi. Pour les trois grands monothéismes, judaïsme, christianisme et islam, le temps vient de sortir de l'éternel recommencement des saisons observé par les religions païennes ; il devient linéaire.

5. 12. Le zoroastrisme au VIe siècle avant JC : un autre monothéisme, issu de Perse.
Un autre monothéisme s'est élaboré au même moment en Perse : le mazdéisme. Le mazdéisme se serait transmis oralement pendant plus de 1000 ans sans que l'on en trouve de preuve archéologique. Son livre saint, l'Avesta, aurait été diffusé oralement en Perse dans le courant du IIe millénaire avant JC, mais il n'a laissé aucune trace.
Le dieu dominant et créateur se nomme Ahura Mazda. Une fois de plus - si l'on pense à Akhenaton – le mazdéisme n'est pas réellement d'un monothéisme puisque Ahura Mazda coexiste avec d'autres dieux, mais ceux-ci lui sont inférieurs. Ahura Mazda est un dieu omniscient, infiniment plus puissant que les autres. Anāhitā et Mithra émanent de lui et servent aux tâches subalternes.

Au VIe siècle, la religion mazdéenne est réformée par un de ses prêtres, Zarathoustra (ou Zoroastre) qui met par écrit ses textes saints.
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Zarazoustra peint par Raphaël,
(détail de l'École d'Athènes, XVIe siècle ; musée du Vatican).

Zarathoustra raconte avoir eu des visions du dieu Ahura Mazda qui lui aurait demandé de réformer le mazdéisme. Pour hâter la venue du « Royaume de Justice », on doit obéir à Ahura Mazda, sous peine d'un châtiment exemplaire. Ahura Mazda affirme sa position de dieu dominant. Deux dieux secondaires s'affrontent. L'esprit du bien, Spenta Mainyu, fils de Ahura Mazdā, s'oppose à un esprit mauvais, Angra Mainyu, esprit incréé, représentant le mal, la nuit, la mort et le m ensonge. Ils s'affrontent en chaque homme et en chaque être vivant.
Le culte de Mithra, dieu inférieur, est restreint par la réforme de Zarathoustra. Le culte de Mithra exigeait la consommation d'alcool et était célébré essentiellement par des sacrifices d'animaux. L'alcool et les sacrifices sont maintenant interdits. Ce dernier point entraîne l'opposition des prêtres qui tiraient profit des sacrifices. Ils organisent l'opposition à Zarathoustra. Zarathoustra est alors persécuté et doit s'enfuir. Il est protégé par le roi Hystaspès, le père de Darius 1er. On a retrouvé sur le « rocher de Béhistoun » en Iran, une inscription gravée en 522 avant JC où « Darius [signale qu'il est] le Grand roi, Roi de Perse et fils Hystaspes ». Ainsi a-t-on daté la vie de Zarathoustra des alentours de 550.

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Rocher de Béhistoun (522 avant JC ; Iran).

Hystaspès impose à la Perse sa religion mazdéenne réformée. Elle évolue au cours des siècles, intégrant une notion du Temps éternel (Zurvan Akarana) qui crée le bien (Angra Mainyu) et le mal (Ahura Mazda) pour les obliger à se battre en chaque être vivant. Au moment où Mani fondera le manichéisme au IIe siècle en Perse, il intégrera dans sa nouvelle spiritualité cette dualité divine, créatrice du bien et du mal. Le manichéisme se répandra de l'empire romain à la Chine et seul l'islam le fera disparaître au Moyen-Orient.

Le zoroastrisme fait partie des trois monothéismes antérieurs à l'islam qui sont tolérés par lui, selon la Sourate 2 (62). « Oui, ceux qui ont cru et ceux qui se sont judaïsés, et les Nazaréens, et les Sabéens, quiconque a cru en Dieu et au Jour dernier et fait œuvre bonne, pour ceux-là, leur récompense est auprès de leur Seigneur. Sur eux, nulle crainte ; et point ne seront affligés. » (S. 2, 62). Les Sabéens sont néanmoins mal définis dans le Coran : il pourrait s'agir des adorateurs sumériens des étoiles ou des judéo-chrétiens héritiers de la prédication de Jean-Baptiste, mais pas forcement des zoroastriens. La Sourate 22 (17) associe le culte des « mages » à la liste de ces trois religions tolérées, même s'il est précisé qu'Allah se réserve le droit de les juger. « Certes, ceux qui ont cru, les Juifs, les Sabéens, les Nazaréens, les Mages et ceux qui donnent à Allah des associés, Allah tranchera entre eux le jour de Jugement, car Allah est certes témoin de toute chose. » (S. 22, 17). Par l'intermédiaire de ce verset sur les mages, le zoroastrisme se trouve assimilé aux autres religions tolérées par le Coran. Cela explique qu'il ait survécu dans le Territoire de l'islam, et particulièrement en Iran.

Nous voyons donc que deux grandes familles monothéistes ont évolué parallèlement, au Moyen-Orient : la religion hébraïque et la religion mazdéenne. Après une longue période de transmission orale, elles ont mis par écrit leur texte saint à la même époque. Elles présentent une vision de Dieu différente. La religion hébraïque croit en l'origine divine du bien, la religion mazdéenne croit en l'origine divine du bien, mais aussi en l’origine divine du mal. Les religions qui s'inspireront d'elles resteront fidèles à cette différence originelle.

5. 13. Influence du zoroastrisme sur les trois monothéismes les plus connus ?
Certains pensent que le zoroastrisme a influencé les trois monothéismes du Moyen-Orient : le judaïsme, le christianisme et l'islam.

L’émergence du judaïsme a été parallèle à la naissance du mazdéisme. Un élément important pourrait s'être transmis du zoroastrisme au judaïsme : l'attente du « Royaume de justice », chère à Zarathoustra.
« On t'a fait savoir homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi ; rien d'autre que d'accomplir la justice, d'aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu. » (Michée 6, 8). Michée a prophétisé entre -740 et -700 et parle déjà de rechercher la Justice. Y-a-t-il eu des influences croisées entre ces deux courants spirituels ? Mais l'ancienneté de traditions orales ne peut pas être datée. Rien n'interdit que les spiritualités de peuples si voisins ne se soient mutuellement influencées.

La notion d'un dieu principal qui engendre un « fils de Dieu » a-t-elle influé sur le christianisme ?
Ahura Mazda a eu ses enfants avec sa femme, une déesse, suite à une union charnelle. Jésus, quant à lui, n’est pas conçu par un rapport charnel, mais au contraire « engendré » du « vouloir de son Père » (Prologue de Jean 1, 13).
La plupart des religions antiques ont montré des dieux qui en engendrent d'autres. Il s'agit d'unions (sexuelles) entre des dieux et des déesses. Certaines triades égyptiennes en sont l'exemple. Le zoroastrisme ne fait donc pas preuve d'originalité en nous parlant de fils de dieu. Le christianisme, lui non plus, peuvent penser les non chrétiens. Mais, la particularité du christianisme est de croire en un engendrement non sexué du Fils par le Père.
Il ne faut pas confondre l'« Engendrement du Fils » et l' « Incarnation du Christ ». Le Christ, Fils de Dieu, est engendré hors du temps, en permanence donc, au présent, depuis toujours et pour toujours par le Père. Dans les Évangiles, la voix de Dieu le dit sans détour : « Tu es mon fils ; moi, aujourd'hui je t'ai engendré. » (Luc 3, 21-22). Cette permanence de l'engendrement d'une Personne divine par une Autre est l'état même de Dieu. En revanche, l'Incarnation du Fils signe l'instant précis, historique, unique, où le Fils éternel prend chair en Marie. Pour les chrétiens, le Christ existait avant son Incarnation terrestre (Jean 8, 57). Le Coran reprend la même conviction. Dans le Coran, le Christ existait avant son incarnation en Marie, puisque l'Ange annonce à Marie que son fils à naître est déjà connu des créatures célestes : « Quand les anges dirent : O Marie, voilà que Dieu t’annonce un Verbe de sa part : son nom est l’Oint, Jésus fils de Marie, illustre ici-bas comme dans l’au delà, et l’un des rapprochés. » (Sourate 3, 45).

Le zoroastrisme peut avoir également influencé l'islam. En effet, l'islam prorogera l'interdit de l'alcool, ce qui est un point marginal. Mais, plus important, l'islam reprendra l'origine divine du mal telle que l'a théorisée le zoroastrisme. Selon le zoroastrisme, l'esprit du mal est créé par le Temps Éternel, Zurvan Akarana. Selon le Coran, Allah est, Lui-aussi, créateur du bien et du mal. « Je cherche protection auprès du Seigneur de l'aube (ou de la graine qui germe), contre le mal qu'Il a créé. » (Sourate 113, 1-2). L'islam appartient donc au courant théologique qui, naissant du mazdéisme, inspirera le zoroastrisme pour conduire au manichéisme, avant d'influencer Mohamed.
C'est, en effet, une particularité de l'islam par rapport au judaïsme et au christianisme. Les religions judéo-chrétiennes croient Dieu totalement étranger au mal et pensent que les hommes exercent leur libre arbitre face à Dieu qui leur a confié la terre. Selon elles, Yahvé crée le bien et la liberté de l'homme (qui s'en sert éventuellement pour mal agir, ce qui introduit le mal dans le monde). Selon l'islam, Allah crée le bien et le mal. L'homme se soumet, à l'un ou à l'autre, selon l'autorisation d'Allah dont la volonté est manifeste dans chaque événement terrestre.

L'idée du mal, création divine, théorisée par Zarathoustra, se retrouve donc dans l'islam et instaure une radicale incompatibilité avec le judéo-christianisme. Les musulmans raconteront que les juifs et les chrétiens ont falsifié leur révélation et qu'eux seuls, les musulmans, possèdent la vérité. Cette démarche est cohérente, dans une logique de foi, mais ne réduit pas la distance théologique qui sépare le judéo-christianisme d'une part, et l'islam d'autre part. Les civilisations qui découleront de ces deux convictions antagonistes, inventeront un sens de culpabilité individuelle mais aussi une croyance en la responsabilité, donc en la liberté des individus, radicalement différents. Allah, Créateur du bien, du mal et Tout puissant sur terre, nourrit le fatalisme ; là où Yahvé, créateur du bien et de la liberté, laisse l'individu responsable de son destin : coupable de ses fautes, certes, mais également autorisé à corriger ses erreurs et à dominer le monde.
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Farvahar zoroastrien, entité spirituelle illustrant des préceptes zoroastriens
(Persépolis ; Iran).

5. 14. Au VIe siècle, le Temple de Jérusalem est reconstruit. Le monothéisme juif est remarqué à l’étranger.
En 536,  Cyrus règne sur un empire où les cultes sont multiples. Soucieux de diriger un empire en paix, il autorise toutes les religions.
Cyrus permet la reconstruction du Temple de Jérusalem, sous la direction de Zorobabel, un juif de Babylone qui revient alors en Terre sainte.

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Image symbolique du Temple de Jérusalem
(fresque de 246, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie)
.

Les prophètes Esdras, Néhémie et Zacharie racontent ce retour à Jérusalem. Dans l'esprit des juifs, Cyrus reste le roi par excellence, le juste, même païen, qui a écouté l'inspiration divine et permis leur retour à Jérusalem. Un grand mouvement de foi porte les Hébreux vers Jérusalem.
Les Hébreux sont maintenant nommés juifs, puisqu'ils sont essentiellement les descendants de la tribu de Juda. Ils célèbrent leur retour à Jérusalem par une grande cérémonie : la fête des Tentes. Au cours de cette célébration, ils réactualisent une des demandes de Moïse (Ex 23,14-19 ; Lev 23, 39-44) et décident de construire des cabanes de branchages pour passer quelques jours ensemble loin de leur maison. Ce geste rappelle l'Exode au Sinaï, pendant leurs 40 ans d'errance au désert, moment où leur survie n'a dépendu que de Dieu. « C’est au septième mois que vous fêterez cette fête. Vous habiterez sept jours sous les huttes, tous les habitants d’Israël habiteront sous des huttes afin que vos descendants sachent que j’ai fait habiter sous des huttes tous les Israélites quand je les ai fait sortir du pays d’Égypte » (Lévitique 23, 42-43). Voilà les trois grandes fêtes de la liturgie juive en place : Pessa'h, la pâque qui commémore la sortie d’Égypte, le 15 de Nissan ; Shavouot, la pentecôte, 50 jours plus tard, qui célèbre le don de la Loi au Sinaï et enfin la fête des Tentes. Cette dernière fête célèbre maintenant le retour de Babylone et aussi la proximité de Dieu qui vient sauver son peuple, (Néhémie 8) comme Yahvé l'a fait pendant l’Exode au Sinaï. Ces trois fêtes juives seront plus tard « accomplies » par Jésus, conduites à leur aboutissement. La Résurrection du Christ sera fêtée à Pessa'h, l'envoi du Saint Esprit à Shavouot et la Transfiguration du Christ, manifestation de la proximité de Dieu, à la place des Tentes.

Les juifs terminent le temple dit de « Zorobabel » en 516 avant JC. Ils ont refusé l'aide des habitants de Samarie (l'ancien royaume d'Israël). Ces Samaritains sont les descendants des paysans restés sur place lors de la chute du royaume d'Israël. Les Samaritains garderont rancune de ce refus des juifs. Il en est resté une division dans le judaïsme. Les juifs prient à Jérusalem dans le Temple de Zorobabel qu'ils ont donc reconstruit seuls. De leur coté, les Samaritains prient sur le mont Garizim, la montagne en face du mont Ébal, lieu du premier culte hébraïque.

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Le temple du mont Garizim (monnaie romaine).

De nos jours, des Samaritains vivent toujours en Israël. Pour l'état d'Israël, ils sont juifs, mais eux-mêmes se considèrent comme les seuls vrais juifs. Ils ne sont plus que quelques centaines.

Le monothéisme des juifs est remarqué par d'autres peuples. Le grec, Hécatée d'Abdère (- 494), rapporte que la loi divine des juifs les a conduits à se passer de roi et qu'ils sont dirigés par des prêtres qui forment une élite intellectuelle qui exerce le pouvoir judiciaire.
C'est alors, sous le règne de Cyrus, que l'ensemble du peuple juif, y compris le petit peuple, devient strictement monothéiste. Il le restera jusqu’à nos jours. Certains historiens – comme Israël Finkelstein - ont conclu que le monothéisme n'existe que depuis la reconstruction du Temple de Zorobabel en -516. Mais peut-on négliger les découvertes archéologiques des premiers villages hébraïques implantés entre -1200 et -1000 ? Ils ne contiennent aucune trace d’idolâtrie, ni de polythéisme. Le paganisme du Peuple Élu et ses cultes polythéistes n'ont laissé de traces identifiables qu'à partir du règne de Salomon.

5. 15. L'attente messianique : le Messie doit-il être un vengeur et un chef militaire ?

Comment expliquer les revers d'Israël malgré la sollicitude de Dieu pour le Peuple Élu ? Le présent est une défaite. C'est donc dans l'avenir que doit survenir le règne de Dieu. Cette attente du salut va fusionner avec l'espérance d'un Messie porteur de toutes les revanches d'Israël.
En -520, Zacharie annonce la venue d'un Messie porteur du salut de Dieu (Zacharie 8).
Malachie, aux alentours de -500, présente l’ère messianique qui culminera avec un sacrifice parfait offert à Dieu. Dieu est toujours le Dieu des armées, mais Malachie suggère qu'il pourrait exister un sacrifice parfait dont l'accomplissement assurera le salut. « Voici, j'enverrai mon messager; Il préparera le chemin devant moi. Et soudain entrera dans son temple le Seigneur que vous cherchez ; et le messager de l'alliance que vous désirez, voici, il vient, dit l’Éternel des armées. Qui pourra soutenir le jour de sa venue ? Qui restera debout quand il paraîtra ? Car il sera comme le feu du fondeur, Comme la potasse des foulons. Il s'assiéra, fondra et purifiera l'argent. Il purifiera les fils de Lévi, il les épurera comme on épure l'or et l'argent, et ils présenteront à l’Éternel des offrandes avec justice. Alors l'offrande de Juda et de Jérusalem sera agréable à l’Éternel, Comme aux anciens jours, comme aux années d'autrefois. » (Malachie 3, 2-5). Les Chrétiens interpréteront ce sacrifice parfait, définitivement salvateur, comme l'offrande unique du Christ lors de sa passion et de sa mort.

Le peuple hébreu attend ce Messie dans la descendance de David : « Je ferai croître pour David un rejeton légitime qui défendra le droit et la justice dans le pays. » (Jérémie 33, 15). Les descendants de David forment donc une sorte d’aristocratie, même pauvre, au sein de laquelle est attendu le Messie.
Le peuple hébreu attend un règne universel de justice, de paix et de sagesse divine :
« Voici ton roi qui vient vers toi, Il est juste et il apporte le salut, humble, monté sur un âne, ... il retranchera d’Ephraïm les chars et de Jérusalem, les chevaux… Il parlera de paix aux nations. Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre » (Zacharie 9, 9-10).
Isaïe confirme, c'est bien dans la famille de David, fils de Jessé, que doit naître le Messie : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l'Esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahvé : son inspiration est dans la crainte du Yahvé. Il jugera, mais non sur l'apparence. Il se prononcera, mais non sur le ouï-dire. Il jugera les faibles avec justice, il rendra une sentence équitable pour les humbles du pays. » (Is 11, 1-4).

Mais les prophètes espèrent toujours un règne de vengeance et de violence : « Dieu des vengeances, Yahvé, Dieu des vengeances, parais ! Lève-toi, juge de la terre, Retourne aux orgueilleux leur salaire ! » (Ps. 94, 1-2).
Habaquq perçoit le règne triomphant de Yahvé dans une vision guerrière : « Avec rage Tu arpentes la terre, avec colère Tu écrases les nations. Tu t’es mis en campagne pour sauver ton peuple, pour sauver ton oint, Tu as abattu la maison de l’impie, mis à nu le fondement jusqu’au rocher. Tu as percé de tes épieux le chef de ses guerriers qui se ruaient pour nous disperser avec des cris de joie comme s’ils allaient, dans leur repaire dévorer un malheureux. » (Habaquq 3, 12-14).
Le règne du Messie est terrestre et militaire. Beaucoup resteront sur cette interprétation. Le « Fils d’homme » entrevu par Daniel dans  « les nuées », donc spirituel, n’a pas été compris. Seul Jésus-Christ lui donnera une explication.

« Et toi, Bethléem-Ephrata, petite parmi les clans de Juda, c'est de toi que sort pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent au temps jadis, aux jours antiques. C'est pourquoi il les abandonnera jusqu'au temps où aura enfanté celle qui doit enfanter. Alors le reste de ses frères reviendra aux enfants d’Israël. Il se dressera, il fera paître son troupeau par la puissance de Yahvé, par la majesté du nom de son Dieu. Ils s'établiront, car alors il sera grand jusqu'aux extrémités de la terre. » (Michée 5, 1-3).
Un sceau en terre cuite, retrouvé dans la partie la plus antique de Jérusalem appelée la cité de David, a donné la preuve que Bethléem existait au VIIe siècle avant JC. Ce sceau de 1,5 cm de diamètre cite le nom de Bethléem : « Bat Lechem », en hébreu archaïque. De nos jours, la ville de Bethléem se trouvant en Cisjordanie, sous contrôle palestinien, aucune fouille n'y est possible pour retrouver les traces des implantations hébraïques antiques ou celles contemporaines de la naissance du Christ.
Selon Michée, le Messie tant attendu doit donc naître à Bethléem.
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Sceau du VIIIe siècle prouvant l’existence de Bethléem,
Bat Lechem, dès cette époque.

5. 16. Job, la question du mal est posée. La souffrance est-elle la conséquence des péchés de l'homme ?

Les exégètes juifs pensent que la version définitive du Livre de Job, écrite au IVe siècle avant JC, est un travail composite élaboré sur plusieurs siècles. Par ailleurs, l’assyriologue Samuel Noah Kramer (1897-1990) a retrouvé des fragments de l'histoire de Job dans des tablettes sumériennes, mésopotamiennes*. Cette origine païenne suggère donc qu'il s'agit d'un mythe et non de l'histoire réelle d'un authentique juif, nommé Job. Il faut donc percevoir ce livre comme un conte philosophique, valable par sa morale et non comme un récit littéral.

Souvent, quand un mythe apparaît dans la Bible, c'est pour poser une question essentielle sur le mal. On a vu que le mythe du jardin d’Éden avait permis de réfléchir à la question de la mort et celui de Noé à la responsabilité des hommes dans les catastrophes naturelles. Ici, avec le mythe de Job, le Peuple Élu s'interroge que les raisons de la souffrance humaine. La maladie est-elle causée par le péché du malade ? Tout homme malade est-il pécheur ? On voit que le contact entre les Hébreux et les Babyloniens n'a pas été sans conséquence sur le contenu de la Bible. Confrontés à un échec absolu, les Hébreux se posent les questions qui tarauderont toujours les hommes confrontés aux difficultés : « qu'ai-je fais au bon Dieu pour mériter cela ? »

Dans le livre de Job, Satan obtient de Dieu la permission de tenter Job en le privant de ses biens. Job reste fidèle. Puis Satan obtient la permission de faire mourir ses enfants. Job reste toujours fidèle. Puis Satan le couvre d'ulcères, toujours avec l'autorisation de Dieu. Job refuse de maudire Dieu. On voit ici, que le Dieu du livre de Job n'est pas le Dieu de la Genèse qui est Créateur du bien et seulement du bien. Dans le livre de Job, Dieu autorise les malheurs, Il est donc à l'origine du mal. L’origine de ce conte, sumérienne donc païenne, se voit là confirmée. On sait que le Coran reprend cette conception babylonienne de Dieu. En effet, ce n'est qu'avec l'accord d'Allah, que le mal survient.

Dans la Bible hébraïque, l'épouse de Job le conseille : « Bénis Dieu, et meurs » (Job 2, 9). Ainsi parle le texte hébreu de la Bible, dans sa première version du livre de Job.
Mais, au IIe siècle avant JC, lors de la traduction de la Bible hébraïque en grec – traduction appelée la Septante - , le conseil de l'épouse de Job sera traduit à tort par « Maudis Dieu et meurs ». Par le seul fait de cette erreur de traduction, la femme de Job devient, dans la version grecque de l'Ancien Testament, une mauvaise juive.
Le Testament de Job, texte apocryphe tardif des premiers siècles après JC brodera sur cette erreur de traduction de la Septante. La femme de Job est maintenant devenue une mauvaise épouse. Quelques siècles après, et étrangement pour un livre proclamé sans erreur, le Coran s'inspirera de l'erreur de traduction et non de la version originelle du livre de Job. Dans le Coran, la femme de Job est devenue une mauvaise croyante. Job promet 100 coups à sa femme pour son conseil impie. Allah ne peut supporter que Job revienne sur sa promesse de frapper sa femme et Il suggère de ne le faire qu'une fois avec un régime de dattes sans fruit, donc hérissé de 100 branchettes. La promesse de Job est tenue, ce qui est essentiel pour Allah, et la femme souffre peu (Sourate 38, 43-44).

Dans la Bible, Job entre en conflit avec trois de ses amis. Ils pensent que Job a forcément péché pour mériter un tel sort. Ils ne comprennent pas que Job refuse obstinément d'avouer ses fautes : s'il souffre, c'est qu'il est pécheur. Mais Job, en homme juste, va continuer à bénir Dieu.

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Job, couvert de lèpre, discute avec ses amis,
(enluminure du XIVe siècle ; Constantinople/Istanbul).

Comment imaginer que Dieu soit équitable et que les maladies surviennent au hasard ? Comment concilier la Toute-puissance de Dieu avec la mort d'un innocent ? … Mais a-t-on réellement réfléchi à ce qu'implique que Dieu ait choisi de laisser la terre à la responsabilité des hommes ?
Seul Jésus-Christ confirmera que la maladie d'un homme n'est pas la marque de son péché (Jean 9, 1-3).
Puis, l’apôtre Paul verra dans la souffrance une occasion de s'unir au Christ : « En ce moment, je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous et je complète ce qui manque aux tribulations du Christ en ma chair pour son Corps qui est l’Église. » (Col 1, 24). Paul relativise l'intensité de la souffrance qui est peu de chose, comparée à la félicité céleste : « J'estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler à nous » (Rm 8, 18). Ce n'est plus Dieu qui envoie les souffrances, c'est l'homme qui les accepte pour s'unir à Dieu. Le péché de l'homme n'a aucun lien avec ses maladies. Tous les hommes étant pécheurs, la souffrance est l'occasion de s'interroger sur le sens de la vie. Elle peut favoriser le repentir, mais la maladie n'est pas directement la punition des péchés. Telle est la vision des textes chrétiens.

Le Coran, quant à lui, donnera en exemple Job pour le féliciter de sa soumission aveugle à Allah, le Dieu qui envoie les épreuves. Allah, le Créateur du Bien et du Mal, est à l'origine de tous les événements, même douloureux.

Finalement, dans la Bible, Dieu restaure Job dans sa prospérité dès ici-bas. Il lui rend dix nouveaux enfants. L'idée d'une récompense dans l'autre monde n'est pas encore apparue. Une récompense dans l'au-delà est possible si on a la foi en la vie éternelle et si l'on croit en la résurrection des morts. Le Livre de Job présente le shéol avec la vision traditionnelle du Peuple Élu (Job 3). Il s'agit d'un lieu souterrain et obscur, en dessous de notre terre (Jb 38, 16-17). Un chemin conduit à la caverne du shéol (Jb 10, 21 ; Jb 17, 13). Il est sans retour (Jb 7, 9 ; Jb 10, 21 ; Jb 14, 12) et l'âme y stagne sans conscience d'être (Jb 26, 5). Le livre de Job méconnaît donc l'hypothèse de Daniel sur la vie éternelle et présente un Dieu unique à l'origine du bien comme du mal. Les révélations des prophètes et les livres inspirés se complètent donc peu à peu et se contredisent sur certains points. Mais il est à noter que le livre de Job trouve ces sources dans le paganisme sumérien et, à ce titre, il semble davantage porteur des interrogations humaines que des réponses divines.
Pour les chrétiens, seul le Christ fera la synthèse entre les différents prophètes.


* : L'histoire commence à Sumer, Samuel Noah Kramer, Champs Histoire, Flammarion, 1993.

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Job (Livre d'Heures du XVIe siècle ; Bourges).
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:45

CHAPITRE 5 : LA CROYANCE EN UN DIEU DES COMBATS :
LE DERNIER ROYAUME HÉBRAÏQUE, CELUI DE JUDA, MET LA BIBLE PAR ÉCRIT. De - 727 à – 7.


5. 1. Ézéchias (727-698), le roi de Juda, réfléchit à la défaite d'Israël.
5. 2. Yahvé est-il le Dieu des combats ? En 701, Sennachérib donne une réponse négative à Ézéchias.
5. 3. Manassé (-698 à -642) : le pragmatisme politique ne serait-il pas également bénéfique ?
5. 4. En 639, le roi Josias entre dans l'histoire en mettant la Bible par écrit.
5. 5. Sur quels arguments peut-on penser que la rédaction des premiers livres de la Bible date du roi Josias ?
5. 6. L'empire assyrien tombe, l'empire Mède le remplace pour le malheur du roi Josias.
5. 7. La Chute du royaume de Juda. En 586, le Temple de Jérusalem est détruit et l'Arche d'Alliance disparaît.

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5. 8. À Babylone, les Hébreux réfléchissent à l'action divine : vengeance, Providence divine et venue du Messie.
5. 9. Comment se manifeste la grâce de Dieu ? Isaïe et le serviteur souffrant.
5. 10. Au VIe siècle, Daniel : la résurrection des morts et la royauté spirituelle.
5. 11. Le livre de Daniel : le temps est linéaire.
5. 12. Le zoroastrisme au VIe siècle avant JC : un autre monothéisme, issu de Perse.
5. 13. Influence du zoroastrisme sur les trois monothéismes les plus connus ?
5. 14. Au VIe siècle, le Temple de Jérusalem est reconstruit. Le monothéisme juif est remarqué à l’étranger.
5. 15. L'attente messianique : le Messie doit-il être un vengeur et un chef militaire ?
5. 16. Job, la question du mal est posée. La souffrance est-elle la conséquence des péchés de l'homme ?

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5. 17. Alexandre le Grand (356-323).
5. 18. La philosophie grecque : connaissance, citoyenneté, responsabilité
5. 19. Au IIe siècle, les juifs retrouvent leur autonomie politique : le Dieu des combats aurait-il enfin répondu ?
5. 20. La dynastie hasmonéenne : le Dieu des combats a enfin répondu, une théocratie est née.
5. 21. Les romains dominent Israël et désignent Hérode, un juif iduméen, pour les représenter.

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:46

CHAPITRE 5 (FIN). LA CROYANCE EN UN DIEU DES COMBATS : LE DERNIER
ROYAUME HÉBRAÏQUE, CELUI DE JUDA, MET LA BIBLE PAR ÉCRIT. De - 727 à – 7.

5. 17. Alexandre le Grand (356-323).
De Grèce où règne son père Philippe de Macédoine, Alexandre part à la conquête de l’Asie. Stratège de génie, il bâtit un empire qui sera partagé entre ses généraux après sa mort.
En -332, la province de Yehoud (réunissant les anciens royaumes de Juda et d'Israël) est conquise par Alexandre. Elle sera intégrée à l’Égypte, également conquise. Alexandre devient pharaon en Égypte et fonde dans le delta du Nil, sa capitale Alexandrie.

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Alexandre le Grand
(copie antique d'un marbre de Lysippe).

Dans le Coran, Alexandre le Grand est également évoqué. Il est surnommé le biscornu : « Dhou’l-Carnaïm ». Cela provient d'une des caractéristiques physique d’Alexandre dont parlent ses biographes. Malgré sa réputation de beauté, il souffrait d'un torticolis congénital : il inclinait la tête en permanence. Lysippe, son sculpteur officiel, le représente toujours la tête inclinée.
Selon le Coran, Alexandre, Dhou’l-Carnaïm, aurait construit une séparation entre les hommes et entre les Ya’jouj et les Ma’jouj.

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Gog et Magog retenus par une muraille construite par Alexandre, (Mehmed ibn Emir Hasan al-Su’ūdī
dans
Le Lever des astres chanceux et les Sources de la souveraineté ; Istanbul, Turquie, 1582 ; BnF).

Les Ya’jouj et les Ma’jouj sont assimilés par la Tradition musulmane à Gog et Magog du livre d’Ézéchiel. Entre -593 et -577, Ézéchiel écrit en effet sur les ennemis d'Israël : « La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes : « Fils d'homme, tourne toi vers Gog, au pays de Magog, prince, chef de Meshek et de Tubal, et prophétise contre lui. » » (Éz 38, 1-2). Pour Ézéchiel, Gog n'est qu'un homme normal et nullement un être fantastique. Il s'agit du souverain du pays de Magog, où vivent des ennemis d'Israël. Selon le Coran, Alexandre, Dhou’l-Carnaïm construit une muraille pour isoler Gog et Magog de l'humanité : « O Dhou’l-Carnaïm, les Ya’jouj et les Ma’jouj commettent un désordre sur terre, vraiment ! T’assignerons-nous donc un tribut, à condition que tu établisses une barrière entre nous et eux ?... « Apportez-moi des blocs de fer » Puis, lorsqu'il en eut comblé l'entre-deux-pics, il dit : « Aux soufflets ! Puis, lorsqu'il l'eut rendu comme du feu, il dit : « Apportez-moi du cuivre fondu, que je le verse dessus. » (Sourate 18, 93-97). Aucune preuve archéologique, ni historique ne vient étayer ce travail d’architecture défensive d’Alexandre le Grand. Et pour cause : il  s'agit d'une légende dont l'origine est connue.

À la fin du premier siècle, dans son Apocalypse, Jean décrit Gog et Magog comme les êtres humains séduits par Satan.
Il ne s'agit pas encore de personnages fantastiques, mais simplement d'hommes damnés : « Satan ... sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre, Gog et Magog, afin de les rassembler pour la guerre ; leur nombre est comme le sable de la mer. Et ils montèrent sur la surface de la terre, et ils investirent le camp des saints et la ville bien-aimée. » (Apocalypse 20, 8-9).
Puis, au IVe siècle, l'histoire de Gog et Magog est retravaillée par Éthique d’Istrie *. Il s’inspire de Pline l’Ancien, le naturaliste romain du premier siècle qui a décrit des créatures fantastiques. Éthique d’Istrie fait la synthèse entre les adversaires des élus décrits par la Bible (Ézéchiel 38, 1-2 ; Apocalypse 20, 8-9) et les créatures fantastiques de Pline l'Ancien. Il invente qu’Alexandre le Grand bâtit une muraille de fer pour tenir Gog et Magog à distance, ainsi que « 22 nations de méchants ». On trouve dans ce mythe du IVe siècle la première apparition littéraire de l'histoire d'Alexandre bâtissant une muraille. C'est ce récit qui sera repris par le Coran.

La Tradition musulmane brodera sur Gog et Magog dans de nombreux hadiths : Gog et Magog sont constitués en 22 tribus (Fathul Bari, 13/107). On voit là confirmé qu’Éthique d'Istrie l'a inspirée, avec ses « 22 nations de méchants ». Gog et Magog n'ont plus réellement forme humaine : ils possèdent désormais un bec. « Gog et Magog creusent le mur de leurs becs jusqu’à parvenir pratiquement à la sortie, ils disent alors : « Nous reviendrons demain. » Mais entre temps, le mur revient à sa forme initiale. Quand le moment viendra, il sera insufflé à certain de dire : « Nous continuerons demain, si Allah le veut ! Pour finir notre tâche. ». (Ka’b Al-Ahbar). Comme chaque créature, dans la mystique musulmane, Gog et Magog sont soumis à Allah et ne commettent le mal qu'avec Son autorisation. La fin du monde surviendra quand ils auront achevé de détruire la muraille, Mohamed lui-même l'aurait confirmé qu' « une ouverture s'était pratiquée dans le Mur de Gog et Magog, quand elle sera assez grande, ils déborderont » (al-Bukhārī, 3168 ; Muslim, 2880).
« Puis quand les Ya’jouj et les Ma’jouj seront lâchés, et qu’ils se précipiteront de chaque hauteur ! » (Sourate 21, 96), ils déborderont alors la muraille d'Alexandre et marqueront la fin des temps. Ainsi raconte le Coran.

Alexandre le Grand a vaincu le grand Darius de Perse. Sa formidable épopée a suffisamment impressionné pour que l'on retrouve sa trace des siècles après. Mille ans plus tard, dans le Coran, les circonstances de son épopée sont devenues mythologiques et se sont enrichies de personnages fantastiques et de faits imaginaires !

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Surnommé Iskander en Perse, Alexandre observe des sirènes (1541, Iran ; British Librairy).
Au fil des siècles, la Tradition musulmane amplifiera les légendes coraniques.

Mais l'intelligence humaine peut s'exercer à autre chose qu'à l'invention de mythes ou de personnages fantastiques... Alexandre le Grand n’arrive pas seul en Orient. Avec sa conquête, la philosophie grecque s’installe au Moyen-Orient.
Les rapports du savoir à la logique vont être modifiés pour toujours. La rationalité et l'objectivité de la philosophie grecque touchent la Terre Sainte où l'expérience de la recherche du Dieu unique a commencé depuis plus de 1000 ans. De ce mariage naîtront les sciences exactes modernes et la démocratie.

* : Les découvreurs, *1 : p. 104, Daniel Boorstin, Robert Lafont, 1983.

5. 18. La philosophie grecque : connaissance, citoyenneté, responsabilité.
Trois grands philosophes symbolisent la logique grecque.
Le premier, Socrate (470-399), enseigne oralement à Athènes.
Il pratique la maïeutique, l'art de poser des questions pour faire émerger la vérité. « Connais-toi toi-même » est son principe fondateur. L’homme doit être convaincu de sa propre ignorance pour dépasser ses préjugés. Mais en -399, les athéniens déstabilisés par une défaite face à Sparte, l'accusent de corrompre la jeunesse. Socrate est condamné à mort. Il se suicide en buvant une décoction de ciguë.

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Socrate, (IIe siècle ; musée du Louvre).

Le deuxième philosophe est son élève Platon (424-347). Il met par écrit l'enseignement oral de Socrate qui n'avait rien écrit lui-même. Dans le traitée de Platon, la Théorie de la connaissance, la vérité est présentée comme immuable. Ce que l'on saisit par l'illusion des sens n'est que l'apparence de la vérité. Mais comment un être peut-il chercher une vérité immuable sans pouvoir jamais la saisir par son expérience personnelle ? Seule l'immortalité de l'âme, qui a préexisté à la vie humaine, nous permet de pressentir cette vérité insaisissable. Platon ouvre donc une perspective païenne au concept d’immortalité de l’âme.
Dans La cité idéale, Platon présente la République idéale comme devant être gouvernée par un philosophe. Il élabore les lois pour permettre à chaque citoyen de trouver le bonheur dans la justice et la liberté.

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Platon, (copie romaine du IVe siècle).

Le troisième philosophe est Aristote (384-322), le disciple de Platon. Il a été le percepteur d'Alexandre le Grand enfant. Pour Aristote, les êtres humains sont tous rationnels, y compris les femmes et les esclaves. L’homme a accès à la logique. Aristote théorise la pratique du syllogisme : c'est le raisonnement logique qui influencera la scolastique chrétienne au Moyen Âge.
Dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote insiste sur la responsabilité humaine. L’homme peut mal agir par ignorance, mais il a le devoir de s’instruire et l’ignorance ne l’affranchit pas de sa responsabilité. Ce concept d’homme responsable correspond à la théologie chrétienne. Ces différents concepts de la philosophie grecque (immuabilité de la Vérité, immortalité de l'âme, responsabilité individuelle, y compris des femmes et des esclaves, rationalité de tous les êtres humains, liberté et justice) recoupent donc des concepts chrétiens. Les philosophes chrétiens y verront la marque de Dieu sur sa créature : l’homme, même païen, même ignorant de la révélation, est apte, par l’exercice de son intelligence, à saisir quelque chose des vérités immuables de Dieu. L’homme est libre et l'Esprit de Dieu l'instruit. Les pères de l’Église garderont donc les acquis de la philosophie grecque sans réticence théologique.
Dans La Politique, Aristote s’interroge sur l’organisation de la cité qui reste une prérogative humaine. La vie de la cité implique que les hommes libres (non esclaves) soient citoyens. Ils participent alors aux décisions et à l'élaboration des lois. Leurs dirigeants, s’ils forment une élite, doivent néanmoins avoir appris à obéir pour être compétents. Ils gouvernent selon des principes philosophiques. Selon Aristote, la finalité du bonheur du citoyen est la justice.
La recherche de la justice sera le critère par excellence du bon gouvernement musulman soumis à la loi parfaite d'Allah. Néanmoins, La Politique ne sera jamais traduite par les dynasties musulmanes. Est-ce un hasard ? Ou est-ce par désintérêt pour ce qui apparaît a priori comme incompatible avec la charī'a ? La charī'a, en tant que loi d’origine divine, appelle les hommes à la soumission et ne leur donne pas le pouvoir de la réformer. Les hommes ne sont donc pas « citoyens » dans l’état musulman. Ce concept de citoyenneté issu de la philosophie grecque ne sera donc jamais transmis à la civilisation musulmane. Ni le concept, ni le mot de citoyen n’existaient en langue arabe avant le XIXe siècle.

Aristote
pose le principe que la terre est au centre d'un univers immobile. Dieu le gouverne du dehors. La Terre et le premier cercle (qui englobe l’orbite lunaire) est la zone la plus éloignée de Dieu, donc la plus corrompue : là règne le Changement. Au-delà de l’orbite lunaire règne la stabilité d’un univers fixe, plus proche de Dieu, donc plus parfaite. En fidélité à Aristote, cette vision d’un univers fixe sera posée en dogme absolu pour les chrétiens des premiers siècles et contaminera la pensée scientifique occidentale au point de rendre difficile l'acceptation d'un univers en mouvement perpétuel.
Malgré les erreurs d'Aristote en cosmologie, la philosophie grecque qu'il a théorisée restera l'outil par excellence qui permettra aux hommes de réfléchir justement et d'apprendre la rigueur intellectuelle. Ils inventeront les sciences exactes et finiront par maîtriser la nature.

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Aristote (copie romaine d'un marbre de Lysippe).

5. 19. Au IIe siècle, les juifs retrouvent leur autonomie politique : le Dieu des combats aurait-il enfin répondu ?
À la mort d'Alexandre le Grand, en - 323, son empire est partagé entre ses généraux. Le général Ptolémée (367-283) obtient l'Égypte : il devient roi sous le nom de Ptolémée Ier. Il règne également sur la Terre Sainte qui est rattachée à l’Égypte.
Sous le règne de Ptolémée, le grec Manéthon écrit la première histoire d’Égypte. C'est lui qui donne aux pharaons les noms sous lesquels nous les connaissons aujourd'hui. Manéthon donne également le nom de « Pharaon » aux souverains égyptiens. Il est inspiré du mot égyptien « per-aâ » qui signifie « grande maison » et dénomme l'administration égyptienne.

En -200, venant de Syrie, les Séleucides conquièrent la Terre Sainte au détriment de l’Égypte des Ptolémée. La Terre Sainte est maintenant dirigée par une dynastie d'origine perse, mais sa culture reste grecque.
Entre les IIIe et IIe siècles, les juifs d'Alexandrie abandonnent l'hébreu pour le grec.
L'hébreu reste la langue liturgique. Comme ils ne comprennent plus l'hébreu, ils font traduire la Bible en grec. Cette traduction sera appelée la Septante car 70 sages y auraient travaillé. Les juifs prieront en grec avec cette Bible jusqu'à la fin du premier siècle. L'émergence du christianisme leur fera alors revoir leur position et ils retourneront à la Bible en hébreu. En effet, la façon dont avaient été traduites en grec les prophéties d'Isaïe semblait trop bien correspondre à l'avènement du Christ...
Certaines élites juives se sont hellénisées au point que la religion juive semble être en perdition. Néanmoins, quand un gymnase est construit à Jérusalem (Macchabées 1, 13-14), les juifs se révoltent. Le gymnase en tant que lieu où s’entraînent, dévêtus, de jeunes hommes et des hommes mûrs, est le symbole du paganisme. Judas Macchabée dirige la révolte. La réaction est immédiate : la religion juive est interdite par Antiochus Épiphane, le souverain séleucide.

De 167 à 164 a lieu la persécution par Antiochus Épiphane.

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Trois des frères Macchabée sont exécutés pour avoir refusé de sacrifier aux idoles,
(fresque de 246, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie).

Les lieux de culte juif sont interdits. Les Samaritains acceptent de consacrer à Jupiter leur temple du mont Garizim. Le Temple de Jérusalem, celui des juifs, est, lui aussi, consacré à Jupiter, à la grande horreur des juifs. Cette période est connue par les livres des Macchabées dans la Bible, mais également par les écrits de Flavius Josèphe. Flavius Josèphe est un écrivain juif romanisé qui écrit à la fin du premier siècle qui raconte en détail l'histoire de son peuple. Ces écrits sont une source jugée fiable, puisque contemporaine des faits racontés.
Deux mouvements spirituels naissent de l'opposition à Antiochus Épiphane. Le premier réunit les pharisiens qui appellent à résister en étant fidèles à la Loi de Moïse. Leur foi est basée sur l'étude de la Loi et le respect des rituels de purification. Le second groupe réunit les Esséniens. Ils apparaissent, suite à assassinat du Grand Prêtre Onias. Les Esséniens se réfugient dans le désert, loin de Jérusalem. Ils vivent en reclus, en communauté, pour préserver leur pureté rituelle. Plus aucun Grand Prêtre siégeant à Jérusalem ne leur apparaîtra légitime (Flavius Josèphe, Antiquités juives, 13-V-9, 18-I-5, et Guerres juives 2-8).

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Communauté essénienne de Qumrân.

Mais la résistance des Juifs n'est pas uniquement spirituelle. La révolte armée se poursuit, dirigée par la famille des Macchabées. Leur victoire va donner aux juifs leur autonomie politique pour une centaine d’années... avant une éclipse de 2000 ans.
En -152, Jonathan Macchabées s'empare de Jérusalem et poursuit sa conquête d'Israël.
En -140, à Jérusalem, un de ses frères, Simon Macchabées est proclamé « Grand-prêtre, stratège et éthnarque » à titre héréditaire. La dynastie hasmonéenne est née. Le titre d’éthnarque signifie que Simon dirige le Peuple Élu, et celui de Grand-Prêtre qu'il assume la première des fonctions religieuses du nouvel état. Il crée un royaume où tous les pouvoirs religieux et temporels sont entre les mêmes mains. Le Deutéronome lui sert de base législative. Israël va faire l'expérience de la théocratie monothéiste.

Le Dieu des armées a enfin répondu. Le Peuple Élu a retrouvé un état souverain dirigé par un roi juif guidé par la loi de Moïse. Finalement, l'hypothèse du Dieu des combats n'était-elle pas la bonne ? Car c'est bien par les armes que le Peuple Élu a retrouvé son autonomie ! Une ère de bonheur et de prospérité devrait maintenant s'ouvrir au Peuple Élu, selon les promesses des temps messianiques !

5. 20. La dynastie hasmonéenne : le Dieu des combats a enfin répondu, une théocratie est née.
La dynastie hasmonéenne poursuit son expansion. En -125, elle conquiert l'Idumée, l'ancien royaume d'Édom au sud de la mer morte. Ses habitants ne sont naturellement pas juifs. Or, la loi deutéronomique impose de ne pas se mêler aux païens (Dt 7, 2-3). Les Iduméens sont donc obligés de se convertir au judaïsme. Flavius Josèphe raconte : « Hyrcan prit aussi les villes d'Idumée, Adora et Marissa, soumit tous les Iduméens et leur permit de rester dans le pays à la condition d'adopter la circoncision et les lois des Juifs. Par attachement au sol natal, ils acceptèrent de se circoncire et de conformer leur genre de vie à celui des Juifs. C'est à partir de cette époque qu'ils ont été des Juifs véritables. » (Antiquités juives 13. IX. 1).
Des grecs sont implantés en Décapode, une région de Terre sainte à l'est du Jourdain, et ce depuis des siècles. Ils doivent partir, puisqu'ils sont païens.

Suite à la politique nationaliste et religieuse des Hasmonéens, les terres désertées du Nord d'Israël, depuis les destructions massives de Teglath-Phalasar III, au VIIIe siècle, sont réoccupées par des immigrants juifs revenant de Babylone. Nazareth est fondée à ce moment et prend le nom du clan familial qui s'y installe. « Nazareth » signifie « Petit Surgeon » . Les membres de ce clan sont des descendants de David. D'autres membres de la famille de David s’installent à Kokhaba dans le Golan. Le Messie attendu doit naître dans la famille de David. Est-ce alors que la famille de Joseph et celle de Marie se sont installées à Nazareth* ? Ou bien Joseph s'y est-il installé lui-même bien plus tard, venant de Bethléem, sa vie natale, pour participer aux travaux entrepris par Hérode dans la ville de Sépphoris ? Les deux hypothèses sont retenues par les théologiens chrétiens et les historiens*.

En -108, la Samarie, l'ancien royaume d’Israël, est envahie par les Hasmonéens. Sous la pression d'Antiochus Épiphane, les Samaritains avaient accepté de convertir leur Temple du mont Garizim en temple dédié à Jupiter. Les Hasmonéens rasent le Temple samaritain en représailles (Flavius Josèphe, Antiquités juives ; 13. III. 48 et 13. IX.1). Les Samaritains continueront à célébrer leur culte sur le mont Garizim, malgré la destruction de leur temple. Il en était encore ainsi du temps de Jésus. Il en est encore ainsi de nos jours : les derniers Samaritains célèbrent toujours la Pâque sur le mont Garizim.

La culture grecque reste implantée en Terre sainte. Les souverains hasmonéens portent des prénoms grecs. Ils frappent, à partir de -125, une monnaie sur le modèle des pièces grecques. La drachme grecque restera le modèle des pièces frappées par les différentes dynasties moyen-orientales. Les Perses sassanides, contemporains de Mohamed, frappaient une drachme en argent, d'où l'anachronisme du Coran au sujet du patriarche Joseph (S. 12, 20).
Comme souvent dans un état théocratique, chacun pratique la surenchère spirituelle. Les pharisiens ne contestent pas le titre d’ethnarque, qui correspond à la souveraineté politique, mais ils souhaitent que l’ethnarque ne soit pas en même temps Grand-prêtre. Le pouvoir hasmonéen va initialement favoriser le parti des sadducéens pour contrer les pharisiens. Les sadducéens sont issus des familles sacerdotales, ils conçoivent la foi comme un culte rendu au Temple de Jérusalem par des sacrifices d'animaux. Les pharisiens, quant à eux, multiplient les rituels issus de la Tradition. Flavius Josèphe raconte comment ils cherchent à imposer au peuple le respect de ces obligations, bien au delà de ce que réclame la Loi de Moïse (Antiquités juives, 13, X, 6). Le souverain Alexandre Jannée tente de soustraire le peuple à ces rituels jugés excessifs. Il finit par faire crucifier plusieurs centaines de pharisiens avec l'aide de mercenaires grecs.

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Monnaie frappée sous Alexandre Jannée.

La dynastie hasmonéenne sombre dans les luttes de successions. À partir de -67, les deux fils du roi Alexandre Jannée, se disputent le pouvoir. Jean Hyrcan II et Aristobule II fragilisent leur dynastie. Cela profite aux romains qui sont déjà aux confins de la Terre Sainte. En -63, les romains prennent Jérusalem.

En acquérant leur autonomie politique, les juifs ont inventé la théocratie monothéiste : ils ont fondé un état où les pouvoirs temporels et religieux étaient tous réunis entre les mains de leur roi. Une théocratie absolutiste est née... avec toutes ses dérives. Les athées pensent volontiers qu'une théocratie, en particulier monothéiste, mène forcement à l'oppression des déviants. Les monothéistes peuvent faire remarquer, qu'à cette époque, tous les états étaient cruels. Un croyant sincère s'attend néanmoins à ce qu'un état supposé guidé par Dieu conduise à … la justice ? l'égalité ? la prospérité ? la liberté ? la fraternité ? Mais pourquoi s'attendre à ce qu'un état guidé par des lois voulues par Dieu soit ainsi ? Pour qu'il en soit ainsi, faut-il encore que Dieu soit bienveillant ! Pour qu'il en soit ainsi, faut-il encore que les hommes exercent leur liberté pour obéir au Dieu bienfaisant !

À l'aube de l'histoire du Peuple Élu, Yahvé avait donné un nom surprenant à Jacob, le petit fils d'Abraham. Yahvé l'avait surnommé « Israël »,  ce qui signifie, « Celui qui se bat avec Dieu ». Israël garde en lui l’ambiguïté de cette appellation. Se bat-il au coté de Dieu pour triompher, ou bien contre Lui pour aller à sa ruine ?
« Jacob demeura seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore. Voyant qu'il ne pouvait le vaincre, cet homme le frappa à l'emboîture de la hanche ; et l'emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui. Il dit : Laisse-moi aller, car l'aurore se lève. Et Jacob répondit : Je ne te laisserai point aller, que tu ne m'aies béni. Il lui dit : « Quel est ton nom ? ». Et il répondit : « Jacob ». Il dit encore : « Ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël ; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur. » (Genèse 32, 24-28). Dans cette relation intime, spontanée, voire opposante qui s'est établie entre Yahvé et le Peuple Élu, celui-ci a pu interroger Dieu autant qu'il l'a voulu sur Sa volonté et sur Son Être. Yahvé a créé les hommes libres, telle est la conviction des juifs et cela fait plus de 1000 ans que les hébreux interrogent Dieu, Lui réclament des signes et L’appellent à l'aide.

Les Hébreux ont voulu un roi pour faire la guerre (1 Samuel 8, 20). Et Yahvé leur a donné un roi et ils ont fait la guerre...


* : Jésus, p. 80, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

5. 21. Les romains dominent Israël et désignent Hérode, un juif iduméen, pour les représenter.
Entre -73 et -71, Spartacus se révolte en Italie : 120 000 esclaves se rebellent. Ils finissent par être vaincus. Les romains crucifient les 6000 survivants le long de la Via Appia.
En -69, Rome, après avoir défait le roi Mithridate, s'étend au Moyen-Orient. L'armée romaine est la meilleure du monde et elle le restera encore pendant quatre siècles.
En -63, Rome domine la Terre Sainte. Les romains laissent le titre d'éthnarque à Hircam II mais ils installent à ses cotés un iduméen fidèle : Antipater. Ainsi, les romains organisent-ils leur politique d’extension territoriale : ils laissent en place des notables autochtones pour leur servir de fidèles relais. En - 37, le fils d'Antipater, Hérode, se voit à son tour confier le pouvoir par les romains qui soutiennent sa succession par les armes. Ils exécutent alors Antigonos, le roi hasmonéen légitime.

Hérode, dit le Grand, règne de -37 à -4 avant JC. Les juifs de souche le considèrent comme un païen, puisqu'il est issu  d'une famille iduméenne convertie par obligation au siècle précédent. Pour renforcer sa légitimité, il épouse en -37 Mariamne, une descendante hasmonéenne. Il l'aimera passionnément et ils auront deux fils. Maladivement jaloux, il les fera assassiner tous les trois en - 29 (Flavius Josèphe, La guerre des Juifs, livre XXII, 3 à 5 et La guerre des Juifs, livre XXVII, 6).
En 30 avant JC, Octave conquiert l'Égypte. Le dernier pharaon, la célèbre Cléopâtre, se suicide. Octave refuse d'être sacré pharaon. Son titre d'Imperator est simplement écrit en hiéroglyphes ; il ne se place donc pas sous la protection des dieux égyptiens. La langue égyptienne est bannie de l'administration, mais reste la langue parlée par le peuple et la langue sacrée des prêtres. La connaissance des hiéroglyphes n'est plus préservée que dans les temples.
Octave domine le monde romain qui englobe le bassin méditerranéen. En -27, le sénat lui octroie le titre d'empereur. Il accède ainsi à la divinité de son vivant. Octave devient donc Auguste. Il règne jusqu'en 14 après JC. Une ère de prospérité sous tutelle romaine semble annoncée dans le monde connu : l'empire Romain est né.

Hérode fait construire la ville de Sépphoris (Flavius Josèphe, La guerre des Juifs, livre XXI, 2), une riche ville romanisée où il s'installe avec sa cour dans un luxe tapageur et païen : thermes, temple païen, théâtre. Les fouilles en ont témoigné. La ville se situe à quelques kilomètres de Nazareth en Galilée. Il n'est pas impossible que Joseph y ait travaillé comme charpentier.
Hérode crée des forteresses dont l’impressionnant nid d'aigle de Massada qui deviendra célèbre lors de la révolte juive de 66 à 73. Massada sera alors le dernier bastion qui tombera devant les romains.
Avec l'âge, l'inquiétude ronge Hérode et lui fait craindre un attentat. Il se fait bâtir un incroyable palais-forteresse en haut d'une colline artificielle : l'Hérodium. Le palais circulaire couronne la colline qui dissimule son mausolée à son flanc. Le sarcophage d'Hérode a été découvert en 2007 par E. Netzer, archéologue de l'université de Jérusalem. Il a été intentionnellement détruit lors de la première révolte juive contre les romains en 66. Hérode était toujours détesté bien après sa mort.

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L'Hérodium (construit par Hérode le Grand).

En 36, pour asseoir son pouvoir sur le Sanhédrin, Hérode fait assassiner Aristobule III, le dernier Grand Prêtre issu de la dynastie hasmonéenne. Puis en -27, 45 des 71 membres du Sanhédrin seront exécutés. Le Grand Prêtre est désormais à sa dévotion.

À partir de - 16 avant JC, Hérode fait reconstruire le Temple de Jérusalem.
Le Temple de Zorobabel est détruit et remplacé par un Temple gigantesque qui mesure 500 mètres sur 300. Flavius Josèphe ne tarit pas d'éloges sur sa somptuosité (La guerre des Juifs, livre XXI, 1). La décoration intérieure ne sera terminée qu'en 64. La fin des travaux a sans doute été une des causes de la révolte juive. Des milliers d'ouvriers se sont retrouvés brutalement au chômage.
Le Temple est organisée autour du « Saint des Saints », l'endroit le plus sacré. Le Grand Prêtre n'y pénètre qu'une fois par an pour prononcer le nom de Yahvé, au moment de Kippour. Il le prononce à l'endroit où se trouvait l'Arche d'Alliance qui contenait les Tables de la Loi écrites par Yahvé Lui-Même. Elles ont disparu depuis Nabuchodonosor mais leur sacralité persiste.

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le Saint du Saint où demeure l'Arche d'Alliance loin du peuple (Le Pentateuque de Tours,
écrit et enluminé en Espagne ou en Afrique du Nord au VIe siècle ; BnF).

Un rideau sépare le « Saint des Saints » du « Saint » où se trouve la Ménorah, le chandelier à sept branches. À la fin du premier siècle, il sera reproduit sur l'arc de Triomphe de Titus à Rome, celui qui commémore le sac du Temple.
La cour qui entoure le « Saint » est réservée aux scarificateurs. C'est là que sont sacrifiés les animaux. Le Temple va être inauguré sous Hérode par le sacrifice de 300 bœufs.
Les femmes restent en deçà, dans la cour des femmes.
La cour extérieure est réservée aux non juifs. Une inscription en latin en interdit l'entrée : « Défense à tout étranger de franchir la barrière et de pénétrer dans l'enceinte du sanctuaire. Quiconque aura été pris sera lui-même responsable de sa mort qui s'en suivra. » (Flavius Josèphe, la guerre des juifs, V). Avec le droit familial de lapider la femme adultère, c'est le seul crime pour lequel, le peuple juif, sous tutelle romaine, peut encore appliquer la peine capitale. Cela sera posé définitivement en 30 sous Ponce Pilate, le préfet romain de Judée. On voit que les romains vont exercer peu à peu la réalité du pouvoir régalien sur la Terre sainte par l'intermédiaire de leur préfet.
La Judée est rattachée à la province romaine de Syrie, où siège le légat, le gouverneur romain.
Pour marquer sa soumission aux romains, Hérode le Grand fait installer un aigle immense à l'entrée du Temple. Cet acte païen accompli dans Jérusalem et, pire encore, à l'entrée du Temple, conduit des juifs pieux à détruire cet aigle. Arrêtés, ils sont brûlés vifs par Hérode.
Deux millions de juifs vivent en Canaan sous le règne d'Hérode et environ cinq millions hors du pays. Pour la Pâque (Pessa'h), la Pentecôte (Chavouot) et les Tentes (Souccot), ils sont tous appelés à venir à Jérusalem. Ils sont divisés en deux courants. Les pharisiens souhaitent revenir à l'application de la loi et à son étude. Mais ils ont renforcé jusqu'à l'absurde les rituels de purification, rendant leur foi impossible à pratiquer. Les sadducéens tiennent au culte centralisé à Jérusalem, et basé, pour l’essentiel, sur des sacrifices d’animaux.

Pour l’instant, ce sont ces derniers, les sadducéens, qui constituent le judaïsme officiel, et leur roi vient de leur construire le plus grand temple de l’histoire des hommes.

Peut-être les juifs ont-ils perdu leur autonomie politique, mais leur puissance religieuse et leur force spirituelle s'expriment maintenant dans l'écrasante splendeur d'un temple gigantesque.


* : Jésus, p. 52, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

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Le Cotel (plus souvent appelé Mur des lamentations par les Français,
seul mur restant du Temple construit par Hérode à la fin du premier siècle avant JC).
   







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Bordure de la Haggadah de Sarajevo (1350, Saragosse).
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:50

CHAPITRE 6 : LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST : HUMANITÉ, DIVINITÉ, de -7 à 30.

6. 1. Pendant qu'Hérode bâtit le Temple le plus grand du monde, Jésus-Christ naît dans une étable à Bethléem.
6. 2. Comment dater la naissance de Jésus ? La mort d'Hérode en - 4.
6. 3. La plaque funéraire dite Titulus Venetus permet-elle de dater plus précisément la naissance du Christ ?
6. 4. Les mages : peut-on dire plus précisément à quelle date est né le Christ ?
6. 5. La conception virginale de Jésus.
6. 6. Les anges et Joseph : paternité divine et paternité humaine.
6. 7. Géopolitique au Moyen-Orient au début de l'ère chrétienne.

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6. 8. En 29, débute la prédication de Jean le Baptiste.
6. 9. En 30, Jésus est baptisé par Jean. La Trinité se révèle.
6. 10. La tentation au désert : Jésus apprend aux hommes à inverser les priorités.
6. 11. Pierre dialogue avec Jésus.
6. 12. Les noces de Cana, annonce prophétique du banquet du Royaume de Dieu.
6. 13. La purification du Temple : la Pâque 31.
6. 14. Les Béatitudes. Jésus, nouveau Moïse, donne, du haut de la montagne, une nouvelle Loi. Il est Moïse et Il est Dieu, Celui qui sait, Celui qui décide et Celui qui transmet : il est Prophète, Roi et Prêtre.

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6. 15. Le Christ et les femmes.
6. 16. À la Pâque 32, Jésus multiplie les pains et annonce l'Eucharistie.
6. 17. Le Royaume est au milieu de nous.
6. 18. La Transfiguration du Christ.
6. 19. Divinité du Christ : Jésus croit-il être Dieu ?
6. 20. Quand les chrétiens ont-ils cru en la divinité du Christ ?

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:55


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Les Riches Heures du duc de Berry, (bordure de texte ; musée de Condé ; Chantilly).






CHAPITRE 6 : LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST :
HUMANITÉ, DIVINITÉ, de -7 à 30.

6. 1. Pendant qu'Hérode bâtit le Temple le plus grand du monde, Jésus-Christ naît dans une étable à Bethléem.

À l'opposé du Temple somptueux de Jérusalem, le Messie doit naître à Bethléem. Bourgade insignifiante, c'est la terre d'origine de David : « Et toi, Bethléem-Ephrata, petite parmi les clans de Juda, c'est de toi que sort pour moi celui qui doit gouverner Israël. » (Michée 5, 1-3). Ainsi l'affirme cette prophétie du VIIIe siècle avant JC.

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L'église de la Nativité à Bethléem, construite sous l'empereur Constantin au IVe siècle sur le lieu supposé
de la naissance du Christ. C'est la seule église byzantine du IVe siècle toujours debout en Terre Sainte
.

Le nom de Bethléem signifierait « Maison du pain », comme en anticipation de ce que le Christ dira sur lui-même : « Je suis le pain vivant. » (Jean 6, 51). Symboliquement, nous voyons déjà dans cette naissance à Bethléem les grandes lignes du message du Christ. Il naît au sein d'une famille pauvre et aimante. Il va renverser la vision spirituelle du Peuple Élu basée sur l'attente du succès militaire. La pauvreté prime sur l'ostentation de la richesse et l'amour sur le pouvoir. Il va offrir une Nouvelle Alliance au monde, centrée sur l'Eucharistie - « le Pain de vie » - et non plus sur les sacrifices d'animaux au Temple de Jérusalem. Jésus, le Messie, naît au lieu d'origine de sa famille et non à Jérusalem. Le culte va être décentralisé et devenir spirituel, chacun devenant le Temple de Dieu : « Dieu est Esprit, et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer. » (Jean 4, 24).

