Ce n'est qu'à la fin de 2007 que la Commission d'enquête indépendante internationale de l'ONU, abusivement nommée ainsi, a finalement commencé à enquêter sérieusement.
À ce moment-là, près de trois ans s'étaient écoulés depuis le spectaculaire assassinat de l'ancien premier ministre du Liban Rafic Hariri.
Rafic Hariri en septembre 2004
Photo: AFP/Ramzi Haidar
Rafic Hariri en septembre 2004
Hariri le bâtisseur. C'est l'homme d'affaires milliardaire qui a sauvé le patrimoine architectural de Beyrouth détruit par la guerre civile et qui s'était donné pour mission de redorer le blason du Liban sur la scène commerciale internationale.
Hariri le nationaliste. C'est celui qui a eu le courage de tenir tête à la Syrie, qui a longtemps occupé le Liban; celui qui, à son époque, a été le plus grand réformateur du Moyen-Orient.
La violente déflagration qui l'a tué, le 14 février 2005, a suscité des réactions que nul n'aurait pu imaginer. On aurait dit que tous les Libanais se soulevaient, au lendemain du meurtre, pour dénoncer avec colère la tutelle syrienne sur leur pays.
On pouvait avec raison supposer que Hariri était mort parce qu'il s'était opposé à Damas.
Et la colère du Liban a rapidement accompli ce que le leader assassiné n'avait pas réussi à faire de son vivant.
L'assassinat a entraîné ce que l'on a appelé la Révolution du cèdre, un exemple de consensus politique rare au Liban. La Syrie, effrayée par la colère collective, a retiré ses troupes.
Aux Nations unies, la France et les États-Unis ont poussé le Conseil de sécurité à dépêcher une commission d'enquête spéciale.
Pendant quelque temps, on a même cru que le Liban allait devenir un État de droit et une véritable démocratie.
Mais à la fin de 2007, tous ces espoirs s'étaient effondrés. Les assassins n'avaient toujours pas été arrêtés. La Syrie avait peu à peu réaffirmé son influence. Et les assassinats d'autres personnalités libanaises continuaient.
À la Maison-Blanche, les hauts responsables de l'administration américaine commençaient à se dire que les fameux « géants aux pieds d'argile » de l'ONU n'arriveraient à rien.
Il s'est avéré qu'ils avaient bien raison.
Une enquête menée pendant des mois par CBC, fondée sur des entrevues avec de multiples sources internes de la commission d'enquête de l'ONU et sur un certain nombre de documents appartenant à la commission, a mis en lumière des exemples de manque d'audace, d'inertie bureaucratique et d'incompétence à la limite de la négligence grave.
CBC News a, entre autres, appris que :
* Les preuves recueillies par la police libanaise et, bien plus tard, par l'ONU, indiquent de façon accablante que les assassins faisaient partie du Hezbollah, le Parti de Dieu, largement commandité par la Syrie et l'Iran. CBC News a obtenu des éléments de preuve qui sont au coeur du litige, fondés sur des registres d'appels de téléphones cellulaires et sur d'autres données de télécommunication.
* Les enquêteurs de l'ONU ont fini par comprendre que leur enquête avait été infiltrée dès le début par le Hezbollah et que le relâchement de la sécurité dans la commission avait vraisemblablement entraîné l'assassinat d'un jeune policier libanais dévoué, qui avait en grande partie élucidé l'affaire à lui tout seul et qui coopérait avec l'enquête internationale.
* Les membres de la commission de l'ONU soupçonnaient également le propre chef du protocole de Hariri de l'époque, aujourd'hui à la tête des services de renseignement libanais, de collusion avec le Hezbollah. Mais ces soupçons, décrits en détail dans une longue note de service interne, n'ont pas eu de suite, essentiellement pour des raisons diplomatiques.
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