Si nous étions tous « Charlie », serions-nous tous « chrétiens d’Orient » ?
Le centre communautaire Les Frênes à Warnach organisait vendredi 19 juin son 20e souper libanais. Beaucoup de monde a répondu au rendez-vous, au profit de la communauté religieuse de Jabboulé au Liban.
Jabboulé, petite enclave chrétienne située dans le nord de la plaine de la Bekaa, est à une vingtaine de kilomètres de la frontière syrienne et à 15 km du village libanais d’Ersal envahi l’an dernier par l’Etat Islamique; l’armée libanaise tout comme les miliciens du Hezbollah ont pris position à moins d’un km à l’arrière du couvent; c’est dire que la communauté des religieuses et les enfants qu’elles accueillent à l’école ou à l’orphelinat vivent dans une situation d’extrême tension. Sœur Jocelyne, venue directement du Liban, était présente et a pu donner des nouvelles «en direct» de l’évolution de la situation au Liban et de la vie des enfants et des sœurs de Jabboulé.
Soeur Jocelyne de JabbouléSœur Jocelyne, avez-vous envisagé de partir?
Nous ne nous sommes jamais posé la question et n’avons pas peur. Nous resterons même s’ils (Daech) viennent jusqu’ici. Qu’importe si nous finissons martyres! Comment dire aux gens de ne pas partir si nous nous en allons? C’est notre mission de montrer que par l’amour on peut vaincre le mal. Notre présence c’est le sel de l’Espérance. Elle permet d’encourager les chrétiens à rester dans cette enclave islamique. Nous vivions avec les habitants de cette région dans le bonheur, pourquoi les quitterions-nous dans le malheur? Les gens de Beyrouth nous appellent «les folles». Ils nous demandent: «vous attendez Daech? Que faites-vous encore là?» Je leur réponds: «Nous sommes là pour éloigner Daech». Son souhait est de mettre la peur dans le cœur des gens. Nous ne voulons pas leur donner ce bonheur. Nous sommes chrétiens, nous croyons que la résurrection viendra; à quoi sert la résurrection si nous abandonnons la croix?
Mais vous êtes exposées?
Nous avons eu des alertes de Daech, comme s’ils avaient pour plan de prendre le couvent. Ils veulent effacer la présence chrétienne dans la région. Pendant un an, la région a essuyé régulièrement des tirs de roquettes et des explosions. Actuellement, la présence de l’armée libanaise et du Hezbollah a éloigné les troupes islamistes à 35 km du couvent.
Dans ce contexte périlleux, comment les sœurs assurent-elles la bonne gestion de l’école et l’accueil des enfants?
Nous essayons de créer malgré tout une ambiance de sécurité. Que les enfants se sentent chez eux, avec beaucoup de respect les uns pour les autres. Dans les écoles libanaises, il y a des problèmes entre sunnites et chiites. Dans notre école, avec une proportion de 90% d’enfants musulmans et de 10% d’enfants chrétiens, nous ne rencontrons aucun problème avec les familles.
Quel fruit attendez-vous de cette épreuve que vous traversez actuellement?
Jabboulé est l’exemple de ce que nous devons vivre ensemble. Une vie en communion dans laquelle chacun respecte l’autre. C’est ce que nous espérons pour l’avenir du Liban. Nous devons accepter la présence de tous, chrétiens et musulmans; si une pièce du puzzle manque, le tableau n’existe plus.
Propos recueillis par Philippe Moline
Le suivi de ce parrainage peut se faire via la page Solidarité du secteur pastoral de la Haute Sûre
Les dons sont bienvenus pour aider les sœurs de Jabboulé, sur le compte BE75-0011-3292-6351 «Œuvres paroissiales» à Honville, 2 – 6637 Fauvillers avec la mention «Jabboulé».
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