Pour les chrétiens, Jésus est Dieu fait homme.


Le « Et Incarnatus est » (dans la messe en ut de Mozart) raconte ce moment unique de l'histoire des hommes :
«
Et le Verbe s'est incarné, par l'Esprit-Saint, il a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme ».


Selon les chrétiens, opposer la Toute-puissance de Dieu à son Incarnation humaine, n'est pas logique. En effet, si Dieu est Tout-puissant, pourquoi douter de Sa capacité à devenir petit enfant ?
En se faisant fragile et humble comme un enfant nouveau-né, Dieu rejoint Son peuple dans ce qu'il a de plus faible. Aux yeux des chrétiens, les hommes ne seront plus jamais seuls. De cette rencontre naît une espérance absolue pour l'humanité : malgré sa misère, sa précarité et sa souffrance, elle sait que Dieu a vécu la même pauvreté.
Mais au delà de cette simple proximité, l'expérience de cette rencontre va modifier pour toujours la spiritualité. Jean, le disciple bien aimé, l’Évangéliste, résume à la fin de sa vie cette expérience spirituelle : « Quand nous le verrons tel qu'Il est, nous deviendrons semblables à Lui » (1 Jean 3, 2) ! Étonnante proclamation. Contempler Dieu permettrait d'être sanctifié et de Lui ressembler. Et contempler Dieu en la personne de Jésus fait homme, est devenu si facile. C’est comme si l'homme, en contemplant le Christ, n'aspirait plus qu'à conserver de lui-même que ce qui est semblable à Dieu, abandonnant son péché comme un surplus sans intérêt. Il ne s'agit donc plus d'obéir à des rituels pour être sauvé, mais de rencontrer Jésus et de le rencontrer en vérité dans la réalité de sa vie humaine racontée par les évangiles. Cela suffit pour être modifié, sanctifié, et finalement ressembler à Dieu ! Tel est le témoignage de Jean.
« Dieu s'est fait semblable à nous, pour que nous devenions semblables à Lui », expliquent les Pères de l’Église. De cette rencontre entre Dieu fait homme et l'humanité, naît une espérance nouvelle. L'humanité est conduite à la divinité par Celui qui est venu vers l'humanité. Jésus créé un pont que rien ne pourra rompre : un ère nouvelle commence. C'est la spécificité du christianisme qui suscite scandale et incompréhension chez les non-chrétiens.

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Détail de la nativité (Domenico Ghirlandaio (1449-1494)).

Au VIIIe siècle avant JC, Isaïe (9, 1-6) l'avait annoncé et désormais cela est réalisé : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi. Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie... Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père éternel, Prince de la Paix, pour que s'étende le pouvoir dans une paix sans fin sur le trône de David et sur son royaume pour l'établir et pour l'affermir dans le droit et la justice. Dès maintenant et à jamais, l'amour jaloux de Yahvé Sabaot fera cela. » *.
Le Messie est Dieu, telle est la conviction des chrétiens. Isaïe l'avait prophétisé sept siècles avant sa naissance : le « fils qui nous est donné » est nommé « Dieu-fort » !

« Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth en Judée, à la ville de David, qui s'appelle Bethléem, - parce qu'il était de la maison et de la lignée de David - afin de se faire recenser avec Marie, sa fiancée qui était enceinte. Or, il advint, comme ils étaient là, que les jours furent accomplis où elle devait enfanter. Elle enfanta son fils premier-né, l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche parce qu'ils manquaient de place dans la salle. Il y avait dans la même région des bergers qui vivaient aux champs et gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. L'Ange du Seigneur se tint près d'eux et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa clarté : ils furent saisi d'une grande crainte. Mais l'ange leur dit « Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie : aujourd'hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David... Les bergers … vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche. » (Luc 2, 4-16).

Les bergers, pauvres, incultes et isolés, sont les premiers à apprendre la nouvelle de l'ange : « Je vous annonce une grande joie : aujourd'hui vous est né un sauveur ! »

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L'adoration des bergers (Taddeo Gaddi (1300-1366) ; église de la Sainte Croix à Florence).

6. 2. Comment dater la naissance de Jésus ? La mort d'Hérode en - 4.
Le calendrier chrétien débute théoriquement à la naissance de Jésus. Mais, il a été mis en place au VIe siècle, par un moine savant nommé Dionysius Exiguus dit Denys ( mort en 550).
Dans l'antiquité, chaque pays avait son propre calendrier et faisait souvent commencer un nouveau décompte au début du règne du souverain : « Ceci s'est passé la 7e année du règne de Ramsès », « la 3 année du règne de Cyrus », etc ... D'autres, comme les romains, faisaient débuter le décompte à la fondation de Rome et les juifs à la date supposée de la Création du monde, soit 3760 ans avant « Jésus-Christ ».
La plupart des peuples du Moyen-Orient, et en particulier les romains et les juifs, utilise des calendriers dits « luni-solaires ». Une année comporte 12 mois lunaires de 28 jours, auxquels est ajouté, tous les 3 ans, un mois intercalaire pour retrouver une année de 365 jours un quart en moyenne qui correspond au temps qu'il faut à la terre pour faire le tour du soleil. Chaque peuple choisit le moment et la longueur de ce mois intercalaire. La longueur des années est donc variable et non coordonnée entre les pays. De plus, selon les civilisations, les années commencent à des moments différents : pour les Juifs en septembre et pour les romains au début d'un nouveau règne. Au VIe siècle, Denys a donc dû compiler plusieurs de ces calendriers et, selon les vérifications modernes, il s'est trompé de 7 ans. L'an 1 du calendrier de Denys a été pourtant conservé. La chronologie des événements importants, des actions des hommes illustres et des règnes des souverains est ainsi décalée de 7 ans... et Jésus se trouve être né en 7 « avant Jésus Christ », soit en 7 avant l'ère commune, selon la nomenclature du XXe siècle !

Comment a-t-on déterminé cette date ?

Luc nous dit que Jésus est né pendant le règne d'Hérode le Grand (Luc 1, 5). L'analyse de documents antiques permet de dater la mort d'Hérode avec précision : il est mort en -4. Flavius Josèphe rapporte qu'une révolte éclate pendant la dernière maladie d'Hérode, quand ses sujets le croient déjà mort : « en cette même nuit, eut lieu une éclipse de lune. » (Antiquités juives, l. XVII, ch VI, § 4). Hérode décède peu après, juste avant la fête de Pâque de la même année (Antiquités juives, l. XVII, ch IX, § 3), trente-sept ans après avoir été déclaré roi des Juifs par Rome, et trente-quatre ans après avoir chassé Antigone (Antiquités juives, l. XVII, ch VIII, § 1). Le premier à fixer la date de la mort d’Hérode à - 4 est Johannes Kepler au XVIe siècle. C'est, en effet, la seule année où une éclipse de lune se produit juste avant la Pâque. L'éclipse a eu lieu le 13 mars et Pâque a été fêtée cette année-là, le 11 avril, c'est-à-dire 29 jours après (Conf. Le Mém. de Fréret : Éclaircissement sur l’année et sur le temps précis de la mort d'Hérode le Grand, roi de Judée. Mém. de l'Académie des Inscript. et B. L., t. XXI, 29 mars 1748, p. 278-298, Paris, 1754).

Jésus serait donc né avant - 4, date de la mort d'Hérode.
D'autres éléments de Luc permettent une plus grande précision.
L'évangéliste Luc donne des noms propres très précis pour soutenir l’authenticité de son Évangile et de ses Actes des Apôtres. Luc lui-même explique qu'il a soigneusement interrogé les témoins (Luc 1, 2-3). Il est possible que, malgré sa bonne foi, il se soit trompé ; mais des inscriptions latines vieilles de 2000 ans ont corroboré certaines de ses affirmations.
Luc date la naissance du Christ en citant les puissants qui règnent alors : « Or, en ces jours-là, un décret parut de la part de César Auguste pour que toute la terre se fasse enregistrer. Ce premier enregistrement eut lieu alors que Quirinius était gouverneur de Syrie » (Luc 2, 1-2).

Nous sommes maintenant à la recherche du moment où un « premier recensement » est ordonné par un certain « Quirinius, gouverneur en Syrie ».
Le Testament de l'empereur Auguste, rédigé en 14, donne d'utiles précisions. Il a été conservé jusqu’à nos jours, car il a été gravé dans les temples de tout l'empire. L'exemplaire le plus complet a été découvert au XVIe siècle à Ankara, l'antique Ancyre, dans l'actuelle Turquie.
Au milieu de multiples informations sur son règne, Auguste signale qu'il a reçu la prêtrise lors du consulat de Quirinius, entre -12 et -10 (Res Gestae, 10). Quirinius était donc consul à Rome en -10 et il arrive en Syrie forcement plus tard. Quirinius aurait-il accompli un mandat de gouverneur de Syrie entre la fin de son consulat à Rome et -4, la mort d'Hérode ? Ou plus tard ? Il est à noter que Flavius Josèphe signale qu'un nommé Quintilius Varus occupe la fonction de gouverneur de Syrie juste avant la mort d'Hérode le Grand (La guerre des Juifs, XXXI, 5).

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Res Gestae (Ancyre ; Turquie).

Auguste précise dans son testament qu'il a ordonné plusieurs recensements tout au long de son règne. Un de ces recensements a été particulièrement remarqué, celui de 6 après Jésus Christ. Il a entraîné de nombreux troubles car il s'agissait de définir et d'encaisser l’impôt. Un siècle plus tard, les auteurs latins antiques (Tacite et Suétone) le racontent en détail : révolte populaire, émeutes, crucifixion des meneurs, et finalement destitution du fils d’Hérode, le tétrarque de Judée. Mais plusieurs recensements avaient eu lieu dans les 25 années précédentes.
Les auteurs antiques, Suétone et Tacite évoquent eux-aussi Quintilius Varus, légat de Syrie au moment de la mort d'Hérode, puis ils signalent que Quirinius est en poste en Syrie lors du recensement de 6. On en avait conclu que le mandat de Quirinius, cité par Luc, avait suivi celui de Varus qui était en fonction à la mort d'Hérode.
Selon cette première analyse, la chronologie proposée par Luc devenait impossible : Hérode est mort en -4 (c'est démontré), alors que Varus était gouverneur de Syrie ; et un recensement sous Quirinius s'est déroulé en 6, comme en témoignent les auteurs romains antiques. Jésus ne peut donc pas naître à la fois sous Hérode le grand et au moment du recensement de 6 sous Quirinius !

Et pourtant, Luc parle du « premier » recensement sous Quirinius (Luc 2, 1-2). N'y aurait-il pas eu un premier recensement de la province de Syrie avant celui de l'an 6 ?

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Monumentum Ancyranum support du Res Gestae d'Auguste (Ancyre).

6. 3. La plaque funéraire dite du Titulus Venetus permet-elle de dater plus précisément la naissance du Christ ?

Luc s'est-il trompé ? Le Christ est-il né pendant le règne d'Hérode le Grand ? Ou bien est-il né en 6 « après JC », au moment du recensement qui a entraîné tant de troubles ?

L'analyse d'une plaque funéraire apporte d'autres éléments. L'inscription du Titulus Venetus (CIL III 6687; ILS 2683) a été retrouvée à Venise au XIXe siècle. C'est une plaque funéraire en marbre. Or, par convention, on sait que les événements sur les plaques funéraires sont relatés par ordre chronologique. Le Titulus Venetus dit : « Q[uintus] Aemilius Secundus f[ils] de Q[uintus], de la tribu Pal[atina] (qui a servi) dans les camps du divin Aug[uste] sous P. Sulpicius Quirinius, légat de César en Syrie, décoré des distinctions honorifiques, préfet de la cohorte 1er Aug[usta], préfet de la cohorte II Classica. En outre, par ordre de Quirinius j'ai fait le recensement, de 117 mille citoyens d'Apamée. En outre, envoyé par Quirinius en mission, contre les Ituréens, j'ai pris leur citadelle sur le mont Liban. Et avant le service militaire, (j'ai été) préfet des ouvriers, détaché par deux co[nsul]s à l' « aerarium ». Et dans la colonie, questeur, édile à deux reprises, duumvir à deux reprises, pontife.
Ici ont été déposés Q[uintus] Aemilius Secundus f[ils] de Q[uintus], de la tribu Pal[atina] (mon) f[ils] et Aemilia Chia (mon) affranchie. Ce m[onument] est exclu de l'h[éritage]
».

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Titulus Venetus suggérant la réalisation d'un recensement avant la mort d'Hérode
pendant le mandat du gouverneur P. Sulpicius Quirinius
(musée du Vatican).

L'inscription nous apprend plusieurs choses. D'abord, Quintus a lutté contré les Ituréens pendant son mandat. Or, la conquête de la citadelle du mont Liban en Iturée a eu lieu avant la mort d'Hérode d'Hérode de Grand, puisque ce dernier a pu la léguer par testament, avec l'Iturée, à son fils Philippe (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XV, 10, § 3). Le gouverneur de Syrie, avant la mort d'Hérode était bien Quirinius, puisque Quintus – sur le Titulus Venetus - le cite comme celui qui gouverne la Syrie à son arrivée. Auparavant, on ne pensait pas que le mandat de gouverneur de Quirinius ait pu être aussi long, puisqu'il est également gouverneur de Syrie en 6 après JC, selon les auteurs romains Flavius Josèphe, Tacite et Suétone. Il est d'ailleurs possible qu'il n'ait pas accompli un mandat aussi long, mais deux mandats entre lesquels se serait intercalé le mandat de Varus (Tacite, Histoire, V, 9, 6). Pour finir, il y a bien eu, avant la mort d'Hérode, un recensement de la population dans la province de Syrie à laquelle était rattachée Bethléem.

Avant la découverte du Titulus Venetus, seul le récit de Luc parlait d'un recensement de la Judée organisé par Quirinus avant la mort d'Hérode le Grand. Suétone, Flavius Josèphe ou Tacite, qui écrivent à la fin du premier siècle ou au début du deuxième, avaient été beaucoup moins précis. Ils parlaient surtout du recensement de l'an 6, puisque les émeutes sanglantes qui l'avaient accompagné en avaient fait conserver le souvenir. Mais en 1912, on découvre une inscription à Antioche de Pisidie. La présente de Quirinus en Syrie entre -12 et -7 y est attestée puisque sa victoire sur des tribus rebelles du Taurus y est racontée*. Il semble bien que Quirinus ait donc été deux fois légat en Syrie. D'autant qu'une autre plaque découverte à Tivoli en Italie en 1764 - le Lapis Tiburtinus - évoquait le fait qu'un homme puissant avait été deux fois de suite légat en Syrie, mais elle ne le nommait pas.

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Pierre trouvée à Antioche de Pisidie qui signale que « Sulpici Quirinius »
a été «
réélu » « duumvir » de la cité.


Il est donc possible que ce recensement des biens et des habitants non citoyens de l'empire se soit étendu sur 13 ans.
Il aurait débuté après -9, puisqu'auparavant Quirinius était consul à Rome. Dans une première étape, aurait été réalisé un inventaire des biens et des personnes : il s'agissait de recenser  « le nombre des citoyens et des alliés sous les armes » (le Breviarium ; Tacite, Annales I, 11,4). Joseph et Marie ne sont pas citoyens, certes, mais des habitants non esclaves d'une province soumise à Rome. Ce premier recensement n'aurait entraîné aucun trouble, au point qu'un siècle plus tard, les auteurs romains n'avaient aucune raison d'en faire mention dans une chronique de l'empire. Seul Luc en parle puisque, à ses yeux, un événement exceptionnel y est associé : la naissance du Christ. La seconde partie du recensement aurait eu lieu en 6 pour fixer et percevoir l’impôt.

Pour résumer :
- En -10, P. Sulpicius Quirinius termine un mandat de consul à Rome (Testament d'Auguste).
- Sulpicius Quirinius arrive ensuite en Syrie pour un premier mandat de gouverneur (inscription d'Antioche de Pisidie).
- Il charge Quintus du recensement des biens et des personnes dans sa province qui inclut la Judée (Titulus Venetus). Alors a lieu la naissance du Christ, lors du « premier » recensement de Quirinius (Luc 2, 2).
- Vers - 5, Varus remplace Sulpicius Quirinius et débute un mandat de gouverneur en Syrie juste avant la mort d'Hérode le Grand (Flavius Josèphe,Tacite, Suétone).
- En - 4, Hérode le Grand décède (Flavius Josèphe).
- Varus achève son mandat ; il est remplacé par Sulpicius Quirinius qui accomplit un second mandat de gouverneur en Syrie. Au cours de ce second mandat, Sulpicius Quirinius ordonne en 6 le recensement destiné à fixer l’impôt qui entraîne des émeutes (Tacite, Suétone, Flavius Josèphe).

Jésus serait donc né dans un intervalle allant de -9 à -4 de l'ère commune.

* : Jésus, p. 469, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

6. 4. Les mages : peut-on dire plus précisément à quelle date est né le Christ ?
« Jésus étant né à Bethléem, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem en disant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre à son lever... » L'ayant appris, le roi Hérode s'émut... Il assembla tous les grands prêtres avec les scribes et il s'enquérait du lieu où devait naître le Christ. « À Bethléem, lui dirent-ils... »
Alors Hérode manda secrètement les mages, se fit préciser par eux le temps de l'apparition de l'astre et les envoya à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner exactement sur l'enfant ; et quand vous l'aurez trouvé, avisez-moi, afin que j'aille, moi aussi, lui rendre hommage. »
... Ils se mirent en route et voici que l'astre, qu'ils avaient vu à son lever, les précédait jusqu'à l'endroit où était l'enfant. À la vue de l'astre, ils se réjouirent d'une très grande joie. Entrant dans le logis, ils virent l'enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; puis, ils lui offrirent en présents de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Après quoi, avertis en songe de ne point retourner chez Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays.
» (Mathieu 2, 1-12).

Leurs noms de Melchior, Gaspard et Balthazar datent d'une légende du IXe siècle. On a supposé qu'ils étaient trois puisque trois cadeaux sont offerts à l'enfant saint. L'apparition de l'étoile pourrait être, elle aussi, une légende. Mais, l'astronomie moderne donne une étonnante confirmation aux évangiles.

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Une étoile en argent a été placée au lieu supposé de la naissance du Christ
(église de la nativité à Bethléem).

En -7, Jupiter, Saturne étaient en conjonction : ils apparaissaient rassemblés vus de la terre et formaient un point extrêmement lumineux. Cette conjonction astronomique n'a lieu que tous les 754 ans.
À la naissance du Christ, les prêtres devins chaldéens de l'ancienne Babylone étaient toujours les meilleurs en astronomie et ce depuis 2000 ans. Ils notent que cette conjonction a eu lieu à 3 reprises au cours des années -7 et -6. En 1925, l'archéologue Peter Schnabel en a retrouvé la preuve sur le site de Abbu-Habbah, près de Bagdad, dans l'antique site sumérien de Sippar. Une tablette en terre cuite décrit le calendrier de la conjonction de ces deux planètes*, Jupiter et Saturne. Les mages de Babylone connaissaient donc cette conjonction d'étoiles de -7 *. Rien n'interdit qu'ils aient suivi son déplacement à la recherche de ce qu'elle annonçait.

Flavius Josèphe a raconté la rencontre des mages avec Hérode de façon beaucoup plus détaillée que les Évangiles. Le texte existe dans la version slavonne de Flavius Josèphe. Il parle d'au moins trois apparitions de l'étoile au cours de la même année. Cette étoile est chargée d’annoncer ce qui semble bien être un sauveur de l'humanité dans le langage de Flavius Josèphe : « L’image [de l'étoile] nous est apparue pour signifier la naissance d'un roi par lequel le monde entier serait maintenu. » (Flavius Josèphe, version slavonne, Guerre des Juifs, 1, 400). Hérode interroge les prêtres et les docteurs de la Loi juifs qui, toujours selon Flavius Josèphe, pourtant juif romanisé, auraient répondu que le Messie « naîtrait sans père » (Flavius Josèphe, version slavonne, Guerre des Juifs, I, 19).

Le premier, Kepler a calculé le moment de cette conjonction de planètes pour établir la date de naissance du Christ. Les astronomes modernes ont  refait les calculs : la conjonction de Jupiter et de Saturne était parfaite en mai, octobre et décembre -7.

La naissance de Jésus a donc lieu en -7, peut-être au printemps, puisque les bergers gardaient leurs moutons dehors. « Il y avait dans la même région des bergers qui vivaient aux champs et gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. » (Luc 2, 8). Si ce détail de l'évangile de Luc est exact, Jésus est donc né en mai -7.

Le choix du 25 décembre est un choix symbolique qui correspond à peu près au solstice d'hiver. Jésus, lumière du monde, est fêté  au moment où la lumière revient. Sa célébration prendra le relais des cultes païens du solstice. En effet, à partir du IIIe siècle, apparaîtra un culte, très populaire parmi les militaires, rendu au « Soleil Invaincu » qui sera célébré le 25 décembre. La date du 25 décembre sera donc choisie pour remplacer ce culte païen. Ce serait le pape Libère qui aurait fait ce choix en 354.
Quelle que soit la date réelle de la naissance du Christ, les chrétiens fêtent, ce jour-là, la naissance du Christ, personnage historique à l'existence incontestée.

Jésus est donc né 7 ans « avant JC ». En décembre -7, selon l'hypothèse retenue par les chrétiens et en particulier par le pape Benoît XVI**. Cette date de -7 convient aux chrétiens puisqu'elle permet de mettre en cohérence l’Évangile de Luc avec des événements historiques démontrés par des sources objectives, astronomiques ou épigraphiques. Mais d'autres maintiennent qu'il serait né en 6, au moment du fameux recensement qui a entraîné tant d'émeutes.

La date de naissance du Christ ne peut pas être mieux précisée à ce jour. Néanmoins, le Christ demeure un personnage historique à l'existence incontestable et incontestée.

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L'adoration des mages (Giotto, XVe siècle).

* : Jésus, p 462, Jean-Christian Petitfils, Librairie Arthème Fayard, 2011.
** : L'enfance de Jésus, Joseph Ratzinger, Flammarion, 2012.

6. 5. La conception virginale de Jésus.
« Voici que la jeune fille nubile (la vierge) est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » (Is 7, 14).
Ainsi, la naissance virginale du Messie a-elle été prophétisée dès le VIIIe siècle, en 733 précisément lors de la guerre entre Achaz et Teglat-Phalasar III (*1). Dans la version hébraïque de la Bible, le terme exact désignant la mère du Messie est celui de « jeune fille nubile », et dans la Septante, le mot grec choisi au IIe siècle avant JC est celui de « vierge ». La traduction en grec semble davantage correspondre à l'avènement du Christ, né, non seulement d'une jeune fille tout juste pubère, mais également d'une jeune fille restée vierge. Cet argument suffira pour que les juifs abandonnent la version grecque de la Bible, après l'avènement du christianisme, pour revenir à la Bible hébraïque.

Luc (Luc 3, 23-38) et Matthieu (Mt 1, 1-17) présentent deux généalogies différentes pour Joseph. Ce sont donc les généalogies officielles de Jésus ... selon l'apparence de sa filiation humaine. Comme les deux évangélistes donnent deux généalogies différentes : soit il s'agit de généalogies erronées, soit celle de Matthieu est la généalogie de Joseph et celle de Luc celle de Marie (Joseph y étant alors cité à la place de Marie ; en tant qu’époux, il prend la place de sa femme, selon l'habitude juive). Joseph et Marie descendraient donc tous les deux de David, mais par un fils différent : ainsi Jésus peut-il être le Messie. Il est probable que ces généalogies aient été rédigées dans ce seul but : confirmer que le Christ est bien le Messie, puisque fils de David (**1).

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L'arbre de Jessé, (enluminure médiévale qui reprend la filiation du Christ selon
l'apparence humaine et remonte jusqu'à Jessé le père de David).

La généalogie de la famille de Jésus présente donc sa part d'approximation dans les évangiles. Dans le Coran, l'origine de Marie est également ambiguë : elle serait la sœur d’Aaron et la fille d’Amran (S. 19, 28 et S. 66, 12). Cela correspond en fait à la famille de Moïse. Il semble que l'auteur du Coran confonde deux Myriam ayant vécu à 1300 ans d'écart. Au XIIIe siècle avant JC, Amran a trois enfants, Moïse, Aaron et leur sœur Myriam (Exode 15, 20). La mère de Jésus, Marie, a vécu 1300 ans après, et nulle part - en dehors du Coran - on ne lui signale de frères. Le Coran confond donc Myriam la sœur de Moïse et d'Aaron, les enfants d'Amran ; avec Marie, la mère de Jésus. Les exégètes musulmans expliquent que Marie, mère de Jésus est de la tribu d'Amran, et non sa fille. Néanmoins, cela n'explique pas comment Marie, mère de Jésus, peut être la sœur d'Aaron selon le Coran : « Sœur d'Aaron, ton père n'était pas un homme de mal et ta mère n'était pas une prostituée » (S. 19, 28) ?
Pour la Sourate 19 (21), l’incarnation du Christ est  « une chose déjà décidée », Marie est prévenue mais elle ne donne pas son accord.

Sur ce point, l'évangile est différent : l'accord de Marie est indispensable. On voit là toute la distance qui existe entre la liberté chrétienne et la soumission musulmane. Dans les évangiles, l'ange ne quitte Marie qu'après qu'elle a accepté : « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu à Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph de la maison de David ; et le nom de la vierge était Marie. Il entra et lui  dit : « Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole elle fut toute troublée, et elle se demanda ce que signifiait cette salutation. Et l’ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie, tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’ange : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange répondit : « L’Esprit-Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu… Et voici qu’Élisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle, qu’on appelait la stérile ; car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur : qu’il m’advienne selon ta parole. » Et l’ange la quitta.
» (Luc 1, 26-38).

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L'annonciation faite à Marie (Fra Angelico, XVe siècle).

La façon dont Marie répond à l’ange, en lui objectant sa virginité, fait penser qu’elle s’était engagée par un vœu de virginité perpétuelle malgré ses fiançailles avec Joseph. Si elle avait dû mener une vie conjugale normale, pourquoi se monter si surprise qu’un fils doive lui naître ? Elle n'avait aucune raison de penser que Joseph, ou elle même, ait été stérile.
Ce texte de Luc pourrait passer pour une reconstruction hagiographique tardive, la virginité de Marie serait alors mythologique et symbolique... Les juifs se mariaient jeunes et transmettaient leur foi par la maternité. Les jeunes filles,  toutes sans exception, étaient mariées... du moins cela a été le cas au Moyen Âge. Personne n’imaginait que le célibat consacré à Dieu ait pu exister chez les juifs il y a 2000 ans, jusqu’à ce que l’on découvre les manuscrits de Qumrân.
En effet, à Qumrân, ont été mis à jour des textes qui légiféraient sur le vœu de chasteté des vierges ou même de couples mariés. Il n’était donc pas exceptionnel qu’une jeune fille fiancée ce soit engagée à vivre chastement dans la virginité perpétuelle. C’était une possibilité reconnue et encadrée. Le père pouvait en fait lever l’engagement pris par une fille trop jeune et sans son accord (**2). Il est donc historiquement tout à fait possible que Marie ait été engagée dans un célibat perpétuel choisi.

Isaïe avait annoncé que le Messie naîtrait d'une vierge. Les catholiques et les orthodoxes maintiennent que Marie est restée vierge après la naissance du Christ. En effet, Marie et Joseph sont toujours vivants quand le Christ a 12 ans, mais ils ne lui ont donné aucun frère ou sœur, comme semble en témoigner l'évangile de Luc sur la « recouvrance » au Temple (Luc 2, 41). Lors de ce pèlerinage pascal, quand le Christ a douze ans, il reste en arrière, dans le Temple, et ses parents le cherchent.

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Jésus enfant discourt avec les docteurs du Temple
(Max Liebermann (1847-1935)).

Cet évangile ne signale alors aucun frère ou sœur les accompagnant. Les protestants croient, eux, que Joseph et Marie ont mené une vie conjugale normale après la naissance de Jésus, et qu'ils lui ont donné des frères et sœurs, comme semblent en témoigner les passages qui parlent d'eux (Mat 13, 55 ; Marc 3, 31 ; Marc 6, 3). Les catholiques considèrent qu'il s'agissait de cousins de Jésus - les enfants du frère du Joseph, Clopas, et de son épouse Marie - et certains orthodoxes que ce sont des enfants que Joseph aurait eu d'une première union.

* : L'enfance de Jésus, p. 71, Joseph Ratzinger, Flammarion, 2012.
** : Jésus, **1 : p. 87 ; **2 : 473, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

6. 6. Les anges et Joseph : paternité divine et paternité humaine.
Il n'existe pas de preuve de l'existence des anges. Mais les quatre évangiles les décrivent d'une façon originale et identique.
Que ce soit chez Matthieu, Marc, Luc ou Jean, quatre auteurs ayant interrogé des témoins différents, on retrouve les mêmes particularités : les anges ne ressemblent pas aux hommes.
Les anges donnent l’impression de ne pas comprendre qu'un homme n'ait pas la certitude de l’existence de Dieu. Noyé dans le doute d’une foi qui est un choix, l’homme n’a pas de vision claire de Dieu. L’ange, lui, contemple éternellement Dieu et il n’est surpris par rien de ce qui est divin. Il comprend trop bien Dieu pour pouvoir comprendre les hommes.

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Des anges (Raphaël, 1514 ; Chapelle Sixtine).

Dans les Évangiles, les anges sont d’une naïveté pleine de brutalité ; ils ne prennent aucune précaution oratoire et ne se perdent pas en explications. « Et l’ange la quitta » conclut le texte de l’Annonciation (Luc 1, 38). Dès que Marie a accepté de porter Jésus, la mission de l'ange est accomplie, il la quitte sans un salut.
La Sourate 19 (17-22) a la même sécheresse de ton pour raconter l'Annonce faite à Marie. Mais le style habituellement épuré du Coran ne permet pas de tirer de conclusion particulière.

Zacharie et Élisabeth sont âgés et sans enfant, quand l'ange Gabriel annonce à Zacharie la naissance de Jean Baptiste. Zacharie manifeste quelques doutes, ce que Gabriel n’admet pas. L'ange punit Zacharie en le rendant muet jusqu’à la circoncision de son fils Jean. Gabriel n'est pas patient (Luc 1, 20). Dans la Sourate 3 (39-41), le mutisme de Zacharie n'est qu'un signe de Dieu : le reproche de l'ange n’apparaît pas.

De même, l’ange enjoint en rêve à Joseph d'épouser Marie et lui donne plusieurs directives pour mettre Jésus à l’abri d'Hérode. Il ne se perd pas en explications inutiles malgré l'énormité de ce qu'il lui apprend. « L'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit-Saint et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » (Mt 1, 20-21).
Joseph avait décidé de vivre son mariage dans la chasteté, sinon comment  interpréter sa décision de répudier sa fiancée en secret ? Pour protéger Marie de la lapidation à laquelle l’exposait la conception de Jésus hors mariage, il avait choisi de l'épouser, mais sans consommer l'union : Marie aurait été « répudiée sans bruit » (Matthieu 1, 19). Marie et Joseph auraient ainsi donné l'apparence aux yeux du monde d'un couple marié : Joseph avait décidé que son mariage ne serait qu'une apparence. Dieu ne lui a donc pas imposé la chasteté. La mission de l’ange survient après que le choix de Joseph est fait. On reconnaît là toute la délicatesse de Dieu : Il respecte la liberté des hommes. Ses messagers sont d’une autre nature. Saints, soit, mais angéliques, ils font preuve d'efficacité, pas d'empathie, et Gabriel donne toute une série de consignes à Joseph pour mettre l'enfant Jésus à l’abri.
Nulle trace dans les Évangiles des juifs persécuteurs de Marie que l'on retrouve dans le Coran (S. 19, 27-28). Au moment de la naissance de Jésus, Joseph a déjà légitimé sa naissance.
Joseph assumera jusqu'à sa mort la paternité humaine de Jésus. Mais cette paternité protectrice, si elle est utile et réelle, ne correspond pas à l'authentique filiation de Jésus. Quand Jésus a 12 ans, il reste au Temple de Jérusalem après le pèlerinage de la Pâque, au lieu de suivre ses parents sur le chemin du retour. Jésus va subtilement replacer la paternité de Joseph à sa juste place. Après trois jours de recherche, Marie et Joseph le retrouvent « au Temple, assis au milieu des docteurs »... sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois, ton père et moi nous te cherchons angoissés. » Et il leur dit : « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Luc 2, 46-49). En cela, Jésus, encore enfant, affirme déjà que Seul Dieu est son Père, et non pas Joseph. Il le fait néanmoins en acceptant la tutelle bienveillance de celui-ci. Jésus « redescendit alors avec eux (ses parents) et revint à Nazareth et il leur était soumis. » (Luc 2, 51) (*1).
Plus aucune mention ne sera faite de Joseph dans les Évangiles. Quand le Christ commence sa vie publique, Marie est veuve. Le rôle de Joseph est terminé : il s'est déroulé dans la bonté, le service et l'efficacité. Il se termine dans l'humilité du silence des Évangiles et l'effacement serein d'un père qui a conduit son fils adoptif à sa maturité humaine et spirituelle. Rien dans la spiritualité de Joseph ne transpire le merveilleux : il n'exige aucun signe et marche humblement avec son Dieu. Joseph est un homme juste (*2) dans la lignée de l'Ancien Testament : « On t'a fait savoir homme ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi, rien d'autre que d'accomplir la justice, d'aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu. » (Michée 6, 8). Quand un Ange parle à Joseph, c'est toujours en rêve. Joseph n'a aucune apparition éveillée, mais il obéit néanmoins fidèlement aux ordres de l'Ange, donnés sans explication inutile, pour mettre l'enfant à l’abri : « Une fois réveillé, Joseph fit comme l'Ange du Seigneur lui avait prescrit » (Mat 1, 24).

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Le rêve de Joseph au cours duquel l'ange Gabriel lui parle
(Georges de la Tour, 1640 ; Musée des beaux-arts de Nantes).

Avec la même brutalité, les anges annonceront aux femmes que le Christ est ressuscité au matin de Pâques. Les anges ne se demandent pas si la nouvelle est crédible (Luc 24, 5-6). Marc (16, 3-8) signale que les anges veulent rassurer les femmes, mais en vain. Elles fuient, effrayées. Les anges ne sont pas méchants, mais ils ne comprennent ni le doute, ni le chagrin. La vérité de Dieu est pour eux aveuglante ; elle reste pour nous cécité de la foi.
Quatre auteurs ont parlé des anges de cette façon si originale. Comment imaginer qu'ils aient inventé la personnalité angélique, si différente de la nôtre et soient arrivés à la même description ? Il n'existe pas plus de preuve de l’existence des anges qu'il n'en existe de l'existence de Dieu. Un croyant peut juste percevoir la cohérence du discours qui les concerne dans les quatre Évangiles.

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Un ange (Fra Angelico, XVe siècle).

Gabriel annonce la paternité de Dieu. Joseph, le père adoptif, s'efface devant ce mystère divin, mais demeure l'allié indispensable à l'accomplissement du plan de Dieu.

* : L'enfance de Jésus, *1 : p. 178 / *2 : p. 62 à 66 ; Joseph Ratzinger, Benoît XVI. Flammarion, 2012.

6. 7. Géopolitique au Moyen-Orient au début de l'ère chrétienne.

En -4, à la mort d'Hérode le Grand, son royaume est partagé entre trois de ses fils survivants. Chacun devient alors éthnarque ou tétrarque d'une partie de son royaume, l'empereur Auguste leur ayant refusé le titre de roi.
Hérode Archélaos devient éthnarque de Judée et il gouverne jusqu'en 6. Son frère, Hérode Antipas, est tétrarque de Galilée jusqu’en 38 : il est donc le souverain de Joseph, de Marie et de Jésus qui vivent à Nazareth. Un autre fils d'Hérode le Grand, Philippe, est tétrarque d'Iturée et de Trachonitide, au sud de Damas, jusqu'en 34. Les fils d'Hérode le Grand pratiquent les mariages endogamiques. Hérode Antipas épouse l'ex femme de Philippe, la célèbre Hérodiade. Archélaos épouse l'ex femme d'un de ses demi-frères, Alexandre. Ses unions incestueuses scandalisent les juifs car les premiers maris sont toujours vivants, ce qui contrevient à la Loi de Moïse.
Varus est gouverneur de Syrie au moment de la mort d'Hérode, puis il cède son poste à Quirinius pour un second mandat. De la Syrie où il représente l'empire Romain, son mandat s'étend jusqu'en Terre Sainte où il supervise les fils d'Hérode.

En 5, les Samaritains jettent des ossements humains dans le Temple de Jérusalem. Pour eux, le culte divin était rendu sur le mont Garizim. Ils profanent sans état d'âme le Temple des juifs, leur unique lieu de culte de Jérusalem.
Hérode Archélaos, le jeune fils d'Hérode, règne en Judée de - 4 à 6 : son gouvernement est catastrophique. Il fait mater une première révolte par le gouverneur de Syrie : 2000 juifs sont crucifiés. Son règne se termine par la révolte juive suscitée par le second recensement, en 6, celui qui a pour objet de percevoir l’impôt. De nouveaux massacres s'ensuivent. Hérode Archélaos est démis de ses fonctions par l'empereur Auguste et il termine sa vie loin de la Terre Sainte. Il est remplacé par un préfet qui sert de relais local au gouverneur de Syrie. Ses frères restent en fonction. Au moment de la vie publique du Christ, seule la Judée est directement gouvernée par un préfet. À Jérusalem, la capitale de la Judée, le pouvoir appartient totalement aux romains.
Hérode Antipas règne donc en Galilée. En 6, il mate une révolte à Sépphoris, la ville construite par son père. Plusieurs rebelles y sont crucifiés et la ville est détruite. Hérode Antipas décide alors d'y reconstruire sa capitale.

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Vue aérienne des fouilles de Sépphoris (mis en ligne par Bible.com).

De nombreux ouvriers affluent vers la ville. Il n'est pas impossible que Joseph, charpentier de son métier, y ait travaillé : la ville est à une heure et demie de marche de Nazareth. En fait, les Évangiles ne parlent pas de l'enfance de Jésus. Les légendes ultérieures raconteront ses miracles débutés dès le berceau. Mais ce sont des textes tardifs, postérieurs au deuxième siècle, dont nous reparlerons. Selon les Évangiles, les habitants de Nazareth n’avaient rien perçu de différent chez lui : il est le fils du charpentier, et court dans les rues du village avec ses cousins et cousines, les enfants de Marie et de Clopas, le frère de Joseph (Mat 13, 54-56). En effet, selon les évangiles, Jésus est un homme authentique. Rien de surnaturel ne survient et, en particulier, il n'accomplit aucun miracle avant d'avoir débuté sa vie publique. Il apprend donc à marcher, à parler, à prier, à travailler et à respecter les usages et la Loi, comme n'importe quel enfant. Il joue, court et crie avec ses camarades dans les rues de Nazareth. Étant pleinement homme, ne peut-on pas supposer que, comme le fait chaque jeune homme, il a appris à discerner sa vocation en priant un Dieu qui, comme à chacun d'entre nous, semble souvent silencieux ? À sa naissance, Jésus sait-il qu'il est le Messie, qu'il est le Fils de Dieu ?  Jésus est homme, et un homme réel, comme en témoignent ses connaissances qui sont celles de son temps. Il connaît les doutes et les souffrances de tout homme. Voilà la conviction chrétienne puisée dans la Bible : il est « semblable à nous en tout, à l'exception du péché » (Hébreux 4, 15). Or, ni la souffrance, ni l'ignorance scientifique, ni le besoin de discerner sa vocation, ne sont des péchés. En épousant la condition humaine, il semble logique de supposer qu'il a accepté de tâtonner à la recherche de sa vocation, comme nous le faisons tous. Néanmoins, on ne peut rien dire de ce cheminement : son intimité spirituelle avec Dieu - qu'il appelle son Père - reste inaccessible*. Si les évangiles le montrent fréquemment en prière, le contenu de ses prières reste inconnu. Prétendre savoir à quel moment Jésus a pris conscience de sa vocation de Messie ou de sa divinité - s'il est Dieu comme le croient les chrétiens - tient de la pure extrapolation.

Entre 5 et 10, se situe la naissance de Saül/Paul de Tarse. Son père est juif, mais également citoyen romain. Paul est donc lui-même citoyen romain. Il ira vivre son adolescence à Jérusalem pour étudier la Thora auprès d'un pharisien célèbre, Gamaliel (Actes 22, 1-3).
En 14, le premier empereur romain, Auguste, décède : il a été divinisé de son vivant. Le testament d'Auguste est confié aux vestales et gravé dans des temples de tout l'empire. Plusieurs fragments ont été retrouvés et en particulier en Turquie qui possède la version la plus complète. Les différents recensements du règne y sont répertoriés. Quirinius y est cité.
En août 14, l'empereur Tibère succède à Auguste. Il décédera en 37. L'empereur Tibère règne donc sur l'empire romain au moment de la vie publique du Christ.

En 26, Ponce Pilate est nommé préfet de Rome en Judée. La Terre Sainte est alors une province impériale rattachée à la province sénatoriale de Syrie. L'administration de Ponce Pilate ne s’installe pas à Jérusalem, mais à Césarée Maritime, une ville fondée par Hérode sur le plan païen des villes romaines. Césarée Maritime est une ville luxueuse avec ses temples, ses gymnases, ses théâtres, ses thermes et un temple dédié à Auguste. L'existence réelle de Ponce Pilate n'a jamais été réellement remise en cause : les historiens du premier siècle, Philon d’Alexandre et Flavius Josèphe, l'ont cité dans leurs écrits (Philon, Légation à Caïus, 299-306 et Flavius Josèphe, Antiquités juives 18, 55-62 ; La guerre des Juifs 2, 169-177). Mais, surtout, on a retrouvé une pierre gravée portant le nom de Ponce Pilate dans le théâtre de Césarée Maritime.

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Pierre portant le nom de « Pilatus », Pilate, appartenant donc à un bâtiment
construit entre 26 et 36
(retrouvée dans le Théâtre romain de Césarée,).

Cette pierre confirme que Ponce Pilate était bien préfet (et non procurateur) et que son mandat s'est déroulé sous l'empereur Tibère, puisqu'il y raconte avoir fait construire un monument à la gloire de son empereur. La pierre de Césarée a été découverte en 1961. Elle avait été réutilisée dans un édifice du IIe siècle.

En 30, les pouvoirs régaliens de Ponce Pilate se précisent : lui seul peut condamner à mort pour des crimes politiques, religieux ou de droit commun.

* : L'enfance de Jésus, p. 178, Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Flammarion, 2012.

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Le Christ enfant (Fra Angelico, XVe siècle).

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:57

CHAPITRE 6 : LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST : HUMANITÉ, DIVINITÉ, de -7 à 30.

6. 1. Pendant qu'Hérode bâtit le Temple le plus grand du monde, Jésus-Christ naît dans une étable à Bethléem.
6. 2. Comment dater la naissance de Jésus ? La mort d'Hérode en - 4.
6. 3. La plaque funéraire dite Titulus Venetus permet-elle de dater plus précisément la naissance du Christ ?
6. 4. Les mages : peut-on dire plus précisément à quelle date est né le Christ ?
6. 5. La conception virginale de Jésus.
6. 6. Les anges et Joseph : paternité divine et paternité humaine.
6. 7. Géopolitique au Moyen-Orient au début de l'ère chrétienne.

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6. 8. En 29, débute la prédication de Jean le Baptiste.
6. 9. En 30, Jésus est baptisé par Jean. La Trinité se révèle.
6. 10. La tentation au désert : Jésus apprend aux hommes à inverser les priorités.
6. 11. Pierre dialogue avec Jésus.
6. 12. Les noces de Cana, annonce prophétique du banquet du Royaume de Dieu.
6. 13. La purification du Temple : la Pâque 31.
6. 14. Les Béatitudes. Jésus, nouveau Moïse, donne, du haut de la montagne, une nouvelle Loi. Il est Moïse et Il est Dieu, Celui qui sait, Celui qui décide et Celui qui transmet : il est Prophète, Roi et Prêtre.

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6. 15. Le Christ et les femmes.
6. 16. À la Pâque 32, Jésus multiplie les pains et annonce l'Eucharistie.
6. 17. Le Royaume est au milieu de nous.
6. 18. La Transfiguration du Christ.
6. 19. Divinité du Christ : Jésus croit-il être Dieu ?
6. 20. Quand les chrétiens ont-ils cru en la divinité du Christ ?

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 04:58

CHAPITRE 6 ( SUITE) : LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST :
HUMANITÉ, DIVINITÉ, de -7 à 30.


6. 8. En 29, débute la prédication de Jean le Baptiste.

Selon les évangiles, Jean le Baptiste naît trois mois avant Jésus, donc en -7. Il est de la famille de Jésus, puisque sa mère Élisabeth est une cousine de Marie. Sa mission prophétique est annoncée par un ange, avant même sa conception.

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L'ange Gabriel apparaît à Zacharie lors de son service au Temple
(mosaïque du XIIe siècle ; cathédrale Monreale, Palerme).

C'est donc en -8 que son père Zacharie (Luc 1, 5-23) a reçu de l'Ange Gabriel l'annonce que sa femme, Élisabeth, déjà âgée, sera bientôt enceinte. L'avenir de l'enfant est décrit rapidement. Il est le nouvel Élie, empli d'Esprit Saint et il préparera le chemin du Messie. Cela est conforme à la prophétie de Malachie (3, 23) reçue au Ve siècle : « Voilà que Je (Yahvé) vais envoyer Élie le prophète, avant que n'arrive le jour de Yahvé, Grand et redoutable. ».

Comme il était d'usage dans l’Antiquité pour dater un événement, Luc donne de nombreuses précisions sur les notables en place au moment où Jean débute sa vie prophétique. Il ne commet aucune erreur, ni sur les dirigeants politiques, ni sur les responsables religieux effectivement en fonction à ce moment.
« L'an quinze du principat de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée, et Hérode [Antipas] tétrarque de Galilée, Philippe son frère tétrarque du pays d'Iturée et de Trachonitide, et Lysanias tétrarque d'Abilène, sous le pontificat de Hanne et Caïphe, la parole de Dieu advint à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. ». L'an 15 du règne de l'empereur Tibère à Rome va du 19 août 28 au 18 août 29 et, effectivement, Ponce Pilate était alors préfet de Judée. Le Grand Prêtre Hanne, âgé mais toujours en vie, avait laissé l'exercice de sa fonction à son gendre Caïphe. Il y avait donc deux hommes portant le titre de « Grand Prêtre » au moment de la mort du Christ (*1).

Un autre argument permet de confirmer les débuts de la vie publique de Jean à l'an 29 : il s'agit de l'analyse du moment de la mort du Christ. Le Christ commence sa vie publique à peu près un an après Jean et celle-ci dure 3 ans. Jésus a environ 30 ans quand il commence à prêcher selon ce qu'écrit Luc (Luc 3, 23). La mort du Christ peut être datée avec une grande précision. En effet, il décède un vendredi la veille d'une pâque juive. La Pâque juive est célébrée le 14 du mois de Nissan, à date fixe, à un jour de la semaine qui est donc variable. Dans les années 30, seules deux années voient la veille de la Pâque tomber un vendredi : il s'agit de l'an 30 et de l'an 33. Le Christ a donc été crucifié le vendredi 7 avril 30 ou le vendredi 3 avril 33 ; ces deux dates étant des 14 de Nissan dans le calendrier juif. Le Christ a donc été exécuté à 37 ou à 40 ans. Les théologiens chrétiens penchent pour la première hypothèse, plus proche de la Tradition. Mais les historiens - en particulier Jean-Christian Petitfils - optent pour la seconde hypothèse qui permet de faire débuter la vie publique du Baptiste fin 28/début 29, en l'an 15 de Tibère, mais également de faire coïncider la mort du Christ avec une éclipse de lune datée de l'an 33 selon l’affranchi d'Hadrien, Phlégon de Tralles, soit la quatrième année de la 202e olympiade. Nous retiendrons donc l'hypothèse du vendredi 3 avril 33 pour dater la mort du Christ. Toutes les dates de la vie publique du Christ et de Jean le Baptiste peuvent maintenant être calculées à partir de cette date (*2).

À partir de l'an 29, Jean le Baptiste part au désert et vit en ascète.

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Jean le Baptiste (icône paléochrétienne orthodoxe originaire
des Blachernes (?) ; conservée en Russie
).

Il annonce que la venue du Messie est proche. Il proclame un baptême de conversion dans l'eau et prévient que le Messie baptisera, lui, dans le feu et l'Esprit. Le baptême de Jean est offert à tous ceux qui souhaitent se convertir et vivre une vie juste. Jean n'a pas la prétention d'offrir le pardon de Dieu – ce qui est une prérogative divine - il appelle simplement à la conversion. Le Royaume de Dieu annoncé par Jean est avant tout l'annonce de la justice d'un Dieu vengeur. Pour Jean, Dieu Le Tout-Puissant punit plutôt qu'Il ne restaure l'homme. En cela, il est encore un homme de l'Ancienne Alliance. Est-ce pour cela que Christ dira que « le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui » (Matthieu 11, 11). Toute personne vivant dans le Royaume des Cieux prêché par Jésus - donc connaissant l'amour de Dieu – aurait donc une meilleure connaissance des mystères divins que Jean le Baptise, malgré tous ses sacrifices et son ascèse. Mais Jésus annonce en même temps que Jean le Baptiste est le plus « grand des enfants des hommes » (Mt 11, 11). En tant que précurseur du Messie, aucun homme vivant dans le monde n'est meilleur que le nouvel Élie : ainsi en a jugé le Christ, lui-même. Pour les fidèles du Christ, cela place définitivement Jean le Baptiste au dessus de tous les prophètes déjà nés ou à venir !
Jean se retire au désert, mais il est tourné vers le souci du salut des hommes et il prêche la conversion à tous ceux, indistinctement, qui viennent à lui. Que ce soient des juifs, des samaritains, des romains, des soldats ou des étrangers, il a le souci constant de les arracher à la nuit du péché. À chacun, il donne un conseil adapté à son état : les soldats doivent se contenter de leur solde et les percepteurs d’impôts ne pas prendre plus que leur dû. Loin de les considérer comme définitivement impurs et étrangers à Dieu, il les appelle à une sainteté accessible basée sur la probité (Luc 3, 10- 14). Malgré la brutalité de son langage, il est bien le précurseur du Christ, l'annonciateur d'un salut universel.
Il baptise dans le Jourdain les hommes qui aspirent à la conversion. Il s'agit d'un signe qui manifeste le désir d'une vie sainte, mais lui-même sait que ce baptême ne suffit pas pour être pardonné par Dieu : un autre doit venir... « Ce Jean avait son vêtement fait de poils de chameau et un pagne de peau autour de ses reins ; sa nourriture était de sauterelles et de miel sauvage. Alors s'en allaient vers lui Jérusalem et toute la Judée, et toute la région du Jourdain, et ils se faisaient baptiser par lui en confessant leurs péchés. Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens venir au baptême, il leur dit : « Engeance de vipères, qui vous a suggéré d'échapper à la Colère prochaine ? Produisez-donc un fruit digne du repentir et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : « Nous avons pour père Abraham. Car je vous le dis, Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu. Pour moi, je vous baptise dans de l'eau en vue du repentir ;  mais celui qui vient derrière moi, dont je ne suis pas digne d'enlever les sandales ; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu. Il tient en sa main la pelle à vanner et va nettoyer son aire ; il recueillera son blé dans le grenier ; quant aux bales, il les consumera au feu qui ne s’éteint pas. » (Matthieu 3, 4-12).

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Jean le Baptiste prêchant au désert
(Alexander Ivanov, XIXe siècle ; Galerie Trétiakov, Moscou
).

Jean est tourné vers l'attente du Messie. Par delà ses appels au repentir, le cœur de sa mission va être de reconnaître le Messie et de le désigner au peuple.

En 30, Jean le Baptiste accuse Hérode Antipas, le tétrarque de Galilée, de vivre un mariage incestueux avec sa belle sœur Hérodiade.
Jean est emprisonné à la demande d'Hérodiade. Le fils d'Hérode le Grand est conscient de la sainteté de Jean et le protège, même s'il le garde en prison pour complaire à son épouse. Mais en 31, lors de sa fête d'anniversaire, Hérode Antipas propose à sa belle fille Salomé ce qu'elle veut en échange d'une danse.

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Salomé danse au banquet d'Hérode
(Fra Filippo Lippi, 1450, fresque ; chapelle du Prato).

Sa mère, Hérodiade, lui conseille de demander la tête du Baptiste. Ne voulant pas perdre la face devant ses invités, Hérode Antipas cède et Jean le Baptiste est décapité (Marc 6, 17-29).
Mais Jean a eu le temps d'accomplir sa vocation de précurseur avant son emprisonnement et son exécution. Il a rencontré son cousin Jésus à l'aube de sa vie publique et l'a reconnu comme l'Envoyé de Dieu. Jean le Baptiste sait qui est Jésus : il n'est pas digne de dénouer les sandales de celui qui est « plus grand que lui » (Mt 3, 11).

* : Jésus ; *1 : p. 38-39 / *2 : p 404-405 ; J.-C. Petitfils, Fayard, 2011.

6. 9. En 30, Jésus a été baptisé par Jean. La Trinité s'est révélée.

À l'aube de sa vie publique, le Christ se rend au bord du fleuve Jourdain, là où Jean le Baptiste baptise ceux qui viennent à lui.
Luc raconte : « Or, il advient, une fois que tout le peuple eut été baptisé et au moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en prière, que le ciel s’ouvrit, et l’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix, partit du Ciel : « Tu es mon fils ; moi aujourd’hui, je t’ai engendré. » (Luc 3, 21-22). Le Psaume 2 (7) avait déjà annoncé que le Messie serait Fils de Dieu.

La « Voix du ciel » parle à homme, Jésus, âgé de 37 ans, donc engendré depuis longtemps ! Que veut dire Dieu avec cette phrase étrange : « Tu es mon fils ; moi aujourd’hui, je t’ai engendré. » (Luc 3, 21-22) ?

Dieu étant immuable, la Voix de Dieu signale ici la nature même de Dieu : Le Père engendre le Fils en permanence.

Le Dieu Unique des chrétiens est une Trinité, et Elle se montre dès le début du ministère de Jésus à son baptême par Jean. Le terme Trinité sera inventé au plus tard par les hommes au IIe siècle, mais le concept du Dieu unique en Trois Personnes est enseigné par Dieu Lui-Même dès le début du ministère public de Jésus. S'il est exact que Jésus ne nomme pas la Trinité dans les évangiles, il la donne à voir en revanche. Jésus est juif et il est venu pour les juifs. Les juifs ne prononcent jamais le nom de Dieu. Comme tout juif, Jésus ne nommera effectivement jamais Dieu, mais il nous Le montre. La Trinité est Dieu Unique, englobant Trois Entités, Trois Personnes divines. Un Être divin en engendre un autre en permanence. Le premier est donc nommé Le Père, le second Le Fils. Le lien qui les réunit est nommé Esprit Saint et Il apparaît sous forme d'une colombe lors du baptême du Christ.

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Le Baptême du Christ par Jean le Baptiste
(Giotto di Bondone, fresque de l'église de l'Arena ; Padoue, 1303-1306).

Dieu est immuable, Dieu est hors du temps. Le temps n'existe donc pas pour Lui. L'astrophysique nous a d'ailleurs appris que le temps a été créé en même temps que l'univers au moment du Big-bang. Le temps est une création divine pour les croyants, et Dieu ne saurait dépendre de lui. Dieu est et Il existe hors du temps. Ce « Tu es mon fils ; moi aujourd’hui, je t’ai engendré » signale la permanence de l'engendrement du Fils par le Père. Le Père engendre le Fils à chaque instant depuis toujours et pour toujours, mais hors du temps, Père et Fils étant unis par l'Esprit.

La Trinité n'est pas comme nous. Elle est Dieu, donc Le Tout-Autre. Elle n'est rien de ce que peuvent imaginer les hommes. Même le Dieu raconté par les juifs est parfois anthropomorphique, ressemblant aux hommes. Au travers de l'interprétation qu'en ont faite les hébreux sur 700 ans, Yahvé se venge (1Sa 20, 16 ; 2 Sa 22, 48 ; Ps 18,48 ; Dt 32,41), se met en colère (Habaquq 3, 8) ou se repose (Genèse 2, 2). Allah, le Dieu des musulmans, présente également des ressemblances avec les hommes. Dans le Coran, Allah combat (S. 8, 17), est vindicatif (S. 33, 60-61) ou rusé (S. 7, 183), en colère (S. 4, 92), voire même en rage (S. 33, 25). Aux yeux d'un non-musulman, Allah apparaît largement anthropomorphique.
La Trinité telle que La conçoivent les chrétiens, est très éloignée de Celle comprise par l'auteur du Coran. À l'origine du Fils, Mohamed - ou l'auteur du Coran - pense à une relation sexuelle entre Dieu et une femme ! Il en est scandalisé justement : « Oui, et Lui-même... n’a adopté ni compagne ni enfant. » (Sourate 72, 3). Comme si Dieu ne pouvait concevoir que par l'union avec une épouse, comme le fait un homme ! Mohamed n'imagine pas que Dieu puisse accomplir un engendrement non sexué ! L'auteur du Coran, quel qu'il soit, reste étonnamment humain dans ses suppositions et sa compréhension !
L'idée de l'Engendrement non sexué du Fils par le Père est donc une notion totalement incomprise du Coran. Cette idée est pourtant exprimée dans le Prologue de Saint Jean (1, 1) : « [Le Verbe] fut engendré ni du sang, ni d'un vouloir de chair, ni d'un désir d'homme, mais de Dieu. ». Manifestement, l'auteur du Coran n'a pas lu - ou n'a pas compris - le Prologue de Saint Jean. Selon Saint Jean, le Christ, le Verbe, la Parole de Dieu, est Dieu Lui-même : « Au commencement était le Verbe (la Parole), et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu » (Prologue de Saint Jean, 1). La divinité du Christ est inscrite en toutes lettres dans les évangiles dès le prologue de Saint Jean.

Le baptême du Christ est raconté de la même façon par les trois évangélistes dit synoptiques (Matthieu, Marc et Luc). Le quatrième Évangile, celui de Jean, ne parle pas directement du baptême, mais d'une scène se passant le lendemain. Cela laisse entendre que Jean l’Évangéliste n'était pas présent lors du baptême du Christ, il ne serait arrivé que le lendemain pour entendre Jean le Baptiste confirmer la vocation de Jésus et raconter la scène de la veille. « Le lendemain, [Jean-Baptiste] voit Jésus venir vers lui et il dit : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. C’est de lui que j’ai dit : Derrière moi vient un homme qui est passé devant moi parce qu’avant moi il était. » ... « C’est pour qu’il fût manifesté à Israël que je suis venu baptisant dans l’eau » ... « J’ai vu l’Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel, et demeurer sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, celui-ci m’avait dit : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. » Et moi, j’ai vu et je témoigne que celui-ci est l’Élu de Dieu. » (Jn 1, 29-34).

Jean le Baptiste confirme que Jésus est le Messie, le sauveur d'Israël : la mission du Baptiste est accomplie, il a préparé les chemins du Seigneur en désignant l'Élu de Dieu, au peuple.

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Jean le Baptiste désigne Jésus, l’agneau de Dieu,
(Matthias Grünewald, la Crucifixion, panneau de droite du Retable d’Issenheim, 1515 ; musée de Colmar)
.

6. 10. La tentation au désert : Jésus apprend aux hommes à inverser les priorités.
Dès son baptême, Jésus fait une retraite de 40 jours au désert. Personne ne peut dire si cet épisode est historique, ou s'il s'agit d'un récit imaginaire destiné à résumer l’inversion des valeurs mises en place par le christianisme (Mat 4, 1-11 ; Marc 1, 12-13 ; Luc 4, 1-13). Jean, le quatrième évangéliste, le plus fiable historiquement, n'en parle pas.
En général, les Évangiles ne contiennent pas de récit mythique, chaque épisode de la vie du Christ se passe en public, devant de nombreux témoins qui peuvent témoigner. Il est donc difficile de douter de leur historicité si on fait preuve de logique et d'honnêteté. Le récit de la tentation au désert est une exception notable. Jésus est seul, sans témoin. A-t-il raconté lui-même cet épisode à ces disciples ? Mais les Évangiles ne le présentent pas comme un enseignement du Christ mais comme un récit factuel. Il est donc bien possible que ce soit le seul passage des Évangiles qui soit symbolique. Il est en revanche certain que le Christ a prié et qu'il a eu besoin de prier, comme tout homme pieux. Les Évangiles sont parcourus par la prière du Fils à son Père, même si son contenu reste inconnu. Mais ces 40 jours de prière au désert peuvent ne pas être historiques. L'intérêt de ce récit est donc dans son enseignement spirituel, même si les chrétiens – dans la foi - le croient historique.

Le Christ aurait jeûné 40 jours, c'est le rappel des 40 ans passés au désert des Hébreux conduits par Moïse. Lors de cette retraite, Jésus va revivre symboliquement les 40 ans au désert du Peuple Élu avec Moïse. Il va affronter les mêmes tentations que le Peuple Élu, mais il va triompher d'elles sans pécher. Dans trois domaines où le Peuple Élu a chuté, le Christ va résister. Au terme de son jeûne, le Christ est tenté par le diable qui lui propose tour à tour les plaisirs offerts par la satisfaction des sens, puis ceux obtenus par le pouvoir, puis ceux permis par l’argent. Cela correspond aux pulsions primitives de l’homme : sexe, pouvoir, argent, que les théologiens nommeront les trois concupiscences charnelles.

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Satan tente Jésus,
(
Le Miroir de l'humaine condition, École française du XVe siècle).

