Trafic de drogue : à Marseille

Le plan Castaner contre la drogue, annoncé en grandes pompes à la mi-septembre, n’aura pas effrayé grand monde à Marseille. Dans la cité phocéenne, les trafics vont bon train, au vu et au su de tous. Le Figaro s’est plongé au cœur des quartiers nord de la ville, où la drogue est un business comme un autre. Le quotidien des habitants de la zone, qui recouvre les 13e, 14e, 15e et 16e arrondissements de la ville, est rythmé par ces trafics, qui les empêche parfois de prendre l’escalier de leur immeuble car il est squatté par des « dealers ». Avec une question : la guerre de la drogue est-elle perdue ici ?

« Il n’y a aucun quartier où nous ne rentrons pas. La question n’est pas d’éradiquer le trafic. Tant que le demande existera, il y aura de la drogue en circulation, mais il s’agit d’inverser le rapport de force », confie Sylvain, un policier de terrain au Figaro, qui estime que les « choufs », les guetteurs, « craignent » la police « car ils savent qu’on reviendra les voir et qu’on ne les lâchera plus », s’ils se font caillasser. Même pour ces « petites mains », le business est lucratif. En un mois, ils peuvent gagner entre 2 000 et 3 000 euros juste en faisant le guet. Pour Sylvain, le principal problème vient de l’impuissance judiciaire. « Les petits dealers que nous arrêtons, nous les retrouvons quelques temps plus tard ailleurs, ils sont relâchés parce qu’ils sont mineurs », déplore-t-il. A Castellane, cité du nord de l’Estaque où vivent 5 000 personnes, le chiffre d’affaires s’élève à plus de 80 000 euros par jour, parfois 100 000. Mais ici comme dans les autres quartiers, le trafic a changé de propriétaire. « Aujourd’hui, comme chacun sait, ce sont les Maghrébins qui dominent le trafic », explique Armand, qui a fait plus de 15 ans de prison et connaît parfaitement le business. « Les Corses sont encore puissants dans le domaine des machines à sous et des jeux, mais sur le plan de la drogue ils sont sur le déclin », poursuit-il.

Une proximité avec les djihadistes ?
Et ce n’est pas le plan Castaner qui va calmer les caïds. Le ministre de l’Intérieur a en effet prévu de mettre un numéro de téléphone à la disposition des habitants des quartiers pour appeler la police quand un point de vente se constitue. Pour Omar, recherché par la police et membre d’un des clans qui dominent le trafic à Marseille, « cette mesure est un non-sens ». « Jamais les jeunes du quartier n’appelleront la police. Le premier qui parle, il est mort », déclare-t-il au Figaro. Et l’homme de poursuivre, pour expliquer les raisons de son investissement dans le trafic de drogue : « Quelque part, nous nous substituons à l’Etat. Nous investissons dans le tissu économique et achetons des sociétés de services. Nous avons créé une contre-société ». Le caïd explique aussi « qu’il y a des liens et des ponts entre les barbus des cités et [eux] ». « Comme eux, nous sommes dans le djihad. Ils ne consomment évidemment pas de drogue, moi non plus je n’en prends pas, mais nous faisons vivre notre communauté. C’est nous qui avons libéré Marseille en 1944, pourquoi n’aurions-nous pas le droit de manger ?