" La réserve observée par Aung San Suu Kyi, qui incarna longtemps la résistance à la junte militaire et reçut le prix Nobel de la paix en 1991, suscite de plus en plus d’interrogations. Elle n’a pu être associée au pouvoir en avril 2016 qu’en acceptant de le partager avec l’armée. Les militaires possèdent 25 % des sièges au Parlement national et sont à la tête de trois ministères clés : l’intérieur, la défense et la frontière.
« Si on ne soutient pas Aung San Suu Kyi, alors quelle est l’alternative ? Le retour des militaires », estime David Camroux, historien, maître de conférences au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) de Sciences-Po Paris. « La communauté internationale est coincée, elle a le choix entre la peste et le choléra », poursuit-il. La faiblesse interne du pouvoir d’Aung San Suu Kyi devient sa force dans la communauté internationale, car elle sait bien que l’Occident n’a pas d’alternative.
Au niveau régional, la Birmanie est soutenue par l’Asean, l’association des nations de l’Asie du Sud-Est, à l’exception de la Malaisie et de l’Indonésie, deux pays musulmans. La Birmanie peut aussi compter sur l’appui de la Chine, ou encore sur la bienveillance de l’Inde « avec Narendra Modi qui applique dans l’État d’Assam une politique un peu similaire », poursuit David Camroux. La Chine et la Russie, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, ont déposé leur veto à la demande de renvoi du cas de la Birmanie devant la Cour pénale internationale.
Les Rohingyas ont eux toutes les peines à se faire entendre. Thomas Ribémont, président d’Action contre la faim, déplore que « les représentants rohingyas ne soient pas associés aux discussions. Comme s’ils étaient les impensés de ces négociations ».
Audrey Parmentier, dans le journal "La Croix"