Jésus répond à Satan en puisant dans l’expérience de Moïse au désert. Il s’inscrit dans les pas de Moïse. On le verra plus tard : nouveau Moïse, il instaurera un nouveau code de l’Alliance abolissant la Loi, sur un autre mont Sinaï : la Montagne des Béatitudes.
Lors de la première tentation, le Diable lui propose de faire un miracle pour changer des pierres en pain. Il refuse. Le Christ ne se servira jamais de Dieu pour assouvir ses désirs ou ses aspirations charnelles. Il rappelle la parole de Moïse : « l’homme ne vit pas que de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Deut 8, 3). La parole de Dieu est sa vraie nourriture. À sa suite, les hommes sont appelés à maîtriser leurs sensualité par la joie de la spiritualité.
Avec la deuxième tentation, le diable lui propose de tester son pouvoir et de se jeter du haut du Temple pour obliger Dieu à le sauver. Le Christ repousse le diable avec une autre phrase du Deutéronome : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. » (Dt 6, 16). Les Hébreux ont tenté Dieu lors de l’Exode, exigeant des miracles à Massa et Meriba pour pouvoir survivre pendant leur séjour au désert (Exode 17, 7). Le Christ accomplit ce qu’ils n’ont pas réussi. Il est tout puissant, mais la tentation du pouvoir ne le touchera pas. Les hommes sont appelés à sa suite à ne pas aspirer au pouvoir ou à dépasser la jouissance qu’il procure. Selon le Christ, le pouvoir doit être vécu comme un service, jamais comme une domination (Marc 9, 33-35).
Pour la troisième tentation, le diable lui fait miroiter les richesses, s’il se prosterne devant lui. Le Christ le rejette une dernière fois : « Tu n’adoreras que le Seigneur ton Dieu » dit-il reprenant le premier commandement reçu par Moïse au mont Sinaï. La tentation du veau d'or à laquelle ont succombé les Hébreux pendant l’Exode est définitivement dépassée (Ex 32, 1-8). L'argent n'aura pas d'emprise sur lui.

Les tentations de la jouissance des sens, du pouvoir et de la possession ont été vaincues par le Christ. Les trois moteurs qui animent l'humanité, sexe, argent, pouvoir, sont remis à leur juste place. Ils demeurent puissants, certes, mais le Christ nous montre le moyen de les dominer par la vie spirituelle et la parole de Dieu.
Le Christ va pouvoir maintenant affranchir l'homme du poids de la Loi et séparer le pouvoir spirituel des pouvoirs temporels. Le poids de la Loi, le regard d'autrui, les obligations communautaires nous permettent de vivre en société et d'échapper à la bestialité de la loi du plus fort, mais ils pèsent sur la liberté de l'homme. Pour pouvoir nous affranchir du poids de la Loi, le Christ nous apprend à trouver, librement, en nous, le chemin de la continence.

Ce récit de la Tentation du Christ au désert est donc le résumé de la doctrine chrétienne. Il offre une continuité entre la vie du Peuple Élu depuis 2000 ans et la réponse de Dieu en Jésus. Mais, Dieu en Jésus Christ ouvre une voie totalement originale au Peuple Élu : dépasser les trois concupiscences charnelles.

L'islam reprendra, lui, la perspective classique de Dieu. Allah seconde le pouvoir et se préoccupe des satisfactions charnelles de son envoyé, Mohamed. L'assouvissement des désirs du Prophète de l'islam a été explicitement prévu par le Coran dans les trois domaines où le Christ a triomphé de la tentation. Le Coran donne à Mohamed le privilège de s'unir sexuellement à toutes les femmes qui lui plaisent (Sourate 33, 50), de s'approprier l'intégralité des biens gagnés suite à des négociations politiques (S. 59, 6), et de bénéficier d'une obéissance absolue de la part de ses fidèles (S. 4, 80).

Nous voyons là que le christianisme et l'islam présentent leurs Prophètes, Jésus et Mohamed, avec des conceptions de la sainteté radicalement opposées.

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La tentation du Christ (Ivan Kramskoi, 1872) et le détail du visage.

6. 11. Pierre dialogue avec Jésus.
Quand Jacob, le petit fils d'Abraham, rencontre un Ange inconnu avec lequel il lutte. L'Ange, sans se présenter, lui donne un nouveau nom. Désormais Jacob sera nommé « Israël » ce qui signifie « celui qui a lutté avec Dieu » (Genèse 32, 28). Voilà un bien étrange nom donné au père du Peuple Élu. En nommant Jacob, « Israël », « Celui qui a lutté avec Dieu », Dieu se révèle Lui-Même : c'était Dieu qui se battait avec Jacob ! Mais, en donnant ce nom à Jacob, le père des 12 tribus, Dieu indique également sa vocation au Peuple Élu : le Peuple Élu est celui qui a lutté avec Dieu. Que peut bien signifier une telle appellation ? Quel sens peut bien avoir cette lutte entre Dieu Ses fidèles ?

Pour les musulmans, il est probable que la signification de cette lutte reste définitivement confuse. Jacob se nomme pourtant « Israël » dans le Coran : « Voilà ceux qu'Allah a comblés de faveurs, parmi les prophètes … et parmi la descendance d'Abraham et d'Israël, et parmi ceux que Nous avons guidés et choisis. » (S. 19, 58). Mais l'auteur du Coran ne semble pas connaître la signification de ce nom étrange. En effet, que peut signifier pour un musulman que Dieu bénisse un homme qui s'est battu avec Lui ? Allah est une absolue transcendance dans le Coran, et face à Sa parole, la seule attitude est la soumission. Pourquoi et Comment Dieu (Yahvé ou Allah) peut-Il appeler le père du Peuple Élu, Jacob : « Celui qui a lutté avec Dieu » au point que cela devienne le nom du Peuple Élu : « Israël » ?

Les relations de Simon-Pierre avec le Christ nous en donnent l'explication.
Dès le début de son ministère, le Christ appelle Simon et les premiers apôtres à le suivre.

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L'appel des apôtres par le Christ (Duccio, XVe siècle ; Sienne).

Ce petit groupe des premiers disciples s'installe dans la maison de Simon à Capharnaüm au bord du Lac de Galilée, appelé de nos jours lac de Tibériade. La maison de Simon a été retrouvée par les archéologues et une église a été bâtie au dessus au XXe siècle.

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Photographie du XIXe siècle des fouilles de la maison de Simon-Pierre : les vestiges de la maison
de Pierre (1 et 2) et des églises bâties au dessus à l'époque byzantine (3, 4 et 5) apparaissent entremêlés.

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La maison de Saint Pierre constituée - à droite - à partir d'une
sélection des murs du premier siècle matérialisés sur le plan de gauche.

C'est de là que Jésus rayonne en Galilée. C'est là que Jésus instaure un dialogue avec ses disciples. Il les interroge (Mat 16, 13) et il leur répond (Mat 18, 2). Jésus félicite Pierre quand il a bien répondu : « Et vous, leur dit Jésus, qui dites-vous que je suis ? Simon Pierre répondit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus, reprenant la parole, lui dit : « Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux » (Matthieu 16, 15-17). Ici, Simon professe la divinité du Christ et Jésus le félicite.
Plus tard, Jésus réprimande Pierre quand il se trompe
: « Dès lors Jésus commença à faire connaître à ses disciples qu'il fallait qu'il allât à Jérusalem, qu'il souffrît beaucoup de la part des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes, qu'il fût mis à mort, et qu'il ressuscitât le troisième jour. Pierre, l'ayant pris à part, se mit à le reprendre, et dit : « À Dieu ne plaise, Seigneur ! Cela ne t'arrivera pas ». Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! tu m'es un scandale ; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. » » (Mat 16, 21-23). Là, Jésus compare Simon-Pierre à Satan tant son conseil d'échapper à sa passion lui déplaît !
Néanmoins, le Christ surnomme « Simon », « Pierre » : le roc, la pierre, au moment où il l'instaure chef de sa future Église : « Simon, tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église, je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux. Tout ce que tu lieras sur cette terre, sera lié dans les cieux ; tout ce que tu délieras sur cette terre sera délié dans les cieux. » (Mat 16,18-19). Il s'agit bien là d'un jeu de mot, Simon étant surnommé Cephas dans l’Évangile en grec, ce qui signifie effectivement caillou, pierre, en grec. Simon, le solide Pierre, vient de recevoir le pouvoir de pardonner les péchés pour ouvrir l'humanité au salut éternel.

Cependant, jusqu'à son arrestation, Jésus devra corriger les bêtises de Pierre. Loyal et fougueux, Pierre coupe l'oreille du serviteur de Caïphe : il n'a pas compris le refus de violence du Christ (Jean 18, 10-11). Puis, Pierre fuira au moment de la condamnation à mort de Jésus (Luc 22, 67). Il lui faudra ensuite recevoir le pardon du Christ, après la Résurrection, pour pouvoir assumer la responsabilité de l’Église naissante (Jean 21, 15-19). Ce n'est pas la perfection individuelle  d'un chrétien qui lui permet de porter du fruit, mais simplement sa capacité à se reconnaître pécheur face à Son Dieu et à en accueillir le pardon.

Ces multiples échanges entre Pierre et le Christ choquent les musulmans qui ne discutent pas, eux, la révélation coranique : « Quand tu les vois des incrédules discuter sur nos enseignements, éloigne-toi d’eux, jusqu’à ce qu’ils entament une autre discussion. Et si le Diable fait que tu oublies ce précepte, dès que tu t’en souviens, éloigne-toi d’eux. » (Sourate 6, 67). Il s'agit d'accepter sans discuter la révélation d'Allah et de s'y soumettre : « Quiconque désire une religion autre que la soumission, ne sera point agréé. » (Sourate 3, 85). C'est une absolue différence entre le christianisme et l'islam.

En appelant Jacob « Israël », Dieu signale comment Il veut entrer en relation avec les hommes. Il ne désire pas la soumission passive d'un homme qui obéit dans la crainte. Il désire répondre aux doutes, aux interrogations de chacun et lier un dialogue qui conduira l'homme de la naïveté de la foi enfantine à la pleine maturité de la compréhension des mystères divins.
Les musulmans pensent que l’Église et ses prêtres s’opposent aux relations directes entre Dieu et les croyants. C’est en fait l’inverse : le Christ a formé ses disciples par un échange libre et, depuis, il établit une relation directe avec chaque chrétien. Dès l'Ancienne Alliance, Yahvé était entré en relation, intime, spontanée, et parfois conflictuelle avec son Peuple Élu qu'il avait Lui-même surnommé Israël. En Jésus, chacun individuellement peut désormais inaugurer ce dialogue intime avec Dieu.

Que les Évangiles aient relaté avec autant de minutie les nombreuses erreurs de Pierre, et les multiples reproches faits par le Christ au chef de son Église naissante est une preuve de leur authenticité pour les chrétiens. Quel mouvement spirituel fantaisiste, hérétique ou sectaire raconterait que son chef temporel s'est fait si souvent réprimander ? Même si « La puissance [de Dieu] se déploie dans la faiblesse. » (2 Co 12, 9), la tentation aurait pu être forte de dissimuler les erreurs de Pierre. Mais Dieu avait quelque chose à nous enseigner. Le Christ, vrai Dieu, est venu, homme parmi les hommes, pour instaurer le dialogue avec nous.

Pierre a donné sa vie librement pour le Christ en 64. Il est la pierre sur laquelle est bâtie l’Église. Le Christ lui a confié les clés du royaume et le pouvoir de pardonner les pécheurs (Matthieu 16, 18-19). Le Christ l'a instruit avant de lui donner sa mission... comme il instruit chaque personne qui l'approche. Il l'a fait par un échange libre entre deux personnes libres.
Telle est la foi chrétienne.


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Saint Pierre aux clés (Tadeo Di Bartolo, XVe siècle ; Avignon).

6. 10. Les noces de Cana, annonce prophétique du banquet du Royaume de Dieu.

Baptisé par Jean, Jésus n’a encore accompli aucun des miracles qui prouveront l'origine divine de sa vocation messianique. Mais, avant même qu'il n'accomplisse de miracles, ses premiers disciples ont été touchés par sa seule présence. Elle devait être bien exceptionnelle pour qu'ils abandonnent leur métier suite à son simple appel : « Venez et voyez » (Jean 1, 39). Le Christ est alors invité à une noce à Cana, près de Nazareth. Il s'y rend avec sa mère et ses premiers disciples.
Jean est le seul des quatre évangélistes à parler de l'épisode des noces de Cana. Actuellement, l'identité de Jean l’Évangéliste fait débat. En fait, l'Évangile de Jean est celui des quatre Évangiles qui respecte le mieux la chronologie des faits : les trois années de la vie publique du Christ y sont racontées de façon ordonnée, alors que les trois autres Évangiles ont regroupé la vie du Christ par thèmes, ce qui semble suggérer qu'elle n'a duré qu'une seule année. Par ailleurs, Jean l'Évangéliste connaît parfaitement la topographie de la Jérusalem du début du premier siècle : il ne commet aucune erreur, ni sur l'organisation politique, ni sur le plan de la ville. De nos jours, les historiens considèrent donc que Jean l’Évangéliste vivait à Jérusalem, qu'il appartenait à l'élite sacerdotale de la ville et qu'il a été un témoin direct de la vie du Christ. Qui est ce Jean l'Évangéliste ? L’apôtre Jean, le fils de Zébédée, comme l'affirme la Tradition, ou bien le fils d'une famille sacerdotale de Jérusalem ? Certains théologiens remarquent qu'il est possible que Zébédée ait été propriétaire d'une entreprise de pêche sur le lac de Galilée, tout en étant prêtre à Jérusalem. La fonction de prêtre était intermittente, et rien n'interdisait que des prêtres possédassent des entreprises privées pour assurer leur substance. Le pape Benoît XVI a choisi cette solution, proche de la Tradition chrétienne. Il pense donc que Jean l’Évangéliste est l’Apôtre Jean, le fils de Zébédée, propriétaire d'une pêcherie sur le lac de Galilée et également membre du milieu sacerdotal. L'historien J.C. Petitfils pense, quant à lui, qu'il s'agit de deux hommes différents. Jean, fils de Zébédée, serait alors un rude pécheur de Galilée, et Jean l’Évangéliste un tout jeune homme d'environ 15 ans, citadin, intelligent et éduqué pour prendre sa place dans le milieu sacerdotal de Jérusalem : il est d'ailleurs surnommé « le disciple bien aimé » par le Christ (Jean 13, 23) et non l’apôtre bien aimé. Que Jean l’Évangéliste soit fils de Zébédée ou fils d'un prêtre de Jérusalem demeuré inconnu, tous les historiens et théologiens sérieux sont aujourd’hui d'accord : Jean l’Évangéliste est un témoin direct de la vie du Christ, un de ses contemporains qui connaît parfaitement Jérusalem et ses habitants, et en particulier un familier de la maison de Caïphe, le Grand Prêtre.

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Appel de Pierre, André, Jacques et Jean, (Nouveau Testament de 1215 ; Vérone, Italie) : Jean l'évangéliste
est-il le pécheur de Capharnaüm appelé pour être apôtre, ou bien un jeune prêtre de Jérusalem, disciple du Christ ?

En témoin direct, Jean raconte : « Deux jours plus tard, on célébrait des noces à Cana, en Galilée. La mère de Jésus y assistait. Jésus avait aussi été invité au mariage avec ses disciples. Or voilà que le vin se mit à manquer. La mère de Jésus lui fit remarquer : « Ils n'ont plus de vin. » « - Écoute, lui répondit Jésus, est-ce toi ou moi que cette affaire concerne ? Mon heure n'est pas encore venue. » Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu'il vous dira. » Il y avait là six jarres de pierre que les Juifs utilisaient pour leurs ablutions rituelles. Chacune d'elles pouvait contenir entre quatre-vingts et cent vingt litres. Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d'eau ces jarres. » Ils les remplirent jusqu'au bord. « Maintenant, leur dit-il, prenez-en un peu et allez l'apporter à l'ordonnateur du repas. » Ce qu'ils firent. L'ordonnateur du repas goûta l'eau qui avait été changée en vin. Il ne savait pas d'où venait ce vin, alors que les serviteurs le savaient, puisqu'ils avaient puisé l'eau. Aussitôt il fit appeler le marié et lui dit : « En général, on sert d'abord le bon vin, et quand les gens sont ivres, on leur donne de l'ordinaire. Mais toi, tu as réservé le bon jusqu'à maintenant ! »
C'est là le premier des signes miraculeux que fit Jésus. Cela se passa à Cana en Galilée. Il révéla ainsi sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
» (Jean 2, 1-11).

Le pouvoir du Christ sur une chose, comme l'eau, manifeste sa toute puissance. Le Christ demande que les cuves servant à la purification rituelle juive soient le support du miracle. Le vin que Jésus fait couler en remplacement de l’eau des cuves d'ablutions est l’annonce prophétique du vin eucharistique. Par la consécration du prêtre, le vin deviendra, dans l’Église du Christ, « sang du christ » commémorant la purification du monde acquise par la Passion du Christ. Le sacrifice en croix du Christ remplacera définitivement l'eau de la purification rituelle juive. Ce miracle est l'annonce prophétique de la rédemption - de la purification - offerte par le sang du Christ en croix. Ainsi l'ont compris les chrétiens.

C'est Marie, sa mère, qui l'incite à ce premier miracle. Les catholiques et les orthodoxes y verront la confirmation de la grâce d’intercession, d'humilité et de confiance de Marie.

Ce premier miracle a un sens profondément joyeux. Dieu appelle les hommes au bonheur et le plus simple des bonheurs humains est le mariage. Le Christ se dira lui-même l’époux d’Israël (Mat 9, 15). Symboliquement, il annonce dès le début de sa vie publique que l’Alliance de l’humanité avec son Dieu est à l’image d’une noce réussie, pleine de bonheur et qu'elle commence par un festin avec de bons vins. L’Alliance entre Dieu est les hommes est basée sur la confiance, la tendresse, l'amitié, peut-on dire. L'amour de Dieu est transcendance et mysticisme, certes, il est aussi un amical compagnonnage avec sa proximité et sa joie.

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Les noces de Cana
(Giotto di Bondone, fresque de l'église de l'Arena, 1304-1306 ; Padoue).

Tout est déjà dit dans ce magnifique épisode du début du ministère du Christ : l'amour de Dieu pour l'humanité, qu'Il considère comme son épouse ; la joie du rachat symbolisée par le vin qui remplacera un jour les ablutions purificatrices et la promesse de la vie éternelle assimilée à un festin de noce.

6. 13. La purification du Temple : la Pâque 31.

Les trois Pâque de la vie publique du Christ seront décisives.
À la Pâque 31, Jésus monte à Jérusalem. Se déroule alors un étrange épisode qui sera appelé la  Purification du Temple.
À la Pâque en 32, le Christ multipliera les pains, annonçant prophétiquement l'Eucharistie.
La Pâque 33 sera celle de son sacrifice. Il prendra place pour toujours comme victime expiatoire rendant inutiles les sacrifices d'animaux au Temple.

À la Pâque 31, la Purification du Temple va réaliser les prophéties bibliques annonçant la venue du Messie. Jésus s'inscrit dans l'Ancienne Alliance. Il puise donc sa légitimité dans la révélation du Peuple Élu et va réaliser ses prophéties*.
Venu pour la Pâque à Jérusalem, il trouve de nombreux marchands dans le Temple en train de monnayer leur marchandises pour permettre aux juifs de présenter leur prière à Dieu, avec leurs offrandes. Le Christ chasse les bœufs et les chèvres à coups de fouet. C'est le seul exemple de violence du Christ rapporté dans les Évangiles. Il reste, en fait, maître de lui, puisqu’il demande simplement qu'on retire les colombes. Sa seule violence s’applique à des animaux qui peuvent la supporter : les bœufs et non les colombes (Jean 2, 13-22).

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La purification du Temple (Giotto di Bondone, 1306, église de l'Arena ; Padoue).

Cette violence - quoique maîtrisée - surprend certains. Mais Jésus donne l'explication en reprenant une expression de Jérémie : « Vous avez fait de ma maison un repaire de brigands. » (Jérémie 7, 8-11 ; Jean 2, 18)*.
La violence du Christ ne s'exprime donc que pour réaliser la prophétie de Jérémie.

Au VIe siècle avant JC, Jérémie critiquait les Hébreux qui avaient profané le Temple par des cultes païens. Ils allaient jusqu'à sacrifier leurs propres enfants : « Et ils ont construit les hauts lieux de Topheth..., pour brûler au feu leurs fils et leurs filles, ce que je n'avais point commandé et qui ne m'était pas venu à la pensée. » (Jérémie 7, 31). Depuis Abraham, Yahvé refuse les sacrifices humains. Jérémie comprend et connaît le mécontentement de Dieu, mais il n'envisage que la violence divine pour purifier le Temple : « Ma colère et ma fureur vont se répandre sur ce lieu, ainsi parle Jéhovah, Dieu des armées, le Dieu d'Israël. » (Jérémie 7, 20-21). Jérémie croit en un Dieu des combats, vengeur et violent. Jésus endosse ce rêve, mais la violence du Christ se limite à frapper quelques bœufs : geste symbolique qui accomplit la prophétie de Jérémie*.

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Jérémie, (fresque de 246, synagogue de Doura Europos ; musée de Damas, Syrie).

Les autorités juives, choquées, demandent à Jésus par quel signe il justifie un tel comportement : « Jésus leur répondit : Détruisez ce sanctuaire, et en trois  jours je le relèverai. Les juifs dirent : « Il a fallu quarante-six ans pour construire ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèveras ! ». Mais le sanctuaire dont il parlait, lui, c'était son  corps. Quand donc il se fut réveillé d'entre les morts, ses disciples se souvinrent qu'il disait cela ; ils crurent l’Écriture et la parole que Jésus avait dite. » (Jean 2, 19-22).
Le Christ annonce aux juifs que Le Temple sera reconstruit en trois jours... ou plutôt que lui-même ressuscitera le troisième jour ! En même temps, il annonce sa passion et sa mort, préalable à sa Résurrection. Le seul sacrifice humain voulu par Dieu est donc le Sien propre : Dieu fait homme S'offre en sacrifice. Ainsi l'entendront les chrétiens. Le corps ressuscité du Christ deviendra le nouveau Temple des croyants : l'Église, Corps du Christ. Et « c'est en esprit et en Vérité » que les disciples du Christ prieront (Jean 4, 24), dématérialisant le culte de Jérusalem et le rendant spirituel.

Cet épisode de la Purification du Temple se conclut par la guérison d'aveugles et de boiteux dans la cour du Temple (Matthieu 21, 14)*. Isaïe avait annoncé que l'avènement du Messie serait annoncé par la guérison des aveugles (Isaïe 35, 5) *. Cela confirme qu'il ne s'agissait pas pour le Christ de manifester de la fureur mais seulement de réaliser la prophétie de Jérémie. Maintenant, la guérison des malades confirme cette bienveillance divine et souligne que l'ère messianique est arrivée.

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Guérison d'un aveugle et d'un paralytique
(1340, art byzantin serbe ; Dečani).

Jésus vient d'accomplir les prophéties messianiques en leur donnant leurs vraies significations : Dieu est amour, comme en témoigne la guérison des malades ; il sera lui-même le seul sacrifié et le seul Temple pur sera son corps ressuscité. Voilà ce que qu'annonce prophétiquement à la Pâque 31 cet épisode dit de la Purification du Temple*.

* : Jésus de Nazareth : de l'entrée à Jérusalem à la Résurrection, p. 25 à 36 ; Benoît XVI, édition du Rocher, 2011.

6. 14. Les Béatitudes. Jésus, nouveau Moïse, donne, du haut de la montagne, une nouvelle Loi. Il est Moïse et Il est Dieu, Celui qui sait, Celui qui décide et Celui qui transmet : il est Prophète, Roi et Prêtre.

Pour les théologiens catholiques, et particulièrement pour Benoît XVI, Jésus ne donne pas cet enseignement sur une montagne par hasard. Jésus se substitue à Moïse, qui avait parlé du haut du Sinaï et il transmet à l'humanité la nouvelle loi du Royaume de Dieu du haut d'une autre montagne.

Jésus a fait ses premiers miracles : il a guéri des malades et changé l'eau en vin. Des foules le suivent, venant de tout Israël.
« Voyant les foules, Jésus gravit la montagne, et quand il fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui. Et prenant la parole, il les enseignait en disant :
« Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux.
Heureux les doux, car ils posséderont la terre,
Heureux les affligés, car ils seront consolés.
Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux !
Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu'on vous persécutera, et qu'on dira faussement contre vous toutes sortes d'infamies à cause de moi. Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux : c'est bien ainsi qu'on à persécuté les prophètes, vos devanciers.
» (Matthieu 5, 1-11).

La Tradition chrétienne a nommé cet enseignement, les Béatitudes : il s'agit du cœur des Évangiles.
La première Béatitude parle des « pauvres ». Il ne s'agit probablement pas uniquement des pauvres au sens matériel. En effet, on comprendrait mal comment être heureux en étant dépourvu de tout, même si cela permet d'échapper aux dangers spirituels de la richesse : l'égoïsme et l'esprit de jouissance. Les manuscrits de Qumran ont donné un autre éclairage à ce mot. Ces écrits contenaient les expressions de « pauvre de la grâce », « pauvre de ta rédemption ». Chez les Juifs contemporains de Jésus, un pauvre était un homme pieux qui attend le salut de Dieu.

Les Béatitudes sont le résumé du message du Christ. Sur ce nouveau Sinaï, montagne d'où il siège sur le trône de son Royaume spirituel, il indique de nouveaux préceptes qui inversent la vision traditionnelle d'Israël et bousculent la logique humaine habituelle. Nous voulons tous réussir, gagner de l'argent, avoir du pouvoir, une bonne santé et des satisfactions sensuelles et affectives. Le roi Josias au VIIe siècle avait fait l'hypothèse d'un Dieu des combats : il a été contredit par l'histoire. Mais le cœur de l'homme aspire à dominer, à posséder, à triompher, à se venger et à jouir ; et il projette sur Dieu les mêmes pulsions.

Mohamed reprendra cette vision de Josias du Dieu des combats, pourvoyeur de victoires militaires (Sourate 8, 12-17) et vengeur (S. 39, 16), même s’Il est miséricordieux (S. 5, 98-100). Un Dieu qui récompense son Prophète de nombreuses épouses (S. 33, 50), de biens abondants (S. 8, 1) et d'un pouvoir sans limite (S. 5, 33).

Mais, selon la parole du Christ des Évangiles, Dieu est le Tout Autre. Sa logique et Son appel sont différents.

La joie spirituelle passe par le dépouillement.
L'authentique réussite est la vie éternelle : elle réclame la droiture de cœur et la pureté des liens affectifs.
L’authentique sens de la victoire s'obtient par le pardon. Le goût de Dieu se manifeste par la paix intérieure.
Le don de Dieu est joie, paix, douceur, force et intelligence de Dieu. Ces dons donnent du sens à la vie bien mieux que les biens matériels.

Quel autre monothéisme a donné de Dieu une image aussi radicalement différente des aspirations primitives  humaines ? Le Dieu de Jésus-Christ est le Tout Autre, Il n'est pas la projection des fantasmes humains.
Mais, dans la logique chrétienne, ce que Dieu demande est possible, puisque Dieu est venu dans la chair s'incarner en Jésus. Il a vécu notre vie humaine dans la sainteté. Il nous a montré un chemin. Ce à quoi nous sommes appelés n'est pas hors de portée.

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Le sermon sur la montagne
(Fra Angelico, XVe siècle ; couvent San Marco de Florence).
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:08

CHAPITRE 6 : LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST : HUMANITÉ, DIVINITÉ, de -7 à 30.

6. 1. Pendant qu'Hérode bâtit le Temple le plus grand du monde, Jésus-Christ naît dans une étable à Bethléem.
6. 2. Comment dater la naissance de Jésus ? La mort d'Hérode en - 4.
6. 3. La plaque funéraire dite Titulus Venetus permet-elle de dater plus précisément la naissance du Christ ?
6. 4. Les mages : peut-on dire plus précisément à quelle date est né le Christ ?
6. 5. La conception virginale de Jésus.
6. 6. Les anges et Joseph : paternité divine et paternité humaine.
6. 7. Géopolitique au Moyen-Orient au début de l'ère chrétienne.

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6. 8. En 29, débute la prédication de Jean le Baptiste.
6. 9. En 30, Jésus est baptisé par Jean. La Trinité se révèle.
6. 10. La tentation au désert : Jésus apprend aux hommes à inverser les priorités.
6. 11. Pierre dialogue avec Jésus.
6. 12. Les noces de Cana, annonce prophétique du banquet du Royaume de Dieu.
6. 13. La purification du Temple : la Pâque 31.
6. 14. Les Béatitudes. Jésus, nouveau Moïse, donne, du haut de la montagne, une nouvelle Loi. Il est Moïse et Il est Dieu, Celui qui sait, Celui qui décide et Celui qui transmet : il est Prophète, Roi et Prêtre.

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6. 15. Le Christ et les femmes.
6. 16. À la Pâque 32, Jésus multiplie les pains et annonce l'Eucharistie.
6. 17. Le Royaume est au milieu de nous.
6. 18. La Transfiguration du Christ.
6. 19. Divinité du Christ : Jésus croit-il être Dieu ?
6. 20. Quand les chrétiens ont-ils cru en la divinité du Christ ?

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 05:10, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:09

CHAPITRE 6 (FIN) : LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST :
HUMANITÉ, DIVINITÉ, de -7 à 30.

6. 15. Le Christ et les femmes.

Les cultes archaïques païens étaient souvent voués à la vénération de la fécondité incarnée par des déesses. Ces religions pratiquaient le secret, l’initiation de quelques privilégiés et parfois la prostitution sacrée. Le judaïsme et le christianisme sortent de cette perspective féminine de la spiritualité. Dans la Bible, Yahvé n'est pas sexué. Il aime son peuple comme une mère aime ses enfants (Isaïe 66, 12-13), mais le conduit avec la fermeté d'un chef de famille. En revanche, pour les chrétiens, un fait demeure incontournable : Le Dieu Unique asexué s'incarne dans un corps d'homme, le Christ !
Ce simple fait - l'Incarnation dans un corps d'homme - pourrait sembler reléguer définitivement les femmes à une place de second rang. De nos jours, la place des femmes dans l’Église est un sujet récurent de polémiques. Certains proclament que le christianisme véhicule une irrémédiable infériorité des femmes et supposent que seul l'athéisme permettrait la parité homme-femme. Pour leur donner raison, outre l'Incarnation de Jésus dans un corps d'homme, un autre fait est incontournable : les douze Apôtres sont tous des hommes.

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Le Christ et les Douze apôtres (retable du XVIe siècle de église de Fresnes ; France).

Voilà qui semble condamner l’Église à une misogynie presque sacrée ! Mais regardons mieux les Évangiles...

Avant même la naissance du Christ, la place des femmes est magnifiée.
À l'Incarnation, Dieu a besoin du « Oui » de Marie (Luc 1, 38) pour que le Fils éternel prenne chair en elle. Ce n'est pas Joseph qui autorise l'Incarnation en son épouse, mais bien Marie qui dispose librement d'elle-même. Joseph n'est prévenu qu'après l'Incarnation du Fils éternel en Marie. En fait, personne ne lui demande son avis. De nombreuses civilisations considèrent les femmes comme la propriété de l'homme. Ici, Dieu, par la voix de l'Ange, sort de cette vision patriarcale : Marie dispose d'elle-même, elle n'appartient pas à Joseph.
Dans les Évangiles, Marie accompagne toute la vie de son fils.
Elle est présente naturellement à l'Incarnation, mais également à la Pentecôte (Actes 2, 1-13). Elle signe les débuts du ministère public du Christ à Cana (Jean 2, 5) et elle est au pied de la Croix (Jean 19, 25). Elle le fait discrètement, elle est quasiment silencieuse, mais elle parcourt  néanmoins les Évangiles de bout en bout. En cela, Marie occupe une place hors du commun. Il ne s'agit pas de voir en elle une Déesse Mère - jamais l’Église n'a divinisée Marie - mais de comprendre que, sans elle, l'Incarnation du Fils de l'homme n'aurait pas été possible.

Marie est une femme à part, certes, mais elle n'est pas la seule femme des Évangiles. En fait, très curieusement, quand le Christ doit révéler quelque chose d'essentiel sur lui-même, il s'adresse d'abord à une femme. Presque en opposition avec l'esprit lent des Apôtres, les femmes des Évangiles comprennent les premières les grands messages du Christ.
Quand Marie est enceinte de Jésus, Élisabeth, la mère de Jean le Baptiste, comprend la première que Jésus est Dieu : « Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint. Alors elle dit : «... comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? » (Luc 1, 39-56).

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La Visitation : Marie visite Élisabeth
(Giotto di Bondone, 1304-1306, église de l'Arena, chapelle Scrovegni ; Padoue).

Faisant preuve d'une grâce prophétique hors du commun, Élisabeth saisit la première que Marie est « mère du Seigneur », c'est à dire mère de Dieu. Au même moment, son époux Zacharie est toujours maintenu dans le mutisme en raison de son peu de foi.


Acclamation d’allégresse de Marie devant Élisabeth qui a reconnu en elle la « Mère du Seigneur » : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en
Dieu, mon Sauveur ! Il s'est penché sur son humble servante ; désormais, tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles :
Saint est son nom ! Son pardon s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, Il renverse les puissants
de leurs trônes, Il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël, son serviteur,
il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d'Abraham et de sa race, à jamais.»
.

Au cours de sa vie publique, Jésus s'adressera à des femmes pour révéler chaque élément essentiel de son message*. C'est à une femme, la Samaritaine, que le Christ révèle qu'il est le Messie (Jean 4, 6-26). Il s'agit d'une femme réunissant tous les critères pour être rejetée de tous : Samaritaine, elle apparaît comme hérétique aux yeux des juifs ; femme légère pour les siens, elle a collectionné les amants sans retenir aucun mari. C'est pourtant à elle que le Christ dit pour la première fois qu'il est le Messie. Elle le croit sans hésiter et court en avertir son village.

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Le Christ rencontre la Samaritaine et lui annonce qu'il est le Messie,
(catacombe romaine du IIIe siècle).

Jésus est venu pour les juifs et il l'affirme à plusieurs reprises. Mais, c'est une femme étrangère, syro-phénicienne, qui ouvre la première la prédication du Christ aux païens en réclamant la guérison de sa fille, alors que les Apôtres réclament qu'elle se taise (Matthieu 15, 21-28 ; Marc 7, 24-31). Elle anticipe ainsi prophétiquement sur les consignes que le Christ donnera après sa Résurrection au sujet du baptême des nations.
Marthe, la sœur de Lazare, croit la première que la foi dans le Christ offre la Résurrection. Son acte de foi prélude à la résurrection de son frère par le Christ (Jean 11, 24). La femme adultère qui baigne les pieds du Christ de ses larmes, a compris la première que l'amour efface une multitude de péchés (Luc 7, 36-50) et Marie de Béthanie prophétise sur la mort du Christ juste avant sa dernière Pâque (Jean 12, 1-8).
Pendant le procès du Christ, seule la femme de Pilate réclame la clémence pour le Juste, pendant que les hommes crient « Crucifie-le » (Matthieu 27, 19).
Et, finalement, au matin de Pâque, c'est à une femme que le Christ demandera de témoigner auprès des ses disciples de sa Résurrection. Le témoignage des femmes n'était pourtant pas recevable chez les juifs et c'est en transgressant cette convention que le Christ  demande à Marie de Magdala d'aller transmettre cette incroyable nouvelle aux Apôtres (Jean 20, 11-18).

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Le Christ ressuscité apparaît à Marie Madeleine. Les gardes sont représentés endormis au sol et deux anges
sont assis au bord du tombeau (Giotto di Bondone, 1304-1306, Chapelle des Scrovegni de l'église de l’Aréna ; Padoue).

De nos jours, on entend souvent dire que le Christ s'est incarné dans un corps d'homme parce que personne ne l'aurait pris au sérieux s'il s’était incarné dans un corps de femme. C'est un raisonnement naïf et ceci pour plusieurs raisons. D'abord, les femmes juives de l'Ancienne Alliance pouvaient être prophètes (Luc 2, 36), rien n'aurait donc interdit que Dieu choisisse de s'incarner dans un corps de femme. De plus, on voit avec l'exemple de Marie Madeleine au Tombeau, que le Christ sait s’affranchir des préjugés de son temps quand il demande à une femme de témoigner. Le Christ ne s'est donc pas incarné dans un corps d'homme uniquement par nécessité sociologique. Si Dieu s'est fait homme, c'est qu'Il l'a voulu ainsi.
Le Christ est un homme, les hommes seront prêtres à sa suite. Mais le Christ a tenu à donner aux femmes un rôle de tout premier ordre. Elles ont reçu de façon privilégiée une grâce prophétique. Elles saisissent – peut-être mieux que les hommes (?) - la profondeur de l'intimité divine. Leur rôle actif et leur compréhension de chaque étape de la vie terrestre du Christ en témoignent. Comparées à la lenteur spirituelle des Apôtres, les femmes des Évangiles font preuve d'une incroyable perspicacité spirituelle *.

Hommes et femmes vont recevoir le même baptême. Ensemble, ils seront prêtres prophètes et rois, chacun selon sa vocation. En effet, les grâces de prêtre (He 5, 1), de prophète (Jean 17, 1-26) et de roi (Jean 19, 19) acquises au Christ, sont répandues sur l'humanité par le Baptême (1 P 2, 4-5 ; 1 P. 9-10).

La circoncision va disparaître, plus rien ne distingue le signe qui inclut l'homme dans la nouvelle foi de celui qui y invite la femme : ils reçoivent le même baptême et le même Esprit. En abolissant la circoncision, le christianisme, comparé au judaïsme ou à l'islam, s’affranchit de toute discrimination sexuelle.

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Baptistère paléochrétien d'Afrique du Nord, où les hommes comme les femmes
ont reçu la même initiation chrétienne
(VIe siècle, musée du Bardo, Tunis).

Mais égalité en dignité et en droit, ne signifie pas similitude. Indépendamment des différences anatomiques évidentes entre les sexes, les Évangiles signalent des différences d'aptitudes spirituelles. Les hommes sont prêtres à la suite du Christ, ils détiennent donc le pouvoir de discerner et de gouverner. À eux de savoir exercer cette grâce en serviteur, en bon pasteur, et non en mercenaire (Jean 10, 1-18). Car le pouvoir n'est pas domination, mais service dans la logique du Christ, donc dans celle l’Église. Voilà comment doit être – ou devrait être - exercé le pouvoir dans l’Église, et ceci quelle que soit la façon dont les diverses civilisations, y compris chrétiennes, ont conçu le pouvoir masculin.

Les sciences humaines contemporaines donnent un autre éclairage à cet état de fait. Un psychanalyste du XXe siècle, juif d'origine, Aldo Naouri a réfléchi sur les places respectives offertes aux hommes et aux femmes dans l'histoire des civilisations. Il explique que le patriarcat des sociétés traditionnelles ne correspond pas au besoin d'instaurer une sujétion de la femme, mais qu'il est le moyen, inventé par la sagesse humaine, pour contrebalancer la toute puissance castratrice des mères.
De nos jours, des idéologies athées essaient de promouvoir la théorie du genre qui voudrait que les différences de formation professionnelle, de goût ou d'engagement politique selon le sexe, ne soient dues qu'au conditionnement éducatif. Cependant, cette doctrine est battue en brèche par des données objectives. En effet, les neurosciences commencent à démontrer que le cerveau des nourrissons filles fonctionne différemment que celui des nouveau-nés garçons et cela dès les premières heures de vie. Les différences intellectuelles (aptitudes verbales pour les filles, mathématiques pour les garçons) ou de personnalité sont donc de même nature que les différences anatomiques : hormonales et génétiques, et non conséquences de discriminations éducatives.
Les croyants peuvent donc rassurer leur besoin d'égalité entre les sexes avec ce sublime verset de la Genèse : « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu, il le créa, homme et et femme il le créa. » (Genèse 1, 27). C'est ensemble  - homme et femme - que l’humanité est à l'image de Dieu, et ensemble qu'ils sont appelés à servir Dieu chacun selon sa vocation spécifique.

Que les hommes soient prêtres ne rabaisse donc pas les femmes - il ne devrait pas en être ainsi - mais permet, au contraire, de magnifier leur capacité prophétique en les protégeant de la tentation d'étouffer les hommes. Aux hommes de savoir exercer leur vocation de prêtre en serviteur et non en tyran !

Hommes et femmes sont néanmoins tous prêtres, prophètes et rois par la grâce de leur baptême, mais chacun selon sa vocation spécifique.

* : La grâce d'être femme, G. Blaquière. Éditions Saint Paul, 1982.

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L'adoration dans la forêt, détail de Marie (Filippo Lippi, 1459 ; Gemäldegalerie, Berlin).
Marie reste le symbole de la place donnée aux femmes dans le christianisme.

6. 16. À la Pâque 32, Jésus multiplie les pains et annonce l'Eucharistie.

Selon son habitude, Jésus prêche près du Lac de Tibériade. Un soir, 4000 personnes sont présentes. Il n'y a pas de nourriture pour nourrir la foule ; seul un enfant a deux poissons et cinq pains (Jean 6, 1-4).
Jean nous raconte :
« Alors Jésus prit les pains et, ayant rendu grâces, il distribua [les cinq pains] aux convives, de même aussi pour les poissons, autant qu'ils en voulaient. Quand ils furent repus, il dit à ses disciples « Rassemblez les morceaux en surplus, afin que rien ne soit perdu. » Ils les rassemblèrent donc et remplirent douze couffins avec les morceaux des cinq pains d'orge restés en surplus à ceux qui avaient mangé.
À la vue du signe qu'il venait de faire, les gens disaient : « C'est vraiment lui le prophète qui doit venir dans le monde. » Alors Jésus, se rendant compte qu'ils allaient venir s'emparer de lui pour le faire roi, s'enfuit à nouveau dans la montagne tout seul.
» (Jean 6, 11-15).

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La multiplication des pains
(mosaïque de la Basilique Saint Marc, XIIIe siècle ; Venise).

Il est plus dérangeant pour les athées d'entendre un récit de multiplication des pains, plutôt que de guérison de malades. Un malade peut souffrir d'une maladie psychosomatique ou simuler... Des corbeilles de pains ne se remplissent pas, elles, par comédie. Dans l'histoire de l’Église, des multiplications de pains ont eu lieu à une époque suffisamment récente pour que l'histoire n'ait pas été enjolivée par la légende. Les témoins ont été interrogés et ont témoigné la main sur les Évangiles de ce qu'ils avaient constaté. Pendant le ministère du curé d'Ars (1818-1859), dans le grenier de la boulangère Chanay, le grain s'est multiplié. Au couvent de La Puye en Poitou, des filles de la Croix ont vu la farine augmenter ainsi que le pain à plusieurs reprises entre 1825 et 1827. En 1860, Jean Bosco a tiré 400 petits pains d'une corbeille pour nourrir ses 400 enfants pauvres de Turin alors qu'il n'avait au départ que 15 petits pains *.

À la Pâque 32, les témoins de la multiplication des pains reconnaissent la souveraineté du Christ : il est bien roi. Mais, pour eux, la royauté n'est que terrestre. Ils essaient de s'emparer de lui pour en faire leur roi. La conception du roi Josias est toujours la leur. Pour eux, le triomphe du Messie doit être politique. Que Son Royaume ne soit pas de ce monde, est au delà de leur imagination. Jésus doit se dérober pour éviter d'être choisi comme roi terrestre et politique. Il n'est pas venu faire la révolution, ni contre Hérode Antipas, ni contre les romains. Il ne veut pas exercer de pouvoir temporel.
Roi, il l'est, mais comme il est le « Fils d'homme » annoncé par Daniel, il est souverain d'un Royaume spirituel qui n'a pas de fin.

Après la multiplication des pains, Jésus retourne à Capharnaüm où il vit dans la maison de Simon-Pierre. Quelque temps après, à la synagogue du village (Jean 6, 59), Jésus fait une annonce scandaleuse qui donne la réelle signification de son miracle. Les fondations de cette synagogue de Capharnaüm, celle du premier siècle où se déroule cette scène, ont été retrouvées sous la synagogue du IVe siècle élégante et spacieuse qui existe toujours, et qui est élevée en belles pierres blanches.

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La synagogue de Capharnaüm (IVe siècle).

À la synagogue de Capharnaüm, Jésus proclame : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais. Et même, le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde. » (Jean 6, 51).

Après cette annonce, ses auditeurs juifs sont horrifiés. Ils prennent ses propos au pied de la lettre. Tous le quittent après cette annonce qui évoque le cannibalisme (Jean 6, 66). Les juifs n'ont pas encore fait le chemin vers le sens symbolique de ses propos. Les douze Apôtres sont les seuls à rester avec lui. Quand Jésus leur demande si eux-aussi veulent partir, Pierre donne au Christ la preuve de son attachement et il proclame sa foi : « À qui irions-nous Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu. » » (Jean 6, 68-69). Dans l'esprit de Pierre, commence à émerger la conviction que Jésus est plus qu'un homme et il accepte cette étrange revendication : le Christ serait donc « le pain vivant descendu du ciel » et « le Saint de Dieu »

À la synagogue de Capharnaüm, le Christ annonce l'Eucharistie. Cette annonce fait suite à la multiplication des pains et lui donne son sens spirituel réel. Finalement, le seul Pain qui donne la Vie, l'Eucharistie, se multipliera à chaque messe tout au long de l'ère chrétienne. Par la grâce de la consécration du prêtre, ce Pain devient la « chair » du Christ crucifié pour le salut du monde.

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Eucharistie à Lourdes - pain consacré.

Et cela, Seul le « Saint de Dieu » peut l'accomplir.

* : Jésus, p. 227, J.-C. Petitfils, Fayard, 2011.

6. 17. Le Royaume est au milieu de nous.
La royauté d'un mystérieux Fils d'homme a été prédite par Daniel (Daniel 7, 13-14). La venue du Messie doit donc inaugurer la venue d'un Royaume. En se nommant lui-même « Fils de l'homme », Jésus réalise la prophétie de Daniel et assume donc la royauté mystique d’un Royaume éternel auquel l’humanité entière rendra hommage. C'est à 70 reprises que Jésus se nomme « Fils d’homme » dans les Évangiles (Jean 2-6-1 ; Marc 1-9-11 ; etc...), il revendique ainsi la royauté spirituelle et eschatologique. Mais cette royauté est bien d'une nature particulière : elle est spirituelle et non matérielle. Ainsi Jésus s'est-il enfui quand les hommes ont voulu le faire roi après la multiplication des pains (Jean 6, 15).

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Jésus prêche au bord du lac de Galilée
(James Tissot - peintre français, 1886 ; Brooklyn Muséum).

Jésus va expliquer peu à peu, dans d'une patiente pédagogie, ce que signifie cette royauté mystique. Pour ce faire, il est obligé de décevoir l’attente messianique des juifs qui avaient souhaité un messie politique.
Et cela débute par un paradoxe :
« Jusqu'à Jean, ce furent la Loi et les Prophètes ; depuis lors, le Royaume de Dieu est annoncé et tous s'efforcent d'y entrer par la violence. » (Luc 16,16). Depuis Jean le Baptiste, un nouveau règne est annoncé : celui du Royaume de Dieu. Les hommes libérés de l'emprise de la Loi vont vouloir s'approprier ce fameux Royaume. Et les hommes sont fidèles à eux-mêmes, ils sont tentés d’employer leurs moyens habituels : la violence et la volonté de dominer. Luc ajoute donc au verset suivant : « Il est plus facile que le ciel et la terre passent que ne tombe un seul menu trait de la Loi. » (Luc 16, 17). La Loi persiste donc, mais le Christ va la résumer à l'essentiel. Que le Christ ait accompli la Loi avec ses disciples, ne signifie pas qu'elle est inutile. D'une part, l’Ancienne Alliance permet de comprendre et d'accueillir le Christ. D'autre part, la liberté offerte par le Christ est équilibrée par ce rappel à la Loi qui reste sous-jacent et structurant... La liberté offerte par le Christ est réelle. Mal comprise, elle peut conduire à toutes les hérésies, les fausses révélations et les convictions d'avoir raison contre ce que dit la Tradition chrétienne et les Évangiles. Il s'agit donc d'entrer dans ce Royaume de Dieu par la porte que montre le Christ. Et il va enseigner, pas à pas, ce chemin aux hommes : il débute par un accomplissement de la Loi, ce qui signifie que la Loi sera ramenée à l'essentiel et continuera par l'écoute de la parole du Christ. Ce chemin culminera avec le don de l'Esprit Saint qui permet le lien direct des hommes avec Dieu. Mais l'Esprit ne sera donné qu'à la Pentecôte, après la mort, la Résurrection et l'Ascension du Christ. Pour offrir aux hommes cette vie dans le Royaume de Dieu, « le Fils de l'homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué, et après trois jours ressuscité. » (Marc 8, 31). La vie dans le Royaume de Dieu est étroitement liée à la passion du Christ.

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Le Christ couronné (Antonello da Messina, 1475 ; église Saint Michel de Dijon).
La couronne royale du Christ est d'une nature bien particulière...

Et le Christ doit longuement expliquer à ses disciples, mais également aux juifs, que ce royaume n'est pas militaire. Il doit corriger toutes les fausses idées du Peuple Élu concernant la venue du Messie et l'avènement du Royaume messianique. Les disciples, et les juifs en général, doivent apprendre que le Royaume n’est pas une promesse politique : « Les pharisiens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu, il leur répondit : « La venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer, et l'on ne dira pas : « Voici : il est ici ! Ou bien : il est là ! « Car voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous. » (Luc 17, 20-21). Voilà que la présence du Christ suffit pour que le Royaume de Dieu soit au milieu des juifs ! Ce qui signifie que, de nos jours également, la seule présence spirituelle du Christ permet de rendre effectif le Royaume : « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux. » (Matthieu 18, 20).

Le Royaume n'est donc pas un bien matériel, n'est pas un territoire et n'est pas matérialisé : il est une communion spirituelle au Christ réellement présent. « Mon Royaume n’est pas de ce monde » confirmera Jésus devant Pilate (Jean 18, 36). Le Christ a enseigné cette dématérialisation du Royaume de Dieu au cours de tout son ministère public, mais cela n'a été compris que progressivement et qu’après que les disciples eurent expérimenté la vie spirituelle. « Et il leur disait : « En vérité je vous le dis, il en est d'ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d'avoir vu le Royaume de Dieu venu avec puissance. » (Marc 9, 1). Les chrétiens des premières générations interpréteront cette parole comme l'annonce que la fin des temps était proche, mais il ne s'agissait pas de cela. Le Royaume est venu avec puissance dans le monde dès l'Incarnation du Christ et il restera présent jusqu'à la fin du monde.
Et seule la divinité permet au Christ d'être réellement présent parmi nous, présence réelle quoique mystique. Jésus établit le Royaume de Dieu dans le monde par sa seule présence corporelle dans l'Eucharistie et spirituelle par la prière des siens.

Ainsi l'affirme-t-il.

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Le Christ en majesté
( XIIIe siècle ; Baptistère de Florence).

6. 18. La Transfiguration du Christ.
Le 10 de Tishri, à la fin de l'été, les juifs fêtent Kippour, le jour de l'expiation, seul jour où le Grand Prêtre entre dans le saint des saints pour prononcer le nom de Dieu. Le Grand Prêtre égorge un taurillon et lâche un animal dans le désert, le bouc émissaire, porteur des péchés de l'année écoulée. Kippour inaugure la fête des Tentes. Les Juifs commémorent lors de cette fête la proximité de Dieu qui a nourri son peuple de la manne pendant l'Exode. Les Juifs dorment quelques jours en famille sous la tente, pour rappeler la vie nomade au Sinaï (Lev 23, 42-43).
La Transfiguration du Christ va avoir lieu au moment de la fête des Tentes. Il s'agit en fait de l'accomplissement, de la conduite à son terme spirituel, de la fête des Tentes. Dieu s'était montré à son peuple lors de l'Exode au Sinaï et s'était fait proche du lui ; en Jésus, Dieu se fait à nouveau et pour toujours proche des hommes.

Jésus vient de confirmer que le Royaume de Dieu est immatériel. Il annonce sa future passion pour la rédemption des péchés au moment de Kippour, la fête de l'expiation juive (Marc 8, 31). Puis, au moment de la fête des Tentes, il va connaître une Transfiguration, manifestation visible de sa divinité. Lui et ses disciples se trouvent près de Césarée de Philippe, ville dominée par le mont Hermon à 2840 m. C'est là qu'Eusèbe de Césarée (265-340) place la Transfiguration, aux sources du Jourdain, le fleuve sanctifié pour l'éternité par le baptême du Christ.
« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls, à l'écart, sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux et ses vêtements devinrent resplendissants, d'une telle blancheur qu'aucun foulon sur terre ne peut blanchir de la sorte. Élie leur apparut avec Moïse et ils s'entretenaient avec Jésus. Alors Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ; faisons donc trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » C'est qu'il ne savait que répondre, car ils étaient saisis de frayeur. Et une nuée survint qui les prit sous son ombre, et une voix partit de la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le. »
Soudain, regardant autour d'eux, ils ne virent plus personne, que Jésus seul avec eux.
Comme ils descendaient de la montagne, il leur ordonna de ne raconter à personne ce qu'ils avaient vu, si ce n'est quand le Fils de l'homme serait ressuscité d'entre les morts. Ils gardèrent la recommandation, tout en se demandant entre eux ce que signifiait « ressusciter d'entre les morts ».
» (Marc 9, 1-10).

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La Transfiguration du Christ
(Fra Angelico, XIVe siècle ; monastère San Marco, Florence).

Celui qui écrit cet Évangile est Marc, le disciple de Pierre. Marc accompagne Pierre dans les années 60, quand celui-ci prêche à Rome. Son Évangile raconte donc l'expérience de Pierre, pécheur analphabète devenu le chef de l’Église après que le Christ aura instauré son autorité (Mat 16, 18-19). Marc n'est donc pas un témoin direct, mais le scribe de Pierre. Il y a dans l'Évangile de Marc des petits détails sur Pierre qui ne peuvent provenir que du témoignage direct de l’Apôtre. Ici, lors de la Transfiguration, Pierre prend la parole pour dire la première chose qui lui passe par la tête ; il est terrifié au point de ne savoir que dire, mais, il ne se tait pas comme les deux autres apôtres. La personnalité de Pierre surgit là de façon presque inattendue. Marc le connaît bien, ce Simon, le pêcheur devenu Pierre par le choix du Christ. Plein de fougue et d'impétuosité, Simon-Pierre ne sait pas se taire, même quand il est dépassé par les événements. Ici, il remet la Transfiguration au niveau de son expérience humaine : il suggère de fabriquer des tentes dans une transposition presque enfantine de la fête juive.

À la fête des Tentes, Jésus manifeste sa divinité. En lui, Dieu manifeste Sa proximité offerte pour toujours. Jésus, vrai Dieu, va maintenant aider son peuple en le libérant d’un esclavage autre que celui d'Égypte : l’esclavage de la mort et du péché. La libération de l'esclavage d'Égypte n’était que l’annonce prophétique de la libération réelle offerte par le Christ, le seul bouc émissaire dont le sacrifice soit efficace.

Ce n’est qu’après la Résurrection du Christ que les trois Apôtres, Pierre, Jacques et Jean, auront le droit de raconter cet épisode, et pour l’instant, eux-mêmes ne le comprennent pas. La Transfiguration est la manifestation de la divinité du Christ, mais seule la Résurrection permettra aux Apôtres d'admettre ce qui est incompréhensible aux yeux d'un juif et probablement à tout homme qui réfléchit : Dieu fait homme vit parmi eux. Comment imaginer cela, comment l'accepter ? Quand ils comprendront que Jésus est bien Dieu, le Christ sera alors ressuscité et sa vie humaine sera achevée. Seule la distance établie entre eux et lui, après sa mort en Croix et sa Résurrection, leur permettra d'y voir clair sur sa nature réelle.

Trois évangélistes ont parlé de la Transfiguration : Matthieu, Marc et Luc. L’Apôtre Jean, fils de Zébédée, a été le témoin direct de la scène, puisqu'il est l'un des trois privilégiés invités à accompagner le Christ sur la montagne. Si Jean l’Évangéliste se confond avec lui, il est curieux de voir qu'il ne parle pas de la Transfiguration dans son Évangile. C'est un signe qui suggère que Jean l'Évangéliste et Jean l’Apôtre, le fils de Zébédée, sont bien deux hommes différents.

6. 19. Divinité du Christ : Jésus croit-il être Dieu ?
C'est un acte de foi de croire que Jésus est Dieu. Il ne s'agit donc pas ici de dire que Jésus est Dieu mais de regarder les Évangiles, en tant que source historique, pour voir si Jésus pensait être Dieu.
En fait, plusieurs éléments des Évangiles permettent d'affirmer que Jésus se savait Dieu. D'abord, il se présente comme l’époux d'Israël quand il évoque sa propre mort : « Mais un temps viendra où l’Époux leur sera enlevé... » (Mathieu 9, 15). Or, l'époux du Peuple Élu est Dieu Lui-même dans l'Ancien Testament : « Tu m'appelleras Mon époux et non plus Mon Maître. » (Osée 2, 18) ou « Ton époux, c'est ton Créateur. » (Isaïe 54,14).
Jésus se conduit comme Dieu seul en a le droit. Lors du discours sur la montagne (Les Béatitudes), on a vu qu'il se sait autorisé à réinterpréter la Loi de Moïse, par sa seule initiative et sans en référer à Dieu. Mais ce n'est pas tout. Il pardonne les péchés en son propre nom, usurpant une prérogative divine, ce qui scandalise les juifs : « Comment celui-là [Jésus] parle-t-il ainsi ? Il blasphème ! Qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul ? » (Marc 2, 7). En pardonnant les péchés en son nom propre, Jésus se dit l'égal de Dieu.

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Le Christ guérit le paralytique et lui pardonne ses péchés
(fresque serbe byzantine, 1340 ; Dečani).

Jésus exorcise les démons en son nom propre et sans le demander à Dieu : « Esprit mauvais, je te l'ordonne, sors de cet homme » (Marc 1, 25). Le Coran, qui refuse d'admettre la divinité du Christ, précise que Jésus fait des miracles « par la permission de Dieu » (S. 3, 49), ce que ne disent jamais les Évangiles. Et, le Christ accomplit bel et bien des miracles hors du commun : résurrection de morts, multiplications des pains, purifications de lépreux... du moins les Évangiles, les épîtres, Flavius Josèphe et... le Coran l'affirment-ils.

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La guérison des dix lépreux
(mosaïque de la cathédrale de Monreale, XIIe siècle ; Palerme).

Par ailleurs, indépendamment de ses relations avec les hommes, Jésus dévoile quelque chose de son intimité avec Dieu, qu'il ne nomme jamais Dieu, mais son Père, son « 'Abbā '» en araméen, ce qui est traduit par « papa ». Il affirme une connaissance parfaite de Dieu et un pouvoir absolu : « Tout m'a été remis par mon Père et personne ne connaît le Fils si ce n'est le Père, personne non plus ne connaît le Père si ce n'est le Fils. » (Matthieu  11, 27). Jésus se dit là Fils de Dieu, ce qui suffit pour l'égaler à Lui, mais il affirme également connaître parfaitement Dieu, ce qu'aucun homme raisonnable ne peut prétendre. De plus, quand il parle, il ne dit jamais « notre Père » comme s'il parlait d'un Père commun aux hommes et à lui. Il dit soit « mon Père » soit « votre Père ». Il ne met jamais les hommes sur le même plan de filiation que lui. La seule exception est quand il apprend le « Notre Père » aux hommes. Là, seulement pour nous apprendre à prier, il dit « Notre Père ». C'est une radicale nouveauté, jamais personne n'avait appelé Dieu ainsi : 'Abbā ', papa !
Néanmoins, même si le Christ accomplit de nombreux miracles en son nom propre, il affirme : « Les œuvres que je fais au nom de mon père témoignent pour moi. » (Jean 10, 25). Il ne s'agit pas là d'une dépendance de puissance envers le Père, puisque, ailleurs, le Christ fait des miracles de sa propre autorité. Il s'agit, pour Jésus, de s'inscrire dans la Loi juive qui veut que le témoignage de deux hommes soit nécessaire pour démontrer l'exactitude d'une affirmation (Deutéronome 19, 15). Il signale ainsi une chose essentielle : lui et le Père sont deux Personnes distinctes, puisque leurs deux témoignages suffisent pour confirmer sa vocation messianique. Si le Père et le Fils sont deux Personnes distinctes, néanmoins, le Christ affirme ailleurs : « Moi et le Père, nous sommes un » (Jean 10, 30). Toute la finesse de la foi chrétienne en la Trinité, Dieu unique en Trois Personne divines est là exprimée au cœur des Évangiles.
Car comment peut-on être « un » avec « le Père » sans être Dieu soi-même ?
Ainsi l'affirme donc le Christ : il est Dieu.
Les hommes peuvent refuser de croire en la divinité du Christ, il demeure néanmoins un fait établi : Jésus s'est dit Dieu ! Et c'est pour cela qu'il sera crucifié, car seul un tel blasphème - aux yeux de ceux qui ne l'ont pas cru - exigeait un tel châtiment (Jean 10, 36-39).

* : Jésus, p. 181-186, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

6. 20. Quand les chrétiens ont-ils cru en la divinité du Christ ?
Les premiers, les juifs ont saisi que le Christ se disait Dieu et c'est pour cela qu'ils veulent sa mort : « Nous te lapidons, mais pour un blasphème et parce que, toi, n’étant qu'un homme, tu te fais Dieu. » (Jean 10, 33).

Pendant sa vie humaine, seuls ses adversaires ont compris qu'il se disait Dieu. Il semble bien que les Apôtres ne l'ont, ni cru, ni imaginé de son vivant. Leur aurait-il été possible de côtoyer un homme dont ils auraient pensé qu'il était Dieu ? Sans doute pas ! Seuls ceux qui ne le croient pas, les juifs, comprennent donc qu'il affirme sa divinité.
Mais tout change dès la Résurrection du Christ. « Mon Seigneur et mon Dieu » dit Thomas au Christ ressuscité, témoignant de la divinité du Christ qui est exprimée littéralement au creux des Évangiles (Jean 20, 28). Phrase discrète mais incontournable des Évangiles ! À la Résurrection, les Apôtres croient en la divinité du Christ, à ce moment là mais manifestement pas avant.


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L'incrédulité de Thomas, qui réclame à toucher les plaies du Christ pour croire qu'il s'agit
bien de lui après sa résurrection (Le Caravage,1603, Palais de Sanssouci ; Postdam).

De nos jours, il est devenu de bon ton d'affirmer que la divinité du Christ est une invention tardive, une construction des chrétiens au IVe siècle, au moment du règne de Constantin, et qui serait en contradiction avec les Évangiles. Cela fait partie des fantasmes des idéologues athées auxquels les médias français donnent largement la parole. En effet, l'histoire démontre que leur prise de position est erronée. La foi en la divinité du Christ a laissé des traces archéologiques précoces qui confirment la profession de foi de Thomas.

En 50, dans le faubourg de Talpiot à Jérusalem, un tombeau est scellé, contenant cinq ossuaires (*1). Sur l’un, marqué d’une croix, on trouve inscrit en grec « Iesou Iou » soit « Jésus aide ! » et sur un autre, écrit en araméen « Yeshu Aloth » soit « Jésus, rend-lui la vie ». Découvert en 1945, par l’archéologue Sukenick, le tombeau était inviolé depuis 1900 ans. Dès l'an 50, on prie donc Jésus, portant mort depuis 17 ans, comme s'il était toujours vivant et comme Dieu seul y a droit. En effet, Dieu seul détient le pouvoir de sauver en octroyant la vie éternelle aux défunts.

En 62, a lieu le premier schisme de l’Église. Thébutis fait sécession et fonde la mouvement des Ébionites. Ses disciples croient que Jésus est bien le Messie mais nullement qu'il est le Fils de Dieu. La divinité du Christ est refusée par Thébutis. Selon lui, Jésus serait né naturellement de ses deux parents, Joseph et Marie, il aurait reçu l'Esprit Saint au Baptême pour le perdre sur la Croix. Jésus n'est pas Dieu pour Thébutis (*2). Cela signale en négatif la croyance des chrétiens auxquels Thébutis s'oppose. En 62, les Chrétiens croient donc en la divinité du Christ.

Dans une grotte proche du lieu de la Cène, où Jésus et ses disciples ont fait leurs ablutions rituelles avant le dernier repas, on a retrouvé de nombreux graffitis. Ils ont été datés de la fin du premier siècle par la paléographie. L'un d'eux dit « Seigneur Dieu qui as ressuscité Lazare, souviens-toi de ton serviteur Asclepius et de ta servante Chionion ». Puisque c'est le Christ qui a ressuscité Lazare, Jésus est donc ici nommé Dieu (**).
En 112, Pline le Jeune, procurateur en Asie mineure, écrit à l'empereur Trajan au sujet des chrétiens (Lettre 10, 96) : « Ils affirment que toute leur faute ou leur erreur s'est bornée à avoir l'habitude de se réunir à jour fixe avant le lever du soleil, de chanter entre eux alternativement un hymne au Christ comme à un dieu … J'ai cru d'autant plus nécessaire de soutirer la vérité à deux esclaves que l'on disait diaconesses, quitte à les soumettre à la torture. ». Au début du IIe siècle, des chrétiennes, responsables de leur communauté, donc instruites dans la doctrine juste, apprennent sous la torture à Pline le Jeune qu'elles croient en la divinité du Christ.

En 170, Lucien de Samosate (*3) écrit dans La mort de Pérégrinos que les chrétiens adoraient « l'homme qui fut empalé en Palestine pour avoir introduit dans le monde un culte nouveau...[ils] adoraient ce sophiste crucifié et suivaient ses lois ». Au IIe siècle, pour un témoin extérieur et méprisant, les chrétiens croient en la divinité du Christ puisqu'ils « adorent » le « Crucifié ».

En 178, Celse, un philosophe romain platonicien, écrit dans Discours véritable une critique ironique du christianisme ou il reproche aux chrétiens de s’être « donné pour Dieu un personnage qui termina une vie infâme par une mort misérable. »

En 2005, une découverte hors du commun est faite à Megiddo : une mosaïque datée du IIIe siècle. Il s'agit de celle d'une église paléochrétienne datée d'avant la conversion de l'empereur Constantin. Un romain, Akeptoüs, explique pourquoi il l'a financée. Une inscription en grec nous apprend que « Akeptoüs, aimant Dieu, a offert un autel dédié à Dieu, Jésus Christ ». Si la divinité du Christ n'avait pas été la foi officielle de l’Église, comment imaginer qu'un tel blasphème puisse être laissé sur la mosaïque d'un lieu de culte à la vue des fidèles ? On voit là une nouvelle preuve que la foi en la divinité du Christ date d'avant la conversion de l'empereur Constantin au IVe siècle. L'empereur Constantin a en effet ordonné le concile de Nicée en 325 pour définir officiellement la nature exacte du Christ. Les Pères de l’Église ont alors exprimé en termes théologiques ce qui était la croyance ancestrale des premiers chrétiens. Penser que Constantin ait pu influer sur leur décision est d'ailleurs étrange puisque Constantin ne croyait pas lui-même en la divinité du Christ : il s'est fait baptiser dans la version arienne de la foi chrétienne, celle qui refuse la divinité du Christ...

Il ne s'agit pas de dire ici que Jésus est Dieu, c'est de l'ordre de la foi. Il s'agit de faire remarquer que la croyance en la divinité du Christ a existé dès la Résurrection en 33. En témoigne la proclamation de Thomas face au Christ ressuscité : « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jean 20, 28). Que les chrétiens se trompent ou non, ils croient en la divinité du Christ depuis Sa Résurrection. C'est d'ailleurs cette croyance qui définit les chrétiens. Ils croient en Un Dieu Unique en Trois Personnes divines.

* : Jésus, / *1 : p. 17 / * 2 : 453 / *3 : p. 485 / Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.
** : Un ancien sanctuaire chrétien à Béthanie,  p. 200-251, P. Benoît et M. E. Boismard, Revue biblique, 58, 1951.

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« Akleptoüs aimant Dieu a offert cet autel pour l'amour de Dieu Jésus-Christ »
(mosaïque de Megiddo, IIIe siècle).

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Pierresuzanne

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:13

CHAPITRE 7 : LE CHRIST ET LA LOI : IL LA MAINTIENT POUR LES JUIFS,
L'ACCOMPLIT ET LA TRANSGRESSE AVEC SES DISCIPLES. De l'an 31 à l'an 33.


7. 1. Jésus est juif.
7. 2. Jésus a besoin du peuple juif par lequel le salut vient au monde : pour le confirmer, il maintient la Loi.
7. 3. Jésus maintient la Loi et l'accomplit.
7. 4. L’accomplissement de la Loi : le mariage est monogame et le divorce interdit.
7. 5. Le célibat.
7. 6. L’accomplissement de la Loi : ne pas rabâcher.
7. 7. L’accomplissement de la Loi, elle devient une pratique individuelle donc impropre au gouvernement.
7. 8. L’accomplissement de la Loi, le Jugement dernier.

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7. 9. L’accomplissement de la Loi, Dieu seul pardonne, le Christ pardonne aussi.
7. 10. La femme adultère : le Christ pousse les juifs à éprouver les limites de la Loi.
7. 11. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les prescriptions sur les ablutions sont dépassées.
7. 12. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les interdits alimentaires sont abolis.
7. 13.  Le Christ transgresse la Loi de Moïse : le tabou des règles des femmes cesse d'être une prescription divine.
7. 14. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les pécheurs ne sont plus rejetés.
7. 15. Le Christ transgresse la Loi de Moïse et touche un lépreux, il est ému de compassion.
7. 16.  Le Christ transgresse la Loi de Moïse : le Sabbat est profané.

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7. 17. Jésus, Verbe de Dieu.
7. 18. Les grandes questions fondamentales : la maladie vient-elle de Dieu ? Jésus répond à l'Ancien Testament.
7. 19. Les catastrophes naturelles viennent-elles de Dieu ?
7. 20. Les grandes questions fondamentales : les hasards de la nature sont-ils des récompenses divines ?
7. 21. Séparation des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif.
7. 22. Le Christ rend sa parole universelle et s'adresse à l'individu affranchi des contraintes claniques.
7. 23. Tentative de lecture psychologique de Jésus-Christ.
7. 24. « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie. » (Jean 14, 6).

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 05:29, édité 3 fois
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HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. Empty
MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:15

CHAPITRE 7 : LE CHRIST ET LA LOI : IL LA MAINTIENT POUR LES JUIFS,
L'ACCOMPLIT ET LA TRANSGRESSE AVEC SES DISCIPLES.
De l'an 31 à l'an 33.

7. 1. Jésus est juif.

Jésus est juif puisque né de parents juifs. Marie et Joseph l'éduquent selon la Loi de Moïse. Il est circoncis le huitième jour conformément à la Loi et présenté au Temple pour y être consacré à Dieu, comme chaque fils aîné des familles du Peuple Élu (Luc 2, 22-24). Il lit la Thora à la synagogue, comme tout juif adulte (Luc 4, 16). Il monte à Jérusalem pour les trois grands pèlerinages annuels, Pâque, Pentecôte et les Tentes, à la suite de ses parents et comme ils le lui ont enseigné (Luc 2, 41).

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La circoncision de Jésus (atelier de Giovanni Bellini, XVIe siècle)

En tout, Jésus assume l'héritage spirituel des juifs qui est clairement détaillé dans l'Ancien Testament. Le peuple juif est un peuple mis à part par Dieu : « Voici un peuple qui habite à part, il n'est pas rangé parmi les nations. » (Nombres 23, 9). Ce que confirme le Deutéronome : le Peuple Élu n'est pas le plus puissant, mais celui qui est choisi par Dieu, celui qui est aimé et sauvé par Lui quelles que soient ses faiblesses : « Car tu es un peuple saint pour Yahvé, ton Dieu ; Yahvé, ton Dieu, t'a choisi, pour que tu sois un peuple qui lui appartînt entre tous les peuples qui sont sur la face de la terre. Ce n'est point parce que vous surpassez en nombre tous les peuples, que Yahvé s'est attaché à vous et qu'il vous a choisis, car vous êtes le moindre de tous les peuples. Mais, parce que Yahvé vous aime, parce qu'il a voulu tenir le serment qu'il avait fait à vos pères, Yahvé vous a fait sortir par sa main puissante, vous a délivrés de la maison de servitude, de la main de Pharaon, roi d'Égypte. Sache donc que c'est Yahvé, ton Dieu, qui est Dieu. Ce Dieu fidèle garde son alliance et sa miséricorde jusqu'à la millième génération envers ceux qui l'aiment et qui observent ses commandements. » (Dt 7, 6-9). Esther (3, 8) ou le Deutéronome (33, 28-29) affirment également que le Peuple Élu est un peuple mis à part par Yahvé.

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Moïse donne la Loi au Hébreux. La montagne en feu à l'arrière plan témoigne de la présence de Dieu.  (Enluminure
du «
 Pentateuque » dit « de Tours », réalisée au VIe siècle en Afrique du nord ou en Espagne ; BnF).

Le peuple juif, peuple préservé à part, est éternel et il subsistera jusqu'à la Fin des Temps. Daniel a raconté sa vision et les paroles étranges qu'il a entendues : « « Pour un temps, des temps et un demi-temps, et toutes ces choses s'achèveront quand sera achevé l'écrasement de la force du Peuple Saint ». J'écoutais sans comprendre. Puis je dis : « Mon Seigneur, quel sera cet achèvement ? Il dit : « Va, Daniel ; ces paroles sont closes et scellées jusqu'au temps de la Fin. » (Daniel 12, 7-8).

C'est par le peuple juif que le salut parviendra aux nations. Isaïe l'a prophétisé : « Yahvé a dit : « Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. » (Isaïe 49, 6). Le Christ s'inscrit totalement dans cette vision des choses : « Le salut vient des Juifs. » affirme-t-il à la Samaritaine (Jean 4, 22). Le Christ n'est pas démagogue. Face à cette juive atypique, considérée comme hérétique par le Peuple Élu et qui n'est donc pas juive officiellement, il affirme ce qui est la vérité du Peuple Élu et la sienne  : « Le salut vient des Juifs. ».
Et ce salut est bien destiné à la terre entière. Isaïe l'a prophétisé (Isaïe 49, 6) et le Christ le confirme en envoyant ses apôtres baptiser les nations après sa Résurrection : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc : de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » (Matthieu 28, 16-19). Évangéliser les non-juifs n’est pas sa mission, mais celle de ses disciples. C'est pour cela qu'il les a préparés.

En effet, le Christ a curieusement limité son propre apostolat aux seuls juifs au cours de sa vie publique
: « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » dit-il (Mathieu 15, 24). C'est précisément quand, touchés par sa parole de salut, des étrangers veulent le voir que le Christ annonce que sa mort est prochaine : sa mission est achevée. Convertir les étrangers n'est pas sa vocation. En effet, le jour où des grecs demandent à lui parler, il répond d'une étrange façon qui n'a de sens que dans la mesure où il n'a été envoyé qu'à Israël : « Il y avait là quelques Grecs, de ceux qui montaient pour adorer pendant la fête. Ils s'avancèrent vers Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et ils lui firent cette demande : « Seigneur, nous voulons voir Jésus. » Philippe vient le dire à André ; André et Philippe viennent le dire à Jésus. Jésus leur répond : « Voici venue l'heure où doit être glorifié le Fils de l'homme. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits. » (Jean 12, 20-23).

Dès que son message sort des frontières d'Israël, Jésus semble se rétracter : il refuse d'accéder à la demande des grecs et explique immédiatement qu'il va bientôt mourir.

7. 2. Jésus a besoin du peuple juif par lequel le salut vient au monde : pour le confirmer, il maintient la Loi.

Jésus est juif, il est venu pour les juifs et il s'adresse donc aux juifs : « Car je vous le dis, en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i, ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui donc, qui violera l’un de ces moindres préceptes, et enseignera aux autres à faire de même, sera tenu pour le moindre dans le royaume des Cieux : au contraire celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le royaume des Cieux. » (Matthieu 5, 18-19). La Loi de Moïse est la structure du Peuple Élu ; en maintenant la Loi, le Christ confirme l'éternité du Peuple Élu. Mais quand Jésus maintient la Loi, c'est aux juifs et à eux seuls qu'il s'adresse.

Si le Christ maintient la Loi, c'est qu'il a besoin des juifs pour le salut du monde. En effet, il a besoin de leur cécité spirituelle qui va aller jusqu'à sa condamnation à mort afin d'accomplir la Rédemption par la Croix. Mais la participation qu'il réclame des juifs va revêtir tous les aspects. Ainsi a-t-il besoin que d'autres juifs acceptent ce que sa parole a de novateur : « Quand [Jésus] fut à l'écart, ceux de son entourage avec les Douze l'interrogeaient sur les paraboles. Et ils leur disait : « À vous le mystère du Royaume de Dieu a été donné ; mais à ceux-là qui sont dehors, tout arrive en paraboles afin qu'ils aient beau regarder et qu'ils ne voient pas, qu'ils aient beau entendre et qu'ils ne comprennent pas, de peur qu'ils ne se convertissent et qu'il ne leur soit pardonné. » (Marc 4, 10-12). Et le Christ ajoute, s'adressant à ses disciples, qui sont également tous juifs : « Mais vous, heureux vos yeux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent. » (Mat 13, 15). Son nouvel enseignement, basé sur les Béatitudes, et non sur les rituels, est offert à tous les juifs, mais il n'est compris que de quelques-uns et il faut bien reconnaître que cela semble entrer dans le plan de Dieu. Le Christ se réjouit que ses disciples aient compris les mystères du Royaume. Ils font partie des juifs qui, librement, ont compris son message alors que d'autres sont restés, tout aussi librement, aveugles spirituellement. Mais, les juifs qui refusent de suivre le Christ ne peuvent pas être condamnés parce que Dieu a besoin d'eux. Dieu n'est pas injuste. Les juifs peuvent être sauvés par la Loi de Moïse, même si cela ne les affranchit pas de leur péché ou de leur dureté de cœur.

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Moïse et la Loi (synagogue de
Doura Europos, 246 ; musée de Damas, Syrie).

Paul développera cette explication dans l’épître aux Romains : le refus des juifs d'accepter Jésus comme Messie a permis d'apporter la Rédemption du Christ au monde. Et Paul prophétise sur l'éternité du Peuple Élu, les dons de Dieu étant irrévocables.[/b] « Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, de peur que vous ne vous preniez pour des sages : l’endurcissement d’une partie d’Israël durera jusqu’à ce que soit entré l’ensemble des païens. Et ainsi tout Israël sera sauvé, comme il est écrit : de Sion viendra le libérateur, il écartera de Jacob les impiétés. Et voilà quelle sera mon Alliance avec eux, quand j’enlèverai leurs péchés. Par rapport à l'évangile, les voilà ennemis, et c’est en votre faveur ; mais du point de vue de l’élection, ils sont aimés, et c’est à cause des pères. Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables. Jadis en effet, vous avez désobéi à Dieu et maintenant, par suite de leur désobéissance, vous avez obtenu miséricorde. » (Romains 11, 25-32). Étrange affirmation qui explique l'apparente contradiction des propos du Christ au sujet de la Loi. Le Christ a maintenu la Loi pour les juifs, car il a besoin de leur opposition pour accomplir sa Rédemption. Il le fait en préparant ses disciples à autre chose. Tous peuvent cependant être sauvés.

Et le Christ le précise, c'est bien exclusivement aux juifs qu'il parle : il n'est venu que pour eux (Mathieu 15, 24 ; Marc 7, 27). Cela évite toute confusion. Quand il maintient la loi au début de son ministère, il s'agit donc d'une prescription adressée aux seuls juifs. Il laisse ainsi entendre que nul autre ne pourra se prévaloir de la Loi pour être sauvé.


7. 3. Jésus maintient la Loi et l'accomplit.
Israël existera jusqu'à la fin des Temps. Daniel l'avait prophétisé (Daniel 12, 7-8), Paul l'affirme (Romains 11, 2-32) et l'histoire le confirmera. Malgré des siècles de persécutions parfois d'une barbarie inégalée, le peuple juif perdure, peu nombreux mais fidèle, invaincu et persévérant, gardant jalousement son Alliance et son privilège de Peuple Élu. Selon ses rabbins, ce privilège n'est pas une supériorité. Israël est conscient que son élection est divine et non humaine. L'homme est si peu de chose face à Dieu, qu'être élu de Dieu ne crée qu'un besoin d'humble adoration et non le sentiment d'une supériorité. Les juifs ne font pas de prosélytisme et accueillent peu de convertis, leur vocation est d'être fidèles à leur Alliance, mais celle-ci n'est pas universelle : elle n'a pas vocation à toucher « les extrémités de la terre » (Actes 1, 8) comme le christianisme ou l'islam (Sourate 25, 1 ; S. 81, 27 ; S. 7, 158).

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Symboles juifs dans une catacombe romaine (IIIe siècle),
témoignant de la persistance de la foi juive dans l'épreuve.

Aux seuls juifs est promis le salut par la Loi. Le Christ, qui s'apprête a donner une Nouvelle Alliance au monde, le confirme leur « maison » va leur être laissée : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble sa couvée sous ses ailes…, et vous n'avez pas voulu ! Voici que votre maison va vous être laissée. Oui, je vous le dis, vous ne me verrez plus,  jusqu’à ce qu’arrive le jour où vous direz : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » » (Luc 13, 34-35). À la veille de sa mort, Jésus constate qu'il n'a pas convaincu les Juifs. Leur « maison leur est [donc] laissée » (Luc 13, 35) jusqu’à ce qu'ils le reconnaissent pour Messie. L'endurcissement des juifs est utile à la Rédemption ; le Christ le déplore néanmoins. Il y a là une apparente contradiction. Mais ici réside la grande particularité du Dieu des chrétiens et des juifs : Dieu crée les hommes libres. Avec Adam, l'homme est créé responsable de la terre et libre d'obéir à Dieu (Ge 1, 26). Avec Moïse, Dieu libère le peuple de l'esclavage en Égypte avant de le structurer par la Loi. Au travers de toute l'histoire du Peuple Élu, Dieu est un libérateur. Dieu n'est pas un esclavagiste : Il a donné la liberté aux hommes et ce n'est pas une fausse promesse. Face au Christ, les hommes ont le choix. Des Juifs peuvent le suivre et ils sont devenus les disciples, le noyau de la future Église. D'autres l'ont rejeté et sont librement restés juifs. Tous peuvent être sauvés.

Les acquis contemporains en psychologie donnent un autre éclairage à ce maintien de la Loi. En effet, l'homme a besoin d'une règle, d'un ordre pour se structurer dans la petite enfance. On nomme « l'intériorisation de la loi » le moment où le petit enfant, à partir de 20 mois environ, accepte de se soumettre à une autorité extérieure sans forcément en comprendre les tenants et les aboutissants. Plus l'enfant accepte rapidement et facilement cette loi, mieux il s’intégrera dans la société en acceptant les contraintes qui régissent les relations interhumaines et le respect dû à chacun. La Loi reste donc le fondement de la construction de chaque homme... mais le Christ va nous enseigner à aller au delà.

La Loi est maintenue pour les juifs, mais elle va être purifiée pour tous. « N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi et les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » (Mathieu 5, 17). La Loi est « accomplie », conduite à sa perfection par une meilleure compréhension. Le Christ en révèle la signification spirituelle. Il n'est pas venu en rupture de l'Ancienne Alliance, mais en accomplissement de la longue œuvre de révélation divine commencée 2000 ans plus tôt.

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Le Christ en majesté remet la Loi à Pierre (le rouleau dans sa main gauche), ( XIIe siècle ; chapelle de Berzé-la ville).
Les chrétiens ne sont pas sans loi, mais il s'agit d'un accomplissement de la Loi de l'Ancienne Alliance.

« Quand tu présentes ton offrande à l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande et va d'abord te réconcilier avec ton frère, puis reviens et alors présente ton offrande ». (Matthieu 5, 24). Le Christ appelle à magnifier la Loi de Moïse centrée sur le respect des rituels : seule la conversion intérieure, le désir de réparer ses fautes, rend valide les rites sacrés.
Pour d'autres aspects de la Loi, son œuvre d'accomplissement va plus loin.
« Vous avez entendu qu’il a été dit : « Œil pour œil et dent pour dent ». Et bien ! Moi je vous dis de ne pas tenir tête au méchant : au contraire, quelqu'un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore l'autre ; veut-il te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui même ton manteau, te requiert-il pour une course d'un mille, fais-en deux avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t'emprunter ne tourne pas le dos. Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Et bien ! Moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs. » (Matthieu 5, 43-44). On a déjà vu que le Talion était issu de la jurisprudence d'Hammourabi et donc du paganisme. Le Christ purifie la Loi de Moïse de ce paganisme avec l'autorité qui est celle du Fils Éternel. Il annule la Loi du Talion pourtant inscrite dans la Loi de Moïse.

L'islam reviendra à la pratique de Talion, mais il l'aménagera.
Une compensation financière permet au fautif d'éviter de subir le même préjudice que celui qu'il a infligé (Sourate 2, 178) et le Coran conseille de pardonner.

L'œuvre d'accomplissement de la Loi menée par le Christ conduit à l'intériorisation. « Vous avez entendu qu'il a été dit : « Tu ne commettras pas d'adultère. Et bien moi, je vous dis : « Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l'adultère avec elle ». (Matthieu 5, 28). La pureté n'est pas uniquement dans la pratique, elle est aussi intérieure et spirituelle. Il ne s'agit plus de sauvegarder les apparences sociales, mais d'être pur dans l'intimité de son cœur et de convertir ses pensées.

Le Christ appelle les juifs à un culte plus spirituel. Et les juifs, dans les faits et à leur corps défendant, évolueront effectivement vers un culte plus spirituel. Quelques années après la mort du Christ, en 70, les Romains détruiront le Temple de Jérusalem où ont lieu les sacrifices d'animaux et le culte des juifs perdra son ancrage matériel. Il devra évoluer vers plus d'intériorité et de spiritualité. Dieu ne suggérera plus jamais à un puissant de rétablir leur culte sanglant : le Temple ne sera jamais reconstruit. Étrangement, après la vie du Christ, même ceux qui sont restés juifs en refusant de le reconnaître pour Messie, vont voir leur spiritualité évoluer vers davantage d'intériorité.

L’accomplissement de la Loi de Moïse par le Christ n'est donc pas resté vain. Les chrétiens en conserveront la substantifique moelle et les juifs iront vers une dématérialisation de leur culte.

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Le Christ remet la Loi à Pierre (sarcophage paléochrétien ; musée d'Arles).

7. 4. L’accomplissement de la Loi : le mariage est monogame et le divorce interdit.

Dans plusieurs domaines essentiels, le Christ va maintenant conduire la Loi de Moïse à sa perfection. On a vu qu'il se substitue à Moïse avec l'autorité du Fils Éternel quand il parle sur la montagne des Béatitudes ; il va maintenant signaler les faiblesses ou les imperfections de la Loi pour les corriger.
Dans quelques siècles, le Coran niera que Jésus soit Dieu (Sourate 4, 171) - même s'il le reconnaît prophète (S. 4, 163) et Verbe de Dieu (S. 3, 45) - mais il admettra néanmoins que le Christ avait la légitimité de corriger la Loi de Moïse : « Et me voici pour confirmer ce qu'il y a devant moi du fait de la Thora, et pour vous rendre licite partie de ce qui vous était interdit. Et je suis venu à vous avec un signe de votre Seigneur. » (S. 3, 50).

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La grande coupole de Sainte-Sophie à Constantinople était à l'origine (au VIe siècle) ornée d'un Christ pantocrator, c'est à
dire siégeant au ciel dans sa majesté divine. Lorsque Sainte-Sophie a été transformée en mosquée, l'image du Christ
pantocrator a été effacée par les ottomans : les musulmans nient absolument la divinité du Christ.

Dans les Évangiles, le Christ parle peu du mariage. Célibataires, veufs, mariés, hommes et femmes, tous sont appelés à la même sainteté : les Béatitudes.
Une seule fois, le Christ évoque le mariage et le divorce, et sa façon de le faire confirme l'égalité des conjoints.
« C'est en raison de votre dureté de cœur que [Moïse] a écrit pour vous cette prescription (la répudiation). Mais dès l'origine de la création « Il les fit homme et femme ». Ainsi donc l'homme quittera son père et sa mère, et les deux ne feront qu'une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh, bien ! Ce que Dieu a uni, l'homme ne doit point le séparer. » (Marc 10, 5-7).

Plusieurs enseignements découlent de ces versets.
Moïse a donc prescrit certaines lois - ici la répudiation - en raison de la dureté et du péché des hommes. Cela signale que la Loi de Moïse n'est pas parfaite. Elle devient donc une étape dans le chemin de la révélation et le Christ a manifestement l’autorité pour l’améliorer. Cela place donc le Christ au dessus de Moïse, ce qu'admet également le Coran (S. 2, 253).

Le mariage est monogame, hétérosexuel et indissoluble, ce qui affirme l'égalité des hommes et des femmes.
Il n'est pas question qu'être trois, quatre ou cinq dans un mariage... mais seulement deux : un homme et une femme. Marc, qui écrit de Rome - et pense donc aux romains - précisera, que la femme, comme l'homme, n'a pas le droit de divorcer. Seul le droit romain donnait la possibilité aux femmes de divorcer de leur mari. Ailleurs, seul l'homme en avait la liberté. Luc, Matthieu et Jean qui écrivent au Moyen-Orient où seul l'homme disposait du droit de répudier sa femme, ne donnent pas cette précision. Sous la plume de Marc, le scribe de Simon-Pierre, la pensée du Christ s'exprime : « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à son égard, et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère. » (Marc 10, 12). La situation des époux devient parfaitement symétrique.

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L'empereur byzantin Constantin IX Monomaque et son épouse l'impératrice Zoé la Porphyrogénète, représentés entourant le Christ
(Sainte Sophie ; Constantinople/Istanbul, XIe siècle). Les époux sont sur le même plan et la femme n'est pas dissimulée.

Aucun sultan ne se fera jamais représenter avec son épouse de façon aussi symboliquement égalitaire.

Le Christ confirme l'organisation familiale qui avait été déjà suggérée par la Genèse (Genèse 2, 24). L'homme et la femme forment « une seule chair » dans le mariage. Désormais, la famille se définit ainsi : un homme, une femme et leurs enfants. De nos jours, cette famille si particulière est dénommée « famille nucléaire ». Elle reprend une structure familière à la culture romaine et grecque, mais qui est finalement rare au sein des civilisations pratiquant le concubinage, en particulier avec des esclaves. La famille nucléaire arrache les deux conjoints à leur famille d'origine pour une création nouvelle. Par cette parole du Christ, la structure tribale est dépassée. En effet, l'organisation tribale suppose la soumission générationnelle et le patriarcat. Désormais, les nouveaux conjoints sont séparés spirituellement de leur famille d'origine. Cela donne aux individus une possibilité d’évolution hors de la soumission tribale. Vecteur de liberté et d'autonomie, la famille nucléaire donne à la civilisation chrétienne une souplesse et des capacités d'évolution, que ne possèdent pas les civilisations tribales.
L'islam préconisera et confirmera la structure tribale de la société. Selon le Coran, les hommes dominent les femmes (Sourate 4, 34 ; S. 2, 228) et les aînés les plus jeunes (S. 31, 14-15). Selon le Coran, la polygamie est licite (S. 4, 3) mais pas la polyandrie (la faculté pour une femme d'avoir plusieurs maris). Seul l'homme a le droit de posséder plusieurs femmes (S. 31, 14-15 et S. 47, 22) y compris esclaves (S. 23, 1-6 ; S. 3, 50-52 ; S. 70, 30) et lui seul garde la possibilité de les répudier de sa seule initiative (S. 58, 3). Cela rend impossible l’égalité des sexes dans des terres régies par la charī'a. On peut donc remarquer que, même si le Coran reconnaît à Jésus le droit de réformer la Loi de Moïse (S. 3, 50), il n'a pas retenu les prescriptions du Christ pour définir la charī'a du mariage.

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Les femmes au harem sont regroupées en hauteur à droite de l'enluminure pendant qu'Alexandre
discourt avec leur mari
(
Iskender name, manuscrit persan XVIe siècle ; BnF).

Le divorce n’existe pas chez les chrétiens, du moins à l'origine du christianisme. De nos jours, il reste interdit chez les catholiques, alors qu'il est possible chez les orthodoxes, dans plusieurs Églises orientales et chez les protestants. Mais, le mariage peut être annulé dans l’Église catholique, en particulier si l’un des époux, l'homme ou la femme, ne s’est pas engagé librement. L’absence de liberté invalide le sacrement, même si le mariage a été consommé. C'est comme si le mariage n'avait jamais eu lieu. Cela sera à nouveau affirmé au XIIe siècle dans l’Église catholique, quand le mariage deviendra un sacrement, lors du concile de Latran. La liberté d'engagement des futurs conjoints – particulièrement celle de la femme - est exigée avec la plus grande précision.

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Un couple romain dont le portrait a été retrouvé à Pompéi. Le mariage « civil » des états où vivent des chrétiens a été reconnu
comme valide par l’Église, s'il est monogame, hétérosexuel et fidèle, et ce pendant toute l'antiquité. Le mariage
religieux à proprement parler - le sacrement - n'a été instauré qu'au XIIe siècle.

Les juifs ne suivent pas le Christ. Ils mettront mille ans de plus pour entendre l'appel définitif à la monogamie qui n'est pas explicite dans la Thora. Les juifs seront influencés par leurs terres de résidence. Quand ils vivront en terre musulmane, ils pourront être polygames. Quand ils vivront en terre chrétienne, ils pratiqueront la monogamie.

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Contrat de mariage juif du XIXe siècle, signé à Mogador ; Maroc.

Les juifs ont toujours eu la possibilité de divorcer : « Si un homme prend une épouse et a consommé le mariage, et qu’il arrive qu’elle ne trouve plus grâce à ses yeux, parce qu’il aura découvert en elle de l’inconduite, il lui écrira un acte de rupture, le lui remettra en main propre et la renverra de chez lui. Elle quittera sa maison, s’en ira et épousera un autre homme. » (Dt 24, 1). Dans le judaïsme, le divorce est toujours matérialisé de nos jours par la remise d’un Guett, un document écrit, que les deux époux signent devant trois rabbins. Dans le judaïsme, le mariage est l’union des deux âmes par Dieu. Défaire cette union n’est pas qu’un acte légal mais un acte spirituel.
En l’an mille, le rabbin Guershom de Metz en France, surnommé La Lumière de la diaspora, réclamera la monogamie et l’accord de la femme dans le divorce. C’est ce qui est pratiqué depuis par les juifs : un homme ne peut plus répudier sa femme unilatéralement.

7. 5. Le célibat.
Les apôtres du Christ sont tous mariés. Les évangiles font même allusion à la belle-mère de Simon-Pierre que le Christ guérit au début de son ministère (Luc 4, 38-39 ; Matthieu 8, 14-15 ; Marc 1, 29-31). Quand le Christ rend le mariage indissoluble, les apôtres s’exclament : « Si telle est la condition de l'homme envers la femme, il n'est pas expédient de se marier. » Il leur dit: « Tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là à qui c'est donné. Il y a, en effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l'action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des cieux. Qui peut comprendre, qu'il comprenne ! » (Matthieu 19, 10-12).

Ce propos du Christ pourrait être extrêmement choquant pris au premier degré : le Christ recommanderait-il de se castrer pour préserver sa chasteté ? En fait, lui-même n'a pas eu recours à une telle pratique, ses disciples non plus. Cela permet de confirmer une lecture pratiquée par l’Église depuis ses origines : la parole du Christ doit être comprise dans son sens symbolique et non pas littéralement. Il y a dans le christianisme une distance au texte saint qui provient de la façon dont le Christ s'est exprimé. On en voit ici un exemple.
Au IIIe siècle, Origène (185-253) n'apprendra que trop tard la lecture symbolique des Évangiles. Il ira jusqu'à se mutiler. Origène instruisait les nouveaux convertis et était en contact avec des femmes dans sa communauté. Il ne voulait pas faire l'objet de critiques, d'où l'excès de son zèle. Il regrettera par la suite d'avoir interprété les Écritures de façon littérale. Cela lui interdira la prêtrise, puisque seuls y sont admis les hommes non mutilés. Le cas d'Origène reste isolé. En effet, depuis toujours, l’Église refuse l'accès à la prêtrise aux eunuques et interdit la castration.

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Saint François prêche inlassablement le Christ, même aux oiseaux qui l'écoutent sagement, (Giotto di
Bondone, fin XIIIe siècle, basilique Saint-François ; Assise). Le zèle évangélique trouvera des
moyens d'expression moins dramatiques et plus apostoliques que celui imaginé par Origène.

Les prêtres ne seront pas célibataires avant le concile de Latran au XIIe siècle, en même temps que le mariage deviendra un sacrement. C'est ainsi que nous pouvons trouver cette remarque de Paul : « Il faut que l’épiscope soit … mari d’une seule femme » (1 Timothée 3, 2) ; et également : « Les diacres doivent être maris d’une seule femme. » (1 Tim. 3, 12). Des hommes mariés et monogames peuvent donc devenir prêtres ou diacres. À noter que ce verset ne signifie nullement que la polygamie soit autorisée aux laïcs. L'histoire confirme que les chrétiens n'ont jamais été polygames. Cela signifie que la polygamie est un péché si grave qu'elle interdit tout prise de responsabilités dans la communauté. La suite du texte le confirme qui cite toutes les vertus nécessaires à la fonction sacerdotale, la monogamie n'est que l'une d'elles : « Aussi faut-il que l'épiscope soit irréprochable, mari d'une seule femme, qu'il soit sobre, pondéré, courtois, hospitalier, apte à l'enseignement, ni buveur, ni batailleur, mais bienveillant, ennemi des chicanes, détaché de l'argent, sachant bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission d'une manière parfaitement digne. » (1 Tim 3, 2-4).
Aux origines de l’Église, la prêtrise n'est donc pas superposable au célibat. En revanche, le célibat a toujours existé chez les chrétiens. Il trouve sa légitimité dans la parole du Christ et dans son propre exemple, puisqu'il est célibataire. Jean l'évangéliste et Paul sont restés célibataires. Certains chrétiens voudront imiter le Christ en tout et le célibat se développera progressivement au cours des siècles. Il incarne une forme de perfection spirituelle : celui qui a expérimenté que le Christ suffit au bonheur humain peut choisir le célibat. La vie monastique se développera, en particulier dès la fin des persécutions au IVe siècle. Certains voudront retrouver dans l’ascèse du célibat les grâces de renoncement offertes antérieurement par les persécutions.

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Moines en chapitre (les Riches heures du duc de Berry,
1450 ; musée de Condé, Chantilly).

La compréhension du célibat choisi fait toute la spécificité du christianisme. Il signifie que les hommes et les femmes peuvent réussir leur vie sans fonder de famille. Dans les siècles à venir, des femmes vierges consacrées auront un rôle intellectuel et artistique indéniable. Elles seront docteurs de l’Église, comme Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582), Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) ou Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus (1873-1897). Elles seront mystiques et artistes, telle Hildegarde de Bingen (1098-1179), ou conseillers politiques comme Sainte Geneviève (423-502), ou même chefs d'armée comme Sainte Jeanne d'Arc (1412-1431).
Le christianisme offre donc aux femmes une façon d'exister hors de la maternité qui est tout à fait originale et novatrice. Aucune autre civilisation n'a donné aux femmes la possibilité de se réaliser hors de la maternité. Le Christ offre donc aux femmes - et aux hommes naturellement - une place valorisante, fruit de leurs capacités personnelles ou de leurs grâces spécifiques, indépendamment de leur fonction reproductrice.

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Cortège des vierges ( VIe siècle ; basilique Saint Apollinaire de Ravenne).

7. 6. L’accomplissement de la Loi : ne pas rabâcher.
Les prières structurent la journée des juifs. Dès le lever du soleil, ainsi qu'au coucher du soleil et au milieu du jour, les hommes juifs doivent accomplir des prières rituelles. Avec les siècles, les prières recommandées dans le judaïsme seront fixées à trois, les jours ordinaires et à quatre, les jours de sabbat. La fête de Yom Kippour honore Dieu de cinq prières. Les juifs rappellent l'unicité de Dieu en récitant des versets puisés dans le Deutéronome : « Béni soit à jamais le nom de Son règne glorieux. Tu aimeras l'Éternel ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tous tes moyens, tu les inculqueras à tes enfants, tu en parleras (constamment), dans ta maison ou en voyage, en te couchant et en te levant. Attache-les en signe sur ta main, et porte-les comme un fronteau entre tes yeux. Écris-les sur les poteaux de ta maison et sur tes portes. » (Dt 6, 4-9).

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Juif en prière.

Le cœur de la prière juive est donc basé sur l’affirmation de l'unicité de Dieu. La prière va être validée par le Christ, mais il ne s'agit plus de rabâcher l'affirmation de foi, il faut la vivre dans le concret de sa vie. « Et voici qu'un légiste se leva et lui dit, pour l'éprouver : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui dit : « Dans la loi qu'y-a-t-il d'écrit ?...» « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. » Tu as bien répondu, lui dit Jésus : fais cela et tu vivras. » (Luc 10, 25-28).
Voilà les Dix Commandements résumés à leur essence : l'amour de Dieu et du prochain. Mais, il faut « faire cela » pour être sauvé et non le rabâcher dans la prière.

Dans les Évangiles, le Christ est néanmoins fréquemment montré en prière. Il a donc besoin de prier, même si le contenu de sa prière nous est inconnu. Il va cependant appeler à ne pas multiplier les prières, et en particulier à ne pas imaginer qu'une prière est plus efficace parce que répétée de multiples fois. Il souhaite faire sortir l'humanité de la pratique des rituels obsessionnels et de la croyance en l’efficacité de paroles magiques.
« Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils imaginent qu’en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter. N’allez pas faire comme eux ; car votre Père sait bien ce qu’il vous faut, avant que vous le lui demandiez.
Vous donc, priez ainsi :
« Notre Père qui es dans les cieux, que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne vienne,
Que ta Volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien.
Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes avons remis à nos débiteurs.
Fais que nous n'entrions pas dans la tentation ;
mais délivre-nous du Mauvais.
« Oui, si vous remettez aux hommes leurs manquements, votre Père céleste vous remettra aussi ; mais si nous ne remettez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous remettra pas vos manquements.
» » (Matthieu 6, 7-15).

Toute la théologie du Christ est regroupée dans la prière du « Notre Père ». La souveraineté de Dieu le Père y est affirmée. La terre appartient bien aux hommes qui en ont reçu la responsabilité à la création. Le Père règne aux cieux et a choisit d'avoir besoin de la demande des hommes pour manifester Sa volonté sur terre. Son règne n'adviendra donc sur terre qu'avec la collaboration et la prière des hommes. Le pardon divin est obtenu plus facilement en pardonnant à autrui que par des ablutions ou des prières. Le Père souhaite et peut nous aider à lutter contre le Malin, le pourvoyeur du mal et des tentations.
La prière est indispensable aux croyants, mais le Christ n'instaurera jamais de prières obligatoires à des heures définies. Les hommes choisiront eux-mêmes les rituels nécessaires à leur spiritualité. En effet, les hommes ont besoin de structures rituelles en raison de leur faiblesse, mais ces rituels eux-mêmes n'ont rien de sacré : ils ne sont que la conséquence de la nature humaine. La spiritualité conseillée par Dieu s'exprime ailleurs : dans le « Notre Père ».
Tous les rituels stériles et le rabâchage sont disqualifiés par la prière du « Notre Père », sommet inégalé de la spiritualité chrétienne, mais néanmoins sommet accessible à tous, dans la simplicité d'une prière totalement dépourvue d'ésotérisme.

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Détail de l'Annonciation, représentant le Père, symbolisé par un vieillard à barbe (dans une mandorle),
et l'Esprit Saint descendant vers Marie sous forme de colombe
(Pietro Perugino, 1489).

Là encore, le Coran n'entend pas la parole novatrice du Christ, et ceci toujours en contradiction avec sa propre affirmation du droit du Christ d'alléger la Loi de Moïse (S. 3, 50). Par exemple, le Coran insiste sur les rituels de prières : « Et rappelle-toi le nom de ton Seigneur, matin et après-midi ; et quant à la nuit, alors, prosterne-toi devant Lui ; et glorifie Le longtemps dans la nuit ! » (S. 76, 25-26).

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Mohamed se prosternant (Mir Haydar, Mira‘j-nameh, Herāt (Afghanistan), 1436 ; BnF).

À ceux qui pourraient être surpris de voir représenter Mohamed, il faut rappeler que, jusqu'au XVIe siècle, le Prophète de l'islam
a été dessiné sans tabou par les musulmans. Pour ne pas créer d'inutiles polémiques, seules ses représentations
réalisées par des musulmans ont été retenues ici.

La vision théologique que le Coran propose d'Allah est en contradiction avec ce que le Christ nous dit du Père. Pour Jésus, l'endroit où se manifeste la volonté du Père est le ciel. Jésus demande que l'on prie pour que cette volonté s'impose sur terre, ce qui signifie que ce n'est pas le cas. À l'opposé, Mohamed récite : « Dis : « O hommes ! Vers vous tous je suis le messager du Dieu à qui appartient la royauté des cieux et de la terre. Pas de Dieu que lui, Il donne la vie et Il donne la mort. Croyez donc en Dieu et en Son messager, le prophète gentil (non juif), qui croit en Dieu et en Ses paroles. » (S. 7, 158). Allah règne donc sur terre comme sur les cieux, rien ne s'y passe sans son autorisation, même les pires crimes. Dans le Christianisme, les hommes sont libres et ont reçu la responsabilité de la terre, Yahvé choisit de ne pas agir si cela s'oppose au libre-arbitre des hommes. Cela ne retire rien à la Toute-Puissance de Yahvé. En effet, pour les chrétiens et les juifs, c'est Dieu Lui-même qui choisit de donner la liberté aux hommes. Il choisit Lui-Même cette limite à la manifestation de sa Toute-Puissance.

7. 7. L’accomplissement de la Loi, elle devient une pratique individuelle donc impropre au gouvernement.

Le Christ  affirme un nouveau précepte : « Ne jugez pas, afin de n’être pas jugés ; car, du jugement dont vous jugez on vous jugera. Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ! Ou bien comment vas-tu dire à ton frère : « laisse-moi ôter la paille de ton œil », et voilà que la poutre est dans ton œil ! Hypocrite, ôte d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour ôter la paille de l’œil de ton frère. » (Matthieu 7, 1-5).

En interdisant de juger son frère, le Christ limite les effets de la Loi de Moïse. L'usage saint de la Loi devient réservé à l’exercice personnel. Elle sert de référence pour l'individu qui veut grandir en sainteté et qui analyse son comportement. Elle ne peut plus servir à juger autrui.

La Loi de Moïse cesse donc d’être un outil de gouvernement, puisqu'on ne peut plus s'en réclamer pour l’appliquer aux autres. Le Christ donne une nouvelle lecture de la Loi divine et de son usage saint : il s'agit d'un usage strictement individuel et spirituel. Si l'on est fidèle au Christ, tout usage étatique à la Loi divine devient donc impossible. Le Christ sépare ici définitivement la Loi religieuse qui devient obligatoirement intime pour rester sainte, de la loi politique qui sert à juger les sujets du gouvernement en place.

L'islam prendra un autre chemin. La loi coranique est une loi divine qui s'impose aux croyants et à tous ceux qui vivent en terres musulmanes, avec toute la légitimité d'Allah et toute la puissance armée de l’état : «...Affermissez donc ceux qui croient. Quant à ceux qui mécroient, Je vais jeter l’effroi dans leurs cœurs : frappez donc au-dessous des cous et frappez-les aux jointures ! Car, vraiment, ils ont fait schisme d’avec Dieu et Son messager. » Quiconque fait schisme d’avec Dieu et Son messager… alors oui Dieu est fort en poursuite ! » (S. 8, 12-13). Avant même que l’islam n’apparaisse, le Christ récuse toute légitimité divine à la charī'a. Il refuse que la Loi de Dieu serve à juger autrui. Seul un individu peut s'en servir pour se juger lui-même et se réformer. On voit, encore une fois, la distance théologique qui existe entre le christianisme et l'islam. Une fois de plus, le Coran, quoiqu'il reconnaisse au Christ le droit de réformer la Loi de Moïse (S. 3, 50), ignore, oublie ou ne comprend pas la parole du Christ.
Assez curieusement, les différentes civilisations chrétiennes aboutiront toujours à une séparation du pouvoir politique (qu'il soit incarné par un empereur, un roi ou un président) du pouvoir religieux (représenté par le pape, les patriarches, ou les évêques). Malgré les aspirations des uns ou des autres, y compris des religieux, les pouvoirs étatiques et religieux seront toujours représentés par deux institutions distinctes dans les civilisations chrétiennes, là où les civilisations musulmanes regrouperont tous les pouvoirs entre les mêmes mains. Chacun construira donc ses institutions en cohérence avec les affirmations de son livre saint.

Si le Christ refuse que la Loi divine serve à l’État, cela ne signifie nullement qu'il n'existe aucun jugement divin. Mais c'est le Christ qui est le seul légitime pour rendre les jugements spirituels après qu'il a laissé les hommes choisir leur législation humaine. La parole du Christ est limpide, lui seul a le droit de juger spirituellement les hommes car le Père l'a décidé ainsi : « Le Père ne juge personne, mais il a remis tout jugement au Fils. » (Jean 2, 22). Cela est confirmé ailleurs : « Car, comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même. Et il lui a donné le pouvoir de juger, parce qu'il est Fils de l'homme. » (Jean 5, 26-27).
Dès les origines du christianisme, les chrétiens l'ont compris et Jacques l'affirme : « Un seul est législateur et juge, c’est celui qui peut sauver ou qui peut perdre, mais toi, qui es-tu qui juges le prochain ? » (Jacques 14, 12).
Et ce jugement du Christ n'est pas une condamnation mais une œuvre de salut : « Dieu en effet n’a pas envoyé son fils pour qu’il juge le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui ». (Jean 6, 6). Jésus, le seul Juge, est donc venu sauver le monde ! Et plus loin, Jean complète : « Vous, vous jugez selon la chair, moi [Jésus] je ne juge personne. » (Jean 8, 15).

Jésus, le seul Juge, n'est donc pas venu juger mais sauver le monde !

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Jésus, le seul Juge,
(détail du Jugement dernier de Michel-Ange ; Chapelle Sixtine, Rome).

7. 8. L’accomplissement de la Loi, le Jugement dernier.
Dans les premiers siècles de leur histoire, les juifs ne croyaient pas en la vie éternelle. C'était au Peuple Élu que Dieu promettait le maintien sur terre et non aux individus. Daniel, le premier, parlera de résurrection des morts. Cette notion sera reprise par le courant pharisien au premier siècle avant JC. Au moment de la vie du Christ, deux courants spirituels juifs s'opposaient : les sadducéens qui gardaient une pratique centrée sur les sacrifices d'animaux et les prières au Temple de Jérusalem et les pharisiens qui privilégiaient l'étude de la Loi de Moïse et les rites de purification. Les sadducéens ne croyaient pas en la vie éternelle alors que les pharisiens y croyaient. Avec une certaine malice, Paul, confronté à un tribunal romain, introduira dans le débat l'idée de la résurrection des morts pour conduire ses accusateurs à se chamailler devant les romains (Actes des apôtres 23, 6-8). Après la destruction du Temple en 70, le pharisaïsme deviendra le judaïsme officiel – les sadducéens disparaîtront avec le Temple - et la croyance en la résurrection des morts s'installera finalement dans le judaïsme. Mais, si les juifs finissent par croire en la vie éternelle, ils ne croiront jamais  à la perspective d'un Jugement dernier qui restera une conviction chrétienne puis musulmane.

Le Christ va décrire précisément les critères du Jugement qui conduisent au salut éternel. Ils sont de deux sortes.
Il y a d'abord une voie de salut spirituel qui bénéficie à ses disciples.
Croire en la divinité du Christ, croire au « Fils unique de Dieu » épargne le jugement : « Celui qui croit en lui n’est pas jugé, mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il ne croit pas au nom du Fils unique de Dieu. » (Jean 3, 18). « Celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m'a envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. » (Jean 5, 24).

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Marie de Béthanie, aux pieds du Christ, écoute sa parole :
elle a choisi la meilleure part
(Vermeer, 1656).

Mais une seconde voie de salut est offerte à tous, même à ceux qui ne sont pas disciples du Christ : « Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres : il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » Alors les justes lui répondront : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? » Et le Roi leur répondra : « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. ». Alors il dira à ceux qui seront à gauche : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. » Alors ils répondront, eux aussi : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ? » Il leur répondra : « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait. » Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. » (Matthieu 25, 31-46).

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Séparation des élus des damnés : les damnés sont emportés loin de Dieu par des diables
(1425-1430, Fra-Angelico, musée national du couvent San Marco ; Florence).

Ici, dans ses critères de jugement, le Christ ne fait aucune allusion à une récompense obtenue par les sacrifices, par l’adhésion à une foi quelconque, par la pratique de rituels, par l'exercice de prières, par le respect de la liturgie ou par l'obéissance à la Loi de Moïse. C'est bien la bonté active envers les pauvres qui donne la vie éternelle. Pour ceux qui ne croient pas en la divinité du Christ, ni au contenu divin de l’Évangile, s'ouvre donc tout de même une perspective pleine d'espérance et pouvant conduire au salut éternel : celle de l'amour du prochain manifesté par des actions concrètes !

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La charité romaine est symbolisée par la jeune Péro, sauvant la vie à son vieux Père Cimon,
condamné à mourir de faim
(Fresque du premier siècle ; Pompéi).

Dans ce récit, le Christ nous donne un aperçu de la vie dans l'Au-delà. Le paradis de Jésus est le lieu de la proximité avec le Fils de l'homme, le roi du royaume, là où vont les « bénis de son Père » ; l'enfer est l'endroit éloigné de lui, là où demeurent « le démon et ses anges ». On verra, en reprenant le Coran, que les visions du paradis et de l'enfer offertes par Mohamed, sont totalement différentes. En effet dans le Coran, Allah est étrangement absent du paradis, lieu de délices et de repos où les satisfactions sensuelles – en particulier celles des hommes - sont assurées (S. 44, 51-56). Jamais on ne voit les élus rencontrer Allah dans le paradis décrit par le Coran. En revanche, Allah règne en maître sur l'enfer ordonnant (S. 74, 27-31 ; S. 43, 77), organisant (Sourate 17, 97 ; S. 66, 6) et participant (S. 89, 25-26 ; S. 74, 16-2) aux tortures des damnés.

À nouveau, on voit la distance qui existe entre Yahvé, le Créateur du bien et de la liberté et Allah, le Créateur du bien, certes, mais également du mal.
Et voilà que la méditation de cette parole du Christ sur l'au-delà éclaire d'un jour étrange les versets du Coran sur la vie éternelle : Allah, dans le Coran, semble occuper la place de maître des enfers, qui est celle de Satan, l'ange déchu dans les évangiles ! Inconfortable et dérangeante observation pour tous ceux qui prêchent le relativisme et la conviction que toutes les religions se valent. Les deux monothéismes - auxquels adhère le plus grand nombre de fidèles de nos jours - sont donc bien radicalement différents et irréconciliables, aussi bien dans leur proposition de sainteté ici-bas que dans leur perception de la vie éternelle.

Allah n'est pas Yahvé, on l'a déjà remarqué, et avec une certaine logique ces deux Dieux uniques agissent différemment. S'il ne peut y avoir qu'un seul Dieu unique, il n'en est pas de même des révélations spirituelles : elles sont bien plurielles et en contradiction les unes avec les autres.

À chacun de choisir entre elles selon son propre jugement.
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Pierresuzanne

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:21

CHAPITRE 7 : LE CHRIST ET LA LOI : IL LA MAINTIENT POUR LES JUIFS,
L'ACCOMPLIT ET LA TRANSGRESSE AVEC SES DISCIPLES. De l'an 31 à l'an 33.


7. 1. Jésus est juif.
7. 2. Jésus a besoin du peuple juif par lequel le salut vient au monde : pour le confirmer, il maintient la Loi.
7. 3. Jésus maintient la Loi et l'accomplit.
7. 4. L’accomplissement de la Loi : le mariage est monogame et le divorce interdit.
7. 5. Le célibat.
7. 6. L’accomplissement de la Loi : ne pas rabâcher.
7. 7. L’accomplissement de la Loi, elle devient une pratique individuelle donc impropre au gouvernement.
7. 8. L’accomplissement de la Loi, le Jugement dernier.

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7. 9. L’accomplissement de la Loi, Dieu seul pardonne, le Christ pardonne aussi.
7. 10. La femme adultère : le Christ pousse les juifs à éprouver les limites de la Loi.
7. 11. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les prescriptions sur les ablutions sont dépassées.
7. 12. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les interdits alimentaires sont abolis.
7. 13.  Le Christ transgresse la Loi de Moïse : le tabou des règles des femmes cesse d'être une prescription divine.
7. 14. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les pécheurs ne sont plus rejetés.
7. 15. Le Christ transgresse la Loi de Moïse et touche un lépreux, il est ému de compassion.
7. 16.  Le Christ transgresse la Loi de Moïse : le Sabbat est profané.

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7. 17. Jésus, Verbe de Dieu.
7. 18. Les grandes questions fondamentales : la maladie vient-elle de Dieu ? Jésus répond à l'Ancien Testament.
7. 19. Les catastrophes naturelles viennent-elles de Dieu ?
7. 20. Les grandes questions fondamentales : les hasards de la nature sont-ils des récompenses divines ?
7. 21. Séparation des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif.
7. 22. Le Christ rend sa parole universelle et s'adresse à l'individu affranchi des contraintes claniques.
7. 23. Tentative de lecture psychologique de Jésus-Christ.
7. 24. « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie. » (Jean 14, 6).

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 05:28, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:23

CHAPITRE 7 (SUITE) : LE CHRIST ET LA LOI : IL LA MAINTIENT POUR LES JUIFS,
L'ACCOMPLIT ET LA TRANSGRESSE AVEC SES DISCIPLES.
De l'an 31 à l'an 33.

7. 9. L’accomplissement de la Loi, Dieu seul pardonne, le Christ pardonne aussi.
Selon la Loi de Moïse rapportée dans l'Ancien Testament, Dieu seul pardonne. « Je suis Yahvé, … de Dieu, excepté moi, tu n’en connais pas, et de sauveur, il n’en est pas en dehors de moi. » (Osée 13, 4).
Le Coran confirme qu'Allah est le seul à pardonner (Sourate 15, 49). « Ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu, car Il pardonne tous les péchés. Certes, c’est Lui le Pardonneur, le Miséricordieux. » (S. 39, 53).
Allah est le seul à juger : « Le jugement n’appartient qu’à Allah. » (S. 12, 40-66 ; S. 6, 57-62 ; S. 40, 12-78). « C’est Allah qui juge et personne ne peut s’opposer à Son jugement, et Il est prompt à régler les comptes. » (S. 13, 41).

Judaïsme et islam sont là d'accord : seul Dieu peut pardonner. Le Christ lui-même ne dira jamais autre chose. Pour lui aussi, Seul Dieu pardonne... mais il va néanmoins exercer lui-même la miséricorde divine et pardonner en son nom propre. Il affirme ainsi Sa divinité et il la confirme en accomplissant un miracle toujours en son propre nom.
« Un jour Jésus enseignait. Des pharisiens et des docteurs de la loi étaient là ... et la puissance du Seigneur se manifestait par des guérisons. Et voici que des gens portant sur un lit un homme qui était paralytique, cherchaient à le faire entrer et à le placer sous ses regards. Comme ils ne savaient par où l'introduire, à cause de la foule, ils montèrent sur le toit, et ils le descendirent par une ouverture, avec son lit, au milieu de l'assemblée, devant Jésus.
Voyant leur foi, Jésus dit : « Homme, tes péchés te sont pardonnés. ». Les scribes et les pharisiens se mirent à raisonner et à dire : « Qui est celui-ci, qui profère des blasphèmes ? Qui peut pardonner les péchés, si ce n'est Dieu seul ? »
Jésus, connaissant leurs pensées, prit la parole et leur dit : « Quelles pensées avez-vous dans vos cœurs ? Lequel est le plus aisé, de dire : « Tes péchés te sont pardonnés, ou de dire : Lève-toi, et marche ? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés : Je te l'ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton lit, et va dans ta maison. » Et, à l'instant, il se leva en leur présence, prit le lit sur lequel il était couché, et s'en alla dans sa maison, glorifiant Dieu. Tous étaient dans l'étonnement, et glorifiaient Dieu; remplis de crainte, ils disaient : Nous avons vu aujourd'hui des choses étranges.
» (Luc 5, 17-26).

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« Prends ton grabat et rentre chez toi »
(mosaïque de Saint Apollinaire, Ve siècle ; Ravenne,).

Jésus fait un miracle sans invoquer Dieu, son Père, et de sa propre initiative. Ensuite, il pardonne à un pécheur. En assumant cette prérogative divine, le Christ a donc parfaitement conscience de l'énormité de sa revendication : il revendique la divinité. Il donne donc une preuve de son droit à le faire en accomplissant un miracle.

Le Coran ne peut prétendre à son inspiration divine avec la même assurance : Mohamed n'a jamais accompli le moindre miracle. En revanche, le Coran reconnaît que le Christ a accompli des miracles (Sourate 3, 49) et il le place donc, pour cette raison, au dessus de Mohamed (S. 2, 253). Mais, dans une autre sourate, le Coran met Mohamed au dessus des autres prophètes (S. 33, 40). Le Coran, quoique affirmant exprimer la vérité divine parfaite (Sourate 41, 41-42), contient donc des contradictions ! Par ailleurs, nous avons déjà analysé quelques-unes des erreurs scientifiques et historiques qu'il contient. Comme le Coran s'affirme sans erreur, il présente la soumission des musulmans à sa propre incohérence comme l'ultime sainteté (S. 2, 143). En fait, le Coran affirme qu'il est d'origine divine mais il n'en donne aucune preuve. Seule, l’affirmation coranique de son origine divine sert de preuve aux musulmans. Ce qui est irrecevable d'un point de vue rationnel. C'est comme si, en mathématiques, on démontrait un théorème en se servant de ce même théorème. Un tel raisonnement serait déclaré erroné par tout mathématicien. Le Coran s'affranchit donc de la logique minimale. En effet les seuls signes que donne le Coran sont ceux de son inspiration humaine, puisqu’il contient de multiples erreurs. L'islam, dès son origine, s'est donc éloigné de la rationalité et de la logique d'Aristote : il demande à ses adeptes de croire en son origine divine, sur sa simple affirmation et sans preuve extérieure.

Le Christ, lui, est fidèle aux exigences de la Loi juive et à la logique humaine, théorisée par Aristote. Il apporte une preuve de sa légitimité divine et de son droit à pardonner, il s'agit des miracles.
En lui, la source de la miséricorde divine s'est faite proche des hommes. Le Christ, le seul juge, n'est pas venu juger, mais sauver les hommes.

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Le Père prodigue accueille l'enfant pécheur (Rembrandt (Harmenszoon van Rijn), 1669 ; musée de L'Ermitage Saint-Pétersbourg).
On peut remarquer que la main gauche de ce père est une main masculine et que sa main droite est une main féminine. Cela
symbolise la nature non sexuée de Dieu le Père, qui aime les hommes à la fois comme un Père et comme une Mère.

7. 10. La femme adultère : le Christ pousse les juifs à éprouver les limites de la Loi.

La Loi de Moïse affirme : « Si l'on prend sur le fait un homme couchant avec une femme mariée, tous deux mourront... Si une jeune fille vierge est fiancée à un homme, qu'un autre homme la rencontre et couche avec elle, vous les conduirez tous deux à la porte de cette ville et vous les lapiderez jusqu'à ce que la mort s'ensuive. » (Dt 22, 22-24). La Loi de Moïse est précise, homme et femme subissent le même sort, cruel mais identique.

L'islam, à travers les hadiths, reprendra cette même tradition de la lapidation, la femme étant cependant punie davantage que l'homme à qui le fouet et l'exil sont réservés. Selon un hadith, deux hommes auraient consulté Mohamed pour le faire juge entre leurs enfants pris en flagrant délit d'adultère : 100 ovins et un esclave sont-ils suffisants pour compenser leur faute ? « Le prophète dit : « Par Celui qui détient mon âme, je vais juger entre vous selon le Livre d’Allah : tes 100 ovins et ton domestique sont rejetés et ton fils aura 100 coups de fouet et un an d’exil. Ô Aniss ! Vas interroger la femme de cette personne, si elle avoue, alors lapide-la. La femme a avoué et est lapidée. » (Bukhārī et Muslim : allo’lo’ wal. Marjane, 423-424). Le Coran, lui, ne préconise pas la lapidation pour les adultères, qu'ils soient hommes ou femmes, il ordonne seulement le fouet pour les deux : « La fornicatrice et le fornicateur, fouettez-les de chacun cent coups de lanière. Et que nulle douceur ne vous prenne à leur égard, en la religion de Dieu, - si vous demeurez croyants en Dieu et au Jour dernier. Et qu’un groupe de croyants assiste à la punition des deux » (Sourate 24, 2).

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Le Châtiment des femmes adultères constaté par Mohamed lors de son voyage nocturne en compagnie de l'ange Gabriel
(Mir Haydar, Mira‘j-nameh, Herāt (Afghanistan), 1436 ; BnF). Il était hors de question de poster des images
de lapidation, qui, hélas, peuvent être trouvées sans difficulté sur internet.


À ceux qui pourrait être surpris de voir figuré Mohamed, il faut rappeler que, jusqu'au XVIe siècle,
le Prophète de l'islam a été dessiné sans réticence par les musulmans. Pour ne pas créer d'inutiles
polémiques, seules ses représentations réalisées par des musulmans ont été retenues ici.

Le Christ va agir autrement. Avec une subtilité inégalée, il va conduire une femme adultère au repentir et amener les juifs à éprouver les limites de la Loi : « Les pharisiens amènent une femme surprise en adultère et, la plaçant au milieu, ils dirent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Toi donc, que dis-tu ? » Ils disaient cela pour le mettre à l’épreuve, afin d’avoir matière à l’accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à écrire avec son doigt sur le sol. Comme ils persistaient à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! » Et se baissant de nouveau, il écrivait sur le sol. Mais eux, en entendant cela, s’en allèrent un à un, à commencer par le plus vieux ; et il fut laissé seul, avec la femme toujours au milieu; alors, se redressant, Jésus lui dit : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? » Alors Jésus dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
De nouveau, Jésus leur adressa la parole et dit : « Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais aura la lumière de la vie.
» (Jean 8, 1-12).

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Les pharisiens et les scribes conduisent la femme adultère devant Jésus
(Cranach, 1538 ; musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg).

Ce passage de l’Évangile de Jean est très célèbre mais il est possible qu'il ne soit pas de Jean l’Évangéliste. Il n'est pas présent dans l'évangile de Jean, le plus ancien conservé de nos jours qui est daté du IIe siècle (papyrus 66, IIe siècle, collection Bodmer de Genève). On pense que ce récit de la femme adultère pourrait être d'un autre évangéliste, puisqu'on l'a trouvé placé dans l’Évangile de Luc. Il a été attribué à Jean tardivement. Peut-être même s'agit-il d'un texte apocryphe, écrit à partir du IIe siècle qui aurait été jugé digne de foi et donc ajouté ! Peut-être même est-ce une légende tardive, un récit imaginaire ? Il est impossible de répondre ! Néanmoins cette rencontre entre le Christ et la femme adultère est bien dans la lignée de la miséricorde habituellement exprimée par le Christ. Même si ce passage est choquant pour la morale patriarcale, le Christ a fréquemment donné son pardon à des pécheurs, à des pécheurs publics ou à des publicains. Rien dans ce passage n'est donc invraisemblable.

D'une seule phrase, le Christ convertit la femme pécheresse et les juifs pétris de pharisaïsme qui se sont autoproclamés juges. Il ne s'agit pas ici de complaisance pour le péché, mais de montrer comment la rencontre avec le regard bienveillant du Christ offre un chemin de sainteté. Le Christ offre une voie de salut ; à la femme de saisir la chance de sa rédemption ... En fait, personne ne sait ce qu'elle est devenue : le Christ offre sa miséricorde et une dignité renouvelée aux pécheurs que nous sommes, mais il ne nous impose pas la conversion. Ajout tardif, ou authentique anecdote de la vie du Christ, ce texte de la femme adultère est dans la lignée de l'action du Christ : il pardonne et conduit les hommes, par sa bienveillance, à préférer leur rédemption à la nuit de leur péché.
Lors de cette scène, le Christ conduit également les juifs a tester les limites de la Loi. L'application stricte de ses règles est cruelle et ne rend pas compte de la justice divine. La loi de Moïse n'est qu'une étape vers la pleine révélation de la Loi divine. Le Christ avait déjà signifié à propos du mariage (Marc 10, 5) que la Loi de Moïse était imparfaite en raison de la dureté du cœur humain.

Ici, en Jésus, Dieu vient apprendre aux hommes ce que leur dureté de cœur leur interdisait de percevoir par les prophètes : Dieu pardonne aux pécheurs et les aide à se convertir, ce qui est plus important pour Lui que de leur appliquer des châtiments plus ou moins cruels, voire même sadiques.

7. 11. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les prescriptions sur les ablutions sont dépassées.
Le Christ a accompli la Loi de Moïse, il en a fait émerger l'essence, la substantifique moelle. Il va maintenant la transgresser publiquement.
Les règles de purification sont essentielles pour les juifs.
La Loi de Moïse dit qu'après des « pollutions nocturnes », (Deutéronome 23, 11), ou qu'après un contact avec des « animaux souillés » (Lévitique 11), l’homme doit se laver et laver les objets entrés en contact impur. De grandes jarres de pierre - et non de terre cuite - étaient donc installées dans les lieux de culte pour permettre aux juifs de se laver. Au fil des siècles, les rites d'ablutions à l'eau - avant de manger ou de prier - s'étaient multipliés dans le judaïsme, à tel point que la présence de grandes jarres de pierre dans des structures antiques permet d'identifier des lieux de pratique du judaïsme. Ainsi, dans la ville de Sépphoris, construite par Hérode le Grand sur le modèle païen de Rome, a-t-on pu identifier des bains rituels témoignant de la pratique de la foi juive dans cette ville païenne.

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Bain rituel juif (maison de Bayonne, XVIIIe siècle).

Sur le point des ablutions, le Christ va transgresser la Loi de Moïse. « Tandis que Jésus parlait, un Pharisien l’invite à déjeuner chez lui. Il entra et se mit à table. Ce que voyant, le Pharisien s’étonna de ce qu’il n’eût pas fait d’abord les ablutions avant le déjeuner. Mais le Seigneur lui dit : « Vous voilà, bien, vous, les pharisiens ! L’extérieur de la coupe et du plat, vous le purifiez, alors que votre intérieur à vous est plein de rapine et de méchanceté ! Insensés ! Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur. Donnez plutôt en aumône ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous. » (Luc 11, 37-41).

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Le repas de Jésus chez le pharisien
(James Tissot, XIXe siècle ; Brooklyn Museum).

Pour le Christ, la purification est spirituelle. On ne se purifie pas d’un péché en se lavant mais en pratiquant l’aumône. Même si la Loi est maintenue pour les juifs, le Christ veut conduire l'humanité à une perfection spirituelle fondée sur la réalité de la bonté envers les pauvres. « Malheur à vous scribes et Pharisiens hypocrites, qui rassemblez à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de toute pourriture ; vous de même, au dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité. » (Matthieu 23, 27-28).
Les règles de purification sont dépassées ; ceux qui les respectent mais oublient l'amour du prochain, sont « des hypocrites » et « des sépulcres blanchis ».

Une fois de plus en contradiction avec le verset qui dit que Jésus a le droit d'alléger la Loi de Moïse (Sourate 3, 50), le Coran reprendra les rituels juifs de purification dans la préparation à la prière : « Lorsque vous vous disposez à la prière : lavez vos visages et vos mains jusqu’aux coudes ; passez vos mains sur vos têtes et sur vos pieds jusqu’aux chevilles… Si vous êtes malade ou en voyage ; si l’un de vous vient du lieu caché ; si vous avez eu commerce avec des femmes et que vous ne trouviez pas d’eau, recourez à du bon sable que vous passerez sur vos visages et sur vos mains. Dieu ne vous veut pas de gêne, mais Il veut vous purifier, et parfaire sur vous Son bienfait. Peut-être seriez-vous reconnaissants ? » (S. 5, 6).

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La fontaine des ablutions de la Grande Mosquée de Damas.

Dans le Coran, Allah préconise un rituel de lavage qui Lui permet de purifier le croyant. L'ordre des ablutions semble important sans que l'attitude du cœur ne soit nulle part évoquée. La Tradition musulmane corrigera cela plus tard : le croyant devra avoir l’intention de se purifier pour que l’ablution soit efficace.

Le Christ privilégie la charité et refuse d'assimiler la propreté corporelle à la sainteté. Mais un autre élément permettait déjà, aux yeux des chrétiens, de considérer la physiologie humaine comme pure : en Jésus, Dieu s'est fait homme. Aucune fonction corporelle n'en devient impure. Des musulmans objectent parfois que le Christ ne peut être Dieu puisqu'il a déféqué et uriné ! Indépendamment de cette remarque triviale, un chrétien ne peut que reconnaître que l'humanité du Christ a, au contraire, admis chacune de nos fonctions physiologiques. Aucune d'entre elles, même celles qui sont peu hygiéniques, ne saurait être assimilée à un péché. Le péché n'est pas la saleté corporelle, le péché, c'est la blessure infligée au prochain, que ce soit intentionnellement ou par indifférence.
Tel est le point de vue du Christ affirmé dans les Évangiles. Telle sera désormais la conviction des chrétiens.

7. 12. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les interdits alimentaires sont abolis.
La loi de Moïse était très détaillée sur les interdits alimentaires ainsi que sur les modes de préparations culinaires : « Tu ne mangeras aucune chose abominable. Voici les animaux que vous mangerez : le bœuf, la brebis et la chèvre ; le cerf, la gazelle et le daim... Vous mangerez de tout animal qui a la corne fendue, le pied fourchu, et qui rumine. Mais vous ne mangerez pas de ceux qui ruminent seulement, ou qui ont la corne fendue et le pied fourchu seulement... Vous mangerez de tous ceux qui ont des nageoires et des écailles. Mais vous ne mangerez d'aucun de ceux qui n'ont pas des nageoires et des écailles : vous les regarderez comme impurs... Vous ne mangerez d'aucune bête morte ; tu la donneras à l'étranger qui sera dans tes portes, afin qu'il la mange, ou tu la vendras à un étranger, car tu es un peuple saint pour l'Éternel, ton Dieu... Et tu mangeras devant l'Éternel, ton Dieu, dans le lieu qu'il choisira pour y faire résider son nom, la dîme de ton blé, de ton moût et de ton huile, et les premiers-nés de ton gros et de ton menu bétail, afin que tu apprennes à craindre toujours l'Éternel, ton Dieu. » (Deutéronome 14, 3-23). Ces règles prennent tout leur sens à la fin de ces longs versets : il s'agit d’honorer Yahvé. Et quelles règles pourraient mieux favoriser un culte quotidien que celles réglementant la nourriture ? Les rites centrés sur la nourriture favorisent la régularité dans la spiritualité et contribuent donc au salut.

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Abattage rituel juif (enluminure du XVe siècle).

Le Christ va néanmoins lever tous ces interdits pour ses disciples, mais sans doute pas pour les juifs, puisqu'il parle loin de la foule.
« Jésus leur dit : « Isaïe a bien prophétisé de vous, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : « Ce peuple m’honore des lèvres ; mais leur cœur est loin de moi. Vain est le culte qu'ils me rendent, les doctrines qu'ils enseignent ne sont que préceptes humains. » (Marc 7, 6) et Jésus continue : « Et ayant appelé de nouveau la foule, il lui disait: « Écoutez-moi tous et comprenez ! Il n'est rien d'extérieur à l'homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller, mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme. Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende ! »
Quand il fut entré dans la maison, à l'écart de la foule, ses disciples l’interrogeaient sur la parabole. Et il leur dit : « Vous aussi, vous êtes à ce point sans intelligence ? Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui pénètre du dehors dans l’homme ne peut le souiller, parce que cela ne pénètre pas le cœur, mais dans le ventre, puis s’en va aux lieux d’aisance». Il déclarait ainsi que tous les aliments sont purs.
» (Marc 7, 14-19).
La sainteté est donc spirituelle et n'est pas liée aux interdits alimentaires, qui ne seraient que « des préceptes humains ».

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Le Grand Livre de la chasse de Phoebus (Gaston de Foix, XIVe siècle). Le porc et le sanglier étaient couramment consommés
depuis le paléolithique. Ils sont restés sans difficulté des aliments appréciés et utiles dans l'Europe chrétienne.

Néanmoins, le Coran reprendra les prescriptions alimentaires du Deutéronome comme base de sa législation. Il en supprimera certaines et en ajoutera d'autres, comme l'interdit de l'alcool, mais il fera du respect des interdits alimentaires un de ses fondements et la marque de la fidélité des croyants : « Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui de Dieu, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d'une chute ou morte d'un coup de corne, ... Aujourd'hui, les mécréants désespèrent [de vous détourner] de votre religion : ne les craignez donc pas et craignez-Moi. » (Sourate 5, 3).

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Artisans boulanger et boucher (Le Trésor des mystères, Tabriz, XVIe siècle ; BnF).
Seuls des musulmans peuvent manipuler les aliments pour qu'ils restent hallal.

Toujours en contradiction avec le droit reconnu au Christ de corriger la Loi (Sourate 3, 50), le Coran ignore la parole du Christ, au point que rien de moins que la vengeance d'Allah est sollicitée pour une simple transgression alimentaire : « Allah a pardonné ce qui est passé (sur des transgressions alimentaires) ; mais quiconque récidive, de celui-là alors Allah tirera vengeance. Et Allah est puissant, maître de vengeance. » (S. 5, 95).

7. 13.  Le Christ transgresse la Loi de Moïse : le tabou des règles des femmes cesse d'être une prescription divine.

Le Christ ne se contente pas de s’affranchir des règles de purifications rituelles, il va abolir un préjugé basé sur le sexisme et la superstition. Les menstruations des femmes font l'objet d'un tabou dans bien des cultures ; il en était de même chez les juifs. Avec le Christ, l'indignité des femmes en période de règles va être oubliée. Le Christ n'a jamais confondu un phénomène physiologique avec un péché.
Le Lévitique enseigne la Loi de Moïse : « Lorsqu’une femme a un écoulement de sang et que du sang s’écoule de son corps, elle restera pendant sept jours dans la souillure de ses règles. Qui la touchera sera impur jusqu’au soir. » (Lévitique 15,19). L'impureté supposée de la femme qui a ses règles, s’étendrait donc à toutes les personnes qui la touchent !
Bien plus tard, le Coran reprendra le même tabou : « Et ils t’interrogent sur les menstrues. - Dis : « C’est une souillure. Séparez-vous donc des épouses pendant les menstrues, et n’en approchez qu’elles ne soient purifiées. Quand elles ont accompli leur purification, alors venez à elles, d’où que Dieu vous l’ordonne. Oui, Dieu aime ceux qui bien se repentent; et Il aime ceux qui bien se purifient. » (Sourate 2, 222).
Le verset suggère que les femmes doivent se « repentir » comme si les règles étaient un péché. Le Coran ne fait aucune distinction entre un état physiologique et un état de péché.

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Le châtiment d'une femme et d'un homme ayant succombé à la luxure (fresque de l'église Agios Ioannis, Apozari Kastoria, 1727 ; Grèce).
Le tabou attaché aux règles des femmes explique qu'aucune iconographie n'existe à leur sujet dans les arts graphiques juif ou
musulman. La façon très crue et très explicite (et quelque peu sadique...) dont la femme est ici punie,
ne pouvait sans doute se trouver que dans l'art chrétien...

Le Christ va agir totalement différemment : « Jésus partit avec lui, et une foule nombreuse le suivait qui le pressait de tous cotés. Or, une femme atteinte d’un flux de sang depuis douze années, qui avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins et avait dépensé tout son avoir sans aucun profit, mais allait plutôt de mal en pis, avait entendu parler de Jésus : venant par derrière dans la foule, elle toucha son manteau. Car elle se disait : Si je touche au moins ses vêtements, je serai sauvée. » Et aussitôt la source d’où elle perdait le sang fut tarie, et elle sentit dans son corps qu’elle était guérie de son infirmité. Et aussitôt Jésus eut conscience de la force qui était sortie de lui, et s’étant retourné dans la foule, il disait « Qui a touché mes vêtements ? » Ses disciples lui disaient : « Tu vois la foule qui te presse de tous cotés, et tu dis : Qui m’a touché ? » Et il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, craintive et tremblante, sachant bien ce qui lui était arrivé, vient se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Et il lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton infirmité. » (Marc 5, 24-34).

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Guérison de la femme ayant un flux de sang
( art byzantin serbe, 1340 ; Dečani).

Plusieurs enseignements découlent de ce récit. Le Christ guérit physiquement la femme presque sans le vouloir. Son Être même est divin et la foi de la femme suffit pour obtenir le miracle par un simple contact. Mais le Christ veut aller au-delà de la guérison physique de la femme. Il veut la guérir de sa culpabilité née de la Loi et de ses tabous. La femme a touché le Christ de sa propre initiative, ce qui lui a transmis son impureté rituelle, elle en a honte et elle a peur. Non seulement, le Christ ne lui fait aucun reproche, mais il la félicite au contraire pour sa foi. Elle n'est plus prisonnière des tabous de la Loi, mais félicitée de l'avoir transgressée et récompensée par une guérison physique inattendue. La foi en Jésus-Christ libère de l'esclavage de la Loi de Moïse. Paul théorisera longuement ce concept, au point que certains imaginent que c'est lui qui l'a inventé ! Mais c'est bien le Christ lui-même qui l'a instauré.
Souillé lui-même – du moins selon la Loi de Moïse - le Christ ne s'en préoccupe pas un seul instant... et il garde toute sa puissance miraculeuse. La suite du récit le confirme. Quand la femme souffrant d’hémorragies est guérie, il est en route vers la maison d'un chef de synagogue dont la fille est malade. « Comme il parlait encore, survinrent de chez le chef de la synagogue des gens qui dirent : Ta fille est morte ; pourquoi importuner davantage le maître ?... Ils arrivèrent à la maison du chef de la synagogue où Jésus vit une foule bruyante et des gens qui pleuraient et poussaient de grands cris. Il entra et leur dit : Pourquoi faites-vous du bruit et pourquoi pleurez-vous ? L'enfant n'est pas morte, mais elle dort. Et ils se moquaient de lui. Alors, ayant fait sortir tout le monde, il prit avec lui le père et la mère de l'enfant, et ceux qui l'avaient accompagné, et il entra là où était l'enfant. Il la saisit par la main, et lui dit : Talitha koumi, ce qui signifie : Jeune fille, lève-toi, je te le dis. Aussitôt la jeune fille se leva, et se mit à marcher ; car elle avait douze ans. » (Marc 5, 38-41).

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Jésus ressuscite la fille de Jaïre (Pierre-Claude Delorme, 1817).

Là encore, en prenant la main du cadavre, le Christ se souille rituellement (Lev 21, 1)... mais il ressuscite néanmoins l'enfant de sa propre autorité ! La femme souffrant d'un flux de sang ne l'a pas davantage souillé. Ce jour là, les femmes sont les principales actrices de son œuvre de guérison, de libération et de salut.
Ce n'est pas Paul qui a inventé que la foi en Jésus-Christ libérait de l'esclavage de la Loi.

7. 10. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les pécheurs ne sont plus rejetés.
Dans la loi de Moïse, les déviants sont isolés : « S'il se trouve au milieu de toi, un homme ou une femme qui fasse ce qui est mal aux yeux de Dieu, en transgressant son Alliance, qui aille servir d'autres dieux et se prosterner devant eux... Si après l’avoir entendu et fait une bonne enquête, le fait est avéré et s’il est bien établi que cette chose abominable a été commise en Israël, tu feras sortir aux portes de ta ville cet homme ou cette femme coupable de cette mauvaise action, et tu lapideras cet homme ou cette femme jusqu’à ce que mort s’ensuive…Tu feras disparaître le mal du milieu de toi. » (Deutéronome 17, 1-7).
Le péché incriminé est majeur, il s'agit d'apostasie, mais la sanction est redoutable ! Le Peuple Élu est un peuple à part, et il maintient sa pureté en rejetant les pécheurs, rejet qui va jusqu'à leur exécution.

Pour le Christ, il en va différemment :
« Jésus traversait la ville de Jéricho. Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d'impôts, et c'était quelqu'un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il n'y arrivait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et l'interpella : « Zachée, descends vite : aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison. » Vite, il descendit, et reçut Jésus avec joie. Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un pécheur. » Mais Zachée, s'avançant, dit au Seigneur : « Voilà, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois plus. » Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d'Abraham. En effet, le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Luc 19, 1-10).

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Jésus appelle Zachée qui est perché dans son arbre (Icône russe).

Zachée est collecteur d’impôts en Terre Sainte. L’impôt sacré, corrélé à la pratique du judaïsme, était versé directement au Temple ; cela signifie que Zachée travaille pour les romains. Il collabore donc avec l'occupant païen. Mais le Christ fait une distinction très nette entre le pécheur et son péché : il ne limite jamais un être humain à ses actes ou à son apparence extérieure. Il rejette le péché, mais jamais le pécheur. Au cours de sa vie publique, Jésus va vivre avec les pécheurs sans craindre leur contact. Il n'attend pas leur repentir pour les fréquenter. Juste avant de mourir, il appellera ses disciples à vivre de même : il s’agit d’« être dans le monde sans être du monde » (Jean 17, 14-15). Les disciples auront appris ce nouveau comportement tout au long de la vie publique du Christ en l'accompagnant chez les pécheurs. Les juifs tenaient les pécheurs à l’écart dans un ostracisme qui devait être insupportable et transformait les publicains – les pécheurs publics - en parias. L'attitude du Christ, ouverte, tolérante et respectueuse, retourne Zachée, le paria : il se convertit, même si le Christ ne lui demande rien. La bienveillance du Christ rompt son isolement de publicain et suffit à le conduire au repentir.
Et Jésus de livrer la raison même de sa venue sur terre: « Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Luc 19, 10).

Le Coran reste dans la lignée des pharisiens. S'agissant des juifs de Médine - qui refusent la prophétie de Mohamed - même leur amitié est de trop : « Ils aimeraient que vous fussiez mécréants tout comme ils sont mécréants : alors vous seriez tous égaux ! Ne prenez donc pas d'amis chez eux, jusqu'à ce qu'ils émigrent dans le sentier de Dieu. Mais s'ils tournent le dos, saisissez-les alors, et tuez-les où que vous les trouviez ; et ne prenez pas chez eux ni amis ni secoureur. » (Sourate 4, 89). Un homme qui s'est soumis à l'islam – qui a « émigré dans le sentier de Dieu » - et qui regrette ensuite son choix - qui a « tourné le dos » - peut donc être poursuivi et tué. Ici, comme dans le Deutéronome, l’apostasie est punie de mort.

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Homme aux sangliers (Bukhārā, 1553, Traduction en turc par Nevaï, du Mantik el-taïr d'Attar). La façon très explicite
dont ces bons musulmans considèrent cet homme supposé impur semble propre à illustrer l'ostracisme
où est tenu le non musulman ou le mauvais musulman.

La parole du Christ est tout à fait différente. Dans un autre épisode célèbre, les Évangiles racontent que Jésus appelle un autre collecteur d'impôt pour le faire Apôtre. Il s'agit de Matthieu, l'évangéliste : « Étant sorti, Jésus vit en passant, un homme assis au bureau de la douane, appelé Matthieu, et il lui dit : « Suis-moi ! » Et, se levant, il le suivit. » (Matthieu 9, 9). Marc nomme le collecteur d’impôts, « Lévi, fils d'Alphée » (Marc 2, 14) et Luc simplement « Levi » ( Luc 5, 27). On a cru que ce Mathieu, fils d'Alphée avait écrit l'évangile dit de Matthieu. Mais, les exégètes contemporains pensent que les écrits de l'apôtre Matthieu, fils d'Alphée, auraient en fait servi de source commune aux trois Évangiles synoptiques. Les synoptiques sont les Évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc. Ils ont tous les trois une structure commune, c'est pourquoi ils sont appelés synoptiques, ce qui signifie qu'ils peuvent être lus en parallèle. Tous les trois font le même choix éditorial : la vie du Christ est présentée par thèmes et sans se préoccuper de chronologie.

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Jésus appelle Matthieu Levi (miniature du Codex d'Egbert, vers 980).

Un publicain, un collecteur d’impôt, est donc un des douze Apôtres et il serait l'auteur de la première version écrite des Évangiles, aujourd'hui perdue, mais dont on retrouve la trace dans les synoptiques.

7. 15. Le Christ transgresse la Loi de Moïse et touche un lépreux, il est ému de compassion.
La Loi de Moïse dit : « Le lépreux, atteint de la plaie, portera ses vêtements déchirés et aura la tête nue ; il se couvrira la moustache et criera : « Impur ! » « Impur ! ». Aussi longtemps qu’il aura la plaie, il sera impur. Étant impur, il habitera seul ; sa demeure sera hors du camp. » (Lé 13, 45-46 ou  Nb 5, 1-3). Le risque de contagion rend cette prescription pleine de bon sens, mais quelle cruauté pour le malade !

Le Coran parle peu des malades. Seuls deux versets en parlent pour signaler qu’ils sont inférieurs aux bien-portants : « Et l’aveugle et le voyant ne sont pas égaux. » (S. 35, 19) et S. 13 (16). La croyance exprimée dans le Coran que bienfaits et malheurs viennent tous d'Allah (S. 18, 60-82), a conduit les musulmans à la conviction qu'ils méritaient les malheurs subis. Néanmoins, le Coran facilite le jeûne du Ramadan aux malades. Ils doivent rattraper les jours manquants plus tard, certes, mais ne sont pas obligés de jeûner s'ils ne sont pas en état de le faire (S. 2, 184).

Une fois de plus, le Christ va transgresser la Loi de Moïse :
« Un lépreux vient à Jésus, le supplie et, s’agenouillant, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier ». Ému de compassion, il étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » Et aussitôt la lèpre le quitta et il fut purifié. Et, le rudoyant, il le chassa aussitôt et lui dit : « Garde-toi de rien dire à personne ; mais va te montrer au prêtre et offre pour ta purification ce qu’a prescrit Moïse : ce leur sera une attestation. »
Mais lui, une fois parti, se mit à proclamer hautement et à divulguer la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer dans une ville, mais il se tenait dehors, dans des lieux déserts ; et l’on venait à lui de toutes parts.
» (Marc 1, 40-45).

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Le Christ guérit le lépreux
(Cathédrale de Monreale, XIIe siècle ; Palerme).

Ce miracle est tellement impressionnant que le Coran lui-même s'en fera l'écho des siècles plus tard (Sourate 3, 49).

Plusieurs éléments sont à relever.
Le Christ pouvait guérir le lépreux sans le toucher, juste avec des mots comme il le fait d’habitude, mais là, il est « ému de compassion ». Malgré les risques de la contagion, les rigueurs de la Loi de Moïse disparaissent devant son amour pour l’humanité. Voilà le cœur de la révélation : Dieu aime les hommes. La loi sans bienveillance n’est qu’une carcasse vide, un « sépulcre blanchi » inutile et trompeur (Matthieu 23, 27).
Après son miracle, le Christ  « rudoie » et « chasse » l'ancien lépreux. Le lépreux n'est pas recruté pour faire la promotion du Christ. Ainsi, dans les évangiles, les nombreux miraculés du Christ disparaissent-ils toujours de la suite du récit. Ils retournent à leur vie quotidienne et plus personne n'en parle. Jamais le Christ ne réclame rien en échange d'un miracle, car le don de Dieu est gratuit.
Le Christ renvoie le lépreux guéri aux prêtres juifs, pour qu’en fidélité à la loi de Moïse, il fasse l’offrande qui le réintègre dans la communauté. L'homme peut ainsi retrouver la place qui est la sienne dans la société juive. L’ancienne Alliance est toujours valable et l’homme est libre de sa religion.
Mais le lépreux désobéit au Christ. Il ne retourne pas vers les prêtres juifs et part proclamer partout ce qui lui est arrivé. L’homme est libre. Le miraculé n’encourt aucun reproche de la part du Christ, même si cela l'oblige à se faire discret.

Libérer les hommes et les femmes de l’esclavage de la Loi entraîne quelques désordres, mais cela ne semble pas essentiel. La foi en Jésus Christ libère de l'esclavage de la loi. Le Christ l'apprend aux hommes, même si cela lui nuit. Et Jésus ira jusqu'à la mort en croix pour libérer les hommes.
Et les malades seront l'objet des soins attentifs des chrétiens qui fonderont les premiers hôpitaux, y compris en terre musulmane.

7. 16.  Le Christ transgresse la Loi de Moïse : le Sabbat est profané.
Que dit la loi de Moïse ? « Souviens-toi du jour du Sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est un Sabbat pour le Seigneur ton Dieu. Tu n’y feras aucun ouvrage. » (Exode 20, 8-10). Le Deutéronome 5, (12-15) et le Lévitique 23 (3) rappellent les mêmes obligations.

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Lapidation pour viol du sabbat tel qu'a dû/ ou a pu, le pratiquer le judaïsme
(Bible historiale de Guiard des Moulins, Paris, XIVe siècle ; Bnf).

Or, le Christ va faire des miracles le jour du Sabbat en transgressant la Loi de Moïse qui interdit toute activité ce jour là. « Or Jésus enseignait dans une synagogue, le jour du sabbat ; et voici qu’il y avait là une femme ayant depuis dix-huit ans un esprit qui la rendait infirme ; elle était toute courbée et ne pouvait absolument pas se redresser. La voyant, Jésus l’interpella et lui dit : « Femme, te voilà délivrée de ton infirmité » ; puis il lui imposa les mains ; et, à l’instant même, elle se redressa, et elle glorifiait Dieu.
Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus eût fait une guérison, le sabbat, prit la parole et dit à la foule : « Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler ; venez donc ces jours-là vous faire guérir, et non le jour du sabbat ! ». Mais le Seigneur lui répondit : « Hypocrites ! Chacun de vous, le sabbat, ne délie-t-il pas de la crèche son bœuf ou son âne pour le mener boire ? Et cette fille d’Abraham, que Satan a liée voici dix-huit ans, il n’eût pas fallu la délier de ce lien le jour du sabbat !
» (Luc 13, 10-16).

Il y a une note d'humour délicieuse dans ce texte. Du dimanche au vendredi, il y a des miracles à la synagogue et son chef n'y voit pas d’inconvénient... il semble même ne pas remarquer ce que cela a d'inhabituel. Mais, si un miracle est accompli le jour du sabbat, là non, c'est trop ! En fidèle fonctionnaire de la Loi, il applique le règlement au point d'être rendu aveugle à ce qui se passe sous ses yeux. Les contraintes de la Loi lui ont fait perdre toute spontanéité et toute capacité d'émerveillement.

On peut remarquer que cette fois-ci, Jésus ne demande pas à la femme ce qu'elle veut. D'habitude, il ne fait pas de miracle sans demander au malade ce qu'il souhaite. On peut supposer, dans le cas présent, qu'il s'agit de ne pas pousser la femme à contrevenir aux lois sur le Sabbat. Le Christ assume seul la transgression.

Finalement, toutes les activités humaines seront autorisées pendant le Sabbat : « Et il advint qu'un jour de sabbat il passait à travers les moissons et ses disciples se mirent à se frayer un chemin en arrachant les épis. Et les pharisiens lui disaient : « Vois ! Pourquoi font-ils le jour du sabbat ce qui n'est pas permis ? » ... Il leur disait : « Le Sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat, en sorte que le Fils de l'homme est maître même du sabbat. » (Marc 2, 23-24 puis 27, 28).
Le Christ vient de libérer le Sabbat du lourd interdit qui pesait sur lui.

Selon le Coran, la prière hebdomadaire est ordonnée le vendredi : « Ô vous qui avez cru, quand on vous appelle à la prière du jour du vendredi, accourez à l'invocation de Dieu, et laissez tout commerce. Cela est bien meilleur pour vous si vous saviez. » (S. 62, 9). Mais ce jour sacré reste ouvert aux activités profanes dès que la prière est achevée (S. 3, 50). Sur ce dernier point seulement, le Coran respectera sa propre affirmation qui donne au Christ le droit de réformer la Loi de Moïse (Sourate 3, 50).

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Le jour du sabbat, Jésus guérit un homme à la main paralysée
(mosaïque de la cathédrale de Monreale, XIIe siècle ; Palerme).
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:26

CHAPITRE 7 : LE CHRIST ET LA LOI : IL LA MAINTIENT POUR LES JUIFS,
L'ACCOMPLIT ET LA TRANSGRESSE AVEC SES DISCIPLES. De l'an 31 à l'an 33.


7. 1. Jésus est juif.
7. 2. Jésus a besoin du peuple juif par lequel le salut vient au monde : pour le confirmer, il maintient la Loi.
7. 3. Jésus maintient la Loi et l'accomplit.
7. 4. L’accomplissement de la Loi : le mariage est monogame et le divorce interdit.
7. 5. Le célibat.
7. 6. L’accomplissement de la Loi : ne pas rabâcher.
7. 7. L’accomplissement de la Loi, elle devient une pratique individuelle donc impropre au gouvernement.
7. 8. L’accomplissement de la Loi, le Jugement dernier.

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7. 9. L’accomplissement de la Loi, Dieu seul pardonne, le Christ pardonne aussi.
7. 10. La femme adultère : le Christ pousse les juifs à éprouver les limites de la Loi.
7. 11. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les prescriptions sur les ablutions sont dépassées.
7. 12. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les interdits alimentaires sont abolis.
7. 13.  Le Christ transgresse la Loi de Moïse : le tabou des règles des femmes cesse d'être une prescription divine.
7. 14. Le Christ transgresse la Loi de Moïse : les pécheurs ne sont plus rejetés.
7. 15. Le Christ transgresse la Loi de Moïse et touche un lépreux, il est ému de compassion.
7. 16.  Le Christ transgresse la Loi de Moïse : le Sabbat est profané.

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7. 17. Jésus, Verbe de Dieu.
7. 18. Les grandes questions fondamentales : la maladie vient-elle de Dieu ? Jésus répond à l'Ancien Testament.
7. 19. Les catastrophes naturelles viennent-elles de Dieu ?
7. 20. Les grandes questions fondamentales : les hasards de la nature sont-ils des récompenses divines ?
7. 21. Séparation des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif.
7. 22. Le Christ rend sa parole universelle et s'adresse à l'individu affranchi des contraintes claniques.
7. 23. Tentative de lecture psychologique de Jésus-Christ.
7. 24. « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie. » (Jean 14, 6).

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 05:28, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:27

CHAPITRE 7 (FIN ) : LE CHRIST ET LA LOI : IL LA MAINTIENT POUR LES JUIFS,
L'ACCOMPLIT ET LA TRANSGRESSE AVEC SES DISCIPLES.

De l'an 31 à l'an 33.
             

7. 17. Jésus, Verbe de Dieu.
Jésus est dit « Verbe » de Dieu dans le Nouveau Testament, ce qui signifie « Parole ». « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut... » (Jean 1, 1-2).
Dès le début du Prologue de Jean, la divinité de Jésus est affirmée et cela sans aucune ambiguïté. Par ailleurs, la Genèse nous a appris que Dieu crée par sa parole (Genèse 1, 3), voilà le Christ, Verbe de Dieu, investi d'un rôle très particulier dans la Création...

« ... Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme ; il venait dans le monde. Il était dans le monde et le monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, lui qui ne fut engendré ni du sang, ni d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu. Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité... » (Jean 1, 9-14).
Jésus est donc Dieu et Verbe de Dieu. Le Christ ne se limite donc pas à offrir la parole de Dieu à l'humanité, il est lui-même cette parole divine. Cela implique quelques conséquences qui ne sont pas assez relevées. En fait, quand le Christ parle, il exprime bien évidement la parole de Dieu. Mais sa vocation de Verbe ne se limite pas à cette parole. Son Être même, sa Personne, est Verbe de Dieu, Parole de Dieu. Ce qui signifie que son corps, ses gestes et ses actions sont paroles de Dieu.
Dans ses relations à la Loi, cette donnée éclaire d'un jour nouveau son comportement. Le Christ a effectivement maintenu la Loi oralement, mais il l'a transgressée dans les faits et par des actions. Il pourrait sembler à un lecteur superficiel de l’Évangile que le Christ n'a pas touché à la Loi, puisqu’il l'a maintenue oralement. Or, en transgressant la Loi, le Christ l'abolit. Ce que fait le Christ - ses actions et ses gestes - sont l'équivalent d'une Parole dite avec l'autorité divine, car il est lui-même Parole de Dieu, Verbe de Dieu !

La suite du Prologue de Jean confirme ce rapport très particulier du Fils Unique-engendré à la Loi de Moïse et à la vérité : « Car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. Nul n'a jamais vu Dieu ; le Fils Unique-engendré qui est tourné vers le sein du Père, Lui, l'a fait connaître. » (Jean 1, 17-18).
Voilà la vérité définie par Jean : « la vérité [est venue] par Jésus-Christ. ». Ailleurs, il sera précisé que le Christ est lui-même cette vérité : « Je suis le chemin la vérité et la vie, nul ne vient au Père que par moi » (Jean 14, 16). Jésus, la Vérité parfaite de Dieu, est venu offrir Cette vérité aux hommes. Verbe de Dieu, rien dans ses paroles, dans ses actes ou dans son être, n'est étranger à la vérité divine. L'accomplissement véritable de la Loi de Moïse se trouve donc dans la personne divine du Christ, le seul chemin vers le Père, le seul en qui repose la vie éternelle et la vérité de Dieu.

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Le Christ porte l'inscription : « Je suis la Lumière du monde »
(mosaïque du Xe siècle, Sainte-Sophie ; Constantinople/Istanbul).

Bien plus tard, même s'il ne reconnaît pas sa divinité, le Coran appellera également Jésus le « Verbe de Dieu » : « Quand les anges dirent : O Marie, voilà que Dieu t’annonce un Verbe de sa part : son nom est l’Oint, Jésus fils de Marie, illustre ici-bas comme dans l’au-delà, et l’un des rapprochés. » (S. 3, 45).
Dans le Coran, Allah crée également par sa parole : « Il n’a rien d’autre à en dire que : « Sois », et c’est. » (Sourate 40, 68 ; S. 54, 49-50 ; S. 3, 47). Mais le Coran ne fait pas le lien entre l'acte créateur de Dieu par sa parole et l'appellation de « Verbe » qu'il donne par ailleurs à Jésus. De la même façon que le Coran parle de Jacob en le nommant Israël sans saisir ce que cela signifie, le Coran nomme Jésus le Verbe, sans comprendre le sens de cette identité.
Un non-musulman pourrait facilement supposer que l'auteur du Coran a repris toutes les appellations, les connaissances et les éléments de foi qui étaient ceux de ses contemporains sans forcement en saisir toutes les implications théologiques. En revanche, un musulman croit le « Coran incréé », ce qui implique sa perfection absolue. Pour les musulmans, Mohamed est le transmetteur passif, le copieur fidèle d'une parole divine et éternelle. Pour les musulmans, cela place le Coran – qui incarne la Parole parfaite et éternelle d'Allah - dans la situation même qui est celle du Christ pour les chrétiens. Le Christ et le Coran incarnent donc, chacun pour leurs fidèles, la Parole éternelle de Dieu et la Vérité parfaite.
Il faut néanmoins remarquer qu'il existe deux Paroles de Dieu contradictoires dans l'islam : le Christ, Verbe d'Allah et le Coran ! Les musulmans contournent cette contradiction en disant que les Évangiles ont été falsifiés. Néanmoins, le droit légitime du Christ d'alléger la Loi de Moïse est reconnu par le Coran (S. 3, 50), ce qui est la reconnaissance implicite que les Évangiles n'ont pas été falsifiés quand ils relatent les transgressions du Christ au sujet de la Loi.
On a vu que le Christ a maintenu la Loi de Moïse pour les juifs et non pour le monde. Les Juifs, en refusant de reconnaître que Jésus est Verbe de Dieu, en le traitant d'imposteur, restent dans la logique. Ils ne reconnaissent pas la légitimité du Christ, Verbe de Dieu. Ils en restent donc à la Loi de Moïse. Mais les musulmans, qui reconnaissent que le Christ est Verbe de Dieu, ne peuvent pas être sauvés par la Loi puisque le Verbe l'a abolie !

Et désormais, les chrétiens échappent aux rituels obsessionnels de la Loi, à son indifférence aux faiblesses des hommes et à sa cruauté envers les pécheurs.
Les chrétiens sont affranchis de la Loi. Désormais, ils obéissent - ou plutôt écoutent, suivent et imitent - Jésus-Christ, Parole vivante de Dieu, le seul chemin vers le Père, la porte unique du salut, l'incarnation parfaite de la Vérité et Dieu Lui-même.

Voilà ce que signifie que le Jésus soit « Verbe de Dieu » (Jean 1, 1 ; S. 3, 45) : l’imitation du Christ remplace désormais la Loi.


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Le Christ enseignant
(VIe siècle ; monastère Sainte-Catherine du Sinaï).


7. 18. Les grandes questions fondamentales : la maladie vient-elle de Dieu ? Jésus répond à l'Ancien Testament.

L'humanité est confrontée à la misère, à la souffrance et à la mort. Ce sont des faits. Les athées voient dans le mal la preuve de l'inexistence de Dieu. Les croyants sont donc confrontés à la grande question fondamentale : comment mettre en cohérence le mal avec la foi en la bonté de Dieu ?
Dieu envoie-t-Il des maladies pour punir les hommes pécheurs ? Un malade est-il forcement pécheur ? La maladie est-elle la preuve que le malade a péché ?
En s'inspirant d'un mythe sumérien, le livre de Job avait posé la question dans l'Ancien Testament. Maintenant, le Christ y répond : « En passant, [Jésus] vit un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui demandèrent : Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Jésus répondit : « Ni lui ni ses parents n’ont péché... » (Jean 9, 1-3). La maladie existe mais elle est sans aucun lien avec l'état moral du malade ou de ses proches.
Ici, la présence du Christ va donner un sens à cette maladie : « Ni lui ni ses parents n’ont péché, mais c'est afin que soient manifestées en lui les œuvres de Dieu. » (Jean 9, 3). Jésus guérit alors miraculeusement l'aveugle.

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Jésus guérit un aveugle
(
Codex Egberti, vers 980 ; Stadtbibliothek Trier).

Plus tard, la mort en croix du Christ répondra définitivement à la question de la souffrance des hommes. Jésus, le seul juste, a souffert sa passion. En lui, la souffrance humaine se trouve définitivement dissociée du péché. Paul expliquera plus tard : « Je complète dans ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ » (Colossiens 1, 24). Mystique et étrange affirmation de Paul qui pourrait sembler manifester un orgueil absolu, mais qui est le moyen offert par Dieu pour donner sens à nos souffrances. Nos souffrances ne sont pas vaines, elles nous permettent – si nous le souhaitons – de les offrir à Dieu pour qu'elles participent mystérieusement à la rédemption de l'humanité. Cette voie mystique d'acceptation de la souffrance a souvent été critiquée comme un dolorisme qui conduirait au masochisme. Mais il s'agit d'un choix spirituel individuel – et non imposé - qui n'interdit pas de se soigner. D'ailleurs, l'attitude du Christ nous éclaire. Verbe de Dieu, lui seul dit la vérité par son comportement.  Il n'a jamais dit à quiconque de continuer à souffrir stoïquement, puisqu'il a fait des miracles pour guérir les malades. À sa suite, les chrétiens tenteront de soulager toutes les souffrances humaines par le moyen de leurs sciences. En effet, Dieu nous a confié la responsabilité du monde et, donc, le devoir de dominer la maladie.

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Les splendides Hospices de Beaune ont été fondés en Bourgogne au XVe siècle,
par le chevalier Nicolas Rolin pour soigner gratuitement les pauvres.

Mais, la mort est inéluctable au terme d'une vie terrestre pétrie de souffrance. Dieu n'a pas supprimé la souffrance, Il a envoyé son Fils Unique-engendré dans le monde pour qu'il partage notre vie douloureuse.

L'islam donne une autre vision du rapport à la souffrance. Dans le Coran, il est clairement exprimé que le malade – avec sa dépendance - est inférieur au bien-portant, et cela selon la décision même d'Allah : « Sont-ils égaux, le voyant et l’aveugle ? » interroge la Sourate 13 (16). « L’aveugle et le voyant ne sont pas égaux. » répond la Sourate 35 (19). Et cette inégalité est voulue par Allah, puisque tout provient de lui : « Toute âme va goûter la mort. Et nous vous éprouvons de tentation, en mal et en bien. Et vers Nous vous serez ramenés. » (S. 21, 35). La santé comme la maladie viennent donc d'Allah. Allah se sert des maladies pour tester la soumission et la persévérance des fidèles : « Très certainement, Nous vous éprouvons, afin de savoir ceux d'entre vous qui luttent, ainsi que les endurants, et d'éprouver ce qui en est de vous. » (S. 47, 31). La révolte face à la maladie est perçue comme un péché puisque c'est Allah qui a choisi d'envoyer les maladies à ses fidèles.

En Jésus-Christ, les chrétiens ont définitivement renoncé à la vision du livre de Job, qui suppose que Dieu envoie les maladies, en conséquence des péchés, comme punition ou comme épreuve pour tester la fidélité du croyant. Un malade peut être saint, un Juste peut souffrir. La maladie existe, mais Yahvé a donné aux hommes la liberté de dominer le monde (Genèse 1, 28) ce qui implique qu'ils peuvent utiliser leur intelligence pour vaincre les maladies.
La tentation est l’œuvre du démon (Luc 4, 1-13 ; Marc 1, 12-13 ; Matthieu 4, 1-11) et non résultat de la volonté de Dieu, qui nous aide à en triompher (Matthieu 6, 13 ; Luc 11, 4). « Dans l'épreuve de la tentation, que personne ne dise : « Ma tentation vient de Dieu. » Dieu en effet ne peut être tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne » (Épître de Jacques 1, 13).

Voilà la position des chrétiens : Yahvé est innocent du mal.

7. 19. Les catastrophes naturelles viennent-elles de Dieu ?
Dieu envoie-t-Il les catastrophes pour punir les pécheurs ? Inspiré d'un mythe païen sumérien polythéiste, l'histoire de Noé reprenait ce questionnement humain. Face à une catastrophe naturelle - ici une inondation destructrice - la Genèse avait répondu que seul le péché des hommes avait entraîné la juste punition divine.

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Noé fait monter les animaux dans l'arche
(mosaïque de la cathédrale de Monreale, XIIe siècle ; Palerme).

En Jésus-Christ, l'histoire de Noé trouve son épilogue : « Survinrent des gens qui lui rapportèrent ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs victimes. Prenant la parole, il leur dit : «  Pensez-vous que, pour avoir subi pareil sort, ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs, que tous les autres Galiléens ? Non, je vous le dis, mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement. Ou ces dix-huit personnes que la tour de Siloé a tuées dans sa chute, pensez-vous que leur dette fût plus grande que celle de tous les hommes qui habitaient Jérusalem ? Non, je vous le dis ; mais si vous ne voulez vous repentir, vous périrez tous de même » (Luc 13, 1-5).

Pilate a fait tuer des juifs au moment où ils sacrifiaient, dans un moment de recueillement, de prière et non lors d'une émeute. Autre fait divers, une tour s'est effondrée tuant 18 personnes. Le Christ l'affirme fermement : les victimes n'étaient pas plus pécheresses que les autres.
Les catastrophes ne sont pas des punitions divines et les exactions des tyrans ne sont pas voulues par Yahvé. Au XXe siècle, certains théologiens, après la seconde guerre mondiale, ont peiné à expliquer la réalité des actes des nazis alors qu'il existe un Dieu bon et Tout-puissant. Pourtant, la Genèse signale que Yahvé a laissé la terre aux hommes et qu'ils en ont la responsabilité (Genèse 1, 26-28). Et le Christ nous a enseigné le « Notre Père » où il est dit explicitement que le Père règne aux cieux et non sur la terre (Matthieu 6, 10). On ne doit donc pas chercher la volonté divine dans les catastrophes naturelles, ni dans les cruautés des tyrans. En particulier, on ne doit pas y voir la preuve des péchés des victimes. Ce sont les tyrans qui sont responsables de leurs actes et non les péchés de leurs victimes et encore moins Yahvé. Par ailleurs, les catastrophes naturelles sont habituelles, inhérentes à la nature. Elles sont simplement l’occasion pour le croyant de réfléchir sur la précarité de la vie et à se tenir prêt spirituellement à la vie éternelle. En effet, malgré la phrase du Christ « mais si vous ne voulez pas vous repentir, vous périrez tous de même » (Luc 13, 5), les hommes - qui sont tous pécheurs - ne meurent pas tous de catastrophes naturelles ou d'exactions humaines... En fait, il s'agit bien davantage de « veiller pour ne pas être surpris » (Matthieu 24, 37-44). La vie est fragile et peut s'interrompre à tout instant. Les hommes doivent penser à se convertir avant qu'il ne soit trop tard. Voilà ce qu'exprime le Christ. Cela sera repris par Paul : « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Romains 8, 28). Il ne s'agit pas de croire que Dieu rendra la vie d'un croyant toujours facile – l'observation du monde nous démontre tous les jours le contraire – mais de penser que Dieu donne des grâces à celui qui connaît le malheur. Piètre consolation,  penseront certains. Mais un croyant sait que gagner sa vie éternelle est une grâce et une consolation en soi. Il s'agit donc de saisir, à l’occasion d'un malheur, le moyen de se sanctifier (Romains 8, 28-39). Ce n'est donc pas le malheur qui vient de Yahvé, mais la grâce reçue à cette occasion qui permet de le supporter saintement et de trouver le chemin de la conversion.

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Icône roumaine illustrant La Parabole des 10 Vierges folles et des 10 Vierges sages qui enseigne la nécessité de se tenir prêt
en permanence à rencontrer Dieu dans l'Au-delà. Les vierges sages ont su rester fidèles à la parole du Christ pendant leur vie
tandis que les vierges folles se sont laissées distraire par les plaisirs de la vie : elles seront laissées hors du paradis.

La Tradition musulmane verra elle aussi dans une catastrophe l'occasion pour un musulman de s’interroger sur sa pratique et se convertir. Mais, dans le Coran, Allah reste le responsable des catastrophes naturelles : « Quoi ! Êtes-vous tellement à l'abri que Celui qui est au ciel ne puisse vous engloutir par la terre ? Et voilà qu'elle tremble ! Ou êtes-vous tellement à l'abri que Celui qui est au ciel ne puisse vous envoyer un ouragan ? » (S 67, 16-17). Face aux catastrophes, le croyant doit se taire et  accepter.
Un autre récit coranique confirme ce point de vue. Il met en scène Moïse et un envoyé d'Allah surnommé Kadir, le verdoyant. Ils partent tous les deux dans un voyage initiatique. Moïse est mis au défi de suivre l'envoyé d'Allah sans poser de question, mais il ne peut s'empêcher de s'indigner face aux actes injustes de cet envoyé. « ... Ils partirent donc et marchèrent jusqu'au bord de la mer ; étant entré dans un bateau, l'inconnu le brisa. « L'as-tu brisé, demanda Moïse, pour noyer ceux qui sont dedans ? Tu viens de commettre là une action étrange. » « Ne t'ai-je pas dit que tu ne pourrais pas demeurer avec moi. » « Ne me blâme pas, reprit Moïse, d'avoir oublié tes ordres, et ne m'impose point des obligations trop difficiles. » Puis ils partirent tous deux ; et quand ils eurent rencontré un enfant, [l'homme] le tua. Alors [Moïse] lui dit : « As-tu tué un être innocent qui n'a tué personne ? Tu as commis certes, une chose affreuse ! » [L'autre] lui dit : « Ne t'ai-je pas dit que tu ne pourrais pas garder patience en ma compagnie ? » « Si, après cela, je t'interroge sur quoi que ce soit, dit [Moïse,] tu ne me permettras plus de t'accompagner. Maintenant excuse-moi. » … « Ici nous nous séparerons, reprit l'inconnu. Je vais seulement t'apprendre la signification des choses que tu as été impatient de savoir. Le navire appartenait à de pauvres gens qui travaillaient sur mer ; je voulus l'endommager, parce que va venir un roi qui s'emparera de tous les navires. Quant au garçon, ses père et mère étaient des croyants ; nous avons craint qu'il ne leur imposât la rébellion et la mécréance. Nous avons donc voulu que leur Seigneur leur accordât en échange un autre plus pur et plus affectueux. » (S. 18, 74-81). L'explication proposée par le Coran des cruautés voulues par Allah, renvoie à une éventualité de péché, une simple perspective non encore réalisée. Étrange indifférence pour la vie d'un enfant innocent ! Les non musulmans peuvent y percevoir l'expression de l’indifférence face à la mortalité infantile effroyable chez les contemporains de Mohamed. Quant aux musulmans, face à ces souffrances qu'ils croient d'origine divine, ils en conçoivent un incurable fatalisme.

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Représentation de Kadir, le verdoyant (origine inconnue). Kadir représente une forme d’aboutissement mystique,
de sagesse. Sa compréhension des mystères divins s’oppose au prosaïsme trop humain de Moise.

« Si Dieu te frappe d’un malheur, nul autre que Lui ne l’écartera de toi. » (Sourate 10, 107). Nous avons déjà vu que la mystique musulmane est dans la lignée du mazdéisme, du zoroastrisme et du manichéisme, qui veulent que bien comme mal soient d'origine divine. Le judaïsme et le christianisme professent, eux, que Yahvé est créateur du bien et de la liberté des hommes. Juifs et chrétiens restent donc libres de lutter contre le malheur, là où le Coran préconise l'acceptation, la soumission – et finalement le fatalisme - à ses fidèles.

7. 20. Les grandes questions fondamentales : les hasards de la nature sont-ils des récompenses divines ?
Dieu modifie-t-il les circonstances de la vie des hommes selon leur sainteté ? La tentation des juifs avaient été de penser que les maladies provenaient d'une punition divine. A contrario, ils avaient imaginé que les bienfaits et la réussite humaine étaient la preuve de la faveur divine et la marque de la sainteté de ses bénéficiaires. Le roi Josias s'était fait le chantre de cette conviction (Deutéronome 26, 18-19). Elle sera reprise par les courants protestants qui pratiquent une lecture littérale de la Bible.
Le Christ sort de cette vision simpliste et erronée. Les bonnes ou les mauvaises choses sont données à l'humanité entière quel que soit son état moral et spirituel : « Aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les publicains aussi n'agissent-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens aussi n'agissent-ils pas de même ? Vous donc vous serez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. » (Matthieu 5, 45-47).

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La multitude des saints a mérité le paradis en aspirant à la perfection du Père
(Fra Angelico, détrempe, 1423).

Les hasards de la vie ne doivent pas être interprétés comme l'expression de la volonté de Dieu. Un bienfait ne signale pas l'homme juste, ni une difficulté un homme pécheur : chacun reçoit indistinctement la pluie et le beau temps. Dieu donne donc à tous – justes et injustes - les bienfaits de la nature. L’élection divine ne se manifeste pas par la réussite humaine ou par la facilité du chemin. L’élection divine est visible quand un homme est capable d'aimer son prochain et en particulier quand il parvient à pardonner à son ennemi. Là est la marque de l'action divine - dans la faculté à pardonner à son ennemi - et non dans le hasard des conditions climatiques.


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Jésus marche sur les eaux et secourt Pierre, (Lorenzo Veneziano, XIVe siècle). Dieu est tout puissant, y compris sur les éléments naturels, mais
Il a laissé aux hommes la responsabilité de la terre. Le Christ a fait des miracles comme signe de sa divinité, mais bénéficier d'un miracle
n'est pas le moyen ordinaire de la sanctification. Il lui faut aspirer à être parfait comme Son Père céleste est parfait.

Dieu n'est donc responsable, ni des catastrophes, ni de la maladie, ni de la misère, ni de la cruauté des hommes ! Le Dieu des chrétiens est innocent du mal ! Les hommes sont libres de bien, et éventuellement de mal agir.
Effectivement, une partie du mal provient du péché personnel des hommes. Les hasards de la nature sont responsables d'une autre partie des injustices et des difficultés. Les hommes ont reçu de Dieu une intelligence suffisante pour maîtriser ces phénomènes naturels : catastrophes naturelles, maladies, hasard des événements. Aux hommes d'assumer la liberté que Dieu leur a donnée pour construire un monde juste et heureux ! Voilà la position des chrétiens et en particulier celle des catholiques. Les protestants - qui pratiquent une lecture plus littérale de la Bible, et particulièrement de l'Ancien Testament - sont tentés de voir dans leur réussite humaine la récompense donnée par Dieu à leur sainteté. Mais l'esprit d'entreprise des protestants n'est pas expliqué par la simple conviction d'être bénis de Dieu dès ici-bas. Leur esprit d’entreprise provient de la lecture qu'ils font des épîtres de Paul : « Que celui qui ne travaille pas, qu'il ne mange pas non plus » (2 Thessaloniciens 3, 10). En 1904, le sociologue Max Weber a analysé ce comportement dans L’Éthique protestante et l'esprit du capitalisme. Rendus responsables du monde par Dieu, la paresse et le laisser-aller sont des péchés. L'activité et l'esprit d'entreprise en deviennent des vertus spirituelles. Ces vertus ont fait la richesse économique des civilisations chrétiennes et en particulier protestantes. Dans toutes les civilisations chrétiennes, le progrès scientifique, l'innovation technologique et le désir de rendre les sociétés justes et bienveillantes sont nés de la responsabilité individuelle, de l'activité créatrice et de la conviction que l'on peut modifier le monde. Les chrétiens ont le droit et le devoir d’agir pour maîtriser le monde et améliorer leur vie. L'action matérielle de Dieu dans le monde, la Divine Providence, reste un cadeau gratuit de Dieu uniquement orienté vers le bien et qui respecte le libre-arbitre de l'homme. Mais l'homme ne doit pas tout attendre de la Providence divine, il doit assumer pleinement la liberté qui lui a été offerte pour construire une civilisation conforme à la volonté de Dieu.

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Ambulance de la Croix rouge danoise en 1877. La Croix rouge a été fondée par
Henri Dunant en 1864 pour venir en aide aux soldats blessés sur les champs de bataille.

Le Coran a sur ces points une autre position. Il affirme qu'Allah est maître de tout, du  bien comme du mal (Sourate 113, 1-2 ; S. 33, 17). Allah étant maître de tout, Il a Lui-même voulu que des hommes soient pécheurs et ceux-ci n'agissent pour le mal que sur Son ordre (Sourate 6, 39 ; S. 6, 123). Les bienfaits terrestres sont présentés comme des récompenses divines (Sourate 92, 5-6) et les malheurs comme des punitions (S. 32, 21). De plus, tout le monde sait que des hommes justes peuvent connaître des difficultés. Dans la théologie coranique, les difficultés sont envoyées pour éprouver le foi du croyant (S. 2, 155-157).
Dans le Coran, Allah donne donc bienfaits et malédictions sans aucun lien avec la vertu des hommes : il ne sert plus à rien d'agir. Certains oulémas maintiennent que l'islam ne pousse pas au fatalisme. Mais, concrètement, face à cette Toute-puissance divine - dispensatrice des bienfaits comme des malheurs apparemment distribués au hasard - le peuple musulman a été conduit à abdiquer tout esprit de responsabilité. Jusqu'à nos jours, les musulmans ponctuent toujours leurs conversations du « Inch'Allah » - « Si Dieu le veut », ce qui signifie que rien sur terre ne survient sans le bon vouloir d'Allah. C'est comme si les musulmans ignoraient qu'ils puissent agir hors de la volonté d'Allah, ou bien  comme s'ils récusaient que ce fut possible. Peut-être même craignent-ils d’apparaître impies et ou provocateurs envers Allah en suggérant qu'ils sont maîtres de leur destin ? Finalement, ne serait-ce pas dangereux de donner l'impression à Allah – ce Dieu si redoutable- que l'on pense pouvoir agir hors de Sa volonté ?

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Astrologie : les hommes chercheront longtemps à connaître leur destin, supposé déjà inscrit dans les étoiles par la volonté de Dieu
(Al Kitab al-Bulhan -
Le Livre des merveilles, manuscrit persan du XIVe siècle). Pour éviter tout raccourci, remarquons que les
chrétiens ont également pratiqué l'astrologie et le fatalisme. Seuls les textes saints divergent mais les hommes sont partout les
mêmes et sont soumis aux mêmes tentations. Parfois leur spiritualité les aide à dépasser leurs superstitions, parfois non.

La parole du Christ a donc affranchi les hommes de la superstition et du fatalisme, même s'il faut habituellement bien des siècles aux peuples pour comprendre cette libération ... et souvent toute une vie à un homme pour la mettre en pratique. Jésus nous a conduits à assumer la responsabilité du monde. Le Christ a incité les chrétiens à exercer leur liberté pour déployer les trésors de leur inventivité et bâtir un monde qu'ils dominent scientifiquement mais également qu'ils organisent autour des grandes valeurs divines : la justice, la liberté et la bienveillance.

7. 21. Séparation des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif.
Dans nos esprits modernes, issus des Lumières, la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est le fondement de la démocratie. Ceux qui, au XVIIIe siècle en France, ont théorisé la séparation des pouvoirs ont cru le faire en opposition avec l’Église. En fait, ils n'ont fait que transcrire en concepts laïcs ce qui était en germe dans les Évangiles. C’est pourquoi la démocratie s’est implantée d'abord en terre chrétienne. Ses prémices antiques sont grecques, son accomplissement moderne est chrétien.

« Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Matthieu 22, 21, Luc 20, 25) dit le Christ. Jésus a ici définitivement séparé le pouvoir temporel du pouvoir religieux.

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« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »
(Pierre Paul Rubens, 1577-1640).

Le Christ ne conseille pas la révolution : le gouvernement en place est légitime. Cela ne signifie pas qu'il soit saint, mais que les affaires temporelles ne doivent pas être traitées par les mêmes institutions que les affaires spirituelles. Au cours de l'histoire, nous verrons des papes essayer d’asseoir leur domination sur les rois, ou des rois essayer de gouverner l’Église : cela a échoué. Les civilisations chrétiennes aboutissent naturellement à une séparation entre pouvoir étatique - représenté par un empereur, un roi, un président ou un dictateur - et pouvoir religieux – incarné par l’Évêque, le Pape ou le Patriarche. Ainsi en a-t-il toujours été chez les chrétiens qui adorent le Dieu-Trinité. En France, la séparation de l'Église et de l'état a été officialisée tardivement, au XXe siècle. Mais dans les faits, cette séparation a toujours été manifestée par deux institutions distinctes. La civilisation musulmane n'a jamais connu une telle séparation : les pouvoirs religieux et temporel y sont fusionnés.

Détaché du domaine temporel, le Christ refuse de s'engager dans les trois domaines entrant habituellement dans les prérogatives de l'état : l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Après la multiplication des pains, les juifs veulent faire de Jésus leur roi, mais le Christ se dérobe : il refuse le pouvoir exécutif (Jean 6, 15). Par ailleurs, on a vu que le Christ a rendu immoral toute notion de « charī'a », puisque la Loi divine ne doit pas servir à juger autrui. « Tu ne jugeras pas » dit le Christ (Luc 6, 37). La Loi de Dieu est donc impropre à l'usage du pouvoir législatif. De même, le Christ refuse d'exercer la fonction judiciaire. « Quelqu’un de la foule dit [à Jésus] : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Il lui dit : « Homme, qui m’a établi pour être votre juge ou régler vos partages ? ». Puis il leur dit : « Attention ! Gardez-vous de toute cupidité, car, au sein même de l’abondance, la vie d’un  homme n’est pas assurée par ses biens. » (Luc 12, 13-15). Le Christ ne récuse pas la justice humaine, il s'en sépare. Le Christ donne aux deux frères un conseil moral, un conseil de bon sens, mais il refuse de les juger lui-même. Il est pourtant « le seul Juge » (Matthieu 25, 31-33), mais son jugement est spirituel. L'exercice de la justice humaine n'est pas son domaine.
Le Christ évite ainsi le piège qui consiste à figer dans une loi divine les besoins législatifs d'une culture particulière. Ce faisant, il a donné une universalité surprenante à son message.

Le Coran a fait un autre choix. Les besoins législatifs de l'Arabie du VIIe siècle sont promus en loi divine universelle. Il est vrai que certaines lois coraniques étaient des progrès par rapport à l'archaïsme de la civilisation bédouine dont est issu Mohamed. Ainsi, l'interdiction d'enterrer vivantes les nouveau-nées filles (Sourate 60, 12 ; S. 16, 58-59) est-elle un réel progrès. Mais ce progrès ne peut être suivi d'aucun autre. Ainsi, le voile des femmes - utile dans désert où le vent oblige à se protéger du sable - est devenu une loi universelle chez les musulmanes qui se voient fortement incitées à porter le voile malgré l'inconfort de ce vêtement. Promulgués dans un texte supposé divin donc non réformable, les avancées du Coran se trouvent donc figées, fixées, sans aucune possibilité d'amélioration ultérieure. Considéré comme incréé, donc existant depuis toujours auprès de Dieu, le Coran a figé la charī'a dans les archaïsmes de la civilisation bédouine de Mohamed. En effet, c'est au cours des deux premiers siècles de l'islam, que la  charī'a a été élaborée  par des juristes musulmans à partir d'une interprétation du Coran. Mais - toute humaine qu'elle soit – la charī'a reste néanmoins directement inspirée de la lettre du Coran, dans lequel elle puise sa légitimité, son caractère universel et son contenu définitif. Pour un non musulman, la charī'a semble avoir transformé en loi universelle la rudesse des mœurs de l'Arabie du VIIe siècle, sans que l'auteur du Coran n'ait perçu le danger d'instaurer une loi divine à partir d'une législation particulière. Ainsi est-il recommandé de crucifier les opposants (S. 5, 33) ou de couper la main des voleurs (S. 5, 38). Si la pratique de la crucifixion des opposants s'est perdue dans les premiers siècles de l'islam, plusieurs pays musulmans coupent toujours la main des voleurs (l'Arabie Saoudite, le Yémen, l'Iran, les Émirats Arabes Unis...). Dans un autre domaine, la polygamie est autorisée par le Coran (S. 4, 3) ; elle entérine, de fait, l'infériorité des femmes (S. 2, 228 ; S. 4, 11). Elle a persisté jusqu'à nos jours en terre d'islam.

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Cadi rendant la justice sur la base législative de la charī'a
(
Maqamat of al-Hariri, XIIIe siècle, Syrie ; BnF).

En refusant d'instaurer une Loi divine temporelle, une charī'a, le Christ a évité cet écueil. Ainsi, n'a-t-il pas limité ses commandements aux besoins législatifs du Peuple Élu d'il y a 2000 ans et à ses archaïsmes. Cela donne une universalité étonnante à sa parole et une absolue modernité.

7. 22. Le Christ rend sa parole universelle et s'adresse à l'individu affranchi des contraintes claniques.
Le Christ a évité tous les pièges qui fixeraient son discours dans un lieu et une époque. En cela, ses paroles sont universelles. De plus, Jésus n'a pas restreint ses actes aux mœurs du Peuple Élu, ni limité ses propos à ce qu'il pouvait admettre. Ainsi, fréquente-t-il les pécheurs (Matthieu 8, 10-13, Luc 19, 1-10). Ainsi, fait-il des miracles le jour du Sabbat (Marc 1, 21-28 et Marc 3, 1-6). Ainsi parle-t-il à la Samaritaine (Jean 4, 1-30). C’est même à elle, une femme, une Samaritain, et une pécheresse - en transgressant trois interdits - qu’il confie en premier qu’il est le Messie. Ainsi, demande-t-il à une femme de témoigner de sa Résurrection, alors que le témoignage des femmes n'était pas recevable chez les Juifs (Mat 28, 9-10). Lui qui dit n'être venu que pour Israël, n'a, en fait, pas adapté son discours aux capacités de compréhension du peuple d'Israël d'il y a 2000 ans ! Le Christ s'exprime et agit en toute liberté.

Dans la forme de son discours, le Christ a également employé un moyen qui lui permet d'accéder à l'universalité : il s'exprime en paraboles. Les paraboles sont de petites histoires qui valent par leur morale. Ce ne sont pas les histoires racontées qui sont véridiques, mais les enseignements moraux et spirituels qu'elles contiennent. Cela leur donne une intemporalité qui transcende l’époque et le lieu et permet d’accéder à leur valeur spirituelle, même 2000 ans plus tard.

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Parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare (Codex Aureus Epternacensis, 1035-1040 ; Allemagne). À la première ligne, le pauvre Lazare
est laissé à la porte pendant que le riche mange avec les siens sans se préoccuper de lui. À la deuxième ligne, un ange vient chercher l'âme
de Lazare décédé pour qu'elle repose sur les genoux (dans le sein) d'Abraham. À la troisième ligne, c'est un diable qui se charge de l’âme
du riche pour l'envoyer griller en enfer. Une parabole est une petite histoire symbolique pour faire comprendre un message spirituel.

Chaque civilisation peut transcrire avec ses mots - dans ses lois ou ses traditions - les concepts moraux illustrés par les paraboles. Prenons l'exemple de la Parabole des mines (Luc 19, 11-27). Cette parabole serait très choquante prise au premier degré. On voit des serviteurs mis à l'épreuve par l'absence de leur maître. À son retour, le maître récompense les bons, et égorge les mauvais ! Par cette parabole, le Christ explique simplement qu'il y aura un Jugement dernier et qu'il faut vivre saintement en l'attendant.
Cette lecture symbolique où seule la morale à une valeur d'enseignement, reste souvent peu accessible aux musulmans qui lisent leur propre texte saint littéralement. Les musulmans transposent leur propre façon de lire le Coran aux chrétiens et à la Bible. Cela conduit certains musulmans a essayer de déstabiliser les chrétiens en affirmant que le Christ a menacé d'égorger ses opposants dans la Parabole des mines. Effectivement, on trouve cette phrase dans la bouche du Christ : « Quand à mes ennemis, ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence. » (Luc 19, 27). Le Christ est alors en train de raconter la Parabole des mines et, en bon conteur, il parle à la première personne. Mais il s'agit bien d'une parabole. La phrase qui inaugure le récit ne laisse aucun doute sur son sens imagé : « [Les juifs] écoutaient ces choses, et Jésus ajouta une parabole, parce qu'il était près de Jérusalem, et qu'on croyait qu'à l'instant le royaume de Dieu allait paraître. Il dit donc : « Un homme de haute naissance s'en alla dans un pays lointain, pour se faire investir de l'autorité royale, et revenir ensuite...etc... » (Luc, 19, 11-12). Jésus n'a égorgé personne pendant sa vie humaine... Quand quelqu'un est sacrifié dans les Évangiles, c'est le Christ lui-même.
Cette Parabole des mines a pourtant fait les beaux jours d'un Cheikh très médiatique nommé Ahmed Deedat. Il y a quelques années, il créait de vrais shows télévisés pour discuter avec des chrétiens naïfs et ignorants des modes de pensées musulmans. Ahmed Deedat prêtait au Christ les propos tenus par les personnages des paraboles. Le Cheikh Ahmed Deedat n’a pas accès intellectuellement au concept de paraboles... mais peut-être faisait-il juste semblant ?

Autre élément d'universalité, le Christ place l'individu dans sa famille nucléaire composée de son couple et de ses enfants. Cela lui permet de vivre à une juste distance de ses parents et de son clan. On a vu qu'il ne s'adresse ni aux états ni aux clans, ni à aucun groupe. Il permet ainsi à chaque homme de s'installer dans son petit royaume individuel, là où, dans l'intimité, il est autonome au sein de sa famille nucléaire. Affranchi - au moins spirituellement - de toutes les contraintes tribales, légales ou sociologiques, l'homme peut recevoir son enseignement librement. Le Christ parle donc à l'individu, au cœur de chacun, et non aux groupes humains constitués autour des lois humaines. Le message du Christ s'adresse donc à chaque homme et à chaque femme, individuellement, de chaque époque et de chaque lieu.

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Jésus dialogue avec la Samaritaine, comme il le fait avec chacun de ceux qui le souhaitent, indépendamment de leurs
liens culturels, familiaux ou nationaux
(Étienne Parrocel, dit le Romain (1696-1775) ; musée Fesch, Ajaccio).

Depuis 2000 ans, le Christ parle à chacun.

7. 23. Tentative de lecture psychologique de Jésus-Christ.
Pour un chrétien, lire la vie du Christ avec un regard psychologique transgresse un tabou puisque Jésus est Dieu. Il est donc osé d'avoir un regard analytique sur lui. Il est néanmoins possible de réaliser et de publier ce travail. Pourrait-on envisager le même travail de réflexion sur Mohamed à partir de ce que le Coran nous apprend de sa vie ? Nous l'espérons ! Nous le tenterons donc quand notre frise du temps nous aura conduit au VIIe siècle.

Selon les Évangiles, Jésus est fils unique, fils de parents qui ont choisi l'abstinence sexuelle. On peut donc supposer qu'il pourrait être un enfant narcissique de parents frustrés sexuellement. Les Évangiles donnent de rares mais de précieuses indications sur son enfance. Quand il a 12 ans, ses deux parents sont encore vivants. La majorité est alors à 13 ans ; il n'a donc pas subi le traumatisme d'être orphelin. À cet âge, à 12 ans, il les accompagne à Jérusalem pour la Pâque juive. Lors du retour, ce n'est qu'au bout d'une journée de marche que Marie et Joseph prennent conscience que leur fils unique n'est pas avec eux. Ce retard signale que Jésus avait des camarades, avec qui il était prévu qu'il rentre. Ce n'était donc pas un enfant roi, incapable de se socialiser en l'absence de parents anxieux et qui l'auraient surprotégé. Quand ses parents le retrouvent au Temple, il revient avec eux ; « il leur était soumis » précise Luc (2, 51). Jésus accepte sa place d'enfant obéissant face au couple parental. Il a donc parfaitement « intériorisé la loi » dans sa petite enfance. Il ne souffre d'aucune carence œdipienne qui lui ferait percevoir son père humain – Joseph - comme un rival.

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La Sainte Famille
(Antonio Allegri, dit Le Corrège, 1489 ; Le Louvre).

Quand Jésus débute sa vie publique, il a 37 ans, Joseph est décédé et sa mère est toujours vivante. Il n'est pas marié malgré les traditions juives. Manifestement, personne n'a fait pression sur lui. Ou bien, si une pression a été faite, il n'y a pas cédé. Puis, s'éloignant de sa famille d'origine, Jésus choisit sa propre famille : elle est constituée de ses disciples. « Sa mère et ses frères vinrent le trouver, mais ils ne pouvaient l'aborder à cause de la foule. On lui annonça : « Ta mère et tes frères se tiennent dehors, et ils désirent te voir ». Il leur répondit : « Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique. » (Luc 8, 19-21). On a déjà fait remarquer que les frères de Jésus dont parlent les Évangiles, sont probablement les enfants de Clopas, le frère de Joseph, et de son épouse Marie. Mystiquement, le Christ est donc l'époux de son Église et il choisit cette famille librement. Il fait ce choix seul et sans l'assentiment de sa famille d'origine : il est autonome affectivement, même s'il vit dans la chasteté.

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La Vierge et l'Enfant sont entourés de Saint Dominique, Saint Barnabé, Saint Thomas d'Aquin
et Saint Pierre
(Fra Angelico, monastère Saint-Dominique ; Fiesole, Italie). La vraie famille
du Christ est constituée de ceux qui, au fil des siècles, mettent sa parole en pratique.

Certaines paraboles citent les châtiments qui attendent les pécheurs après la mort (Luc 19, 11-27, Luc 16, 23). Ce sont des avertissements donnés aux hommes pour se préparer au Jugement et non des menaces directes puisqu'il s'agit de paraboles. Mais ces récits cruels ne pourraient-ils pas exprimer le désir inconscient du Christ de se venger de l’opposition de ses contemporains ? Cela expliquerait la violence de ces versets où l'on voit ses opposants se faire égorger (Luc 19, 27). Mais cette interprétation ne tient pas. En effet, quand Jésus a l'occasion d'être vénéré comme un roi terrestre, il se dérobe (Jean 6, 15). Quand l’occasion lui en est offerte, il refuse donc le pouvoir royal qui inclut le pouvoir régalien de la peine de mort. Avoir la capacité de punir les hommes cruellement ne l’intéresse pas. De plus, il ne s'est jamais servi de sa puissance miraculeuse pour créer un lien de soumission ou de dépendance : « Et alors que Jésus entrait dans un village, vinrent à sa rencontre dix lépreux, qui se tinrent à distance ; et, élevant la voix, ils dirent : « Maître Jésus, ayez pitié de nous ! » Les ayant vus, il leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. ». Et, comme ils y allaient, ils furent guéris. » (Luc 17, 12-14).

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Jésus guérit les dix lépreux
(art byzantin serbe, 1340 ; Dečani).

Jésus ne recherche pas à exploiter la reconnaissance des miraculés, il renvoie les lépreux guéris à l'Ancienne Alliance. Il ne cultive pas le spectaculaire pour asseoir la réussite de sa mission.
En fait, il n'a pas besoin de compenser la frustration de n'être pas écouté par tous en fantasmant sur la punition de ses ennemis, puisqu'il est spontanément respecté par ses disciples.
Sans être jamais menacés, ceux-ci se regroupent à plusieurs pour oser l'aborder : « Philippe alla le dire à André, puis André et Philippe le dirent à Jésus. » (Jean 12, 22). Étrangement, ses disciples, qui sont si proches de lui et vivent dans son intimité, se réunissent pour lui parler. Mais, il n'est cependant pas un gourou de secte cherchant à dominer ses disciples par des liens de dépendance psychique. Ainsi, au cours de sa vie publique, beaucoup le quittent sans jamais être menacés : « Dès lors plusieurs de ses disciples se retirèrent, et n'allaient plus avec lui. Jésus dit donc aux douze : « Et vous, ne voulez-vous point aussi vous en aller ? » (Jean 6, 66-67). Jésus a toujours laissé ses proches libres de le quitter.

Souffrait-il alors d'une névrose d'échec ?
Désireux de dominer mais fuyant dès qu'il lui est possible de réussir et organisant inconsciemment son propre échec ? Il a néanmoins organisé la pérennité de son message en formant les douze Apôtres. Il n'a donc rien d'un névrosé recherchant la pitié par une succession d'échecs inconsciemment désirés.

Sa mort en croix est absolument atroce. On hésite entre le sadisme et le masochisme quand on réfléchit aux chaînes de responsabilités dans sa condamnation à mort.
Les Évangiles signalent qu'il y va librement, sans être contraint par le Père (Jean 10, 18). Il ne s'agit donc pas d'une soumission masochiste à la toute puissance d'un Père des cieux sadique. Le Christ va à la mort en obéissant à sa vocation de Fils incarné (Jean 12, 27). Dès avant son Incarnation, Jésus savait ce qui l'attendait. Fils Unique éternel, Dieu Lui-même, Il a accepté de s'incarner sur terre, connaissant d'avance sa vocation spécifique : la mort en croix. Au moment de sa mise en croix, il n'est donc, ni victime du sadisme du Père (puisqu’il se livre librement), ni soumis à son propre masochisme humain (puisqu’il obéit à sa vocation divine éternelle). Même sur ce sujet si particulier et si extrême, La Trinité est une perfection d'amour, d'équilibre et de liberté.

Au XXe siècle, la psychanalyste Françoise Dolto a écrit « Jésus enseigne le désir et y entraîne ».[/b] Dans L'Évangile au risque de la psychanalyse, elle remarque que, bien plus qu'une morale basée sur l'interdit, le Christ travaille avec le désir des hommes. Il demande à chacun de redevenir petit enfant pour accéder au Royaume des cieux (Luc 9, 46-47) et de chercher son chemin loin du désir de ses parents. Le Christ, loin de se replier sur des frustrations personnelles, a aidé l'humanité à rechercher sa plénitude intérieure. En  aimant les hommes, il leur a permis d'exercer leur liberté spirituelle reconquise par le pardon de leurs péchés. Il nous a montré comment construire un monde basé sur le respect, la liberté, la bonté et la vérité.

7. 24. « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie. » (Jean 14, 6).
Cette simple phrase du Christ (Jean 14, 6) contient toute la spécificité du christianisme. En elle, se trouve toute la fluidité de la civilisation chrétienne, son esprit d'entreprise, ses capacités d'évolution, sa créativité et ses capacités scientifiques. En effet, pour les chrétiens, la vérité n'est pas figée dans la lettre de la Bible : la Vérité, c'est le Christ.

La Bible est un livre écrit par des générations d'hommes sur 700 ans. La Bible est donc un livre composite. Avant le règne du roi Josias, une partie de la Bible avait été transmise oralement pendant des centaines d'années. Certains livres rédigés sous le roi Josias sont historiques, comme les livres de Samuel ou ceux des Rois. D'autres livres sont symboliques, comme le livre de Job ou celui de Jonas. D'autres encore sont poétiques, comme le recueil des Psaumes ou le Cantique des Cantiques. Certains récits s'inspirent des hypothèses spirituelles hasardeuses du roi Josias, comme celle du Dieu des combats qui soutient les luttes armées de Ses fidèles. Certains récits, enfin, reprennent les mythes des civilisations voisines, comme l'histoire de Noé ou celle d'Adam.

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Manuscrit de la mer morte, extrait d'un livre prophétique
conservé sur un support du premier siècle avant JC.


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Nouveau testament du Codex Sinaïticus (IVe siècle ; British Librairy). Le Nouveau Testament a naturellement été rédigé après la vie du Christ.
Les premiers supports, fragiles et peu onéreux, ont disparu. Le Nouveau Testament n'a bénéficié de supports de qualité,
donc durables, qu'à partir IVe siècle avec la christianisation de l'empire romain.

Les hommes qui écrivent la Bible, racontent avec leurs moyens, leur imagination et leur subjectivité, l'histoire de Dieu venant vers les hommes et l'histoire des hommes apprenant à connaître Dieu. Les théologiens pensent, affirment et croient que les auteurs de la Bible sont inspirés par Dieu. On peut constater, effectivement, que les enseignements de la Bible sont souvent pleins de finesse, de bonté et transcendent la médiocrité habituelle des hommes. Par delà les enseignements mystiques, les rédacteurs de la Bible évoquent également des faits scientifiques de façon finalement assez correcte, si on imagine leur peu de savoir scientifique. Ainsi, au sujet de la Création, ceux qui rédigent la Genèse ne parlent ni d'un œuf primordial (comme dans la cosmologie hindoue), ni d'un serpent engendrant le monde (comme dans la cosmologie égyptienne). Il n'y a pas de mythologie dans la Genèse et la chronologie générale de la création n'est pas si erronée que cela. Cependant, si la Bible contient des erreurs, elle ne prétend jamais incarner elle-même la vérité. Les approximations de la Bible ne peuvent donc suffire à prouver que Dieu n'a pas inspiré ses auteurs, puisque la vocation de la Bible est de nous conduire à la Vérité, sans prétendre l'incarner elle-même. Et la Bible conduit effectivement à la Vérité : « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie, nul ne vient au Père que par moi » proclame le Christ (Jean 14, 6). Le Christ définira de nombreuses fois cette vérité : « Ta parole est vérité. » dit-il à son Père des cieux (Jean 17, 17). Voilà ce que nous dit la Bible de la vérité : la Vérité est le Christ et la Vérité est la parole du Père. Et le Christ est le Verbe, c'est à dire lui-même Parole de Dieu. Le Christ est donc le témoin unique et l'incarnation de cette ultime Vérité, la seule qui conduise au salut.

La Vérité des chrétiens n'est donc pas enclose dans un livre. La Vérité est un homme, Jésus-Christ. Elle est donc accessible comme lui-même l'est dans la proximité de son humanité. Mais elle atteint également l'infini de la transcendance divine. La Vérité est donc sans limite et impossible à contenir, toujours à découvrir et impossible à enclore, mais elle reste néanmoins accessible et compréhensible.
Au cours de l'histoire, les chrétiens ont cherché la vérité : toutes les vérités, esthétiques, scientifiques, humaines, psychologiques et théologiques. Et ils les ont cherchées dans le foisonnement de leur curiosité, même s'ils ont parfois craint de se confronter aux autorités en place. Mais surtout, ils ont cherché la vérité avec une persévérance que n'a pas freiné le contenu de la Bible, une fois que ses affirmations scientifiques sont devenues obsolètes. Quand la Bible a été contredite par la science, ils ont pu rester chrétiens sans perdre la foi. Ce chemin a été difficile à accepter, car il était plus facile de prendre la Bible littéralement, d'autant que pendant des siècles, il n'avait pas été nécessaire de lire la Bible autrement. En effet, la science n'a contredit que tardivement la Bible. Mais, sur le plan moral, les chrétiens avaient toujours pratiqué la lecture symbolique de la Bible. Il leur a donc été possible de passer à un autre niveau de lecture au sujet des affirmations scientifiques de la Bible. D'autant que la Bible recelait un autre appel : elle n'avait jamais prétendue être elle-même la Vérité. Dans le Nouveau Testament, elle nous montre enfin la Vérité : c'est  le Christ.
La Bible n'est donc pas un livre scientifique. Elle n'a pas à l'être. Mais, elle permet d'entrer en contact avec Dieu et de Le connaître en vérité, lui qui est la seule Vérité incarnée en Jésus.

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Le Christ Pantocrator incarne la sagesse divine qui est célébrée dans l'église Sainte-Sophie
(la Sagesse)
(XIIIe siècle ; Constantinople / Istanbul).

« Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous libérera. » nous dit le Christ (Jean 8, 32). La vérité chrétienne n'est pas une prison, mais un chemin de liberté. Les vérités scientifiques et les innovations technologiques donnent la maîtrise du monde et affranchissent des contingences matérielles. En ceci les vérités scientifiques nous libèrent. Rien ne permet de dire que le Christ n'a pas inclus les vérités scientifiques dans sa conception de la vérité. Mais, bien au delà du savoir scientifique, les vérités spirituelles ont une valeur supérieure. Elles libèrent l'homme de l'emprise de ses trois concupiscences charnelles, le sexe le pouvoir et l'argent. Les vérités spirituelles et morales permettent aux hommes d’exercer un pouvoir terrestre - politique, scientifique, économique, technologique ou militaire - en résistant à la tentation d'employer leur puissance acquise par la science au service de leur seul égoïsme. « Science sans conscience n'est que ruine de l’âme » nous expliquera Rabelais 1500 ans plus tard. La vérité ultime est dans la réflexion morale et spirituelle, qui libère l'homme de l'emprise du péché et de la mort, bien mieux que dans les vérités scientifiques qui permettent d'acquérir le pouvoir économique et politique, mais pas forcement de l'exercer pour le bien. La vérité des chrétiens est donc aussi complexe et infinie que le Christ l'est lui-même. Vrai homme et vrai Dieu, la vérité qu'il offre est sans limite.

On voit là toute la distance qui existe entre le christianisme et l'islam. Dans l'islam, c'est le Coran qui incarne la Vérité : « C'est Nous [Allah], en vérité, qui avons fait descendre le Rappel (c'est à dire le Coran), et c'est Nous qui en assurons l'intégrité » (S. 15, 9).

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Coran dit de Tachkent (Ouzbékistan, IXe siècle). La révélation de Mohamed s'est étendue sur 22 ans, une très courte période si on la met en parallèle
avec les 1500 ans de la révélation judéo-chrétienne. Les musulmans sont cependant confrontés à la même difficulté que les autres croyants : les
supports écrits passent difficilement les siècles. Le Coran lui-même n'existe en entier que sur des supports du IXe siècle,
même si la piété musulmane leur a attribué une ancienneté qu'ils n'ont pas
.

Pour les musulmans, il peut exister des vérités qui ne sont pas dans le Coran, mais aucun verset du Coran n'est erroné. Les musulmans restent donc prisonniers des affirmations coraniques, au point d'en abdiquer toute objectivité et de refuser les preuves archéologiques ou scientifiques qui démontrent que le Coran contient des erreurs. Esclaves de son contenu, ils s'y soumettent au point que, de nos jours comme dans le passé, ils sont incapables de remarquer, de comprendre et d'accepter ce qui est contraire aux affirmations de leur livre saint.

Comment ne pas s'interroger sur la relation entre le déclin des sciences musulmanes et l'instauration de ce concept si particulier de Coran incréé ?
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:31

CHAPITRE 8 : LE CHRIST INSTAURE LA NOUVELLE ALLIANCE POUR L'HUMANITÉ.
Avril 33.


8. 1. Instaurer la Nouvelle Alliance, la métaphore du Bon Pasteur.
8. 2. Jésus fête Ḥānukkāh à Jérusalem le 20 décembre 32 : « Moi et le Père, nous sommes un ! »
8. 3. « Lazare, viens dehors ! », « Je suis la Résurrection, qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ! »
8. 4. La réunion du Sanhédrin : fin mars 33, la décision est prise de condamner Jésus à mort.
8. 5. Instaurer la Nouvelle Alliance, une femme prophétise sur la mort du Christ.
8. 6. Instaurer la Nouvelle Alliance, l'entrée à Jérusalem.
8. 7. De la pression sociale à la peur.
8. 8. De la peur à la haine.

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8. 9. Jeudi 2 avril 33, le 13 de Nisan. Instaurer la nouvelle Alliance, le lavement des pieds, les chefs doivent servir.
8. 10. Instaurer la Nouvelle Alliance, l'Eucharistie, le jeudi 2 avril 33.
8. 11.  Les adieux, l'annonce de la trahison de Judas et du reniement de Pierre.
8. 12. Les adieux, l'intimité au cœur de la Trinité est révélée.
8. 13. L'agonie.
8. 14. L’arrestation.
8. 15. Le Suaire de Turin, les témoignages historiques de ses déplacements sur 2000 ans.
8. 16. Le Suaire de Turin, les preuves scientifiques.
8. 17. La comparution chez le Grand Prêtre Hanne a lieu le vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan à la fin de la nuit.

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8. 18. Le jugement chez Pilate, le vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan.
8. 19. Le jugement chez Hérode, le Christ est innocent.
8. 20. Instaurer la Nouvelle Alliance, le Christ est couronné d'épines, son Royaume n'est pas de ce monde...
8. 21. Jésus porte sa croix.
8. 22. La crucifixion, vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan.
8. 23. Le partage des vêtements, la tunique d'Argenteuil.
8. 24. La crucifixion est publique, les condamnés parlent devant témoins.
8. 25. La  Nouvelle Alliance, le coup de lance : une fontaine est ouverte pour laver les péchés.
8. 26. La descente de Croix, le Sudarium d’Oviedo.
8. 27. Le Christ est porté au tombeau qui est scellé et gardé.

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:33

CHAPITRE 8 : LE CHRIST INSTAURE LA NOUVELLE ALLIANCE POUR L'HUMANITÉ.

Avril 33.


8. 1. Instaurer la Nouvelle Alliance, la métaphore du Bon Pasteur.

Dans l'Ancien Testament, les prophètes de la société agricole de Juda se sont servis de la métaphore du pasteur pour différencier le vrai du faux prophète.

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Moïse fait paître ses montons sur la montagne où Dieu va lui apparaître (La Haggadah de Sarajevo, réalisée par des juifs de
Saragosse en 1350). La société hébraïque antique était agricole et son discours religieux y a largement emprunté ses références.

Toute la pédagogie prophétique permet de comprendre qui est le véritable envoyé de Dieu et de le distinguer des usurpateurs et des faux prophètes.
Selon les prophètes de l'Ancien Testament, le bon Pasteur est assimilé à Dieu Lui-même : « Voici Yahvé qui vient avec puissance... Tel un berger, il fait paître son troupeau, de son bras il rassemble les agneaux, il les porte sur son sein, il conduit doucement les brebis mères. » (Isaïe 40, 10-11).
Ézéchiel également (Ez 34, 11-31) parle de Yahvé comme du bon Pasteur : « Car ainsi parle le Seigneur Yahvé : voici que j'aurai soin moi-même de mon troupeau et je m'en occuperai... Je chercherai celle qui est perdue, je ramènerai celle qui est égarée, je panserai celle qui est blessée, je fortifierai celle qui est malade ... Je vais venir sauver mes brebis pour qu'elles ne soient plus au pillage... ».

Le bon Pasteur est opposé au mauvais pasteur. Pour Zacharie (Za 11, 16-17), il est un homme cruel qui dévore ses brebis : « Car voici, je susciterai dans le pays un pasteur qui n'aura pas souci des brebis qui périssent ; il n'ira pas à la recherche des plus jeunes, il ne guérira pas les blessées, il ne soignera pas les saines ; mais il dévorera la chair des plus grasses, et il déchirera jusqu'aux cornes de leurs pieds. Malheur au pasteur de néant, qui abandonne ses brebis ! Que l'épée fonde sur son bras et sur son œil droit ! Que son bras se dessèche, Et que son œil droite s'éteigne ! ».
Les mauvais pasteurs usent de violence : « Malheur ...[à ceux] qui se paissent eux-mêmes... vous avez sacrifié les brebis les plus grasses, mais vous n'avez pas fait paître le troupeau. Vous n'avez pas fortifié les brebis chétives, soigné celle qui était malade, pansé celle qui était blessée. Vous n'avez pas ramené celle qui s'égarait, cherché celle qui était perdue. Mais vous les avez régies avec violence et dureté. » (Éz 34, 1-10).

Les prophètes du Peuple Élu ont donc défini les critères qui permettent de connaître les faux prophètes : ils satisfont leurs propres besoins par la violence ; ils pensent à s'enrichir au détriment des plus faibles. Quant au vrai prophète, il est bienveillant, compatissant, soigne le faible et va chercher les égarés sans penser à lui-même. Par delà ces critères de discernement qui permettent de distinguer les vrais prophètes des faux, Yahvé parle de Lui-même en se comparant au bon Pasteur.

Le Christ va reprendre cette image en se désignant lui même comme le bon Pasteur.

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Le Bon Pasteur (mosaïque du début IVe siècle, mausolée de Galla Placidia ; Ravenne, Italie).

Puisque le bon pasteur est Dieu Lui-même, et c'est bien sa propre divinité que proclame le Christ. Juste avant sa passion, Jésus va épouser la vocation du bon Pasteur. Lui aussi indique tous les critères qui permettront de reconnaître les faux prophètes : « Je suis le bon pasteur, le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Le mercenaire, qui n'est pas le pasteur et à qui n'appartiennent pas les brebis, voit-il venir le loup, il laisse les brebis et s'enfuit, et le loup s'en empare et les disperse... Je suis le bon Pasteur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis...Voilà pourquoi le Père m'aime : parce que je livre ma vie pour la reprendre. Personne ne me l'enlève, mais moi, je la livre de moi-même. J'ai pouvoir de la livrer et j'ai pouvoir de la reprendre : tel est le commandement que j'ai reçu de mon Père...
Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr. Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie et qu'on l'ait surabondante. Je suis le bon pasteur : le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis.
» (Jean 10, 11-18).

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Le Christ en Bon Pasteur a été représenté très tôt, tout particulièrement au moment où les chrétiens
étaient persécutés pour leur foi
(fin IIIe siècle, catacombe de Priscilla ; Rome).

« Personne ne m'enlève [la vie], mais moi, je la livre de moi-même ». Le Christ se prépare à aller à la mort de sa souveraine liberté. La passion du Christ n'est pas la preuve d'une impuissance humaine, mais d'un choix délibéré de sa part. La marche libre du Christ vers la Croix signale la profondeur de l'amour de Dieu qui nous a rejoints dans notre souffrance pour nous conduire au salut. Il n'y a donc nul sadisme chez le Père, puisqu'Il n'a pas obligé le Fils à mourir. On a déjà vu qu'il n'y a pas non plus de masochisme chez le Fils, puisque c'est en obéissance à sa vocation divine – connue et acceptée dès avant son incarnation terrestre - qu'il donne sa vie. En effet, avant d'être arrêté, Jésus s’exclame : « Maintenant, mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c'est pour cela que je suis venu à cette heure. Père, glorifie ton nom » (Jean 12, 27). Son Père des cieux n'est pas Celui qui le condamne à une mort atroce mais Celui, qui  - éventuellement - pourrait l'en protéger. Jésus, en tant que Fils éternel, agit de sa souveraine liberté, fidèle à sa vocation divine éternelle de Fils de Dieu. C'est néanmoins avec son corps d'homme souffrant qu'il va vivre sa passion.

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Le bon Pasteur
(mosaïque du XIXe siècle, Saint-Laurent hors-les-murs ; Rome).

Un bon Pasteur, un authentique prophète, donne donc sa vie pour ses brebis. Aux yeux du Christ - donc aux yeux des chrétiens - ceux qui fonderont des sectes ou toutes autres religions (y compris l'islam) passeront par le même discernement. Sont-ils de bons pasteurs ou des mercenaires ?

Mohamed a satisfait chacune de ses pulsions (sexuelles, financières, politiques) en menant des guerres contre ses opposants et en usant de violence quand la diplomatie s'est avérée insuffisante. Il n'entre donc pas dans les critères qui peuvent faire de lui un prophète, un envoyé de Yahvé, du moins aux yeux des chrétiens et des juifs. Naturellement, les musulmans ont le droit de penser que les Évangiles sont falsifiés et que le Coran a raison. Mais cette conviction ne réduit pas la distance théologique qui existe entre l'islam et le christianisme.

8. 2. Jésus fête Ḥānukkāh à Jérusalem le 20 décembre 32 : « Moi et le Père, nous sommes un ! »

La fête de la Dédicace, la Ḥānukkāh, commémore le retour du culte juif au Temple de Jérusalem en -164, après la victoire sur Antiochus IV Épiphane. Depuis, la fête de la Ḥānukkāh commémore la victoire de Yahvé sur tous les cultes païens. La fête dure huit jours. Chaque famille allume une bougie le premier soir, à laquelle s'ajoute une nouvelle bougie chaque soir. C'est la fête des lumières, fête joyeuse au cœur de l'hiver.
Lors de la fête de la Ḥānukkāh en 32*, Jean (Jean 10, 23-33) raconte que le Christ est seul. Il marche sous la colonnade de Salomon dans le Temple. Des scribes et des pharisiens surgissent. Ils exigent que le Christ leur dise enfin qui il est.

Cela fait longtemps que le Christ scandalise les juifs. Il le fait avec subtilité, mais il est parfaitement compris des juifs dont il partage la même culture et la même foi.
Jésus revendique une parfaite connaissance de Dieu, contrairement aux scribes dont il affirme qu'ils ne connaissent pas Dieu : « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien ; c'est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites : « Il est notre Dieu, et vous ne le connaissez pas ; mais moi je le connais. » (Jean 8, 54). Face aux scribes et aux pharisiens qui se croyaient les spécialistes de la Thora et de fins connaisseurs de Dieu, cette affirmation est une pure provocation, bien susceptible de susciter leur fureur.
Jésus va plus loin. Il proclame que Dieu est son père et, ce faisant, il affirme être l'égal de Dieu : « Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père ? » (Luc 2, 49) dit-il dès son jeune âge. Dans la culture juive, père et fils ont le même statut et sont donc des égaux. « Ne faites plus de la maison de mon Père, une maison de trafic » (Jean 2, 16) exige-t-il des Juifs lors de la première année de son ministère public. Ni Abraham, ni Moïse, ni Élie n'avaient osé dire cela. Dieu est le Père dans l'Ancien Testament, mais toujours au sens de Créateur de l’univers. Jamais Sa paternité n'a été associée à un homme particulier. Dans l'Ancien Testament, Dieu est le Père du peuple juif pris dans son ensemble : « Yahvé, tu es notre Père. Nous sommes d'argile et tu es notre potier, nous sommes tous l’œuvre de tes mains. » (Isaïe 64, 7). Le même sens de Père du Peuple Élu – avec un sens collectif - se retrouve ailleurs (Ex. 4, 22 ; Jérémie 31, 9). Que Jésus appelle Yahvé Abbā, papa, tient du pur blasphème.

En effet, en agissant ainsi, Jésus affirme sa divinité. Un autre détail grammatical signale cette revendication. Ainsi, se nomme-t-il lui-même « le » « Fils de Dieu », au sens de fils unique.
Dans l’Ancien Testament, les anges sont appelés « les » fils de Dieu au pluriel dans deux passages ésotériques, un de la Genèse (Genèse 6, 1-4), l'autre du livre de Job (Job 1, 6). Le Christ, quant à lui, se dit « Le » Fils de Dieu au singulier (selon le singulier et l'article défini grec « `o »). « Tout m'a été confié par mon Père; personne ne connaît « le » Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon « le » Fils, et celui à qui « le » Fils veut le révéler » (Mt 11, 27). Subtile distinction, mais qui est parfaitement comprise des juifs : Jésus est LE Fils Unique du Père.

Et Jésus confirme cette prétention en affirmant qu'il existe avant Abraham. Exister « avant Abraham » est une revendication qui fait du Christ plus qu'un homme. En dehors de ceux qui croient en la réincarnation, qui donc peut imaginer avoir existé avant Abraham ? « Les Juifs lui dirent alors : « Tu n'as pas cinquante ans, et tu as vu Abraham ! » Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham existât, Je Suis. » Ils ramassèrent alors des pierres pour les lui jeter ; mais Jésus se déroba et sortit du Temple. » (Jean 8, 57-59). Jésus affirme avoir existé avant Abraham et il le fait en s'attribuant à lui-même, le nom de Dieu. En effet, dire s'appeler « Je suis », revient à se nommer « Yahvé ». Le tétragramme Yahvé est effectivement un mot imprononçable qui correspond à une forme conjuguée du verbe « être » et signifie « Celui qui est »,  ou « Je suis ».

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La façade de la Grande synagogue de Tunis, le Tétragramme
nommant Dieu est au sein de l'étoile de David.

À la fête de la Ḥānukkāh 32, les juifs veulent précisément savoir qui est Jésus et ce qu'il dit de lui-même. Est-il le Messie, c'est à dire le Christ ? Même cette affirmation est osée ! Qu'il se dise Le Fils de Dieu est inconcevable ! Jésus va alors sceller son destin : « Il y eut alors la fête de la Dédicace à Jérusalem. C'était l'hiver. Jésus allait et venait dans le Temple sous le portique de Salomon. Les Juifs firent cercle autour de lui et lui dirent : « Jusqu'à quand vas-tu nous tenir en haleine ? Si tu es le Christ, dis-le-nous ouvertement. » Jésus leur répondit : « Je vous l'ai dit, et vous ne croyez pas. Les œuvres que je fais au nom de mon Père témoignent de moi ; mais vous ne croyez pas, parce que vous n'êtes pas de mes brebis. Mes brebis écoutent ma voix, je les connais et elles me suivent : je leur donne la vie éternelle ; elles ne périront jamais et nul ne les arrachera de ma main. Mon Père, quant à ce qu'il m'a donné, est plus que tous. Nul ne peut rien arracher de la main du Père. Moi et le Père, nous sommes un. » » ...

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Représentation naïve de la Trinité. Le Père et le Fils semblent presque de même âge et l'Esprit
est représenté sous forme de colombe : «
 Moi et le Père, nous sommes Un »
(Les Très Riches Heures du duc de Berry, XVe siècle ; musée de Chantilly).

…. « Les Juifs apportèrent de nouveau des pierres pour le lapider. Jésus leur dit alors : « Je vous ai montré quantité de bonnes œuvres venant du Père ; pour laquelle de ces œuvres me lapidez-vous ? » Les Juifs lui répondirent : « Ce n'est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour un blasphème et parce que, toi, n’étant qu'un homme, tu te fais Dieu. »...
Jésus leur répondit : « Vous dites : « Tu blasphèmes », parce que j'ai dit : « Je suis Fils de Dieu !
Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ; mais si je les fais, quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces œuvres, afin de reconnaître une bonne fois que le Père est en moi et moi dans le Père. »
Ils cherchaient donc de nouveau à le saisir, mais il leur échappa des mains.
» (Jean 10, 23-33).

Le Christ vient d'affirmer sa divinité en disant être « un avec le Père ». Cela rend automatique sa condamnation à mort. Il se réfugie dans la Pérée, située de l'autre coté du Jourdain, là où il a été baptisé par Jean. C'est un territoire toujours sous la juridiction d'Hérode Antipas, mais hors de portée du Sanhédrin*. Il y passe son dernier hiver avec ses disciples.

Jérusalem et ses environs lui sont désormais interdits, au risque de sa condamnation à mort.

* : Jésus, p. 267, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

8. 3. « Lazare, viens dehors ! », « Je suis la Résurrection, qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ! »

Pendant ce dernier hiver, Jésus reste loin de Jérusalem, sous la menace d'une condamnation à mort pour blasphème.

À la fin de l'hiver, Jésus apprend que son ami Lazare, qui vit à Béthanie à 3 kilomètres de Jérusalem, est malade. Il tarde à répondre à l'appel de ses deux sœurs, Marthe et Marie, puis il prévient ses apôtres que Lazare est mort... « et je me réjouis pour vous de n'avoir pas été là-bas, afin que vous croyez » (Jean 11, 15). Partis tardivement, ils arrivent effectivement quand Lazare est mort depuis quatre jours et déjà enterré. Marthe fait remarquer à Jésus que, s'il avait été là, son frère ne serait pas mort. On peut presque entendre les reproches dans ses propos « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort » (Jean 11, 21). Mais elle ajoute aussitôt « Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à  Dieu, Dieu te l'accorderas » (Jean 11, 22).

Marthe va être conduite à une profession de foi qui fait d'elle un prophète d’exception : elle va affirmer que le Christ est le Messie, qu'il est Dieu et le Maître de la vie.
« Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera ! »
« Je sais, dit Marthe, il ressuscitera à la résurrection au dernier jour. »
Jésus lui dit : « Je suis la résurrection, qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu ? »
Elle lui dit : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui vient dans le monde.
» (Jean 11, 23-27).
À la question du Christ - qui s'est identifié lui-même à la résurrection - Marthe vient de passer de la foi juive à la foi chrétienne. Elle a reconnu la divinité du Christ puisqu'elle le sait Fils de Dieu.

Jésus demande où est Lazare. Les amis de Lazare et ses deux sœurs conduisent Jésus au tombeau, « C'était une grotte, avec une pierre placée par-dessus. », précise Jean (Jean 11, 38). Effectivement, les tombeaux juifs du premier siècle étaient ainsi. Après la révolte de 70, les rites juifs d'enterrement changeront.

« Jésus pleura. » (Jean 11, 35).
Ce verset est le plus court de la Bible.


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Le Christ (Saint Andreï Rublev, peintre russe de la fin du XIVe siècle et du début du XVe).

Le Christ vient de confirmer que les morts ressuscitent, comme l'avait prophétisé Daniel, et néanmoins il pleure son ami. Ainsi, nous donne-t-il, à nous aussi, le droit de pleurer nos proches sans honte et sans crainte. Même si nous croyons à la résurrection des morts, les personnes décédées vont nous manquer pendant des années. La Toute-Puissance de Dieu demeure tendresse et bonté.  Dieu ne demande rien de contre nature à l'humanité en deuil. En un seul verset, l'humanité de Jésus pleure Lazare et sa divinité se penche avec compassion sur l'humanité en deuil.
Plus tard, l'islam déconseillera de pleurer un proche et il le fera sans empathie particulière pour les personnes endeuillées. Nous avons vu que, pour la théologie coranique, Allah est responsable de chaque événement terrestre. Pleurer un proche, pourrait donner l'impression que l'on se rebelle contre la volonté divine. Avec une certaine logique, un hadith interdira donc aux personnes en deuil de manifester leur chagrin. « D'après Ibn Omar, quand Afasah pleura devant Omar, celui-ci lui dit : « Doucement, ma fillette ! Ne sais-tu pas que le Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui) a dit que le mort est châtié pour les pleurs qu’il provoque au sein de sa famille » (Mouslim, Sālih, n° 927). Voilà un argument qui n'épargne pas la pression psychologique envers la personne en deuil ! Comment pleurer encore une personne aimée décédée si nos larmes augmentent ses châtiments dans l'au-delà ?

Le Dieu de Jésus-Christ est totalement différent.

« Jésus dit : « Enlevez la pierre ! »
Marthe lui dit : « Seigneur, il sent déjà, c'est le quatrième jour. »
Jésus lui dit : « Ne t-ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. On enleva donc la pierre. Jésus leva les yeux en haut et dit : « Père, je te rends grâces de m'avoir écouté. Je savais que tu m'écoutes toujours ; mais c'est à cause de la foule qui m'entoure que j'ai parlé, afin qu'ils croient que tu m'as envoyé. » Cela dit, il s'écria d'un voix forte : « Lazare, viens dehors ! »
Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes ; son visage était enveloppé d'un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le et laissez-le aller. »
».

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La résurrection de Lazare (Giotto di Bondone (1267-1337),
chapelle Scrovegni ; église de l'Arénaà Padoue)

Jésus reconnaît mettre en scène sa prière avant la résurrection de Lazare pour aider la foule incrédule à croire qu'il a été envoyé par le Père. Alors qu'un geste lui est habituellement suffisant pour accomplir un miracle, il en « fait un peu trop » pour aider les témoins à croire. Mais, une fois de plus, au moment d'accomplir le miracle, il ne dit pas « Au nom de Dieu, Lazare, viens dehors ! » mais simplement « Lazare, viens dehors ! ».
Le Coran précise, lui, que, pour chacun de ses miracles, Jésus les accomplit « avec la permission de son Seigneur » (Sourate 3, 49 ; S. 5, 110), cela n'est pas conforme à ce que disent les Évangiles. Néanmoins, le Coran confirmera lui-aussi que le Christ a ressuscité des morts (Sourate 3, 49).

Ce miracle hors du commun, accompli à 3 kilomètres de Jérusalem, va inquiéter les membres du Sanhédrin. N'ont-ils pas trop tardé en laissant ce blasphémateur troubler le peuple ? Le peuple ne va-t-il pas croire qu'il est le Messie ?

Nous sommes à la fin de l'hiver 33.

8. 4. La réunion du Sanhédrin : fin mars 33, la décision est prise de condamner Jésus à mort.

Cette réunion est racontée par Jean l’Évangéliste, prêtre attaché au Temple (Jean 11, 47-53) et évoquée par Marc, le scribe de Pierre (Marc 14, 1).

Les grands prêtres Caiphe et son beau père Hanne qui dirigent le Sanhédrin, les sadducéens et les pharisiens sont habituellement opposés. Mais, en raison de l’attirance du peuple pour le Christ, ils sont inquiets et laissent tomber leurs divergences pour chercher ensemble une solution.

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Le conseil entre Grands prêtres et pharisiens
(James-Tissot, XIXe siècle ; Brooklyn Museum).

Jésus a été trop loin. Il a annoncé que le Temple serait détruit, il a transgressé la Loi de Moïse et il fait des miracles. Le Peuple murmure qu’il serait le Messie… et sa façon d’être le Messie ne peut convenir, ni aux Pharisiens, ni aux prêtres, ni aux légistes. Transgresser la Loi, refuser le combat armé et se dire Fils de Dieu ne sont pas les attitudes attendues du Messie. Ils se retrouvent pour délibérer sur Jésus. Par ailleurs, ils craignent l'agitation de la foule avec ses conséquences politiques : « Les romains viendront et détruiront notre lieu saint et notre nation » (Jean 11, 48). Leur analyse politique n'est pas erronée. Ils ont la charge de protéger le Peuple Élu et ils craignent à juste titre la réaction des romains. En 70, les romains détruiront effectivement le Temple après la grande révolte juive.

En bon politique, le Grand Prêtre Caïphe fait une remarque cynique : « « Vous n’y entendez rien. Vous ne songez même pas qu’il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne  périsse pas tout entière. » Or, cela, il ne le dit pas de lui-même » ajoute Jean (Jn 11, 49-54), « mais étant Grand Prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation - et non pour la nation seulement, mais encore afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. Dès ce jour-là donc, ils résolurent de le tuer. ».
Caïphe, tout pécheur qu’il est, est soutenu par l’Esprit de Dieu qui honore sa fonction de Grand Prêtre. Il annonce qu'un seul homme va mourir pour sauver le peuple et, par delà, pour sauver l’humanité entière. Parfois, un prophète parle sous l'influence de l'Esprit sans forcement avoir conscience d'être l'instrument de Dieu. Ainsi, Caïphe le pécheur, prophétise-t-il sur la vocation rédemptrice universelle de la passion du Christ !

Les scribes vont avoir l’embarras du choix pour justifier – à leurs propres yeux - sa condamnation à mort. En effet, le Christ a affirmé sa divinité à de multiples reprises (Jean 8, 57-59 ; Luc 5, 20-25 ; Jean 7, 28-30...). Pour les Juifs, cela est suffisant, mais pas forcement pour les Romains qui seuls détiennent le pouvoir de condamner à mort depuis trois ans. Il faudra aux prêtres trouver un prétexte plus politique pour que Pilate prenne la responsabilité de sa condamnation.

Quelques jours avant la Pâque, la possibilité de l'arrêter discrètement leur est proposée : les grands prêtres reçoivent la visite de Judas Iscarioth : « Judas, l’Iscariote, l’un des Douze, alla vers l’un des principaux scarificateurs pour leur livrer Jésus. À cette nouvelle ils se réjouirent et ils promirent de lui donner de l'argent. Et il cherchait une occasion favorable pour le livrer. » (Marc 14, 10-11). Que  voulait vraiment Juda ? Organiser une réunion pour qu'ils se mettent tous d'accord ? Donner l’occasion à Jésus de convaincre les grands prêtres ? Judas, lui qui aime tant l'argent (Jean 12, 6 ; Marc 14, 10) aimerait-il que le Christ revoie ses positions sur la place des finances ? Les Évangiles ne disent rien sur les raisons de sa trahison. Tout ce que l'on peut dire c'est, qu'avec un parfait orgueil, il prend cette initiative sans en parler à personne. Sans doute convaincu de bien agir, il se fait l'instrument du projet criminel des grands prêtres. Dès que les grands prêtres auront livré Jésus à Pilate, et sans attendre sa condamnation à la croix, Judas prendra conscience de son erreur et tentera de rendre l'argent, avant d'aller se pendre : « Alors Judas, qui l'avait livré, voyant qu'il avait été condamné, fut pris de remords et rapporta les trente pièces d'argent aux grand prêtres. » (Matthieu 27,3).

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Judas serre la main du Grand Prêtre (à gauche) en signe d'accord
(Jean Canavesio, 1492, chapelle Notre Dame des fontaines ; Provence).

Si les Grands Prêtres ont besoin de Judas, d'un proche du Christ, c'est pour les renseigner sur l'endroit où il se trouve et l'arrêter discrètement. Tout est prêt désormais pour le moment où Jésus reviendra à Jérusalem...
Mais, pour les grands prêtres, l'arrestation de Jésus ne doit pas avoir lieu au moment de la Pâque. Il s'agit d'éviter de troubler une foule trop nombreuse : « La Pâque et les Azymes allaient avoir lieu dans deux jours, et les grands prêtres et les scribes cherchaient comment arrêter Jésus par ruse pour le tuer. Car Ils se disaient : « Pas en pleine fête, de peur qu'il n'y ait du tumulte parmi le peuple. » (Marc 14, 1-2).

La mort de Jésus, précisément au moment où le Grand Prêtre sacrifie l’agneau pascal pour Israël, n'a pas été voulu par les grands prêtres et les scribes ... Instrument d'un destin qui les dépasse, ils accomplissent la vocation du Peuple Élu (Jean 4, 22 et Sourate 3, 33), celui qui apporte le salut au monde.

La Christ va remplacer pour toujours les sacrifices sanglants d’Israël, car c'est bien au moment précis où le Grand Prêtre sacrifie l’agneau pascal qu'il va mourir en croix, devenant, pour les chrétiens le seul agneau pascal dont le sacrifice est rédempteur.

8. 5. Instaurer la Nouvelle Alliance, une femme prophétise sur la mort du Christ.

Six jours avant la Pâque juive qui sera la dernière, Jésus est à Béthanie chez ses amis, Lazare, Marthe et Marie qui sont frère et sœurs.
Jean raconte : « On lui fit un repas, Marthe servait. Lazare était l'un des convives. Alors Marie, prenant une livre d'un parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux : et la maison s'emplit de la senteur du parfum. » (Jean 12, 1-8).

Une fois de plus, nous voyons que les femmes ont un libre accès au Christ. Jésus ne s'adresse pas qu'aux hommes, mais à tous. La seconde moitié de l'humanité, celle regroupant les femmes, est toujours présente dans les Évangiles, même si elle est souvent oubliée par les hommes. Dans le Coran, Mohamed s'adresse aux hommes, au sens de « mâles ». Les femmes sont concernées par l'islam, c'est exact (Sourate 33, 35) ; mais la parole coranique est offerte d'abord aux êtres masculins : « Mohamed n'est le père d'aucun des vôtres » (S. 33, 40), dit le Coran à ses fidèles alors que Mohamed est déjà père de deux filles adultes. Le Coran s'adresse donc aux mâles, indifféremment djinns ou humains (S. 114).

Marie essuie les pieds du Christ avec sa chevelure. Il s'agit d'un geste extrêmement sensuel dans l'antiquité. Le Christ ne fait aucune allusion à la chevelure libre de la femme, ni d'ailleurs aucune des personnes présentes. Le voile des femmes n'était pas une obligation doctrinale issue de la Loi de Moïse. Il s'agissait seulement d'une habitude vestimentaire. Le geste en lui même n’appelle donc aucun commentaire. Les témoins vont contester un autre point. « Judas l'Iscariote, l'un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit « Pourquoi ce parfum n'a-t-il pas été vendu trois cents deniers qu'on aurait donnés à des pauvres ? » Mais il dit cela, non par souci des pauvres, mais parce qu'il était voleur et que, tenant la bourse, il dérobait ce qu'on y mettait. » (Jean 12, 5-6).
Au sujet de notre réflexion sur les éléments culturels qui permettent de dater la rédaction d'un texte, on peut remarquer que le denier était effectivement une monnaie contemporaine du Christ : il s'agit d'une pièce romaine frappée depuis trois siècles nommée « denarius » en latin.

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Onction de Béthanie
(Pierre Paul Rubens, vers 1620 ; Musée de l'Ermitage ; Saint-Pétersbourg).

« Jésus dit alors : « Laisse-la : c'est pour le jour de ma sépulture qu'elle devait garder ce parfum. Les pauvres, en effet vous les aurez toujours avec vous ; mais moi, vous ne m'aurez pas toujours. » (Jean 12, 7-8).

Voilà mises en parallèle deux actions saintes : la charité envers les pauvres et les actes d'adoration. Le Christ ne va pas les opposer mais les regrouper. Le parfum de prix dont les pieds du Christ sont oints, représente tous les actes d'adoration que les croyants accompliront au cours des siècles. Les hommes ont besoin de rituels liturgiques, cela est nécessaire à leur nature humaine.
Le Christ ne prescrit pas le détail de cette liturgie, mais il autorise les hommes à Le célébrer dans des cérémonies magnifiques, quitte à revêtir des vêtements liturgiques somptueux, à brûler de l'encens précieux et à Le chanter par des musiques d’exception. Cela ne nuit en rien à la charité due aux pauvres. Au contraire, la magnificence de la liturgie nourrit la foi des hommes. La foi des hommes dans le Christ nourrit la charité envers les pauvres. Il doit en être ainsi.
Un chrétien sait que seule la foi en Jésus-Christ est à l'origine d'un authentique amour du prochain. L'observation du monde peut en effet laisser penser qu'aucune bonté envers les pauvres ne peut être efficiente et réelle en dehors de son ancrage spirituel dans le Christ. Dans les siècles qui viendront, les idéologies qui penseront servir les pauvres en niant la transcendance divine - voire même en imposant l'athéisme - prouveront par leurs crimes atroces qu'il n'y a pas d'amour du prochain authentique et durable sans ancrage spirituel. De même, dans nos sociétés démocratiques, les droits de l'homme imposeront peut-être, un jour, la solidarité entre les hommes... mais on peut se demander si celle-ci remplacera réellement l'amour du prochain ? La solidarité imposée par l'état entretient la dépendance. N'est-elle pas le contraire de la véritable charité qui essaie de remettre l'homme debout et de le rendre autonome ? Aimer le prochain ne se limite pas aux transferts sociaux mais demande de restaurer les individus dans leur dignité. N'est-il pas parfois plus charitable de parler à un clochard – de lui rendre sa place dans l'humanité en le traitant comme un égal - que de lui donner une pièce ? Sans vouloir aller trop loin dans l'interprétation, le Christ refuse ici la matérialisation de la charité. La charité ne peut pas être limitée à un transfert de biens matériels. Pour être charitable, il faut être bienveillant, respectueux et sans désir de maintenir l'autre dans la dépendance. Il semble que l'authentique amour du prochain ne puisse naître que de l'amour de Dieu, nourri par la prière et le sens du sacré : il faut savoir oser le geste matériellement inutile – comme Marie de Béthanie - pour être réellement charitable. Judas l'Iscariote incarne, ici, tristement, ceux qui prétendent faire acte de charité, mais qui succombent en fait au désir de se faire une belle âme. Leur charité est tournée vers le désir d'avoir une bonne opinion d'eux-mêmes, plutôt que vers le prochain et ses authentiques besoins. Pour ne donner qu'un exemple, les dons massifs de vêtements plus ou moins usagés à l'Afrique, satisfont nos âmes conformistes et notre politiquement correct, mais ils ont ruiné l'économie africaine. En effet, ils ont interdit son développement en rendant non compétitive son industrie textile, qui est, là bas comme ailleurs, le premier stade de l'industrialisation d'un pays. Aimer l'autre ne peut pas se limiter à lui donner de l'argent ou des biens matériels... encore faut-il que cet argent lui rende réellement service, et surtout que l'on imagine pas pouvoir faire l'économie de la bonté – et de l’intelligence de la bonté - sous prétexte que l'on a donné de son argent. Limiter la charité au don d'argent, n'est-ce pas une autre façon de succomber – plus subtilement mais réellement - à l'idole de l'argent en lui donnant un rôle excessif ?

Marie, en parfumant le Christ, le prépare symboliquement à sa sépulture ; les femmes sont prophètes.
Le Christ le proclame : « En vérité, je vous le dis, partout où sera proclamé cet Évangiles dans le monde entier, on redira aussi, à sa mémoire, ce qu'elle vient de faire. » (Matthieu 26,13 ; Marc 14,9).
L'acte mystique – disons même sentimental - de Marie se voit parer d'une aura prophétique par le Christ. Elle a annoncé, probablement sans le vouloir, qu'il allait mourir. Mais n'est-ce pas cela un prophète : quelqu'un qui proclame quelque chose de Dieu comme une évidence et sans prendre conscience que sa parole - ou son geste - a d'inspiré ? Le prophète est l'outil de l'Esprit, mais il n'est dépositaire d'aucun pouvoir individuel surnaturel.

Et Jésus, Verbe de Dieu, signale à nouveau par un comportement, plus que par une parole, une chose qui n'a pas d'importance pour l'instant mais en prendra par la suite quand l'islam imposera le voile aux femmes au nom de Dieu (S. 33, 59) : les femmes n'ont aucune obligation de se voiler. Une chevelure libre n'appelle donc aucun commentaire de la part du Christ, Verbe de Dieu ...

8. 6. Instaurer la Nouvelle Alliance, l'entrée à Jérusalem.

Pour la Pâque qui approche, le Christ quitte Bethanie et part vers Jérusalem le 27 mars 33. Malgré le risque de l'arrestation qui pèse sur lui, il se rend à la ville sainte pour le grand pèlerinage de la Pâque. Une grande foule le suit (Matthieu 20, 29).

En chemin, le Christ guérit un aveugle qui l’interpelle au bord du chemin (Marc 10, 47). L'homme guéri se met à le suivre en proclamant sa joie. L'arrivée messianique - prévue par Isaïe avec la guérison des aveugles - semble se réaliser devant les yeux de la foule (Isaïe 35, 5) (*1).
À l'entrée de Jérusalem, Jésus s'arrête au mont des Oliviers. C'est en effet de là que doit venir le Messie pour le dernier combat de Dieu pour sauver monde. Ainsi l'avait annoncé Zacharie (Za 14, 1-4).
Dans chacun de ces signes qui reprennent des prophéties messianiques de l’Ancien Testament, le peuple voit la confirmation de son intuition. Le Christ ne serait-il pas le Messie ?

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Le Christ entre à Jérusalem
(Duccio di Buoninsegna (1255-1319) ; Sienne)

Le Christ envoie ses disciples chercher un âne pour entrer dans Jérusalem (*2). Jésus leur demande de justifier cette réquisition par cette seule phrase : « Le Seigneur en a besoin » (Marc 11, 3 et Luc 19, 31). En réquisitionnant un moyen de transport, il revendique ainsi la royauté. En effet, c'était un privilège royal que de pouvoir réquisitionner un moyen de transport. Une fois de plus, avec subtilité, il s’affirme roi par cette simple demande. Par la même phrase, il accomplit une prophétie de Zacharie, une prophétie presque enfantine, mais qui donne sens au type de royauté qu'il revendique : « Dites à la fille de Sion : Voici que ton Roi vient vers toi ; modeste, il monte une ânesse, et un ânon, petit d'une bête de somme. » (Zacharie 9, 9). Le Christ confirme ainsi, et sa Royauté, et son humilité. Sa royauté n’est basée, ni sur la richesse, ni sur la domination, ni sur le pouvoir : le Christ ne sera jamais armé, ni puissant au sens politique du terme.

Les disciples jettent leurs manteaux sur l'âne pour que le Christ s’installe dessus. Les juifs jettent à leur tour leur manteau sur la route en l'acclamant avec les paroles du Psaume 118 : « Notre père David ! Hosanna au plus haut des cieux ! », « Béni soit au nom de Yahvé celui qui vient ! » (Ps 118, 26). Le Psaume 118 était devenu pour le peuple juif le signe de l'arrivée du Messie. Le Messie est « angoissé » (verset 5), « bousculé » (verset 13), « mourant » (verset 17), mais également promis à un avenir fondateur malgré les apparences : il est la « Pierre rejetée par les bâtisseurs [qui est] devenue la tête de l’angle » (verset 22). Il est celui dont on attend victoire et salut : « De grâce, Yahvé, donne le salut ! De grâce, Yahvé, donne la victoire » (verset 25). Le Psaume annonce que le peuple fêtera le triomphe du Messie : « Serrez vos cortèges, rameaux en main », (verset 27). Le peuple finalement rendra grâce à Dieu : « C'est toi, mon Dieu, je te rends grâce, mon Dieu, je t'exalte ; je te rends grâce, car tu m'as exaucé, tu fus pour moi le salut. Rendez grâce à Yahvé, car il est bon, car éternel est son amour » (versets 28-29).


BENEDICTUS (messe de Sainte-Cécile, Gounod, XIXe siècle, chantée par Ruzanna Nahapetjan avec un chœur d'hommes ; église Saint-Martin
de Doesburg, Pays-Bas). Paroles de la liturgie précédant la consécration à la messe : «
Bénis soit celui qui vient au nom du Seigneur, Hosanna
au plus haut des cieux ». Ces paroles sont la reprise exacte de l'acclamation de la foule quand le Christ entre à Jérusalem.

Que ce soit dans Isaïe, dans Zacharie, ou dans les Psaumes, les prophètes ont annoncé un Messie souffrant et rejeté. Les puissants n’ont pas voulu entendre la voix des prophètes et ont fait l’hypothèse d’un Dieu des combats. Le Messie va accomplir sa vocation éternelle de « Fils-Unique-engendré » en ignorant les fantasmes dérisoires des hommes, leurs rêves de puissance, de réussite et de domination. Le scandale d’un Dieu crucifié restera toujours une hérésie pour les juifs, une folie pour les païens et une impossibilité pour les non chrétiens. Paul le comprend fort bien : « Nous, nous prêchons le Christ crucifié ; scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1 Corinthiens 1, 23).
Le Coran, bien plus tard, affirmera que la mort en croix du Christ n’était qu'une illusion : « [les juifs disent] : « Nous avons vraiment tué le Christ ; Jésus, fils de Marie, le messager de Dieu ! … Or, ils ne l'ont pas tué ni crucifié ; mais on leur a apporté quelque chose de ressemblant ! Oui, et ceux qui divergent, à son sujet, en ont certainement un doute : ils n'en ont d'autre science que la poursuite d'une conjoncture. Car ils ne l'ont certainement pas tué, mais Dieu l'a élevé vers Lui... » (Sourate 4, 157-158 ; trad. Hamidullah). Selon le Coran, il semble inconcevable que l'envoyé de Dieu souffre : Allah le Dieu Tout-puissant dans le monde aurait agi ! Mais cette conviction coranique d'un remplacement du Christ en croix par un sosie a une origine bien connue et nous y reviendrons. Ce n'est en effet qu'à partir du IIe siècle qu'on verra apparaître l'idée que le Christ n'est pas mort en croix. Personne, au premier siècle, ne va douter de sa mort crucifié. Nous le verrons.

En attendant, le peuple juif vient de faire au Christ une véritable entrée messianique à Jérusalem, Messie trônant sur un ânon, monture dérisoire, symbole de sa non violence et de sa royauté dépouillée de toute puissance humaine.

Tout Jérusalem se met à bruisser de questions à son sujet : « Lorsqu'il entra dans Jérusalem, toute la ville fut émue, et l'on disait : Qui est celui-ci ? La foule répondait : C'est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée. » (Mat. 21, 10-11).

Le Christ entre à Jérusalem pour sa dernière Pâque.

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L'entrée à Jérusalem (Giotto di Bondone, 1300, Chapelle des Scrovegni ; Padoue).

* : Jésus de Nazareth : de l'entrée à Jérusalem à la Résurrection, *1 : p 16 / *2 : p 17-19; Benoît XVI,  Rocher, 2011.

8. 7. De la pression sociale à la peur.
Le peuple juif est soumis aux autorités en place, autorité politique des occupants romains et religieuse des juifs. Même les notables, même les membres du milieu sacerdotal, ne sont pas libres de leurs engagements. Nicodème est un notable sincèrement touché par le Christ, mais il vient le voir de nuit afin de n'être pas vu (Jean 3, 1). Jean l’Évangéliste - le rédacteur de l'Évangile et non l’Apôtre fils de Zébédée - est un disciple secret. En effet, il appartient au milieu sacerdotal de Jérusalem et il est manifestement resté discret. Joseph d'Arimathie fait partie du Sanhédrin, il est fidèle au Christ, mais lui aussi sans le dire (Jean 19, 38-39). Seuls eux trois vont accompagner le Christ jusqu'au tombeau.

Au cœur de Jérusalem contrôlée par les romains, la loi de Moïse est défendue par différents courants. D'abord, les sadducéens qui détiennent la représentation matérielle du pouvoir religieux : le Temple est à eux. Le Christ stigmatise les trafics commerciaux qui ont fait du Temple un « repère de brigands » (Matthieu 21, 13 ; Marc 11, 17 ; Luc 19, 46 ; Jean 2, 16).
Ensuite, les pharisiens qui exigent le respect scrupuleux de la Loi. Le Christ les accuse de faire porter aux autres des obligations légales, divines, qu'eux-mêmes ne portent pas (Matthieu 23, 1-7 et Luc 11, 46). « Malheur à vous, docteurs de la Loi et pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis » (Matthieu 23, 27) ; en effet, les pharisiens « lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent de les remuer du doigt » (Matthieu 23, 4). En imposant aux autres des obligations qu'ils ne supportent pas eux-mêmes, les pharisiens sont convaincus de parler au nom de Dieu : pour le Christ, ils en deviennent des « hypocrites » et « des sépulcres blanchis ». En symétrie, on peut penser à l'obligation de porter le voile (Sourate 33, 59) ou de vivre la polygamie (S. 4, 3) pour les femmes en islam. Ces lois sont proposées par un homme, Mohamed, qui échappe lui-même à la contrainte et qui affirme  - tout comme les pharisiens - parler au nom de Dieu.

Chacun de ces deux groupes juifs a ses exigences. Tous prétendent être légitimes car ils sont convaincus de défendre la Loi de Dieu et Sa volonté. Au nom d'une loi divine, ils menacent de stigmatisation sociale : « Toutefois, il est vrai, même parmi les notables, un bon nombre crurent en [Jésus], mais à cause des Pharisiens, il ne se déclaraient pas, de peur d'être exclus de la synagogue. » (Jean 12, 42).
Assez étrangement, l’islam reprendra des moyens de pression basés sur le contrôle communautaire et y ajoutera les menaces de châtiments dans l'au-delà. Selon ce principe, la fidélité du croyant ne semble garantie que par la pression communautaire sur l'individu, comme si on doutait des choix individuels. Par exemple, le Coran suggère qu'un homme a le droit - issu de ses habitudes masculines - d'importuner les femmes non voilées : « Ho, le Prophète ! Dis à tes épouses, et à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles : elles en seront plus vite reconnues et exemptes de peine. » (S. 33, 59). Cette pression communautaire pour obtenir le respect d'un ordre moral est renforcée par la promesse de châtiments dans l’au-delà : « Mais ayez peur de Moi, [Allah], si vous êtes croyant. Qu'ils ne te (à toi Mohamed) causent pas d'affliction, ceux qui concourent en mécréance. En vérité, ils ne saurant en rien nuire à Dieu. Allah tient à ne pas leur assigner de part dans l'au-delà. Et pour eux un énorme châtiment. » (Sourate 3, 175-176).

Sous Pilate, le climat religieux est à la peur et à la suspicion.


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Détail du tympan de Sainte-Foy (XIIe siècle ; Conques).

La crainte habite le peuple et lui-même réagit avec violence dès que sa foi semble menacée par les romains. Les romains ont cependant toujours respecté les différences religieuses, quand les croyances des peuples conquis ne mettaient pas en danger la stabilité de l'état. Par exemple, le monolithisme strict des juifs leur interdisait de sacrifier devant la statue de l'empereur, et cela avait été admis. Mais les juifs tolèrent mal le paganisme romain. Ainsi, le recensement de Quirinius en 6 touchait-il à une prérogative divine pour les juifs : seul Dieu a le droit de dénombrer son peuple (Ex 30, 12). En 6, Juda le Galiléen a donc pris la tête de la révolte ; lui et les siens ont été crucifiés. Depuis, le pays est sporadiquement agité par des révoltes violentes. Quand Pilate introduit des enseignes militaires portant l'aigle impériale – symbole religieux païen -  dans le Temple, le peuple se rebelle. Les juifs préfèrent se laisser égorger plutôt que de renoncer. Les fils d'Hérode doivent solliciter l'empereur Tibère lui-même, qui exige de Pilate qu'il fasse marche arrière. Ces mouvements de rébellion – parfois armés, toujours sanglants - trouveront leur expression finale dans la grande révolte de 66. Mais cette agitation populaire n'est pas organisée en mouvement cohérent, il s'agit de révoltes sporadiques qui signalent une ambiance générale. Les témoignages antiques relèvent bien l'ambiguïté de cette situation. Philon d’Alexandrie stigmatise Ponce Pilate, le préfet romain, « sa vénalité, sa violence, ses vols, ses assauts, sa conduite abusive, ses fréquentes exécutions des prisonniers qui n’avaient pas été jugés, et sa férocité sans bornes » (Philon, Légation à Caïus, 302). Là où Tacite nous raconte que finalement « la Judée... fut tranquille sous Tibère. » (Tacite, Histoire, V, 9, 6).

Face la violence psychique religieuse et la contrainte de l'occupation romaine, la violence physique populaire semble prête à jaillir, mais elle est habituellement contenue. Au cœur de cette situation conflictuelle, le Christ critique la dureté habituelle des puissants, qu'ils soient politiques ou religieux. Mais, il refuse également toute résistance armée et il déconseille la vengeance. Il interdit de juger le prochain et appelle à pardonner à ses ennemis. Il commande d'aimer les pauvres et ses adversaires, ce qui signifie que l'on doit aspirer à leur faire du bien.

Et, le peuple juif accueille le Christ avec joie, voire avec enthousiasme, même s'il craint d'exprimer sa pensée. À la fête des Tentes 32, après la Transfiguration, Jésus monte à Jérusalem et enseigne avec autorité dans le Temple. Chacun se pose alors des questions, « pourtant personne ne s’exprimait ouvertement à son sujet par peur des Juifs » (Jean 7, 13).


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(Détail du Jugement dernier de Michel Ange, 1541 ; Chapelle Sixtine).

8. 8. De la peur à la haine.
Le peuple juif a peur.
Les parents de l’aveugle de naissance n'osent pas témoigner de sa guérison miraculeuse « par peur des juifs, car déjà les juifs étaient convenus que, si quelqu'un reconnaissait Jésus pour le Christ (c'est à dire le Messie), il serait exclu de la synagogue » (Jean 9, 22).
Le peuple craint les légistes et il accueille joyeusement le Christ quand il leur cloue le bec, même, s'il est probable que ses arguments théologiques le dépassent. Au cours d'une discussion avec les scribes, le Christ va citer le Psaume 110 pour annoncer sa divinité : « Jésus disait en enseignant dans le Temple : « Comment les scribes peuvent-ils dire que le Christ est fils de David ? C'est David lui-même qui a dit par l'Esprit-Saint : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : siège à ma droite, jusqu'à ce que j'aie mis tes ennemis dessous tes pieds. David en personne l'appelle Seigneur, comment alors peut-il être son fils ? » Et la foule nombreuse l'écoutait avec plaisir. » (Marc 12, 35-37).

En effet, par Marie, l'homme Jésus est fils de David ; et, en tant que « Fils Unique du Père », donc en tant que Dieu, il est le Seigneur de David ! Ainsi, le Christ affirme-t-il et son humanité et sa divinité. Le peuple a-t-il compris ces subtils arguments ? Sans doute pas, mais il écoute avec plaisir le Christ pousser les scribes dans leurs retranchements !

Les légistes, scribes et pharisiens ne sont pas aussi spontanés que le peuple. Ils dialoguent avec le Christ de façon biaisée, pleine de pièges et de manœuvres retorses. Quand ils lui demandent par quelle autorité il a chassé les marchands du Temple, « Jésus leur dit : « Je vous poserai une seule question. Répondez-moi et je vous dirai de quelle autorité je fais cela. Le Baptême de Jean  était-il du ciel ou des hommes ? Répondez-moi. » Or, ils se faisaient par-devers eux ce raisonnement : « Si nous disons : « Du ciel », il dira : « Pourquoi n’avez-vous pas cru en lui ? » Mais allons-dire : « Des hommes » ?... » Ils craignaient la foule car tous tenaient que Jean avait été réellement un prophète. Et ils font à Jésus cette réponse : « Nous ne savons pas. » Et Jésus leur dit : «  Moi non plus, je ne vous dis pas par quelle autorité je fais cela. » (Marc 11, 29-33).
Pendant tout le ministère de Jésus, ceux qui refusent de l’accueillir comme Messie lui tendront des pièges avec des raisonnements spécieux. Ce n’est pas très différent de l’attitude de ceux qui, de nos jours, refusent d’écouter sa parole. Ils scrutent les Évangiles avec des raisonnements pleins de contresens et parfois de m auvaise foi pour faire dire aux Évangiles ce qu'ils ne disent pas. La loi est un esclavage, en sortir demande du courage. Il peut sembler plus confortable et moins risqué de rester prisonnier du conformisme social ou religieux plutôt que de se risquer à une réflexion libre et objective.
C'est l’expérience de l'Exode et c'est l'expérience de tout homme ! Les Hébreux de Moïse avaient expérimenté les risques de la liberté. Au désert, ils avaient regretté le confort de l'esclavage : « Les Israélites dirent : « Que ne sommes-nous morts de la main de Yahvé au pays d’Égypte, quand nous étions assis auprès des marmites de viande et mangions du pain à satiété ! » (Exode 16, 3). Par exemple, aujourd’hui, combien d'entre nous sont toujours perturbés à l'idée de regarder ce que la science et l'histoire nous disent de l'élaboration de nos monothéismes, de tous nos monothéismes, judaïsme, christianisme et islam. Il ne s'agit pas de dire que notre réflexion ne peut être contestée. Chacun a naturellement le droit de ne pas adhérer à une présentation chrétienne de faits historiques. Mais certains croyants, et en particulier les musulmans, pourraient sans doute s'interroger sur leur peur d'être châties par Dieu s'ils osent chercher des vérités dérangeantes. Nous préférons tous les « marmites de viande » des esclaves en Égypte, c'est à dire la sécurité du conformisme, à la libération offerte par la Vérité. Le conformisme religieux interdit bien souvent de s'interroger sur les vérités scientifiques et humaines. Les agnostiques ou les athées, qui ne craignent pas de châtiment divin, préfèrent eux-aussi un conformisme, celui du politiquement correct ambiant, largement anticlérical et athée en occident de nos jours.

La Loi pousse à l’hypocrisie, au conformisme et à la peur... Toutes les lois, humaines ou divines, donnent envie de se soumettre pour échapper aux châtiments. Les lois humaines sont naturellement légitimes pour maintenir la cohésion sociale et, dans ce domaine, la peur du châtiment peut sans doute avoir son utilité... Mais ces lois, en raison de leur origine humaine, ne sont pas définitives, elles varient au fil du temps au gré de l'évolution des sociétés. À l'opposé, une Loi divine - ou supposé telle – n'a aucune raison d'être modifiée. Elle fait donc subir une contrainte définitive sur l'homme.
Le Christ va offrir une échappatoire aux hommes : les affranchir de la Loi religieuse - celle de Moïse pourtant inspirée par Yahvé -, les libérer de son esclavage, de ses rites obsessionnels, de sa cruauté envers les pécheurs et de ses approximations humaines. En transgressant la Loi de Moïse, Jésus est venu chercher le peuple dans sa peur. Il l'accompagne et lui donne le moyen – par l'Esprit - d'aller jusqu'au bout de son affranchissement. Il ne s'agit pas de révolution mais de libération spirituelle. Mais beaucoup n'ont pas le courage de se libérer de l'esclavage de la Loi en accédant à la liberté spirituelle offerte par le Christ. Rendus amers par leur esclavage, ils restent recroquevillés sur leur peur ... et ils en conçoivent de la haine pour le Messie et pour tous ceux qui l'ont accepté.


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Prisonniers de leur peur et de leur conformisme, les hommes conçoivent de la haine pour le Christ
(
Ecce Homo, Quentin Massys, XVIe siècle).


Ce ne sont ni les juifs, ni les romains, qui ont conduit Jésus à la croix, mais ce sont bien nos péchés, notre endurcissement à pécher, et notre refus de la libération offerte par le Christ ; et ce, depuis le premier homme en Adam et jusqu’au dernier homme à la fin des temps...
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:35

CHAPITRE 8 : LE CHRIST INSTAURE LA NOUVELLE ALLIANCE POUR L'HUMANITÉ.
Avril 33.


8. 1. Instaurer la Nouvelle Alliance, la métaphore du Bon Pasteur.
8. 2. Jésus fête Ḥānukkāh à Jérusalem le 20 décembre 32 : « Moi et le Père, nous sommes un ! »
8. 3. « Lazare, viens dehors ! », « Je suis la Résurrection, qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ! »
8. 4. La réunion du Sanhédrin : fin mars 33, la décision est prise de condamner Jésus à mort.
8. 5. Instaurer la Nouvelle Alliance, une femme prophétise sur la mort du Christ.
8. 6. Instaurer la Nouvelle Alliance, l'entrée à Jérusalem.
8. 7. De la pression sociale à la peur.
8. 8. De la peur à la haine.

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8. 9. Jeudi 2 avril 33, le 13 de Nisan. Instaurer la nouvelle Alliance, le lavement des pieds, les chefs doivent servir.
8. 10. Instaurer la Nouvelle Alliance, l'Eucharistie, le jeudi 2 avril 33.
8. 11.  Les adieux, l'annonce de la trahison de Judas et du reniement de Pierre.
8. 12. Les adieux, l'intimité au cœur de la Trinité est révélée.
8. 13. L'agonie.
8. 14. L’arrestation.
8. 15. Le Suaire de Turin, les témoignages historiques de ses déplacements sur 2000 ans.
8. 16. Le Suaire de Turin, les preuves scientifiques.
8. 17. La comparution chez le Grand Prêtre Hanne a lieu le vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan à la fin de la nuit.

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8. 18. Le jugement chez Pilate, le vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan.
8. 19. Le jugement chez Hérode, le Christ est innocent.
8. 20. Instaurer la Nouvelle Alliance, le Christ est couronné d'épines, son Royaume n'est pas de ce monde...
8. 21. Jésus porte sa croix.
8. 22. La crucifixion, vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan.
8. 23. Le partage des vêtements, la tunique d'Argenteuil.
8. 24. La crucifixion est publique, les condamnés parlent devant témoins.
8. 25. La  Nouvelle Alliance, le coup de lance : une fontaine est ouverte pour laver les péchés.
8. 26. La descente de Croix, le Sudarium d’Oviedo.
8. 27. Le Christ est porté au tombeau qui est scellé et gardé.

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Dernière édition par Pierresuzanne le Dim 06 Avr 2014, 05:44, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:37

CHAPITRE 8 (SUITE) : LE CHRIST INSTAURE LA NOUVELLE ALLIANCE
POUR L'HUMANITÉ. Avril 33.

8. 9. Jeudi 2 avril 33, le 13 de Nisan. Instaurer la nouvelle Alliance, le lavement des pieds, les chefs doivent servir.

Jean est le fils d'une famille sacerdotale de Jérusalem, il possède donc une maison dans la ville sainte. Ce sont de petits détails de son Évangile qui nous apprennent que le dernier dîner du Christ a eu lieu chez lui. Lors du dîner, Pierre fait une demande discrète à Jean, à « celui que Jésus aimait » (Jean 13, 24). Pierre lui demande de poser une question à Jésus (Jean 13, 24) et celui-ci se « penche vers la poitrine du Seigneur » (Jean 13, 25). Jean était donc installé entre les deux hommes. Cela signale que Jean était l’hôte – qu'il recevait les disciples chez lui - et qu'il avait placé à sa droite le Christ, personne la plus importante, et à sa gauche Pierre, le deuxième dans l'ordre de la préséance. Le repas est servi à la romaine. Sur chaque banquette, trois convives prennent place allongés, appuyés sur le coude gauche : Jésus, Jean et Pierre sont sur la même banquette. Il semble bien que Judas ait été sur la banquette adjacente à celle du Christ, puisque celui-ci lui tendra une bouchée sans se déplacer lors du repas (Jean 13, 26). Le lieu de ce dernier repas a été identifié en 1951, par l’archéologue Jacob Pinkerfeld : une église primitive bâtie entre 73 et 75 a été découverte sur les restes d'une maison détruite par les romains en 70*. Elle est structurée comme une synagogue avec une niche pour les rouleaux de la Torah, mais elle n'est pas orientée vers le Temple comme le sont les synagogues. Elle est orientée vers le tombeau du Christ. Des inscriptions du premier siècle, des invocations à Jésus, ornent ses murs. Il s'agit de l’« église des Apôtres », la première église de la chrétienté*, construite très vraisemblablement à l'emplacement de la maison de Jean, là où la Cène, le dernier repas du Christ, a eu lieu.

La date de ce dernier repas est source de discussions inépuisables. À la suite de l'historien Jean-Christian Petitfils, nous prendrons l’Évangile de Jean comme référence chaque fois que le doute subsiste, puisqu’il est le seul des quatre Évangiles à être organisé chronologiquement. Le Christ va prendre son dernier repas, le 13 de Nisan, soit le jeudi 2 avril 33. En effet, ce dernier repas a eu lieu « avant la fête de la Pâque » (Jean 13, 1). La Pâque débute le 14 de Nisan dans l'après midi. Cette année-là, le 14 de Nisan tombe un vendredi, le vendredi 3 avril 33. Chaque année, la célébration de la pâque commence par le sacrifice des agneaux dans l'après-midi du 14 de Nisan, se poursuit par le repas pascal en soirée et se prolonge le lendemain, le 15 de Nisan. C'est donc le jeudi 2 avril, le 13 de Nisan, que Jésus prend son dernier repas dont il fait un repas pascal. Il anticipe ainsi de 24 heures sur la fête juive. Il commence la fête avec un étrange rituel :
«[Jésus] se lève de table, dépose ses vêtements, et prenant un linge, il s’en ceignit. Puis il met de l’eau dans un bassin et commença à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. » (Jean 13, 4-5). On peut donc supposer que Jésus a commencé à laver les pieds de Jean le disciple qui est tout de suite à sa gauche.

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Jésus lave les pieds des disciples
(Giotto di Bondone, 1305, Chapelle des Scrovegni ; Padoue).

Le convive suivant est Pierre. « Il vient donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « Seigneur, toi, me laver les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent ; par la suite tu comprendras. » Pierre lui dit : « Non, tu ne me laveras pas les pieds, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi. « Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit: « Qui s’est baigné n’a pas besoin de se laver ; il est pur tout entier. Vous aussi, vous êtes purs, mais pas tous. » Il connaissait en effet celui qui le livrait… » (Jean 13, 5-11).

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La perplexité de Pierre quand Jésus lui lave les pieds
(mosaïque du XIe siècle, monastère Néa Moní ; île grecque de Chios).

La purification spirituelle n’est pas un lavage à l’eau. Le lavage est un signe symbolique qui accompagne, encourage, signale la grâce divine de purification. Pierre n’a pas besoin de se faire laver la tête si la grâce du Christ lui est offerte. Les rituels ne sont que des symboles, la réalité de la grâce est spirituelle. Pierre ne l’a toujours pas compris. Étonnant Pierre, qui témoigne par sa spontanéité à quel point, sans la mort et la résurrection du Christ, le christianisme n'aurait jamais existé. À la veille de la mort du Christ, Pierre, le futur chef de l’Église n'a toujours pas compris le message du Christ !
« Quand il leur eut lavé les pieds, qu’il eut repris ses vêtements et se fut remis à table, il leur dit : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns les autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous. » (Jean 13, 12-15).

Les chefs doivent servir : « Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous. Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même, n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » (Mc 10, 41-45). Matthieu (20, 24-28), Luc (22, 24-27) racontent la même scène. Au regard du Christ, voilà la seule façon dont l'autorité peut être assumée de façon sainte : le chef est un bon pasteur qui se met au service de son troupeau jusqu'à donner sa vie pour lui. Diriger est un service, non un privilège. Il devrait en être ainsi dans toutes les institutions chrétiennes et particulièrement ecclésiales. Voilà ce qui corrige ce que le sacerdoce des hommes peut avoir de frustrant pour les femmes dans l’Église. Elles ne sont pas dominées par la prêtrise des hommes, mais servies par les « chefs » de l’Église, les prêtres, les patriarches ou les évêques. Ainsi le souhaite le Christ. Il ne tient qu'au péché des hommes qu'une autre impression puisse être donnée.

Pierre va accompagner le Christ pendant toute la passion avec sa fougue, sa générosité, son  incompréhension et sa terreur.
Il est là avec toute son humanité. Malgré sa force et son courage, il va mettre en évidence sans le vouloir le caractère surnaturel du Christ qui va marcher librement vers la plus abjecte des morts.

* : Jésus, Jean-Christian Petitfils, p. 295, Fayard, 2011.

8. 10. Instaurer la Nouvelle Alliance, l'Eucharistie, le jeudi 2 avril 33.

« J'ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. » (Luc 22, 15). Traditionnellement, lors du repas pascal, le chef de famille raconte la fuite du Peuple Élu qui quitte l’Égypte sous la direction de Moïse. On mange des herbes amères en souvenir de l'amertume de l'esclavage. On se remémore la libération de l’esclavage et on rend grâce à Dieu. Le pain azyme, non levé, est partagé pour se souvenir que le départ a été précipité et que le pain n'a pas eu le temps de lever. On mange l’agneau pascal, sacrifié au Temple l'après-midi même. Le repas est rythmé par la bénédiction de quatre coupes de vin. Dans la tradition juive, la quatrième coupe n'est pas bue. Elle est nommée la coupe d’Élie, c'est celle du messager du Messie*. C'est cette dernière coupe qui va être utilisée par le Christ pour un usage nouveau ...

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Famille juive à la table du Séder, partageant une coupe de vin, lors de la fête de Pessa'h commémorant la libération de
l'esclavage d’Égypte
(Haggadah de Sarajevo, Saragosse, 1350 ; Musée national de Bosnie-Herzégovine).

Lors du dernier repas du Christ, il n'y a pas d'agneau, puisque Jésus a anticipé le repas de 24 heures. Les sacrifices d'agneaux n'auront lieu au Temple que le lendemain après-midi. La Pâque qu'il inaugure ce soir est différente. Le Christ va reprendre deux des aliments traditionnels de la Pâque juive – le pain et le vin – pour leur donner une nouvelle vocation. Le troisième aliment traditionnel de la Paquet juive est oubliée. L'amertume des herbes n'est plus d'actualité : l'esclavage de la mort, du péché et de la Loi sont dépassés dans le Christ. Quant à l'agneau pascal, il s'agit de Lui-même. Pour les chrétiens, plus jamais après sa mort en croix, les sacrifices d'animaux n'auront d'utilité spirituelle.

Le premier récit de l'instauration de l'Eucharistie date de l'année 36. Il est raconté par Paul, tout juste converti. Il raconte la scène trois années après les faits dans un texte qui sera intégré à la lettre aux Corinthiens*.
« Le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et, après avoir rendu grâce, le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous ; faites cela en mémoire de moi. ». De même, après le repas, il prit la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi. » Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. » (1 Corinthiens 11, 23).

Le Christ avait annoncé l'Eucharistie après la multiplication des pains, et il en avait donné la signification : « Je suis le pain vivant descendu du ciel, qui mangera ce pain vivra à jamais, et même, le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde. » ... « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous... Qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui... il a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. » (Jean 6, 51-57).

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Le Cène (Fra Angelico, 1440, couvent Saint Marc ; Florence).

En ce jeudi soir, Jésus montre enfin aux hommes comment manger son corps et boire son sang sans pratiquer le cannibalisme. En apparence, les chrétiens ne mangent que du pain et ne boivent que du vin. Dans la foi et par la grâce de la consécration du prêtre, ils savent qu'il s'agit du corps réel du Christ et de son sang.
Pour les protestants, la communion au sang et au corps du Christ reste symbolique et se fait dans le partage fraternel du pain et du vin. Il s'agit simplement de se rappeler la dernière Cène, de faire mémoire de la mort et de la Résurrection du Christ. Lors du partage du pain et du vin, les protestants prient l'Esprit Saint d'obtenir la communion des participants avec le Christ, mais ils ne croient pas qu'il s’agisse réellement du corps et du sang du Christ.
Pour les catholiques et les orthodoxes, la communion des croyants au Christ se produit réellement puisque l'Eucharistie est le corps et le sang du Christ. Chimiquement, il s'agit bien de pain et de vin. Spirituellement, il s'agit authentiquement de Jésus, présent matériellement parmi nous, par la grâce de la consécration du prêtre. C'est un point de foi essentiel pour les chrétiens mais incompréhensible pour un non-croyant. De nombreux miracles eucharistiques ont eu lieu au cours des siècles. Ils sont tellement troublants qu'ils montrent, pour le croyant, la réalité de la présence du Christ dans le pain et le vin consacré.
Mais s'ils sont des signes pour ceux qui croient, ils ne sont qu'illusion pour celui qui ne croit pas...

* : Jésus, Jean-Christian Petitfils, p. 300, Fayard, 2011.

8. 11.  Les adieux, l'annonce de la trahison de Judas et du reniement de Pierre.

Le Christ a annoncé que les chefs doivent servir et a instauré l'Eucharistie en donnant les paroles sacramentelles qui actualiseront pour l'éternité la Rédemption par la Croix. Le Corps du Christ est Pain de Vie, le vin est le Sang versé pour la multitude en rémission des péchés.

Jean raconte la suite de ce dernier repas.
Juste après avoir appris aux disciples comment consacrer le pain et le vin, le Christ ajoute : « Sachant cela, heureux êtes-vous si vous le faites. Ce n'est pas de vous que je parle ; je connais ceux que j'ai choisis ; mais il faut que l’Écriture s'accomplisse : « Celui qui mange de mon pain a levé contre moi son talon. » » (Jean 13, 17-28).
Un de ceux qui vient de communier à cette première Eucharistie, va le trahir.
« Je vous le dis dès à présent, avant que la chose n'arrive pour qu'une fois celle-ci arrivée, vous croyiez que Je suis ». Encore une fois, Jésus prononce le fameux, « Je suis » qui est le nom même de Dieu, Yahvé.
« Ayant dit cela, Jésus fut troublé en son esprit et il attesta : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l'un de vous me livrera. » Les disciples se regardaient les uns les autres, ne sachant de qui il parlait. Un de ses disciples, celui que Jésus aimait (il s'agit de Jean, l'évangéliste), se trouvait à table tout contre Jésus. Simon-Pierre lui fait signe et lui dit : « Demande quel est celui dont il parle. » Celui-ci, se penchant alors vers la poitrine de Jésus lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? » Jésus répondit : « C'est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper. » Trempant alors la bouchée, il la prend et la donne à Judas, fils de Simon Iscariote. Après la bouchée, alors Satan entra en lui, Jésus lui dit donc : « Ce que tu fais, fais-le vite »... Aussitôt la bouchée prise, il sortit, il faisait nuit. » (Jean 13, 17-28).
Judas part livrer Jésus aux grands prêtres, comme il en avait été convenu quelques jours plus tôt.


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La dernière cène : Jean se penche sur la poitrine du Christ (Duccio Di Buoninsegna, 1301-1308 ; Sienne). L'art chrétien du Moyen Âge
témoigne de ses propres références culturelles. Les Évangiles suggéraient un repas à la romaine où les convives sont couchés sur des
banquettes. Cela permettait à Jean de se pencher vers la poitrine du Christ dans un geste naturel, en se retournant. Un repas
servi assis - comme c'était devenu la norme au Moyen Âge - ne permet plus le même naturel au geste de Jean. Les
Évangiles ont été écrits au premier siècle et sont témoins de leurs propres références culturelles.

Pleinement Dieu, Jésus sait ce qui l'attend : il va à la mort. Il veut préparer ses disciples à cette rupture, à sa mort, et il le fait selon son habitude avec des propos imagés. « Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? » « De rien », dirent-ils. Et il leur dit : « Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace, et que celui qui n'en a pas vende son manteau pour acheter un glaive. » Car, je vous le dis, il faut que s'accomplisse en moi ceci qui est écrit : « Il a été compté parmi les scélérats ». « Seigneur, dirent-ils, il y a justement ici deux glaives ». Il leur répondit : « C'est bien assez ! » » (Luc 22, 35-38).

Une fois de plus, le sens symbolique des propos de Jésus échappe aux disciples. Le Christ prévenait ses disciples qu'il allait mourir et qu'ils seraient laissés seuls à sa mort. Voilà qu'ils ne dépendront plus que de leurs moyens humains : besaces, bourses, manteaux, ne seront plus donnés par la Providence divine, comme lors de leur activité missionnaire au cours de la vie publique du Christ. Qu'ils se procurent par eux-mêmes un glaive – que Dieu dans sa providence ne leur a jamais donné - signale que leur solitude va être absolue. Dieu va sembler les abandonner au point que seule la violence - ce moyen tristement humain et totalement étranger à la divinité - pourra sembler nécessaire. Mais les apôtres, une fois de plus, prennent son discours au pied de la lettre. Ils font une remarque prosaïque « il y a justement ici deux glaives ». Et Jésus leur répond naturellement : « C'est bien assez ! ». On peut encore une fois remarquer que sans la mort et sans la résurrection du Christ, il n'y aurait pas eu de christianisme. À la veille de sa mort, les disciples n'ont toujours pas compris le Christ. « La lettre tue, mais l'Esprit fait vivre » dira Paul plus tard, une fois que les propos du Christ seront devenus clairs.
De nos jours, ce passage fait parfois polémique, certains y voient la preuve que Jésus voulait le combat armé. La façon dont il refusera la violence quelques heures plus tard, lors de son arrestation, confirme qu'il n'a jamais voulu se défendre par la violence, ni souhaité que ses disciples le fassent.

Jésus continue à préparer ses disciples à sa mort : il annonce que Pierre va le renier. « « Petits enfants, c’est pour peu de temps que je suis encore avec vous. Vous me chercherez, et, comme je l’ai dit aux juifs : où je vais, vous ne pouvez venir ». Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? »
Jésus lui répondit : « Où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; mais tu me suivras plus tard. » Pierre lui dit : « Pourquoi ne puis-je pas te suivre à présent ? Je donnerai ma vie pour toi. »
Jésus répond : « Tu donneras ta vie pour moi ? En vérité, en vérité, je te le dis, le coq ne chantera pas que tu ne m’aies reniée trois fois.
» » (Jean 13, 33-28).

Comme toujours, Pierre se montre plein d’enthousiasme : si le Christ est tué, il promet de mourir avec lui. Et pourtant, Jésus sait qu'il va trahir.
Il faudra à Pierre tester sa propre faiblesse, lors de la Passion, pour mesurer la Toute-puissance de Dieu à la Résurrection du Fils. Il lui faudra goûter Sa miséricorde pour devenir réellement le berger de l’Église : celui qui est prêt à donner sa vie pour elle.

8. 12. Les adieux, l'intimité au cœur de la Trinité est révélée.
À l'occasion de ses adieux, le Christ livre quelque chose de son intimité avec Dieu. Il parle du Père et de l’Esprit-Saint.
« « Du lieu où je vais, vous savez le chemin. »
Thomas lui dit : « Seigneur... Comment saurions-nous le chemin ? »
Jésus lui dit :
« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi.
Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père ; dès à présent vous le connaissez et vous l'avez vu. »
Philippe lui dit : «  Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. »
Jésus lui dit : «  Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? Qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : « Montre-nous le Père ! » ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ?
» (Jean 14, 4-11).

Le Christ le dit clairement : le voir, lui, le Christ, équivaut à voir le Père… Jésus est Dieu, Il est la vérité et le seul chemin vers la vie éternelle. L'intimité au sein de la Trinité se dévoile : « Père, tu m'as aimé avant la fondation du monde » (Jean 17, 24). Le Fils existe depuis l'éternité et il est en union avec le Père: « Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi. » (Jean 17, 21).

Puis le Christ annonce la venue de l'Esprit-Saint – παράκλητος, PARAKLETOS en grec - le conseiller, le défenseur. « C'est votre intérêt que je parte car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous, mais si je pars, je vous l'enverrai... J'ai encore beaucoup à vous dire mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui l'Esprit de Vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu'il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir » (Jean 16, 7-15). Seul l'Esprit Saint va permettre aux disciples de comprendre parfaitement les vérités prêchées par le Christ.
Malgré son rôle essentiel dans la compréhension des vérités divines, le témoignage de l'Esprit va néanmoins être mis en parallèle avec celui des disciples : « Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de Vérité, qui vient du Père, lui me rendra témoignage. Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement. » (Jean 15, 26-27). Le témoignage des disciples est véridique et le Christ le met au même niveau que celui rendu par l’Esprit. Dans la logique chrétienne, les successeurs des apôtres, les évêques, seront crédités de la même capacité à discerner les vérités divines.
Le Christ promet à ses disciples de leur envoyer l'Esprit Saint... ce qui se réalisera 50 jours après (Actes des Apôtres 2, 1-13).
Le Christ ne les a pas laissés longtemps orphelins (Jean 14, 18-19). La venue de l'Esprit sur les Apôtres rassemblés lors de la fête de la pentecôte - qui commémorait traditionnellement le don de la Loi au Peuple Élu - signera pour toujours une nouvelle étape. Les chrétiens sont désormais dirigés par l'Esprit et non plus par la Loi. Seul l'Esprit-Saint, le Paraclet, permettra aux apôtres de comprendre enfin ce que le Christ leur a enseigné pendant sa vie publique.
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Le Christ avertissant les Douze de sa passion
(Duccio-di-Buoninsegna, XIVe siècle ; Sienne).

Dans les premiers siècles de l'islam, ce passage de l’Évangile sur le Paraclet sera repris et réinterprété par les exégètes musulmans. Plusieurs éléments de la foi musulmane expliquent ce besoin de se tourner vers la Bible. D'abord, le Coran prétend à plusieurs reprises répéter des affirmations de la Bible, même si, avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de retrouver dans la Bible les propos attribués au Christ par le Coran (S. 5, 116-117 ; S. 9, 111). Or, un verset du Coran affirme qu'un messager non juif aurait été annoncé prophétiquement par la Bible : « le messager qui n'appartient pas au Peuple Élu, qu'ils trouvent en toutes lettres dans la Thora et l’Évangile. » (S. 7, 157).
Au VIIIe siècle, le premier biographe de Mohamed, ibn Ishāq (704-767), cherchera donc – désespérément (?) - dans les Évangiles, l'annonce de Mohamed, « le messager qui n'appartient pas au Peuple Élu ». Ne trouvant jamais Mohamed évoqué dans la Bible, Ibn Ishāq se tournera vers le passage de l’Évangile de Jean sur le Paraclet. Il voudra absolument voir dans la promesse du don de l'Esprit Saint (le Parakletos), l'annonce de Mohamed 600 ans plus tard. Pour transformer Mohamed en Paraclet, ibn Ishāq n'hésitera pas à faire une erreur de traduction. En effet, profitant que l'arabe antique ne possédait pas de voyelles, ibn Ishāq supprimera les voyelles grecques pour les remplacer par d'autres, faussant le sens du mot PARAKLETOS. En échangeant les voyelles en grec, Ibn Ishāq transformera alors le mot grec PARAKLETOS, conseiller, consolateur, par un autre mot grec, PERIKLYTOS, qui signifie glorieux. Puis ibn Ishāq traduira le mot PERIKLYTOS en arabe. Voilà comment un être « glorieux » se trouve annoncé par les Évangiles. Or, un autre verset du Coran fait parler Jésus le « fils de Marie … : « O Enfant d'Israël, je suis vraiment un messager de Dieu, confirmateur de ce qu'il y a avant moi dans la Thora, et annonciateur d'un messager à venir après moi, dont le nom sera « le Très Glorieux » » (Sourate 61, 6). Voilà, Jésus crédité d'une prophétie dont personne n'avait jamais entendu parler auparavant : il aurait annoncé un prophète surnommé « le Très Glorieux ». Pour un musulman, il ne peut s'agir que de Mohamed et Mohamed se trouve ainsi désigné par un nouveau qualificatif qui deviendra son surnom, Ahmed, le très glorieux.
Le nom du prophète de l'islam est en fait inconnu : Muhammad est un pseudonyme qui n'est présent que quatre fois dans le Coran (Sourate 3, 144 ; Sourate 47, 2 ; Sourate 48, 29 ; Sourate 33, 40). Hassan, un poète contemporain du Prophète, l'appelle indifféremment Ahmad, le très glorieux (selon la Sourate 61, 6), ou Muhammad, le très loué.

Mohamed serait donc Ahmed, le très glorieux, soit le Periklytos en grec, voire le Parakletos ! Mais les recherches épigraphiques contredisent la traduction d'ibn Ishāq. En effet, il existe toujours 70 copies du Nouveau Testament en grec - antérieures à la rédaction du Coran - où Paraclet est écrit PARAKLETOS. Jamais, sur aucun de ces manuscrits antiques, l'Esprit Saint n'est nommé le PERIKLYTOS, qui signifie « glorieux », comme a voulu le transcrire ibn Ishāq pour justifier Mohamed, ou Ahmed, le glorieux.

Les exégètes musulmans ont donc été acculés à l'obligation de mal traduire le mot « Parekletos », pour donner raison au verset 157 de la Sourate 7 qui avait affirmé que Mohamed avait été annoncé par la Thora et les Évangiles. Nous voyons ici un exemple de ce à quoi sont contraints les musulmans, obligés qu'ils sont de démonter l'absolue perfection du Coran.
Le Coran ne garde donc qu'un mot mal traduit du discours d'adieu du Christ et oublie tout le reste : la description des relations d'intimité au sein de la Trinité.

8. 13. L'agonie.
La Cène, le dernier repas du Christ, se termine. La veille de Pâque, la loi interdit aux juifs de quitter Jérusalem. Jésus reste dans l'enceinte de la ville pour ne pas contrevenir au rituel juif : « Après le chant des Psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. » (Matthieu 26, 30 ; Marc 14, 26). Jésus se rend donc à Gethsémani, un jardin du mont des oliviers. Nous sommes dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 avril 33. En route, Jésus prophétise sur sa Résurrection qui doit suivre sa mort « Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » (Matthieu 26, 32). Jésus-Christ a dit tout ce qu'il pouvait pour préparer ses disciples aux heures sombres qui les attendent*.

Arrivé au jardin de Gethsemani, Jésus entre en prière. Il demande à ses disciples de veiller avec lui ... mais, assommés par le désespoir, ils s'endorment.

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La prière du Christ à Gethsémani. (Les Très Riches Heures du
duc de Berry, 1440 ; musée Condé à Chantilly, France).

Les disciples ont compris que le Christ allait mourir, mais ils ne peuvent ni entendre, ni comprendre ce que signifie l'annonce de sa résurrection et de son retour parmi eux. « Puis il s'éloigna d'eux d'environ un jet de pierre et, fléchissant les genoux, il priait en disant : « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse » ! Alors lui apparut, venant du ciel, un ange qui le réconfortait. Entré en agonie, il priait de façon plus instante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre. » (Luc 22, 41-44).
Le Christ est tellement angoissé qu'il transpire du sang à l'idée de ce qui l'attend (Luc 22, 44). La médecine moderne appelle ce phénomène une hématidrose. Il correspond à l'expression d’une profonde angoisse. Face à l'immédiateté de la passion, Jésus succombe à l'angoisse. Celse, philosophe du IIe siècle, ironisera sur la prétendue divinité du Christ. Comment, s'il est Dieu, peut-il « pleurer et se lamenter et prier pour échapper à la peur de la mort, en s'exprimant ainsi : « Ô Père, si c'est possible, que cette coupe passe loin de moi » » (Origène, Contre Celse, 2, 24) ? Les chrétiens ont la réponse, le Christ est un vrai homme. Il a vécu en tout la vie humaine excepté le péché. Ni la souffrance morale, ni la souffrance physique ne sont des péchés et le Christ les a connues. De nos jours, l'argument de Celse est toujours celui de ceux qui refusent la divinité du Christ. Pourtant, la double nature du Christ, vrai homme et vrai Dieu, est le fondement même de la foi chrétienne. Jésus, vrai homme, souffre réellement ; et Jésus, vrai Dieu, n'est pas la victime de la volonté inflexible du Père. Il est Lui-même Le Dieu unique et Il obéit à sa vocation éternelle de Fils Unique, choisie librement par Lui (Jean 10, 18), mais c'est bien avec son corps d'homme qu'il va la vivre douloureusement. Seule la divinité du Christ transformera sa mort atroce en acte salvateur.
La vie publique du Christ a débuté avec son baptême dans le Jourdain par Jean le Baptiste. Ce baptême - offert normalement aux hommes qui se repentent de leurs péchés - posera question dans les siècles à venir. Comment un être proclamé parfait, peut-il réclamer et recevoir un baptême de conversion ? La fin de la vie du Christ donne la réponse : il s'est identifié au péché de l'humanité. Sans être lui-même pécheur, il assume les péchés de l'humanité. Au cours de toute sa vie publique, Jésus porte les péchés de l'humanité, il les porte de son Baptême jusqu'à la Croix*. Identifié au péché, le Christ meurt avec lui, et ressuscite pour la vie éternelle.

« Aie pitié de moi, ô Dieu. Selon ta bonté, selon ta grande miséricorde efface mes péchés. Lave-moi tout à fait de mes fautes et purifie-moi de mon
péché... Contre toi seul j'ai péché, ce qui est mal à tes yeux je l'ai fait... Tu veux que la sincérité soit en mon cœur, fais-moi connaître la
sagesse. Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur. Lave-moi, et je serai plus blanc que neige. Rends-moi la joie d'être sauvé. Détourne
ta face de mes péchés, efface toutes mes iniquités. Ô Dieu, crée en moi un cœur pur et renouvelle en moi un esprit ferme. Ne me
rejette pas loin de ta face, ne me retire pas ton Esprit-Saint... J'enseignerai tes voies à ceux qui les transgressent, et les
pécheurs reviendront à toi ».
(Psaume 51, mis en musique par Allegri en 1638 pour la liturgie du vendredi saint).

Dans les siècles à venir, le baptême des chrétiens réactualisera spirituellement cette expérience mystique. Le baptisé meurt avec le Christ à la mort et au péché, et revêt sa lumière de Ressuscité (Éphésiens 2, 1-6). Dans la vie publique du Christ, il y a une unité parfaite qui va de son Baptême dans le Jourdain à sa Résurrection. « L'agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde » avait été reconnu par Jean le Baptiste à l'aube de sa vie publique. Il va maintenant être sacrifié au moment même où le Grand Prêtre sacrifie l'agneau pascal*. Prêtre parfait, il offre l'humanité pécheresse au Père et s'offre lui-même en expiation. Dieu le Fils est le seul fils sacrifié. Ce que Yahvé a réclamé à Abraham n'était que l'annonce de ce que Lui-même allait accomplir pour l'humanité. Dieu se donne Lui-même.

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Jésus prie à Gethsémani pendant que les apôtres dorment
(Giovanni di Paolo, 1430-1435 ; Pinacothèque du Vatican).

Au terme de sa prière, le Christ semble serein : il ne sera pas épargné par la souffrance, mais il a manifestement reçu la grâce de supporter ce qui l'attend.
Épuisés et déconcertés, Pierre et les disciples dorment… : « Se relevant de sa prière, [Jésus] vint vers les disciples qui trouva endormis de tristesse, et il leur dit : « Qu’avez-vous à dormir ? Relevez-vous et prier, pour ne pas entrer en tentation. » (Luc 22, 45-46).
La nuit s'achève.

* : Jésus de Nazareth : de l'entrée à Jérusalem à la Résurrection, p. 171 à 191, Benoît XVI, édition du Rocher, 2011.

8. 14. L’arrestation.
Le Jardin du Mont des Oliviers est empli de pèlerins venus pour la Pâque. Quand survient la troupe armée déléguée par le Sanhédrin pour arrêter Jésus, celui-ci sort librement du jardin du mont des Oliviers pour aller au devant d'eux : il se désigne aux gardiens du Temple. « Judas qui le livrait connaissant aussi ce lieu, parce que bien des fois Jésus et ses disciples s'y étaient réunis.
Judas donc, menant la cohorte et les gardes détachés par les grands prêtres et les Pharisiens, vient là avec des lanternes, des torches et des armes.
Alors, Jésus, sachant tout ce qui allait lui advenir, sortit et leur dit : « Qui cherchez-vous ? »
Ils lui répondirent : « Jésus le Nazôréen. »
Il leur dit : « C'est moi. » Or, Judas, qui le livrait, se tenait là, lui aussi, avec eux...
« Si donc c'est moi que vous cherchez, laissez ceux-là s'en aller » : afin que s’accomplisse la parole qu'il avait dite : « Ceux que tu m'as donnés, je n'en ai pas perdu un seul. »
» (Jean 18, 2-14).

Jésus assume seul sa passion. Une dernière fois, Simon-Pierre désobéit, fidèle à son tempérament fougueux. Il n'a pas encore saisi que le Messie devait souffrir et mourir. Malgré les multiples annonces faites par le Christ de sa passion (Mat 16, 21 ; Mc 8, 31-33, Lc 9, 22 ; Mat17, 22-23 ; Mc 9, 30-32 ; Lc 9, 44-45 ; Mat 20, 17 ; Mc 10, 32-34 ; Lc 18, 31-33 ; Mat 12, 39-40 ; Lc 11, 29-32 ; Mc, 8, 11-12), Pierre se rebelle à nouveau contre la perspective d'un salut venant de Dieu à travers la souffrance. Pierre est à l'image de l'humanité, il veut réussir par sa propre force et ses propres capacités et il souhaite surtout que la réussite ait goût de triomphe, de prestige et de domination. « Alors Simon-Pierre, qui portait un glaive, le tira, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui trancha l'oreille droite. Ce serviteur avait nom Malchus. » (Jean 10, 10). Jean l’Évangéliste connaît si bien le Grand Prêtre qu'il sait même le nom de ses serviteurs.
Jésus reprend Pierre une dernière fois : « Rentre le glaive dans le fourreau. La coupe que m'a donnée le Père, ne la boirai-je pas ? » (Jean 18, 11). Le Christ refuse tout combat armé et il reprend sévèrement Pierre. Le Christ n'a donc jamais voulu la violence à un quelconque moment, même au moment où sa propre vie est en jeu. Quant, à Pierre, il n'a pas encore compris grand chose de la parole de Jésus. Pierre sait que Jésus est le Messie (Matthieu 16, 15) et le « Saint de Dieu » (Jean 6, 69)... mais la radicale rupture que le Christ opère avec les aspirations humaines de réussite et de jouissance, lui échappent. On perçoit ainsi tout le travail spirituel qui sera celui de l'Esprit Saint après la résurrection du Christ.
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L'arrestation : Judas embrasse Jésus et Pierre coupe l'oreille de Malchus
(Duccio-di-Buoninsegna, 1308-1311 ; Cathédrale de Sienne).

Jésus se laisse arrêter sans combattre. Marc, le scribe de Pierre raconte : « Et l'abandonnant, ils prirent tous la fuite. Un jeune homme le suivait, n’ayant pour tout vêtement qu'un drap, et on le saisit, mais lui, lâchant le drap, s'enfuit tout nu. » (Marc 14, 51). L'identité de ce jeune homme reste inconnue. Mais, pourquoi avoir parlé de ce détail si ce jeune homme n'était pas quelqu'un d'important ? S'agit-il de Marc, qui signe ainsi sa présence dans les Évangiles ? Ou bien est-ce l’Évangéliste Jean, qui fuit pour suivre de loin les soldats jusqu'à la maison de Hanne ? S'il s'agit de Jean, il est revêtu de la tunique de lin, caractéristique des vêtements sacerdotaux : le fameux drap blanc *.
Le « disciple bien aimé » Jean, le jeune prêtre de Jérusalem, va suivre toute la passion du Christ. Il sera le dernier à rester fidèle quand tous auront fui. Il racontera lui-même la Passion dans son Évangile. Dans les épîtres qu'il écrira, il insistera sur ce rôle de témoin direct : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie, car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue – ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons. » (1er épître Jean 1, 1-3).

* : Jésus, p 311, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

8. 15. Le Suaire de Turin, les témoignages historiques de ses déplacements sur 2000 ans.

De multiples reliques de la passion du Christ ont traversé les siècles et ont globalement été récusées. La relique la plus impressionnante est le Suaire de Turin. Le Suaire est une pièce de lin de 4,38 mètres sur 1,10 qui, depuis l'invention des premières technologies modernes, s'est révélé aux hommes bien mieux qu'il n'était possible à l’œil nu.

Le Suaire est apparu dans l’histoire avant le Moyen Âge. En effet, des textes antiques parlent de lui*. On ne possède pas les originaux de ces textes mais des copies de copies, ce qui ne suffit pas pour démontrer son existence avec certitude. Néanmoins, l'évangile apocryphe des Hébreux, écrit au IIe siècle, dit que le Suaire du Christ a été confié à Pierre. On suppose que Pierre l'a gardé caché, puisque le Deutéronome déclare impur tout objet ayant touché un mort. Plusieurs textes attestent qu'il aurait ensuite été transporté à Édesse avant l'an 57, par un disciple nommé Addaï ou Thaddée.
En 340, Saint Cyrille de Jérusalem mentionne l’existence d'un « linceul, témoin de la Résurrection » *. Pour les quatre premiers siècles du christianisme, les témoignages sont donc ténus mais néanmoins réels.

En 544, le Suaire est retrouvé dans une niche au dessus de la porte ouest de l’église d'Édesse *. Il est alors plié plusieurs fois afin que seul le visage reste visible. Dès lors, il est vénéré en la cathédrale d'Édesse Hagia Sophia comme une icône du Christ. À partir de ce moment, les peintres représentent le Christ avec une mèche de cheveu en forme de 3 sur le front. Ils reproduisent la coulée de sang qui descend sur le front de l'homme du Suaire, qu'ils ont prise pour une mèche de cheveux.

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Mosaïque du Christ pantocrator du XIIe siècle (Cefalù ; Sicile) :
la mèche de cheveux est bien visible.

Au Xe siècle, l'empereur de Constantinople achète le Suaire au Calife. Le Suaire quitte la terre devenue musulmane pour rejoindre l'empire byzantin. Il arrive à Constantinople le 15 août 944. Il est alors conservé dans la chapelle Sainte-Marie-du-phare à Constantinople. C'est alors que l'on s’aperçoit que l'image du visage n’est pas isolée. Le tissu a été plié quatre fois en deux. C'est en fait un long tissu qui a recouvert la face dorsale de l'homme crucifié, puis sa tête pour venir reposer sur la face ventrale du cadavre. C'est donc un linceul complet et non uniquement un linge où un visage se trouverait étrangement inscrit.
À partir de ce moment, certaines icônes du Christ le montrent boiteux, avec la jambe gauche plus courte que la droite. Sur le Suaire, la jambe gauche du crucifié semble effectivement plus courte que sa jambe droite*. Cela provient de la technique de crucifixion : le pied gauche était tourné vers l’intérieur et positionné sur le droit avant qu'un clou unique les transperce. Une fois la rigidité du cadavre acquise, la jambe gauche garde une torsion qui semble la raccourcir.
Entre les XIIe et XIIIe siècles, plusieurs visiteurs extérieurs à l'empire byzantin témoignent avoir vu le Suaire. En 1147, Louis VII, le roi de France, écrit avoir vu à Constantinople le « drap où fut enveloppé Jésus »*. En 1171, Amaury de Lusignan (1145, 1205) seigneur poitevin parti en Terre sainte, témoigne lui-aussi l'avoir vu*. En 1190, le Suaire est dessiné par des seigneurs hongrois en visite à Constantinople*. Leurs croquis se trouvent toujours à la Bibliothèque Nationale de Budapest. Ils représentent tous les détails visibles à l’œil nu sur le Suaire. Les mains de l'homme crucifié sont croisées sur son ventre et seuls quatre doigts sont visibles. Les pouces sont repliés et invisibles comme cela survient quand les clous du crucifiement perforent les os du poignet.

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Codex Pray conservé à Budapest et réalisé entre 1192 et 1195.

En 1203, le chevalier de Clari témoigna lui aussi l'avoir vu*. C'était un an avant le sac de Constantinople, en 1204, par la IVe croisade dirigée par Othon de la Roche. En 1357, on retrouve le Suaire en Champagne, en France, chez l'arrière petite fille d'Othon de la Roche, nommée Jeanne de Vergy, épouse de Geoffroy de Charny*. Depuis, le Suaire est suivi sans interruption. En 1453, le Suaire est cédé à la famille de Savoie. Le 4 décembre 1532, il échappe de peu à la destruction par le feu. Le coffre en plomb dans lequel il est conservé dans la Sainte chapelle de Chambéry fond partiellement, laissant la brûlure d'une goutte de plomb qui traverse toutes les couches du Suaire plié. Il est alors restauré par quatre clarisses qui reprisent les traces de brûlure avec du coton.
La famille de Savoie le transporte à Turin. En 1868, la princesse Clotilde de Savoie effectue à nouveau quelques petites reprises sur le Suaire.
À son tour, la famille de Savoie le cède au Vatican en 1983.
Le 11 avril 1997, un incendie ravage la cathédrale de Turin. Le Suaire aurait pu disparaître sans le courage d'un pompier, Mario Trematore, qui parvient, à coups de hache, à ouvrir la protection en verre blindé de la châsse sacrée prévue pour résister à un lance-roquette.
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Le 11 avril 1997, Mario Trematore fracasse la protection blindée qui protège le Suaire pour le
sortir à temps de la cathédrale en flammes.

* : Jésus, Jean-Christian Petitfils, p. 569, Fayard, 2011.

8. 16. Le Suaire de Turin, les preuves scientifiques.

Le 13 octobre 1988, l'annonce de la datation au carbone 14 du Suaire de Turin est un véritable coup de tonnerre. Le résultat est négatif : la fourchette de tissage du suaire est évaluée entre 1260 et 1360. Il ne peut donc pas s'agir du Suaire du Christ, ce n'est qu'un faux du Moyen Âge. L'étude a été faite par trois laboratoires différents qui se sont partagés un échantillon unique prélevé sur le bord du Suaire.

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Ensevelissement du Christ (Gianbattista delle Rovere (1498-1578) ; Galerie Sabauda, Turin). Selon certains, ce tableau prouve
l'apparition du Suaire au Moyen-âge. Jamais en effet, le Suaire n'avait été auparavant dessiné avec une telle précision.

Depuis, ces résultats – quoique scientifiques - ont été critiqués. En effet, sur plus de 40 % du poids de l'échantillon analysé se trouvaient des reprises du Moyen Âge. La présence d'un pigment, la vanilline, avait permis de donner aux reprises du Moyen Âge la couleur du tissu antique et avait trompé les experts qui avaient cru de bonne foi analyser le tissu d'origine. En 2008, un chimiste de l'équipe du LALN (département de l’énergie des États-Unis) constate que les échantillons étudiés par radio carbone étaient en coton et non en lin. Le Suaire ayant été tissé en lin, les échantillons correspondaient donc à des reprises du Moyen Âge. Par ailleurs, les échantillons étaient également contaminés par des moisissures, des bactéries et du carbonate de calcium, tous susceptibles de fausser la datation. En 2008, le Pr C. B. Ramsey, directeur du laboratoire d'Oxford - un des laboratoires ayant réalisé l'étude de 1988 - reconnaissait que la mesure était probablement erronée.

En fait, il existe des preuves scientifiques que le Suaire de Turin date d'avant le XIIIe siècle.
Le tissage du tissu est typique des techniques de tissage du Ier siècle à Jérusalem. On a retrouvé un tissu identique dans les ruines de Massada, détruite en 74, au point que l'on pense que les deux tissus sortent du même atelier de Terre sainte. Le fil de lin du suaire a été filé avec une technique antique qui tord la fibre en Z. Le Suaire est contient aucune parcelle de laine, aussi infime soit-elle. Cela signe une origine hébraïque. En raison de la Loi de Moïse, les métiers à tisser pour les toiles en fibres végétales, comme le lin ou le coton, ne pouvaient servir à tisser une fibre d'origine animale, comme la laine. Si aucun micro fragment de laine n'est mêlé aux fibres de lin du Suaire, en revanche quelques microfibres de coton ont été retrouvées. C'est bien un Juif, sur un métier à tisser juif, qui a tissé le Suaire de Turin. Il a ensuite été blanchi (roui) après le tissage, ce qui correspond à une technique typique du premier siècle.
Si le Suaire est un faux, il faut supposer que ceux qui l'ont fabriqué ont anticipé au XIIIe siècle sur des connaissances qui n'existaient pas encore. En effet, Max Frei, un palynologue suisse, a isolé 25 espèces de fleurs qui éclosent au printemps en Palestine, ou dans les pays environnants. Le seul lieu où tous ses pollens ont pu se retrouver en même temps est Jérusalem à la fin de l'hiver ou au début du printemps. Des palynologues ont critiqué les travaux de Max Frei, comme manquant de rigueur. Mais le botaniste italien, Silvano Scannerini, après analyse des études contradictoires, constate que, sur le Suaire, « les pollens des plantes du Moyen-Orient sont une confirmation indirecte de la plausibilité du voyage du Suaire d'Asie en l'Europe ». Plus troublant, en 1999, Avinoam Danin, professeur de botanique à l'université de Jérusalem, retrouve sur le Suaire le pollen d'une plante typique de la Mer Morte mais dont l'espèce a disparu au VIIIe siècle, prouvant ainsi que le Suaire date d'avant le VIIIe siècle.
Par ailleurs, sur les prélèvements de Max Frei, de minuscules fragments de calcaire qui a été retrouvés par Joseph Kohlbeck, un spécialiste en cristallographie. L'étude de ces grains est significative, en effet peu de sols ont cette même composition. Leur composition est identique à celles d'échantillons prélevés à Jérusalem dans un tombeau antique. Il s'agit d'« aragonite ... avec de petite quantité de fer, de strontium, mais pas de plomb ». L'université de Chicago compléta cette étude en comparant le calcaire du Suaire à d'autres échantillons prélevés ailleurs en Terre sainte. Aucun n'avait la composition de celui prélevé à Jérusalem. Le Suaire a donc séjourné à Jérusalem à une date inconnue, mais forcement avant le XIIIe siècle. À partir de cette date, il est en France, et ensuite son emplacement est connu avec certitude : il est resté entre la France et l'Italie. Pour être ainsi imprégné de poussières et de pollens typiques de Terre sainte, le Suaire y a forcement séjourné, et cela ne peut être qu'avant son arrivée en France.
Sur le Suaire de Turin, la passion du Christ est représentée, fidèle non seulement à l'histoire décrite dans les Évangiles, mais surtout conforme à ce que l'archéologie a identifié des techniques de crucifixion.
Les poids lestant le fouet qui a flagellé l'homme du Suaire, ont laissé une trace sur le tissu. Ils sont romains. C'est une certitude puisque de semblables ont été retrouvés, qui ont été datés du premier siècle de l'empire romain.
La technique de la crucifixion à travers les os du carpe est fidèle à ce qui se pratiquait dans l'antiquité. Elle est différente de ce qu'on peignait au Moyen Âge après avoir oublié les techniques de crucifixion inusitées depuis 1000 ans. Au Moyen Âge, on peignait l’enclouement au milieu de la paume. L'homme du Suaire a bien été crucifié selon une technique antique et non comme on l'imaginait au Moyen Âge.
Les pièces fermant ses yeux sont des monnaies datant d'Hérode. L'habitude de fermer les yeux des morts avec des pièces s'est perdue au IIe siècle.
Enfin, les traces d'écriture en latin et en grec, autour du visage de l'homme du suaire, ont été datées par paléographie de la premier moitié du premier siècle.

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Le Saint Suaire de Turin : c'est une pièce de lin de 4,38 mètres sur 1,10.

En avril 2013, de nouvelles datations scientifiques remettent en cause la datation au carbone 14 de 1988. Le Pr Giulio Fanti, de l'université de Padoue, confirme que les datations du Suaire au XIVe siècle ont été faussées par des contaminations. Grâce à la spectroscopie Raman, le Pr Giulio Fanti établit une fourchette de tissage du tissu entre -300 et 400. Malgré l'ironie des journalistes, il semble bien que l’énigme du Suaire de Turin ne soit pas encore résolue. Qu'il soit une fausse relique du Moyen Âge devient de plus en plus improbable.
Tous ces éléments font penser que le Suaire de Turin est l'authentique Suaire du Christ. Telle est la conviction de l'historien Jean-Christian Petitfils. Nous nous servirons donc de ce qu'il nous raconte pour illustrer la Passion du Christ.

* : Jésus, Jean-Christian Petitfils, p. 568, Fayard, 2011.

8. 17. La comparution chez le Grand Prêtre Hanne a lieu le vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan à la fin de la nuit.
Matthieu, Marc et Luc racontent que Jésus est jugé par le Sanhédrin. Ils n'en sont pas témoins directs et il est vraisemblable qu'ils se trompent. Le Sanhédrin n'avait pas le droit de se réunir de nuit. Jésus n'a donc pas comparu devant le Sanhédrin, mais a été conduit chez Hanne. Hanne, est un homme âgé, qui a été destitué de sa charge de Grand Prêtre 18 ans auparavant, à l’arrivée au pouvoir de l'empereur Tibère. Il garde néanmoins son titre de Grand Prêtre et son prestige auprès du peuple est intact. Il est le beau-père de Caïphe, le Grand Prêtre en fonction.

Jésus est conduit à son palais situé non loin du Temple, dans le quartier sacerdotal où vivent les familles des prêtres.
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Jésus est conduit devant le Grand Prêtre
(Duccio-di-Buoninsegna, 1308-1311 ; Cathédrale de Sienne).

Dans les années 1970, un palais de 750 m2 a été fouillé à proximité du Temple. Il a été daté du premier siècle. Le vestibule de ce palais était orné d'une fresque représentant une triple grappe de grenades, l'emblème sacerdotal (*1). Il contient plusieurs bains privés rituels, ce qui signale le luxe du palais, mais aussi sa vocation religieuse. Il ne s'agit probablement pas de la maison de Hanne, mais la sienne était dans le même quartier et devait lui ressembler. Il se trouve cependant que la description de la maison de Hanne faite par Jean, correspond exactement au plan relevé par les archéologues. Un portail sur la rue ferme une cour qui donne sur une grande salle de réception. Le quartier sacerdotal a été ravagé par les flammes en 70, lors de la destruction de la ville par les romains. Il n'a jamais reconstruit. Dans son Évangile, Jean décrit donc les lieux tels qu'ils étaient avant 70 et comme il lui aurait été impossible de les décrire s'il n'avait pas connu la Jérusalem d'avant 70.
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Colonnades raffinées et riches mosaïques, vestiges d'une maison sacerdotale de Jérusalem détruite par le feu en 69.

Jean a suivi discrètement Jésus, puisqu'il note dans son évangile : « L'autre disciple, familier du Grand Prêtre, entra avec Jésus dans la cour du Grand Prêtre. » (Jean 18, 15). Voilà signé l’évangile de Jean. Jean l'évangéliste est un familier du Grand Prêtre. Quand on connaît les règles de purification rituelle très rigoureuses qui isolaient les prêtres du commun des mortels, il devient plus que probable que la famille de Jean ait appartenu à la hiérarchie sacerdotale. Jean avait alors entre 15 et 20 ans. Il décédera en l'an 101, à plus de 85 ans.
Pierre lui aussi a suivi la troupe, mais il reste dehors, il n'est qu'un simple pécheur de Galilée. Jean va se servir de ses relations dans la maison de Hanne pour y introduire Pierre : « L'autre disciple, celui qui était connu du grand-prêtre, sortit donc et dit un mot à la portière et fit entrer Pierre. La servante, celle qui gardait la porte, dit alors à Pierre : « N'es-tu pas, toi aussi, des disciples de cet homme ? » Lui dit : « Je n'en suis pas. » Les serviteurs et les gardes qui avaient fait un feu de braises, parce que le temps était froid, se tenaient là et se chauffaient. » (Jean 18, 16). Au mois d'avril, le température peut être fraîche et Pierre s'approche du feu pour se réchauffer, s'exposant à nouveau à être reconnu (*2).
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Le Reniement de Pierre
(Duccio-di-Buoninsegna, 1308-1311 ; Cathédrale de Sienne).

Pendant ce temps là, le Grand Prêtre Hanne interroge Jésus dans la pièce de réception qui est ouverte sur la cour. Jésus refuse de répondre : « Demande à ceux qui ont entendu ce que je leur ai enseigné : eux ils savent ce que j'ai dit. » (Jn 18, 21). Pour cette insolence, le Christ se fait frapper au visage. Le mot grec employé par Jean est « rapisma », qui correspond à un coup porté par un bâton, même si la traduction habituelle en latin ou en français parle d'une simple gifle (Jean 18, 22) (*3). La tuméfaction du nez et de la joue de l'homme du Suaire montre qu'il a bien reçu un coup de bâton. Les traces sur le Suaire sont donc davantage conformes au texte originel en grec, que ne le sont les traductions latines utilisées au Moyen-age.
« Or Simon-Pierre se tenait là et se chauffait. Ils lui dirent : « N'es-tu pas, toi aussi, de ses disciples ? » Lui le nia et dit : « Je n'en suis  pas. » Un des serviteurs du Grand Prêtre, un parent de celui à qui Pierre avait tranché l'oreille, dit « Ne t'ai-je pas vu dans le jardin avec lui ? » De nouveau Pierre nia, et aussitôt un coq chanta. ».

Et Luc ajoute : « Et Pierre se ressouvint de la parole du Seigneur qui lui avait dit : « avant que le coq ne chante, tu m'auras renié trois fois »
Et sortant dehors, il pleura amèrement.
» (Luc 22, 61).

* : Jésus, Jean-Christian Petitfils, *1 : p. 311 / *2 : p. 313 / *3 : p. 315 ; Fayard, 2011.
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:42

CHAPITRE 8 : LE CHRIST INSTAURE LA NOUVELLE ALLIANCE POUR L'HUMANITÉ.
Avril 33.


8. 1. Instaurer la Nouvelle Alliance, la métaphore du Bon Pasteur.
8. 2. Jésus fête Ḥānukkāh à Jérusalem le 20 décembre 32 : « Moi et le Père, nous sommes un ! »
8. 3. « Lazare, viens dehors ! », « Je suis la Résurrection, qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ! »
8. 4. La réunion du Sanhédrin : fin mars 33, la décision est prise de condamner Jésus à mort.
8. 5. Instaurer la Nouvelle Alliance, une femme prophétise sur la mort du Christ.
8. 6. Instaurer la Nouvelle Alliance, l'entrée à Jérusalem.
8. 7. De la pression sociale à la peur.
8. 8. De la peur à la haine.

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8. 9. Jeudi 2 avril 33, le 13 de Nisan. Instaurer la nouvelle Alliance, le lavement des pieds, les chefs doivent servir.
8. 10. Instaurer la Nouvelle Alliance, l'Eucharistie, le jeudi 2 avril 33.
8. 11.  Les adieux, l'annonce de la trahison de Judas et du reniement de Pierre.
8. 12. Les adieux, l'intimité au cœur de la Trinité est révélée.
8. 13. L'agonie.
8. 14. L’arrestation.
8. 15. Le Suaire de Turin, les témoignages historiques de ses déplacements sur 2000 ans.
8. 16. Le Suaire de Turin, les preuves scientifiques.
8. 17. La comparution chez le Grand Prêtre Hanne a lieu le vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan à la fin de la nuit.

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8. 18. Le jugement chez Pilate, le vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan.
8. 19. Le jugement chez Hérode, le Christ est innocent.
8. 20. Instaurer la Nouvelle Alliance, le Christ est couronné d'épines, son Royaume n'est pas de ce monde...
8. 21. Jésus porte sa croix.
8. 22. La crucifixion, vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan.
8. 23. Le partage des vêtements, la tunique d'Argenteuil.
8. 24. La crucifixion est publique, les condamnés parlent devant témoins.
8. 25. La  Nouvelle Alliance, le coup de lance : une fontaine est ouverte pour laver les péchés.
8. 26. La descente de Croix, le Sudarium d’Oviedo.
8. 27. Le Christ est porté au tombeau qui est scellé et gardé.

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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:43

CHAPITRE 8 ( FIN) : LE CHRIST INSTAURE
LA NOUVELLE ALLIANCE POUR L'HUMANITÉ. Avril 33.

8. 18. Le jugement chez Pilate, le vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan.
Dès l'aube, partant de la cité des prêtres, Caïphe et Hanne conduisent Jésus vers le prétoire.

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Jésus est conduit devant Pilate, au prétoire
(Les
Très Riches Heures du duc de Berry, vers 1450 ; Chantilly).

C'est une grande place dallée, à 300 mètres de là, devant l'ancien palais d'Hérode de Grand où siège maintenant le préfet romain. Les archéologues n'ont pas encore retrouvé ce lieu, mais Flavius Josèphe donne un témoignage non chrétien de son existence. Il explique que la justice y est rendue devant « des grands prêtres, des citoyens les plus puissants et les plus connus » (Flavius Josèphe, La guerre des Juifs, 2,14, 8). Le Grand Prêtre refuse d'entrer dans le palais pour ne pas être souillé par cette maison païenne. S'il entre chez Pilate, il ne lui sera plus possible d'immoler lui-même l'agneau pascal (Jean 18, 28-37).
Pilate doit donc sortir pour aller au devant des grands prêtres puisque ceux-ci – même s'ils viennent lui réclamer un service – manifestent leur refus d'être souillés par son contact ! Finalement, être esclave de lois de purification rituelle conduit à toutes les grossièretés... Une lutte psychologique va se nouer entre ces hommes.

Tous les dialogues du procès du Christ se déroulent en grec, langue internationale de l'Antiquité. La langue maternelle de Ponce Pilate est le latin et il parle le grec comme une langue étrangère, comme quelqu'un qui pense en latin avant de traduire mot à mot sa pensée en grec. L’Évangile de Jean en témoigne, qui retranscrit les petites fautes de Pilate s'exprimant en grec. Il s'agit de latinismes. Or, la langue maternelle de Jean est l'araméen, il parle donc lui aussi le grec comme une langue étrangère. Il est peu probable que Jean ait pu inventer ces latinismes, lui qui ne parle pas le latin et mal le grec. Les latinismes de Pilate ont été repérés dans l’Évangile de Jean par Pierre Courouble au XXe siècle. Ils prouvent que le dialogue entre Jésus et Pilate n’a pas été inventé mais, au contraire, scrupuleusement retranscrit*.

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Jésus devant Pilate
(Duccio-di-Buoninsegna, 1308-1311 ; Cathédrale de Sienne).

Pilate demande aux grands prêtres : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? ». La phrase prononcée par  Pilate est un exemple de son grec approximatif. Elle suit la structure grammaticale du latin comme en témoigne l’Évangile de Jean en grec : « tina katègorian phérété kata tou anthrôpou toutou ». En grec correct, Pilate aurait dû dire : « poian katègorian poieisthé kata tou anthrôpou toutou »*. Cela permet d'affirmer que Jean a retranscrit mot à mot les propos réellement tenus par Pilate. Jean qui parle araméen, n'était pas capable de repérer ces fautes de grec et d'être tenté de les corriger. Si son Évangile contient habituellement des fautes de grec, se sont des sémitismes, c'est à dire qu'il traduit au mot à mot de l'araméen vers le grec. Les seuls latinismes de son Évangile sortent de la bouche de Pilate.
Les grands prêtres lui répondent : « Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré. » (Jean 18, 30).
S'ils dérangent Pilate, c'est que le crime est sérieux. En effet, Pilate détient seul le pouvoir de condamner à mort. Mais Pilate pressent que le crime est religieux, puisque c'est le Grand Prêtre qui accompagne Jésus. « Pilate leur dit : « Prenez-le ; vous, et jugez le selon votre Loi. » Les Juifs lui dirent : « Il ne nous est pas permis de mettre quelqu'un à mort ». (Jean 18, 31-32)
Ils vont donc présenter Jésus comme un agitateur politique pour rendre possible sa condamnation à mort par Pilate. « Nous avons trouvé cette homme mettant le trouble dans notre nation, empêchant de payer les impôts à César et se disant Christ Roi. » (Luc 23, 2).

Pilate fait conduire Jésus à l’intérieur. L'instruction du procès va se passer à l’intérieur du palais, sans les prêtres.
« Alors Pilate entra de nouveau dans le prétoire, il appela Jésus et dit : « Tu es le roi des Juifs ? » (Jean 18, 33-37). Réclamer la royauté est effectivement un crime d'état qui nuit à la souveraineté de l'état romain et peut justifier une condamnation à mort. Jésus répond : « Mon Royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon Royaume n'est pas de ce monde. »
Pilate lui dit : « Donc tu es roi ? »
Jésus répondit : « C'est toi qui le dis : je suis roi. Je ne suis né, et je ne suis venu dans le monde que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. »
» (Jean 18, 37).
Pour Pilate, cela sonne comme une argutie théologique, mais il comprend qu'il ne s'agit pas d'un des nombreux agitateurs politiques. Ils ont tous finis crucifiés après une brève révolte armée (Judas, fils d’Ézéchias, Simon un ancien esclave, Judas le Galiléen en 6...)*. Jésus est différent, il n'a commis aucune violence et ne semble pas souhaiter en commettre.
« Pilate lui dit : « Qu'est-ce que la vérité ? » Et sur ce mot, il sortit de nouveau et alla vers les juifs. » (Jean 18, 37-38).
Pilate va donc essayer de le relâcher.

* : Le grec de Pilate selon l’évangile de saint Jean, P. Courouble, Lettre de l’abbé J. Carmignac, n°15, mars 1993, p. 5.

8. 19. Le jugement chez Hérode, le Christ est innocent.

Pilate retourne parler aux grands-prêtres : « Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » (Luc 23, 4). « Mais eux d'insister : « Il soulève le peuple, enseignant dans toute la Judée, depuis la Galilée. » »
Jésus étant Galiléen, il vient de la juridiction d'Hérode Antipas, le fils d'Hérode le Grand. Pilate saisit là une occasion de  flatter un collaborateur local, tout en lui faisant porter la responsabilité de la condamnation. Par ailleurs, Hérode est un ami d'enfance de l'empereur Tibère : ils ont été éduqués ensemble à Rome. Il n'est pas inutile de lui complaire ! « À ces mots, Pilate demanda si l'homme était Galiléen. Et s'étant assuré qu'il était de la juridiction d’Hérode, il le renvoya à Hérode. » (Luc 23, 4-7)
Hérode Antipas n'a pas d'autorité juridique à Jérusalem, il y est venu seulement pour la Pâque. « Hérode, en voyant Jésus, fut tout joyeux, car depuis assez longtemps il désirait le voir, pour ce qu'il entendait dire de lui ; et il espérait lui voir faire quelques miracles. Il l'interrogea, donc avec force paroles, mais il ne lui répondit rien. Cependant les grands prêtres et les scribes se tenaient là, l'accusant avec véhémence. Après l'avoir, ainsi que ses gardes, traité avec mépris et bafoué, Hérode le revêtit d'un habit splendide et le renvoya à Pilate. Et de ce même jour, Hérode et Pilate devinrent deux amis, d'ennemis qu'ils étaient auparavant. » (Luc 23, 8-12).

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Jésus comparait devant Hérode
(Duccio-di-Buoninsegna, 1308-1311 ; Cathédrale de Sienne).

Hérode n'a pas trouvé de motif de le condamner à mort. Jésus s'est simplement montré contrariant en gardant le silence, ce qui a donné l’occasion d'une distraction de mauvais goût : il a été revêtu d'un habit de roi.
Pilate va tenter un compromis : « Pilate alla vers les juifs et il leur dit à nouveau : « Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais c'est une coutume que je vous relâche quelqu'un à la Pâque. Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? Alors, ils vociférèrent de nouveau disant : « Pas lui, mais Barrabas ! » Or, Barabbas était un brigand. » (Jean 18, 40).
Pilate est un homme de pouvoir : il n'aime pas se voir forcer la main par ceux qu'il dirige. Il choisit de punir Jésus en le faisant flageller. Jean est témoin de la scène, il place la condamnation au fouet avant la condamnation à mort de Jésus. Il ne s'agit donc pas de la simple flagellation préalable à la crucifixion telle que la pratiquaient les romains. Celle-ci était destinée à affaiblir le condamné. La flagellation à laquelle est condamnée le Christ est infiniment plus cruelle et devait être sa seule punition*. Pilate argumente auprès des Juifs : « Il n'y a rien qui mérite la mort dans ce qu'il a fait, je vais donc lui infliger un châtiment et le relâcher. » (Luc 23, 22).
Jésus est attaché contre une colonne les bras levés au dessus de la tête offrant son dos aux coups. Sur le Suaire de Turin, 120 coups de fouets ont été dénombrés. La reconstitution virtuelle par A. Legrand a montré qu'un seul bourreau se tenait à un mètre environ du Christ et l'a frappé du coté droit en direct et du coté gauche par des coups de revers. La peine subie par le condamné du Suaire a été infligée par des romains, et non par des juifs, car le Deutéronome (Dt 25, 3) interdit de porter plus de 40 coups de fouet *. Le fouet qui a frappé l’homme du Suaire est bien romain. Il s'agit d'un flagrum taxilatum : un manche de 60 cm porte deux lanières en cuir alourdies par des poids en forme d'haltères métalliques larges de 3,5 cm. À chaque impact, la peau est déchirée.

Un fouet identique, mais à 3 lanières, a été retrouvé à Herculanum, figé sous les laves du Vésuve depuis l'an 79.

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Flagrum découvert à Pompéi (Ier siècle). Et détail d'un denier romain montrant un flagrum.

* : Jésus, p. 352, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

8. 20. Instaurer la Nouvelle Alliance, le Christ est couronné d'épines, son Royaume n'est pas de ce monde...

« Pilate prit alors Jésus et le fit flageller. Les soldats tressant une couronne avec des épines, la lui posèrent sur la tête, et ils le revêtirent d'un manteau de pourpre, et ils s'avançaient vers lui en disant. Salut roi des Juifs ! » Et ils lui donnaient des coups. » (Jean 19, 1-3).


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Le Christ couronné d'épines
(Antonello da Messina, le Christ à la colonne, 1476 ; Musée du Louvre, Paris).

Est-ce Hérode Antipas qui a suggéré à Pilate cette sinistre farce, lui qui a revêtu le Christ d'un manteau royal ? Le Christ est déguisé en roi, affublé d'une caricature de couronne et revêtu d'un manteau de pourpre, symbole du pouvoir impérial.
Sur le Suaire, 50 entailles du cuir chevelu racontent le couronnement d'épines. Il ne s'agit pas d'un unique cercle épineux mais d'un casque d'épines, provenant d'un arbuste méditerranéen, le Gundelia tournefortii, qui servait de bois d'allumage*. Un tiers des pollens du Suaire viennent de cet arbuste. Les épines laisseront en particulier une coulée de sang sur le front en forme de « 3 » qui sera reprise sur les icônes à partir du VIe siècle. Les artistes du Moyen Âge en firent une mèche de cheveux. Ils ne comprirent pas qu'il s’agissait d'une coulée de sang qui suivait les plis du front douloureusement contracté*.
Les coups laissés par les soldats, ont laissé des traces sur le Suaire : barbe arrachée, hématomes aux sourcils, plaie triangulaire à la joue droite, déchirure de la paupière droite*. Leur violence réalise la prophétie d’Isaïe : « J'ai tendu le dos à ceux qui me frappaient, et les joues, à ceux qui m'arrachaient la barbe ; je n'ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats. » (Isaïe 50, 6).

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Jésus maltraité par les gardes
(Duccio-di-Buoninsegna, 1308-1311 ; Cathédrale de Sienne).

Pilate retourne voir les Juifs pour leur présenter leur roi. Sanglant, épuisé, revêtu d'emblèmes du pouvoir impérial, « Jésus sortit donc dehors, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre ; et Pilate leur dit : « Voici l'homme ! » Lorsqu'ils le virent, les grands prêtres et les gardes vociférèrent, ils dirent : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! »
Sans qu'il le sache, Pilate leur présente le serviteur souffrant d’Isaïe : « De même qu'il a été pour plusieurs un sujet d'effroi, tant son visage était défiguré, tant son aspect différait de celui des fils de l'homme. » (Isaïe 52, 14).

Pilate pense qu'il peut éviter de condamner à mort Jésus qui n'est pour lui qu'un inoffensif illuminé. Il répète : « Je n'ai trouvé en lui aucun motif de condamnation. » (Jean 19, 6). Les grands prêtres lui répliquent : « Nous avons une Loi et d'après cette Loi, il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu. ». Les prêtres viennent enfin d'avouer à Pilate pourquoi ils veulent la mort du Christ. Il ne s'agit nullement d'un crime politique, d'une atteinte à la souveraineté romaine, mais bien d'un conflit religieux. Jésus a blasphémé, selon les prêtres juifs, puisqu'il se prétend Dieu. Jean continue : « Lorsque Pilate entendit cette parole, il fut encore plus effrayé. Il entra de nouveau dans le prétoire et dit à Jésus : « D'où es-tu ? » Mais Jésus ne lui donna pas de réponse. » (Jean 19, 8).
Pilate est terrorisé par ce qu'il est poussé à faire. Homme religieux, même s'il n'est pas juif, il lui déplaît de devoir juger dans une affaire divine. Mais sa faiblesse et ses erreurs passées vont le conduire à céder aux grands prêtres. « Pilate cherchait à le relâcher. Mais les Juifs vociféraient : « Si tu le relâches, tu n'es pas l'ami de César : quiconque se fait roi, s'oppose à César. » (Jean 19, 12-16).
Les juifs touchent là un point sensible. L'année précédente, Pilate avait encouru le blâme de l'empereur Tibère. Soucieux de flatter l'empereur, Pilate avait courroucé les juifs en introduisant dans Jérusalem des boucliers d'or portant son nom associé à celui de Tibère. Ces dédicaces avaient un caractère religieux et étaient donc blasphématoires. Les fils d'Hérode en avaient appelé à l'empereur qui avait désavoué Pilate (Philon d'Alexandrie, Légation à Caïus 159-161). Être menacé par les prêtres juifs de n'être pas « l'ami de l'empereur » réveille en lui de trop mauvais souvenirs. Lui aussi dépend d'un maître et mécontenter l'empereur n'est pas raisonnable*.

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Pilate s'en lave les mains. Il renonce à sauver Jésus et décline toute responsabilité
(Duccio-di-Buoninsegna, 1308-1311 ; Cathédrale de Sienne).

« Ayant entendu ces paroles, Pilate fit sortir Jésus et prit place au Tribunal, puis il dit au Juifs : « Voici votre roi » ». C'était la « sixième heure » rapporte Jean, moment où les cérémonies inaugurant la Pâque juive débutent au Temple avec la préparation des sacrifices d'agneaux.
La foule crie « crucifie-le, crucifie-le ». Pilate : « Crucifierai-je votre roi ? « Nous n'avons pas d'autre roi que César ! ». Cette réponse de la foule juive est importante spirituellement. Il s'agit d'un blasphème, le peuple juif en disant que son roi est César renie la souveraineté de Yahvé sur Israël.
« Alors, [Pilate] le leur abandonna pour être crucifié. » (Jean 19, 16).

La foule ne saisit pas de quoi elle est l'instrument. Le Christ va librement à la mort au moment où les sacrifices d’agneaux se préparent au Temple pour commémorer la Pâque, en souvenir de la libération de l'esclavage d’Égypte sous la conduite de Moïse. Une autre libération s'opère devant eux, la libération de la mort et du péché.

Les soldats romains vont se charger d'exécuter la sentence. Désormais les grands prêtres peuvent retourner au Temple pour les sacrifices de la Pâque : ils sont toujours purs rituellement...

*: Jésus, p. 363, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

8. 21. Jésus porte sa croix.
Quand un condamné doit être crucifié, la phase latine de condamnation est « In crucem ibis » (« À la croix, tu iras »). Une planche en bois, le titulus damnationis, indique le motif de la condamnation. C'est Pilate lui-même qui indique ce qu'il faut écrire (Jean 19, 19). Il choisit de provoquer les juifs qui l'ont contraint à une condamnation qu'il voulait éviter. Il fait écrire : « Jésus le Nazôréen, le roi des juifs. » (Jean 19, 20), dans les trois langues parlées en Israël, en araméen, en latin et en grec : « Yesua Nazaraya malka diyehudaye,
Iesus nazarenus rex iudaeorum,
Ho Nazôraios ho Basileus tôn Ioudaiôn.
»*.
Les juifs contestent ce panneau qui semble confirmer la royauté de Jésus sur Israël. « Les grands prêtres et les juifs dirent donc à Pilate : « N'écris pas : « Le roi des Juifs », mais « cet homme a dit : « Je suis le roi des Juifs ». Pilate répondit : « Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit ». » (Jean 19, 21-22). Pilate fait là encore un latinisme, il traduit directement en grec la locution latine : « Quod scripsi, scripsi » et cela donne : « ho guégrapha guégrapha » dans les évangiles écrits en grec. Pilate commet une erreur grammaticale en grec. La phrase correcte est « Cha égrapsa guégrapha » *.

Les condamnations à mort étaient rares sous Pilate et il est vraisemblable que la partie verticale de la croix (le stipex) ne soit pas restée à demeure dans le sol. Jean rapporte que Jésus sort de Jérusalem en portant sa croix, donc la totalité de l'instrument de torture. L'analyse du linceul de Turin a permis de mettre en évidence la trace d'un objet lourd en forme de croix, marquant le dos du supplicié.
La dimension et le poids de la Croix ont pu être évalués en étudiant le Suaire de Turin. D'après l’analyse réalisé sur le Suaire de l'orientation du coup de lance donné dans la poitrine du Christ après sa mort, la croix aurait été haute de 270 centimètres. La croix devait donc peser 75 kilos**. Le Christ était hors d'état de la porter jusqu'au Golgotha, à l'extérieur de Jérusalem, à 400 mètres du palais romain. Le Christ s’effondre, s'écorchant profondément les genoux. La trace est toujours visible sur le Suaire. Les synoptiques racontent que les soldats doivent réquisitionner un passant, Simon de Cyrène qui « revenait de la campagne » (Matthieu 27, 32, Marc 15, 21 et Luc 23, 26) ayant terminé son travail. Effectivement, le premier jour de la Pâque juive, le travail cesse à midi. C'est donc bien ce jour-là que Jésus est crucifié et non un autre jour (**1). Simon de Cyrène se place derrière Jésus et l'aide à porter la croix jusqu'au Golgotha.


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Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix
(attribué à Francisco de Ribalta, 1565-1626).

En route, ils croisent des pleureuses. Il s'agit d'une confrérie de femmes pieuses qui, à Jérusalem, étaient chargées d’accompagner les condamnés (**2). Le Christ leur parle, mettant une dernière fois le monde en garde et prophétisant sur la ruine de Jérusalem : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Car voici que viennent des jours où l'on dira : « Heureuses les stériles et les ventres qui n'ont pas enfanté et les seins qui n'ont pas nourri !» « Alors on se mettra à dire aux montagnes : « Tombez sur nous » et aux collines : « Couvrez-nous » ! Car si l'on a fait cela avec le bois vert, avec le sec qu'adviendra-t-il ? » (Luc 23, 28-31). La ruine absolue de Jérusalem et d’Israël en 70 confirmera tragiquement ses paroles. Un monde est en train de passer.
Jésus arrive au Golgotha, accompagné d'une foule de curieux qui ne sont pas forcément agressifs (Luc 23, 27). Les romains lui proposent de boire « du vin mêlé de myrrhe » (Marc 15, 23), comme il était d'usage afin d'anesthésier un peu le condamné. Cette recommandation est reprise dans le Talmud de Babylone (Sanhédrin 43 a) : « Quand un homme est condamné, on lui permet de prendre un grain d'encens dans une coupe de vin pour perdre conscience... Les dames honorables de Jérusalem se chargeaient de cette tâche. » (**2). Les romains ayant pour habitude de se conformer aux traditions locales des peuples soumis quand le sujet était peu important, il est vraisemblable qu'ils aient laissé les femmes de la confrérie de Jérusalem accomplir leur mission charitable.
Jésus refuse : il ira à la mort en toute lucidité (Marc 15, 23).


* : Le grec de Pilate selon l’évangile de saint Jean, P. Courouble, Lettre de l’abbé J. Carmignac, n°15, mars 1993, p. 5.
** : Jésus, Jean-Christian Petitfils, **1 : p. 369 / **2 : 374, Fayard, 2011.

8. 22. La crucifixion, vendredi 3 avril 33, le 14 de Nisan.
Les condamnés étaient crucifiés juste à la sortie de Jérusalem, sur un rocher en forme de crâne surnommé le Golgotha. Les murailles de Jérusalem seront modifiées moins de dix ans après et le Golgotha se trouvera inclus dans la ville. L' Évangile de Jean signale que le Christ a été crucifié en dehors de la ville (Jean 19, 20). Une fois de plus, il ne fait pas d'erreur sur la topographie de la ville à l'époque du Christ.

La crucifixion avait été abolie par Hérode le Grand en Terre Sainte, mais persistait dans l'empire romain, au grand effroi et à l'horreur de tous. C'est un supplice infamant pour le Deutéronome (Dt 21, 23) et une peine atroce pour les auteurs latins Cicéron et Sénèque (Lettre 101 à Lucillius). Le Christ, en la subissant librement, « nous a rachetés de la malédiction de la Loi en devenant, pour nous, malédiction, car il est écrit : « Maudit soit quiconque est pendu au bois. » afin qu'aux païens passe dans le Christ Jésus la bénédiction d'Abraham et que, par la foi, nous recevions l'Esprit de la promesse. » (Paul aux Galates 3, 13). L'expression « être pendu », « pendu au bois » ou le terme « empalé » étaient employés indifféremment pour signifier la crucifixion.

Malgré l’interdiction d'Hérode le Grand, d'autres juifs ont été crucifiés au premier siècle. En 1968, on a retrouvé dans les environs de Jérusalem les restes d'un homme mort par crucifixion au Ier siècle. Son nom noté sur l'ossuaire nous apprend qu'il s'agit de Yohanan ben Hizqiel. Ses deux jambes ont été fracassées. Le clou qui traverse l'os du talon, le calcanéum, était toujours en place et mesurait 17,7 cm.
Trois clous sont nécessaires à la crucifixion. Un clou au milieu de chaque poignet écrase le nerf médian, entraînant une rétractation du pouce vers la paume. On retrouve sur le Suaire de Turin cette rétractation des pouces qui signe une crucifixion « à la romaine » et non telle qu'on se l'imaginait au Moyen Âge. Un clou unique réunit les deux chevilles, après avoir tordu le pied gauche sur le droit. La crucifixion a été abolie au IVe siècle par l'empereur Constantin. Les techniques de cette mise à mort épouvantable se sont alors perdues. Tout au long du Moyen Âge, on représentera les crucifiés avec des clous au milieu des paumes, ce qui est anatomiquement impossible. Cette erreur provient d'une approximation dans les traductions des Évangiles. En effet, après sa résurrection, Jésus propose à Thomas de toucher la trace des clous dans ses poignets. Il emploie le mot « yad » qui veut aussi bien dire main que poignet en hébreu (Jean 20, 27). La transcription en grec du mot hébreux yad a conduit à une approximation qui a suggéré que Jésus avait été crucifié au milieu de la main et non au travers du poignet.

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La crucifixion (Duccio-di-Buoninsegna, 1308-1311 ; Cathédrale de Sienne).

Les renseignements obtenus par l'analyse du Suaire de Turin montrent que les bras de l'homme crucifié ont été supportés par des cordes en plus de l'enclouement dans les poignets. Ce détail n'est signalé dans aucun Évangile. Si le Suaire était un faux, pourquoi avoir rajouté ces traces de cordes qui n'ont été signalées par aucun Évangile. Cela a permis au condamné de mieux respirer. Sans ce soutien, il serait décédé en quelques minutes, tant il était affaibli par la déshydratation et les hémorragies. Selon les Évangiles, le Christ va effectivement survivre trois heures sur la croix.
Pilate a continué à siéger au tribunal après avoir condamné Jésus. Deux autres hommes sont condamnés cette même matinée. Ils sont crucifiés en même temps que Jésus. Les deux hommes ont été flagellés, mais moins sévèrement que le Christ. Il s'agit seulement de les affaiblir avant la crucifixion, ainsi que le pratiquaient les romains. Ils survivront plus longtemps que Jésus et devront avoir les jambes brisées pour mourir avant le sabbat.

8. 23. Le partage des vêtements, la tunique d'Argenteuil.
Les condamnés de Rome sont entièrement dévêtus avant la crucifixion. En a-t-il été de même pour Jésus ? La pudeur juive interdisait qu'un homme soit dévêtu, mais aucun témoignage antique juif ne nous renseigne sur ce qui s'appliquait en Terre Sainte à l'occasion d'une condamnation à mort. Méliton, évêque de Sardes, en Lydie, écrit au IIe siècle : « Il n'a pas même été jugé digne d'un vêtement pour qu'il ne soit pas vu. » Il est donc  probable que le Christ a été dévêtu.
Une fois les hommes crucifiés, les bourreaux se partagent leurs vêtements. Ainsi les romains rémunèrent-ils les bourreaux. La tunique du Christ étant un beau vêtement d'un seul tenant, sans couture, ces derniers décident de ne pas la déchirer mais de la tirer au sort. Jean (Jean 19, 23-24) note ce détail qui confirme le Psaume 22, (19) : « Ils se sont partagé mes habits et mon vêtement, ils l'ont tiré au sort. ».

Il est possible que la tunique portée par le Christ, et que les soldats ont tirée au sort, soit parvenue jusqu'à nous. En 800, Irène, l'impératrice d'orient, envisage de se marier avec Charlemagne, l'empereur d’occident. Elle lui offre alors une tunique gardée à Constantinople, que l'on croit être celle portée par le Christ le jour de sa mort. Depuis, la Tunique est conservée en France, à Argenteuil, dans le couvent dont la fille de Charlemagne était abbesse.
La Tunique est en laine de mouton, de couleur brun rouge. De nos jours, elle est très dégradée. Elle a été mangée par les mites et rapiécée.

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La Tunique d'Argenteuil.

L'étude des textes anciens permet de restituer ses pérégrinations sur 2000 ans (*1). La Tunique a été gardée jusqu'au VIe siècle à Jaffa dans un coffre de marbre. Puis, elle a été transférée dans la Basilique des Anges, à Germia près de Constantinople, à la fin du VIe siècle.
En 800, l'impératrice Irène offre donc la Tunique à Charlemagne qui la confie à sa fille Théodrade, abbesse du couvent d'Argenteuil. Au début du IXe siècle, pour la protéger des raids normands, Théodrade la dissimule dans un coffre d'ivoire qu'elle emmure dans le couvent. En 1156, elle est redécouverte là où elle était enfermée.
Elle est à nouveau cachée pendant les guerres de religions.
Pendant la révolution française, elle est découpée par le curé de la paroisse et enterrée pour être préservée de la destruction. Elle n'est déterrée que deux ans plus tard...
Il s'agit donc d'un vêtement extrêmement dégradé et reprisé à de multiples reprises.
Certains faits font néanmoins penser qu'elle est authentique (*2). Son fil, torsadé fortement en Z lors du filage, montre une origine judéo-syrienne. La laine a été teinte avant tissage selon une technique antique.
Les pollens retrouvés sur la Tunique sont palestiniens.
Elle est imprégnée d'un sang de même groupe sanguin que celui du Suaire de Turin, un sang d'un groupe rare : AB -. Les traces de sang autour du cou, causées par la couronne d'épines, sont superposables aux coulées de sang du Suaire de Turin. Les traces du portement de Croix sont également superposables à celles du Suaire (*3).

Cependant, la datation de la Tunique au carbone 14 réalisée en 2004 donne une fourchette entre 670 et 880. Mais, comme pour le Suaire, le carbonate de calcium de l'échantillon peut avoir perturbé le résultat. On pense que les tentatives de nettoyage des impuretés auraient même contribué à détruire sur l'échantillon analysé le tissu d'origine tant il était fragile.

D'autres tuniques du Christ sont conservées et vénérées en d'autres lieux, en particulier celle de Trêves en Allemagne mais elle n'a pas été étudiée scientifiquement. Un manteau du Christ aurait également été conservé. Il est gardé par l’Église orthodoxe qui l'a divisé en trois fragments, répartis entre Moscou, Kiev et Saint-Pétersbourg.
La tunique d'Argenteuil, en raison de sa concordance avec le Suaire de Turin, pourrait bien être authentique. Le Pr André Marion, professeur de physique à l'institut d’optique théorique de l'université d'Orsay, en analysant ces deux reliques, Suaire de Turin et Tunique d'Argenteuil, a démontré que l'homme qu'elles avaient recouvert pesait 77 kg pour 1,80 mètre *.

* : Jésus, *1 : 573 / *2 : p. 574 / *3 : p 369 ; Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

8. 24. La crucifixion est publique, les condamnés parlent devant témoins.

Élevé de terre sur sa Croix, le Christ commence ses dernières prières. Luc rapporte sa phrase si étonnante : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font. » (Luc 23, 34). C'est bien dans cette prière que peuvent s'abriter tous ceux qui nient la divinité du Christ et qui refusent qu'il soit mort et ressuscité pour eux. Le pardon leur est proposé en raison de leur ignorance.

Les deux brigands crucifiés en même temps que Jésus ont des réactions différentes. Tandis que l'un, dans sa souffrance, met Jésus au défi de faire un miracle, l'autre se reconnaît pécheur et innocente le Christ : « L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi.» Mais l'autre le reprenant, déclara : « Tu n'as même pas crainte de Dieu, alors que tu subis la même peine ! Pour nous, c'est justice, nous payons nos actes ; mais lui n'a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume. » Et il lui dit : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » » (Luc 23, 39-43).
Il est à noter que de toutes les personnes que le Christ croise tout au long de sa vie, seul ce criminel apprend avec certitude ce qui l'attend dans l'autre monde : le salut dans la béatitude divine et la proximité de Dieu. Il y a là tout le symbole du ministère du Christ. « En effet, le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Luc 19, 10). Dans aucun des quatre Évangiles, le larron qui se rebelle n'est damné, seul le bon larron est renseigné sur son avenir dans l'au-delà. En fait, dans les Évangiles, personne n'est damné de façon certaine. Jusqu'au bout, la parole du Christ est une parole de salut et de restauration, jamais une parole de condamnation ou de punition inéluctable.

Plusieurs femmes ont accompagné le Christ lors de la passion.

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Les Femmes au pied de la Croix
(Giotto di Bondone, 1310 ; basilique Saint-François d'Assise).

Le seul homme présent au pied de la croix est Jean l’Évangéliste. Sont présentes la mère de Jésus, Marie-Madeleine, la pécheresse repentie et la femme de Clopas qui est le frère de Joseph. Le Christ va dire une phrase qui prouve qu'il est bien fils unique et que Marie n'a pas d'autres enfants.  Ainsi, Jésus voyant au pied de la croix, Jean « le disciple qu'il aimait », « dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis au disciple : « Voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui. » (Jean 19, 25-27). La Tradition juive était très précise, jamais Marie n'aurait pu être hébergée chez un étranger de la famille si elle avait eu d'autres enfants.

Le Christ est tellement affaibli par les mauvais traitements, qu'il va mourir en moins de trois heures.
Jean raconte ses derniers moments :
« Après quoi, sachant que désormais tout était achevé, pour que l’Écriture fût parfaitement accomplie, Jésus dit : « J'ai soif » » (Jean 19, 28-29). Les deux Psaumes qui évoquent la soif du Messie lors de sa passion se terminent tous les deux par un chant triomphant de salut et proclament la Royauté éternelle promise au Juste (Psaumes 69, 22 et Psaume 22, 16).
Matthieu (Matthieu 27, 46) et Marc (Marc 15, 34) mentionnent les dernières paroles de Jésus. « Eli, Eli, lema sabachthani », « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as tu abandonné ». Ce cri de détresse absolue est le premier vers du même Psaume 22 qui se termine par un chant de victoire avec le triomphe universel de « celui qui ne vit plus » mais qui est sauvé par Yahvé.
« Un vase était là, rempli de vinaigre. On mit autour d'une branche d'hysope une éponge imbibée de vinaigre et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « C'est achevé » et, inclinant la tête, il remit l'esprit. » (Jean 19, 29-30).
Le Christ a gardé la pleine maîtrise de son discours et des événements : il ne maudit personne, pardonne à ses bourreaux, pense à assurer l'avenir de sa mère et offre le salut à son compagnon de misère qui se repent.

Jésus meurt à la neuvième heure, soit 15 heures de notre heure actuelle, au moment précis où le grand-prêtre Caïphe, revêtu des habits sacerdotaux, immole le premier agneau pascal pour commémorer la libération d'Israël. Cette concomitance n'avait manifestement pas été voulue par les juifs …

« L’agneau qui enlève les péchés du monde » (Jean 1, 29) vient de mourir. « Tout est achevé ! » (Jean 19, 28).

* : Jésus, p 85, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

8. 25. La  Nouvelle Alliance, le coup de lance : une fontaine est ouverte pour laver les péchés.

Le Sabbat va bientôt commencer. La Loi du Deutéronome (21, 22-23) demande que les condamnés ne passent pas la nuit suspendus au gibet. Les Juifs réclament qu'on leur casse les jambes pour qu'ils meurent asphyxiés.
Les deux larrons sont ainsi traités, mais pas le Christ qui il est déjà mort. Ainsi, s'accomplit le Psaume 34 : « Yahvé garde tous ses os, pas un ne sera brisé. » (Psaume 34, 21). Jean raconte « Mais l'un des soldats, de sa lance, lui perça le côté, et il sortit aussitôt du sang et de l'eau. » (Jean 19, 34).

Sur le Suaire de Turin, la trace du coup de lance permet d'identifier l'arme romaine qui a percé le cœur de l'homme de la relique. Il s'agit d'une lancea romaine, dont un exemplaire a été retrouvé à Jérusalem par les archéologues. Les dimensions et la forme de la lame, la longueur du manche permettent de donner une plaie comme celle repérée sur le Suaire. Le coup sur le Suaire est porté du coté droit du thorax. Cela correspond à la technique d'escrime des soldats romains que Jules César a décrite dans La Guerre des Gaules. Ils contournaient le bouclier porté à gauche et frappaient la poitrine à droite *.

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Lancea romaine antique dont les dimensions correspondent
exactement à la plaie visible sur le Suaire.

Dès que le côté du Christ fut percé, « il en sortit de l'eau et du sang » (Jean 19, 34). Cela est conforme aux données médicales. Après la flagellation et la crucifixion, le Christ, souffre de lésions de la plèvre (l'enveloppe autour des poumons) et du péricarde (l'enveloppe autour du cœur). Dans un premier temps, la lymphe contenue dans ces deux enveloppes s'échappe brusquement, puis, dans un second temps, l'oreillette du cœur perforé libère le sang qu'il contient. La description des évangiles est fidèle, au détail près, à ce qui se passe scientifiquement quand un être humain subit un tel supplice : l'eau et ensuite le sang s'échappent *.

Jean se souviendra de la prophétie de Zacharie : « Mais je répandrai sur la maison de David un esprit de grâce et de supplication, et ils regarderont vers moi. Celui qu'ils ont transpercé, ils se lamenteront sur lui comme on se lamente sur un fils unique : ils le pleureront comme on pleure un premier-né ... En ce jour-là, il y aura une fontaine ouverte pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem, pour laver péché et souillure. » (Zacharie 12, 10 et 13, 1).

La fontaine dans laquelle l'humanité lave ses péchés, annoncée par Zacharie, est le cœur transpercé du Christ. Voilà la lecture théologique qu'en fait Jean.

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Icône du Christ au cœur transpercé
(XIIe siècle ; Sainte Catherine du Sinaï).

Jean est le seul homme a avoir eu le courage et la fidélité d'accompagner le Christ jusqu'au bout. Il comprend mieux que quiconque de quel amour Dieu nous a aimé et son don de salut. Il en porte témoignage dans son Évangile et ses Épîtres : « Quel est le vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C'est lui qui est venu, par eau et par sang : Jésus-Christ, non avec l'eau seulement mais avec l'eau et le sang... Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand. Car c'est le témoignage de Dieu, le témoignage que Dieu a rendu à son Fils. Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui. Celui qui ne croit pas en Dieu fait de Lui un m enteur, puisqu'il ne croit pas au témoignage que Dieu a rendu à son Fils. Et voici ce témoignage : c'est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et que cette vie est dans son Fils. Qui a le Fils a la vie ; Qui n'a pas le Fils, n'a pas la vie. » (Première Épître de Jean 5, 5-9).

La plénitude de la révélation et du salut est dans le Fils éternel du Père, le Christ Jésus ! L'origine divine du Fils a été confirmée par des miracles. Affirmer le contraire revient à traiter Dieu de m enteur selon Jean ! Voilà ce dont témoigne Jean avec l'assurance d'une conviction puisée dans son expérience personnelle.

*: Jésus, p. 398 à 401 ; Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.


L'AVE VERUM de Mozart : méditation sur la passion et affirmation de l’Eucharistie, vrai corps du Christ :
« Salut ! Vrai corps né de la Vierge Marie, Ayant vraiment souffert et qui fut immolé sur la croix pour l'homme,
Toi, dont le côté transpercé laissa couler l'eau et le sang, Sois pour nous un réconfort dans l'heure
de la mort. Ô doux, Ô bon, Ô Jésus fils de Marie, Aie pitié de moi. Ainsi soit-il ».

8. 26. La descente de Croix, le Sudarium d’Oviedo.
« Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Pilate le permit. Ils vinrent donc et enlevèrent son corps. » (Jean 19, 38-40).
Et Marc précise que Joseph, « tout membre notable du conseil » qu'il est, a fait preuve de courage : « Joseph alla courageusement demander à Pilate le corps de Jésus » (Marc 15, 43). Marc, le scribe de Pierre, témoigne probablement  du brûlant remord de Pierre face au courage de Joseph d'Arimathie. Seul l'évangile de Marc donne cette précision.

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Déposition de la croix
(Giotto-di-Bondone, XIVe siècle ; Chapelle des Scrovegni, Padoue).

Selon la coutume juive, un visage de mort doit être caché.
Jean d'Arimathie pose sur la tête du Christ un linge et l'attache derrière sa tête avec une épingle après avoir retiré la couronne d'épines. On possède toujours ce linge. C'est un tissu conservé en Espagne dans la cathédrale d’Oviedo et surnommé le Suaire ou Sudarium d'Oviedo*.

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Le Suaire d'Oviedo.

Le Sudarium d'Oviedo a été étudié par des scientifiques espagnols. Le carbone 14 l'a daté, il serait environ du VIIe siècle. Mais d'autres éléments permettent de penser qu'il pourrait être contemporain du Christ. Ce linge mesure une coudée judéo-assyrienne et demie de long (82cm) sur une de large (55 cm) : il s'agit d'une mesure antique qui n'avait plus cours au VIIe siècle. Il est en lin, comme le Suaire de Turin. Le fil utilisé a été filé avec la même technique de fils tordus en Z, typique du filage antique. Il est couvert de taches de sang du même groupe - le groupe AB - que le sang du Suaire de Turin et que le sang de la Tunique d'Argenteuil. Le groupe sanguin AB est un des plus rares. Seuls 4 % des hommes en sont porteurs. Il y a qu'une chance sur 15000 que ces  trois reliques différentes aient été imprégnées par hasard par un sang de ce même groupe sanguin. Il est donc mathématiquement certain que ces trois reliques ont touché le même homme crucifié. De plus, les taches de la nuque sont superposables à celles du Suaire de Turin et la proportion des sangs pré mortem et post mortem est identique sur les deux linges. Ils ont donc entouré la même tête de crucifié décédé*.
Les scientifiques ont analysé les taches de sang et de lymphe qui le couvrent et ont pu reconstituer les différents déplacements du corps du Christ lors de son ensevelissement. Quand Joseph d'Arimathie recouvre la tête du Christ toujours suspendu à la croix, du sang et de la lymphe s'écoule de son nez : la première tache sur le Sudarium d'Oviedo apparaît alors. Joseph d'Arimathie, ou un de ses serviteurs, attache le linge à l'arrière de la tête avec des épingles. C'est ce que nous montre le Sudarium d’Oviedo où les trous d'épingles sont toujours visibles.

Une fois la tête du Christ recouverte d'un linge, le corps est descendu de la croix. Le Sudarium d’Oviedo complète les Évangiles. Le Christ est descendu de croix et posé sur le sol, face contre terre, la tête toujours recouverte du Sudarium d’Oviedo. Le sang de la veine cave se vide par la bouche sur le linge : la trace en a été retrouvée*. Cela témoigne du coup de lance qui a fait communiquer le cœur et la gorge. Une heure après, le corps est retourné sur le dos ; le linge est détaché de l'arrière de la tête et replié sur le visage. Est-ce le temps qu'il a fallu à Joseph d'Arimathie pour se procurer le linceul pour l’ensevelissement ? D'après Matthieu (Mat 27, 59), Joseph d'Arimathie a choisi un « suaire rituellement pur » pour l'ensevelissement. Il s'agirait du Suaire de Turin.
Le Suaire de Turin est une pièce de lin de 8 coudées judéo-assyriennes de long (soit 4 mètres 38) sur 2 de large (1 mètre 10). Une fois de plus, ses dimensions sont mesurables dans l'unité antique qui était utilisée en Terre Sainte au premier siècle. Joseph d'Arimathie avait-il ce Suaire prêt pour lui même ? C'est possible. Il n'a pas pu l'acheter ce même jour, puisque les magasins étaient fermés pour la Pâque. Joseph d'Arimathie l'a-t-il prélevé dans les magasins du Temple ? En effet, le lin est le tissu sacerdotal par excellence. M.-L. Rigato, historienne italienne, pense que les caractéristiques de tissage du Suaire de Turin l'apparentent à un vêtement sacerdotal, un sadin shel buz. Le Grand Prêtre le revêt le jour du Grand Pardon (Kippour) pour respecter les prescriptions du Lévitique (Lévitique 16, 4 puis 16, 23). Les amis du Christ au Sanhédrin ont donc choisi de l'ensevelir dans un tissu semblable à celui porté par le Grand Prêtre lors du sacrifice du Grand Pardon (*2).

Le vendredi 3 avril 33, une éclipse partielle de lune était visible à Jérusalem entre 17h51 et 18h33 (*3).
Est-ce de cette éclipse que parlent les évangiles synoptiques quand ils affirment qu'une grande obscurité se répandit sur la terre après la mort du Christ ? (Mat 27, 45 ; Marc 15, 33 : Luc 23, 44). Cette éclipse n'est qu'une éclipse de lune et nullement de soleil, puisqu'on était à la pleine lune : la lune ne pouvait donc pas obscurcir le soleil.

L'exagération des synoptiques est probablement symbolique : la nuit tombe avec la mort du Christ ... mais l'allusion à un phénomène astronomique permet de dater avec une grande précision la mort du Christ : il est mort en 33, le 14 de Nisan, donc le vendredi 3 avril 33.

* : Jésus ; * 1 : p. 413-414 / * 2 :415 / *3 : p. 401-407 ; Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.

8. 27. Le Christ est porté au tombeau qui est scellé et gardé.

Nicodème, un autre notable juif, rejoint Joseph d'Arimathie pour l’ensevelissement du Christ. « Nicodème - celui qui précédemment était venu, de nuit, trouver Jésus – vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et d'aloès d'environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus et le lièrent de linges, avec les aromates, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs. Or il y avait un jardin, au lieu où il avait été crucifié, et, dans ce jardin, un tombeau neuf, dans lequel personne n'avait encore été mis. À cause de la Préparation des Juifs, comme le tombeau était proche, c'est là qu'ils déposèrent Jésus. » (Jean 19, 38-42).

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Mise au tombeau
(Jean Canavesio, 1492 ; chapelle Notre-Dame-des-Fontaines, Provence).

Le Christ est porté dans un tombeau neuf tout proche. Sur le Suaire de Turin, on peut voir la trace des mains du serviteur qui a tenu le Christ par les pieds. Le sang qui couvrait les pieds du corps a gardé la trace des mains du porteur*.
Le tombeau est une cavité creusée dans le rocher, avec à droite en entrant, une banquette basse pour déposer le cadavre (Marc 16, 5). L'ouverture est suffisamment étroite pour être fermée par une seule grosse pierre.

Le Suaire est un long rectangle de tissu de lin de 4,38 mètres sur 1,10. Une extrémité est allongée sur la banquette du tombeau. Le corps est déposé dessus. Dès que les rites d'ensevelissement seront achevés, le tissu sera replié par dessus la tête et recouvrira le coté ventral jusqu'aux pieds.
Nicodème a apporté de la myrrhe et de l’aloès pour une valeur de cent livres. La livre est naturellement l'unité monétaire et non un poids. Sur le Suaire de Turin, on retrouvera la trace de ces aromates. Ils sont de tradition en Orient pour limiter les odeurs de la décomposition rapide due à la chaleur. Du natron - sel disséquant égyptien - et des graines de pistache ont été également retrouvées sur le Suaire de Turin(*1).

Grâce à un analyseur d'image VP8, la Nasa a fait une autre découverte. Les physiciens américains, Jumper et Jackon, ont observé un léger renflement sur les paupières pouvant correspondre à des pièces de monnaie (*2). Cette coutume juive servant à fermer les yeux des morts fut abandonnée au IIe siècle après JC. On a ainsi retrouvé d'autres exemples de cette pratique dans les cimetières juifs du premier siècle. La première pièce remarquée sur le Suaire est un lepton frappé entre 29 et 31 par Pilate, on y lit « Y CAI », abréviation de TIBEPIOY KAICAPOC (de Tibère César) avec une faute d'orthographe, (le C aurait dû être un K). On a pu croire dans un premier temps que la pièce avec une faute était un faux du Moyen Âge. Mais, depuis 1981, 6 pièces identiques datées de Pilate, avec la faute d'orthographe, ont été retrouvées par les archéologues. La seconde pièce est également un lepton mais sans faute d'orthographe, datée de 29 (seizième année du règne de Tibère) (*2).

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Lepton romain contemporain de Ponce Pilate,
portant clairement KAICA.

L'homme du Suaire a été enterré comme un juif du premier siècle en terre occupée par les romains.
L'analyse du Suaire permet de conclure que des fonctionnaires romains ont dû accompagner l'enterrement du Christ.

En effet, des traces d'écritures archaïques en latin entourent la tête de l'homme du Suaire. Depuis l'empereur Tibère, la loi faisait l'obligation d'inscrire le motif de la condamnation près du corps. Il semble bien qu'un romain ait écrit en lettres rouges ou noires le motif de la condamnation sur un papyrus avant de le poser du coté gauche du visage du cadavre. On lit « INNECE … », seules lettres visibles du « IN NECEm ibis » en latin qui correspondait à la condamnation à la mort par crucifixion. On peut le traduire par : « À la croix, tu iras » (*3).
Un scribe juif maîtrisant mal le grec a également écrit sous le cou, « pezω »  signifiant « j'atteste » (*3).  Sous le menton, on lit le mot ΙΗΣOYΣ,  Jésus en grec*. À droite du visage, toujours en grec, le mot NNAZAPENNOΣ, (Nazôréen) semble reconnu*. Cette façon d'écrire NNAZAPENNOΣ est typique d'un hébraïsant qui parle mal grec. Selon l'interprétation de la paléographe Barbara Frale, le Double N du début sert à rendre la nasale sémitique. Elle remarque que le terme de « Nazaréen » a cessé d'être employé après l'empereur Constantin. Il était considéré comme blasphématoire : seules les épithètes affirmant la divinité du Christ ayant été jugées dignes de le désigner. Personne au Moyen Âge ne parlait plus du Christ en le nommant « Nazaréen ».

Les analyses pluridisciplinaires des écritures du Suaire sont formelles : le mélange de caractères onciaux et de capitales carrées est typique des premiers siècles. Ces écritures ont été soumises à l’appréciation d'épigraphistes qui en ignoraient l'origine pour qu'ils les datent avec la plus grande objectivité possible. Ils ont déterminé qu'elles dataient du début du premier siècle. Ainsi, le spécialiste Mario Capasso a évalué la graphie des lettres du Suaire à une fourchette entre 50 avant JC et 50 après. Leur graphisme archaïque est de toute façon antérieur au IVe siècle. Certains pensent néanmoins que les lettres du Suaire n'existent pas. Le fait de les voir serait alors une illusion d’optique. En effet, notre cerveau est programmé pour reconnaître des objets dans des formes qui n'ont pas forcement de sens. On appelle cette capacité cognitive la paréidolie. Cependant, au fur à mesure que les moyens de recherche se perfectionnent, la réalité de ces mots se confirme. Des moyens qui font abstraction des capacités visuelles humaines, (numérisation, traitement informatique des résultats) montrent la réalité de ces lettres inscrites sur le Suaire. On ne sait toujours pas comment ces lettres ont été imprimées dans le tissu, mais leur présence est avérée. Ce sont probablement les mots inscrits sur des papyrus placés autour du visage du mort qui se sont mystérieusement imprimés sur le Suaire. En effet, les mots ne sont écrits ni à l'encre ni à la peinture.

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Lettres mises en évidence sur le Suaire par l'Institut d'optique d'Orsay en 1994.

Le linge qui avait dissimulé la tête à la descente de la croix - le Suaire d'Oviedo - est mis dans un coin du tombeau pour que tout le sang du condamné soit au même endroit. Cela est conforme à la coutume juive qui attribue au sang une valeur sacrée.

En fin d'après midi, l'éclipse de lune se termine. Vers 19 h, la mise au tombeau est terminée.
Le Corps du Christ n'a pas été lavé, en fidélité à la loi juive sur l'enterrement des condamnés, mais ses disciples ont réservé au Christ des funérailles dignes de lui. Quelques bouquets de fleurs sont posés sur le Suaire, leur ombre et leur pollen en témoignent sur le Suaire. L'enterrement est définitif et les lois sur la pureté rituelle interdisent que quiconque ouvre désormais le tombeau. Chez les juifs de Judée, au bout d'une année, les tombeaux étaient ouverts pour que les os soient réunis dans un ossuaire. Le tombeau pouvait alors être réutilisé pour un autre mort. Ce n'est qu'entre -30 et 70 après Jésus-Christ, que les juifs ont pratiqué ce type d'enterrement en deux temps. Avant de longs mois, personne ne doit plus ouvrir le tombeau du Christ.

La pierre est roulée devant l'entrée du tombeau. Plusieurs hommes ont été nécessaires pour la rouler. Les disciples et les apôtres se sont éparpillés. Certains, dont Pierre, ont dû trouver refuge chez Jean, auprès de Marie. Tout est terminé, le rêve messianique a pris fin de la plus cruelle des façons.

Samedi 4 avril 33, le 15 de Nissan, les grands prêtres sont néanmoins inquiets. Le Christ n'a-t-il pas dit qu'il ressusciterait le troisième jour ? « Détruisez ce Temple et dans trois jours je le relèverai » (Jean 2, 19). La loi juive veut que l'on garde un tombeau de condamné pendant 24 heures (*4). Les prêtres veulent être protégés contre une m anipulation des disciples du Christ qui pourrait survenir au delà de ce délai. Ils vont voir Pilate pour lui demander de prolonger la garde, et ils l'obtiennent. Les grands prêtres font sceller la pierre et installent leurs gardes devant (Matthieu 27, 62-66).

C'est donc aux grands prêtres que les soldats de garde iront rendre compte …

* : Jésus, *1 : p. 417 / *2 : p. 425 / *3 : p 421- 423 / *4 : 426-428 ; Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2011.
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MessageSujet: Re: HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES.   HISTOIRE ILLUSTRÉE DES MONOTHÉISMES. EmptyDim 06 Avr 2014, 05:46

9 : LES DÉBUTS DE L'ÈRE CHRÉTIENNE.
De l'an 33 à l'an 130.


9. 1. Le dimanche 5 avril 33, le jour se lève, Marie-Madeleine constate que la pierre a roulé : le Tombeau est ouvert.
9. 2. Traces non chrétiennes de la Résurrection, écrits juifs, musulmans et romains.
9. 3. Le Christ ressuscité apparaît à Marie Madeleine.
9. 4. « Pourquoi chercher parmi les morts Celui qui est vivant ? » (Luc 24, 5).
9. 5. La Résurrection du Christ le révèle en plénitude : vrai homme et vrai Dieu ; le seul Prêtre, Prophète et Roi.
9. 6. Le Christ pardonne à Pierre et le confirme dans sa vocation de pasteur universel : péché et miséricorde ; doute et liberté.
9. 7. L’Ascension du 14 mai 33 : le Christ monte aux cieux.
9. 8. Un autre monothéisme : « L’Église de Jésus Christ des Saints des derniers jours » : les Mormons.

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9. 9. Les Actes des Apôtres sont écrits par l’Évangéliste Luc.
9. 10 . La Pentecôte, le 24 mai 33.
9. 11 . L’histoire du Peuple Élu trouve son accomplissement dans le don de l'Esprit Saint.
9. 12 . Qu'est devenue Marie ?
9. 13. Pierre accueille les nouveaux convertis juifs et païens, les sacrements.
9. 14 . Le christianisme n'appelle pas à la révolution : soumission fraternelle, égalité et amour mutuel.
9. 15 . Paul, autobiographie.

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9. 16. Paul et les femmes.
9. 17 . Les faux prophètes, les faux docteurs.
9. 18 . Géopolitique et auteurs romains au premier siècle.
9. 19. En 62 débute la mise par écrit des Évangiles.
9. 20. Les synoptiques : Matthieu, Marc et Luc.
9. 21 . En 64, Pierre est enterré à Rome.

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9. 22. L'Évangile selon Saint Jean, le plus historique des Évangiles.
9. 23 . Prédiction ou hasard, les chrétiens fuient Jérusalem en 66, juste avant que le piège romain ne se referme.
9. 24.  En 68, le site de Qumrân est détruit.
9. 25. La destruction du Temple d'Hérode en 70.
9. 26. Yohanan Ben Zakkaï sauve le judaïsme. Naissance du rabbinisme : Thora écrite, Thora orale.
9. 27. Entre -200 et 200, le judaïsme entre persécution et apostolat.
9. 28. Vers 170, Canon de Muratori et apparition du mot Trinité.
9. 29. Le Talmud de Jérusalem et le Talmud de Babylone : la Vérité naît du doute.
9. 30. Comment les juifs, les romains et les païens perçoivent-ils le Christ aux deux premiers siècles.

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